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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 28 octobre 2021, n° 19/05101

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pavilons Jubault (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rauline

Conseillers :

Mme Delapierregrosse, Mme Malardel

T. com. Rennes, du 18 juill. 2019

18 juillet 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Pavillons Jubault est constructeur de maisons individuelles. Courant 2017, elle a confié huit chantiers à la société A. Constructions, sous-traitante chargée de réaliser les travaux de gros-œuvre.

Par un courrier du 30 juin 2017, la société H. International a notifié à la société A. Constructions que la garantie de paiement du sous-traitant, à effet du 1er juillet 2017, ne lui était plus acquise pour les factures émises et non réglées postérieurement.

La société A. Constructions a néanmoins poursuivi les chantiers.

Par un courrier du 27 novembre 2017, la société Pavillons Jubault a mis en demeure son sous-traitant d'avoir à terminer sous dix jours les travaux suspendus et de reprendre les malfaçons constatées par un expert amiable.

Préalablement à toute intervention, la société A. Constructions a demandé que lui soit communiquée la garantie de paiement prévue à l'article L231-13 du code de la construction et de l'habitation, en vain.

Le 8 décembre 2017, la société Pavillons Jubault a notifié par voie d'huissier la résiliation des contrats de sous-traitance aux torts exclusifs de la société A. Constructions, la mettant en demeure d'avoir à payer les sommes de :

- 50 600 euros HT au titre des pénalités de retard ;

- 29 624,03 euros au titre des travaux de reprise.

Par courrier du 19 janvier 2018, elle a mis en demeure la société A. Constructions de payer la somme de 46 148,21 euros correspondant aux montant de la valorisation des travaux de reprises et des pénalités de retard desquelles étaient déduites le montant des factures de la société A. Constructions restées impayées.

Par courrier du 23 janvier 2018, cette dernière a refusé de satisfaire aux demandes de la société Pavillons Jubault et lui a indiqué entendre solliciter la nullité des contrats.

Par acte d'huissier du 12 février 2018, la société A. Constructions a fait assigner la société Pavillons Jubault devant le tribunal de commerce de Rennes à cette fin.

Par jugement du 18 juillet 2019, le tribunal de commerce de Rennes a :

- déclaré irrecevable la demande formée in limine litis par la société Pavillons Jubault ;

- prononcé la nullité des huit contrats de sous-traitance ;

- débouté la société A. Constructions de sa demande en paiement de la somme de 7 335,47 euros au titre des matériels et matériaux laissés sur les chantiers ;

- débouté la société A. Constructions de sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 80 000 euros au titre du préjudice subi ;

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire formulée par la société A. Constructions ;

- désigné M. Denis F. en qualité d'expert judiciaire ;

- dit que la mission de l'expert portera exclusivement sur l'évaluation des restitutions consécutives à l'annulation des huit contrats de sous-traitance correspondant aux chantiers : Bourcart, Martin, Dhellin, Thipthiphakone, Sturm, Langlet, Joulaud-Gourdel, Larcher ;

- sursis à statuer sur le montant des indemnités correspondant au paiement de la contre-valeur des prestations réalisées dans l'attente du rapport de l'expert, et des dommages-intérêts pour préjudice ;

- condamné la société Pavillons Jubault à payer à la société A. Constructions la somme de 18 091,19 euros impliquant la déconsignation des sommes placées en CARPA au profit exclusif de la société Pavillons Jubault ;

- condamné la société Pavillons aux entiers dépens ;

- débouté les sociétés A. Constructions et Pavillons Jubault de leurs autres demandes, fins et conclusions, hors les demandes dont le quantum dépendra du résultat de l'expertise.

La société Pavillons Jubault a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions du 24 mai 2021, la société Pavillons Jubault au visa des articles 446-1 et suivants du code de procédure civile, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société A. Constructions de sa demande en paiement de la somme de 7 335,47 euros au titre des matériels et matériaux laissés sur les chantiers et de sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 80 000 euros au titre du préjudice subi ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Y ajoutant

- condamner la société A. Constructions à verser à la société Pavillons Jubault la somme de 68 691,19 euros HT au titre des travaux de reprises et pénalités de retard pour exécution fautive des ouvrages, déduction faite des sommes actuellement consignées en compte CARPA séquestre à hauteur de 18 091,19 euros au profit de la société Pavillons Jubault ;

À titre infiniment subsidiaire,

- confirmer la nomination de M. F. comme expert judiciaire qui aurait notamment comme mission de donner son avis sur les sommes réellement déboursées par A. Constructions sur les chantiers qui auraient été annulés et donner également son avis sur les demandes indemnitaires du pavillonneur, tant au titre des travaux de reprise réglés qu'au titre des pénalités de retard sollicitées ;

En tout état de cause,

- débouter la société A. Constructions, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société A. Constructions à verser à la société Pavillons Jubault 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 09 juin 2021, la société A. Constructions au visa des articles L231-13 et R231-12 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 et notamment son article 14, demande à la cour de :

Sur la nullité des contrats de sous-traitance :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des huit contrats de sous-traitance ;

Sur les demandes de la société A. Constructions,

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 7 335,47 euros au titre des matériels et matériaux laissés sur les chantiers et de sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 80 000 euros au titre du préjudice subi ; fait droit à sa demande d'expertise judiciaire et sursis à statuer dans cette attente sur les demandes indemnitaires de la société A. Constructions ; condamné la société Pavillons Jubault à lui payer la somme de 18 091,19 euros impliquant la déconsignation des sommes [...] au profit exclusif de la société Pavillons Jubault ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Pavillons Jubault à lui verser la somme de 349 838,96 euros HT correspondant à la valeur réelle des travaux exécutés (déduction faite des factures émises) au titre de son préjudice, outre intérêts de droit à compter de la date de l'assignation ;

- condamner la société Pavillons Jubault à lui verser la somme de 19 908,27 euros HT au titre des factures émises mais non réglées par la société Pavillons Jubault, outre intérêts de droit à compter de la date de l'assignation ;

- condamner la société Pavillons Jubault au paiement de la somme de 7 335,47 euros au titre des matériels et matériaux restés sur les chantiers ;

- condamner la société Pavillons Jubault au paiement de la somme de 80 000 euros au titre du préjudice subi par la société A. Constructions ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a désigné M. F. en qualité d'expert judiciaire avec la même mission que celle prévue dans le dispositif dudit jugement et sursis à statuer sur le montant des indemnités correspondant au paiement de la contre-valeur des prestations réalisées dans l'attente du rapport de l'expert, et des dommages et intérêts pour préjudice ;

Sur les demandes de la société Pavillons Jubault,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Pavillons Jubault de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société A. Constructions ;

- le réformer en ce qu'il a débouté la société A. Constructions de sa demande de condamnation de la société Pavillons Jubault à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Pavillons Jubault à verser à la société A. Constructions la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y additant,

- condamner la société Pavillons Jubault à verser à la société A. Constructions la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure outre la prise en charge des entiers dépens d'appel ;

- confirmer la décision dont appel pour le surplus.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.

L'instruction a été clôturée le 10 juin 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que la société Jubault invoque dans la partie discussion de ses dernières écritures le non-respect du principe de l'oralité des débats par le tribunal de commerce et sollicite l'annulation du jugement du 18 juillet 2019. Cette demande n'est toutefois pas reprise au dispositif de ses conclusions et n'a donc pas à être examinée par la cour, laquelle, en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Sur la nullité des contrats

La société Pavillons Jubault demande l'infirmation du jugement sur ce point. Elle soutient que le premier juge ne pouvait annuler sept des huit contrats de sous-traitance sur le fondement de l'article L 230-13 du code de la construction et de l'habitation, au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un contrat écrit avant le commencement d'exécution des travaux. Elle fait observer que pour chacun des huit chantiers, les devis adressés par la société A. Constructions ont fait l'objet d'un retour dans les trois mois de leur validité de sa part et estime que dans ces conditions il ne peut lui être reproché une absence de signature des marchés avant le commencement des travaux, ce d'autant que la société ne renvoyait pas les marchés signés et que les transmissions par mails dont se prévaut l'intimé constituent en fait des relances.

S'agissant du moyen tiré de l'absence de garantie de paiement, elle relève que la société caution H. International a brusquement mis fin à la garantie accordée au sous-traitant à compter du 1er juillet 2017, de sorte qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de trouver un autre garant ce qui a été fait à compter du 1er novembre 2017 ayant obtenu la garantie de la société Euler Hermes. Elle soutient cependant que les chantiers Bourcart, Dhellin, Thipthiphakone et Sturm ont tous été déclarés ouverts avant le 30 juin 2017, alors que la garantie était accordée et s'en rapporte pour les autres chantiers.

La société A. Constructions demande la confirmation du jugement. Se fondant sur l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation, disposition d'ordre public, protectrice du sous-traitant, qui impose que le contrat écrit soit conclu avant le commencement des travaux à la charge du sous-traitant, elle relève qu'en l'espèce, les travaux ont commencé avant la signature des contrats, qui ont été antidatés, comme le montrent leur date de transmission par mails des contrats, qui ne sont pas des courriels de relance et la mention par l'appelante de la date de retour sur certains devis. Elle fait observer que les devis étaient modifiés par la société Pavillons Jubault et que la dépendance financière dans laquelle elle se trouvait à son égard l'a contrainte à accepter ces pratiques.

S'agissant de la garantie de paiement, elle soutient que la cessation de la garantie est intervenue à la demande du cautionné, la société appelante, comme le précise le courrier du 30 juin 2017, que jusqu'en novembre 2017, la société Jubault ne bénéficiait plus d'aucune garantie de paiement des sous-traitants, ce qui est contraire aux exigences du texte.

L'intimée ajoute que les contrats contenaient d'autres non-conformités notamment l'absence de mention de délai d'exécution des travaux et de montant de pénalités de retard et que l'envoi de plannings avec les contrats étaient sans intérêt puisque les travaux étaient alors déjà exécutés.

Par application de l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation, le constructeur est tenu de conclure par écrit les contrats de sous-traitance avant tout commencement d'exécution des travaux à la charge du sous-traitant. Ces contrats doivent en outre comporter certaines énonciations et notamment la justification de l'une ou de l'autre des garanties de paiement prévues par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, délivrée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d'assurance, de nature à garantir le paiement des sommes dues au titre du sous-traité.

Ces dispositions, destinées à protéger le sous-traitant, sont d'ordre public en application de l'article L 230-1 du même code et leur méconnaissance entraîne la nullité du contrat.

Il s'en déduit que, contrairement à ce que soutient l'appelante, le renvoi au sous-traitant de ses devis acceptés par le constructeur ne répond pas aux exigences de l'article L 231-13 puisque les mentions obligatoires prévues n'y figurent pas et ne peut donc caractériser la régularisation du contrat avant le commencement des travaux.

En l'espèce, les contrats de sous-traitance relatifs aux chantiers Dhellin, Thipthipakone, Sturm, Larcher, Joulaud, Martin et Langlet produits aux débats, y compris ceux produits par l'appelante, ne sont pas signés par la société A. Constructions. Seul le contrat relatif au chantier Bourcart daté du 29 juin 2017 est signé des deux parties.

La comparaison des dates portées sur ces sept premiers contrats avec celles des devis établis par la société A. Constructions les concernant et des mails d'envoi des contrats à la société A. Constructions par la société Pavillons Jubault démontrent que les contrats n'ont pas été transmis pour signature à la date qu'ils portent. En témoignent également les mentions manuscrites de retour des devis par le constructeur en septembre 2017 s'agissant des chantiers Larchet, Joulaud et Langlet. La société Pavillons Jubault fait valoir que les mails produits en pièce 14 par la société A. Constructions, accompagnés en pièce jointe des contrats, constituent en fait des relances du sous-traitant tardant à les signer. Or, outre que le contenu des messages adressés ne fait état d'aucun rappel sur ce point, force est de constater que la société Pavillons Jubault ne rapporte pas la preuve de l'envoi des contrats pour signature avant ces mails qui datent tous des 15, 16 et 22 septembre 2017.

La cour observe de plus que le contrat relatif au chantier Dhellin établi par l'appelante est daté du 24 mai 2017 pour un montant de 31 340,93 euros HT, alors que le devis du sous-traitant corrigé par le constructeur pour parvenir au montant porté au marché est daté du 6 juin 2017 et que le contrat a été transmis par mail au sous-traitant le 22 septembre suivant pour signature, chronologie sur laquelle la société ne s'explique pas et qui concerne également le chantier Thipthipakone.

Par ailleurs, les factures produites aux débats pour ces sept chantiers, qui ne font l'objet d'aucune contestation de la part de l'appelante, démontrent que les travaux étaient commencés avant que les contrats ne soient adressés au sous-traitant pour signature. En effet, pour les chantiers Dhellin, Thipthipakone, Sturm transmis le 22 septembre 2017, la facturation des travaux a commencé le 31 mai 2017 ; pour le chantier Joulaud, le contrat a été transmis le 16 septembre 2017 et la facturation a débuté le 31 juillet 2017; pour le chantier Martin transmis le 15 septembre 2017, elle a débuté le 31 juillet et pour le chantier Larcher transmis le 16 septembre, la facturation a débuté le 31 août 2017. De plus, aux dates de transmission des contrats pour signature, la société Pavillons Jubault ne disposait d'aucune garantie de paiement, celle accordée par la société H. International ayant pris fin à compter du 1er juillet 2017 à la demande de la société Jubault, cautionnée, comme le mentionne la société V. et non à l'initiative de la caution comme le soutient l'appelante sans le démontrer.

S'agissant du chantier Bourcart, il apparaît que le contrat a été signé par les deux parties le 29 juin 2017. Toutefois, les factures qui s'y rapportent démontrent que les fondations, les élévations en sous-bassement ont été facturées le 28 février 2017, ce qui est cohérent avec la date de la DROC du 8 février 2017, et qu'à la date de la signature du contrat de sous-traitance, les travaux de gros œuvre étaient en grande partie réalisés.

Il s'en déduit que ces huit contrats méconnaissent les dispositions de l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation de sorte que leur annulation par le tribunal est justifiée. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la nullité des contrats

La société appelante soutient que la société A. Constructions ne peut revendiquer une somme de 588 441,44 euros HT, qui représente le double des devis émis pour les huit chantiers dans le cadre des contrats de sous-traitance. Elle estime que l'intimée ne peut obtenir que la restitution des sommes qu'elle a réellement déboursées et soutient que les conclusions du cabinet Urban Ingenierie ne peuvent être retenues, ce d'autant qu'il a été jugé par la cour d'appel de Paris le 3 février 2021 que la société A. Constructions avait abandonné le chantier, que ses ouvrages étaient viciés, ce qui justifiait la résiliation des contrats et ne permettait pas de caractériser une rupture brutale des relations commerciales existant entre les parties.

La société A. Constructions soutient qu'elle est fondée à obtenir le paiement de la contre-valeur des prestations qu'elle a réalisées sans égard pour les valeurs prévues dans les contrats.

Elle estime que cette contre-valeur est suffisamment établie par l'analyse du cabinet Urban Ingenierie qui évalue les travaux à 588 441,44 euros HT dont doivent être déduites les factures réglées par le constructeur, ce qui représente une somme de 349 838,96 euros HT.

L'annulation des huit contrats a un effet rétroactif et les parties doivent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient antérieurement à leur conclusion.

En l'espèce, les constats d'huissier versés aux débats démontrent que les travaux sur les chantiers étaient parvenus à des stades d'exécution différents, donnant lieu à l'émission de factures réglées par la société appelante. La société Pavillons Jubault a droit à la restitution du montant des factures acquittées tandis que la société A. Constructions peut prétendre à une indemnisation égale au coût réel des travaux qu'elle a exécutés, indépendamment de la valeur des ouvrages prévue dans les contrats. Ce coût réel des travaux implique de prendre en compte le coût moyen habituel de la prestation réalisée (dépenses et coût de main d'œuvre) mais également les spécificités éventuelles des chantiers, les coûts de fonctionnement de l'entreprise et les charges fixes, sans toutefois que la créance puisse être déterminée par référence aux dépenses réelles telles que ressortissant de la seule comptabilité analytique du sous-traitant. En outre, à ce stade ne doivent pas être évoqués les possibles défauts d'exécution affectant les travaux. La société appelante ne peut se prévaloir des manquements de la société sous-traitante qui ont conduit une autre cour, saisie d'une instance concernant un contentieux distinct relatif au caractère brutal de la rupture des relations, à rejeter la demande de la société A. Constructions.

La société intimée présente sa demande sur la base d'une étude réalisée par la société Urban Ingénierie qui a procédé à un chiffrage des constructions réalisées à partir des métrés résultant des plans qui lui avaient été transmis en leur appliquant les prix unitaires au titre de l'année 2017 contenus dans le référentiel Batiprix, lequel est produit aux débats. Cette analyse n'a pas été établie contradictoirement et est contestée par la société intimée, laquelle ne peut toutefois invoquer une acceptation par le sous-traitant du montant des prestations prévues dans les contrats, inférieures aux évaluations du cabinet Urban puisque la valeur des travaux déterminés par les contrats annulés ne peut être prise en compte.

Par ailleurs, cette étude, qui renseigne sur les coûts de matériaux, ignore les autres paramètres à évaluer pour déterminer le coût réel des travaux exécutés par la société A. Constructions. Dans ces conditions, le jugement qui a ordonné avant dire droit une expertise et désigné M. F., doit être confirmé.

Sur le règlement des factures impayées

La société A. Constructions demande la réformation du jugement et la condamnation de la société Pavillons Jubault au paiement de 19 908,27 euros HT. Elle observe que le montant inférieur accordé par le tribunal n'est pas justifié au regard des pièces produites.

La société Pavillons Jubault fait valoir que la somme de 18 091,19 euros HT, qui représente quatre factures du 28 novembre 2017 se rapportant aux chantiers Dhellin, Langlet, Thipthipakone et Sturm, a été séquestrée en compte CARPA afin de compenser les indemnités auxquelles elle peut prétendre au titre des travaux de reprise, qu'elle accepte la déconsignation à son profit.

Comme l'a justement retenu le tribunal, les factures dont le paiement est demandé sont justifiées à hauteur de 18 091,19 euros HT. Le surplus de la somme réclamée se rapporte, selon le grand livre général définitif du sous-traitant, à des factures établies postérieurement à la résiliation des contrats et qui ne sont pas versées aux débats, après compensation partielle avec un avoir se rapportant à un chantier qui n'est pas concerné par la présente procédure. Le jugement qui a limité la condamnation à la somme de 18 091,19 euros HT doit en conséquence être confirmé, ce qui en implique la déconsignation.

Sur les demandes indemnitaires de la société Pavillons Jubault

Sur la demande au titre des pénalités de retard

La société Pavillons Jubault demande la réformation du jugement et évalue les pénalités de retard applicables à la somme de 50 600 euros.

La société A. Constructions s'oppose à cette demande en contestant l'existence d'un retard, ce d'autant qu'aucun planning n'était établi pour les différents chantiers.

Or, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, dès lors que les contrats sont annulés, les clauses relatives aux pénalités de retard ne peuvent être appliquées, d'autant plus que, comme il a été relevé, les contrats, hormis le contrat relatif au marché Bourcart, ne sont pas signés du sous-traitant de sorte qu'il n'est pas établi qu'il avait accepté ces pénalités. Le jugement qui a rejeté cette demande doit être confirmé.

Sur la demande au titre des travaux de reprise

La société Pavillons Jubault demande la réformation du jugement sur ce point. Elle fait valoir que les défauts d'exécution sont démontrés par les constats et qu'elle a fait intervenir des entreprises tierces pour réaliser les reprises ; ce pour un montant de 35 287,32 euros HT. Elle ajoute qu'en cas d'expertise ce point doit être soumis à l'expert dans le cadre de l'apurement des comptes.

La société intimée demande la confirmation du jugement et estime que les constats invoqués par le constructeur n'ont pas été établis contradictoirement et lui sont inopposables, qu'ils ne constituent pas des éléments probatoires insuffisants, ce d'autant que suite à la résiliation le constructeur n'a pas fait procéder à un constat contradictoire de l'avancement du chantier comme le prévoyaient les contrats. Elle soutient que les factures produites ne permettent pas de déterminer ce qui relève de travaux de reprise.

L'annulation des contrats ne prive pas l'entrepreneur principal de la possibilité d'agir contre le sous-traitant, tenu d'exécuter des travaux exempts de défaut, en réparation des malfaçons affectant les travaux et d'obtenir la déduction du coût des travaux de reprise.

En l'espèce, la société Pavillons Jubault justifie avoir dénoncé au sous-traitant des défauts d'exécution (pièces 10 et 12 de l'appelante) et sollicité de la société A. Constructions la reprise des malfaçons constatés sur les chantiers.

Par ailleurs, elle verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 6 décembre 2017 par Maître T. qui décrit divers défauts d'exécution sur les chantiers Larcher, Martin, Joulaud, Langlet, Sturm, Thipthipakone et Dhellin.

Si le constat du 6 décembre 2017 n'a pas été dressé contradictoirement, il demeure qu'il émane d'un officier ministériel dont les constatations valent jusqu'à preuve contraire et que, rapproché des autres pièces produites et notamment des constatations de M. D. exprimées dans ses mails des 23 et 24 novembre 2017, il établit l'existence de malfaçons sur les différents chantiers dont les reprises ont dû être effectuées par l'entrepreneur général afin de permettre la poursuite des constructions. A cet égard, sont produites aux débats des factures d'entreprises intervenues pour achever les travaux, dont le contenu renvoie à des désordres relevés sur les chantiers. Cette situation justifie que la détermination exacte de leur coût soit également soumise à l'avis de l'expert. Le jugement est réformé en ce sens.

Sur les demandes indemnitaires de la société A. Constructions

Sur le coût des matériels et matériaux entreposés sur les chantiers

La société A. Constructions forme appel incident sur ce point et demande la réformation du jugement qui a rejeté sa demande d'indemnisation. Elle soutient que suite à la résiliation des contrats en décembre 2017, elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'accéder aux chantiers et qu'elle n'a pu récupérer les matériels et matériaux qui s'y trouvaient qui n'ont pas été abandonnés.

La société Pavillons Jubault demande la confirmation du jugement et relève qu'un délai avait été accordé au sous-traitant pour enlever les matériaux et qu'il lui appartenait de s'organiser pour respecter l'échéance.

Outre que l'indemnisation revendiquée résulte uniquement d'un chiffrage opéré par la société A. sans éléments le corroborant, la société Pavillons Jubault justifie avoir dans le courrier de notification de la résiliation des marchés du 8 décembre 2017, expressément demandé à la société appelante de récupérer les matériels et matériaux présents sur les chantiers au plus tard le 12 décembre suivant, qu'à défaut ils seraient évacués des chantiers. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'elle prétend, la société A. Constructions n'était pas privée d'un accès aux différents chantiers à compter de la résiliation des marchés et disposait d'un délai suffisant pour organiser la reprise de ces matériels et matériaux. Il convient d'observer qu'elle n'a pas fait état auprès du constructeur d'un délai insuffisant pour récupérer son matériel et les matériaux restant sur les chantiers. En conséquence, son préjudice n'est pas caractérisé et sa demande doit être rejetée, le jugement étant confirmé.

Sur l'indemnisation de l'impossibilité de mener à terme les chantiers

La société A. Constructions demande la réformation du jugement et soutient qu'elle subit un manque à gagner en raison des fautes commises par la société Pavillons Jubault et des inconvénients de procédure qu'elle a dû supporter. Elle estime que ce préjudice correspond aux travaux non exécutés pour lesquels elle aurait pu recevoir une rémunération en l'absence de nullité du contrat et l'évalue à 10 000 euros par chantier.

La société intimée demande la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande et observe que le sous-traitant est incapable de justifier de la réalité de son préjudice, qui en fait est la conséquence de l'abandon des chantiers par le sous-traitant.

La société appelante invoque un manque à gagner fonder sur l'impossibilité d'achever les travaux sur les huit chantiers. Cette impossibilité résulte en fait de la résiliation des marchés intervenue le 8 décembre 2017, à la suite de plusieurs mises en demeure de reprendre des malfaçons sur différents chantiers et de poursuivre les travaux, l'absence de l'entreprise sur les chantiers étant démontrée par le procès-verbal du constat du 6 décembre 2017.

Par ailleurs, la société ne produit aucune pièce relative à son volume d'activité dans les mois qui ont suivi la résiliation des marchés. En outre, les pièces produites démontrent que les chantiers étaient à des stades différents d'exécution des travaux de gros œuvre, ce qui exclut que le bénéfice tiré des travaux restant à réaliser puisse être identique.

Dans ces conditions, le préjudice allégué n'est pas caractérisé et le jugement qui a rejeté cette demande doit être confirmé.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance sont réformées. Compte tenu de l'expertise, ces dépens seront réservés.

Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles engagés devant la cour. Les demandes à ce titre seront rejetées.

Succombant sur l'essentiel de ses prétentions, la société Pavillons Jubault sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Pavillons Jubault de sa demande au titre des travaux de reprise et statué sur les dépens de première instance,

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que la mission de l'expert sera complétée au titre de l'évaluation des travaux de reprise comme suit :

- dire si les travaux réalisés étaient affectés de malfaçons ou de défauts d'exécution, dans l'affirmative les décrire,

- décrire les travaux de reprise nécessaires pour remédier aux désordres, indiquer s'ils ont été exécutés par des entreprises tierces aux frais de la société Pavillons Jubault,

RAPPELLE que le rapport d'expertise sera déposé au tribunal de commerce de Rennes,

DIT que les dépens de première instance seront réservés,

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

CONDAMNE la société Pavillons Jubault aux dépens d'appel.