Cass. crim., 23 février 1999, n° 98-82.437
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Grapinet
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocat :
SCP Nicolay et de Lanouvelle
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 8, 9, 10, 24 et 25 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, 121-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, 427,485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André A... coupable d'élimination irrégulière de déchets nuisibles et, en répression, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende ;
"aux motifs que la prévention se situe, selon l'ordonnance de renvoi, à Contes et à Drap, entre octobre 1991 et le 14 janvier 1992 ; qu'André A..., bien que licencié le 14 octobre 1991 de ses fonctions de directeur du site de Contes, a effectué son préavis qui s'est terminé à la fin décembre 1991 ; que Jean lmbert, président-directeur général, a confirmé que son directeur avait assuré réellement ses fonctions jusqu'à la fin décembre 1991, étant en congés payés jusqu'au 16 janvier 1992 ; que le prévenu était donc présent sur le site de Contes lors de la commission de l'infraction dont les conséquences ont été constatées par les services de police aux dépôts de Drap et du quartier de Pilon de Contes, appartenant à Raoul B..., chef d'entreprise, et ce en janvier 1992 ; qu'en effet, sur un entrepôt de Drap, une grande quantité de produits chimiques contenus dans des fûts métalliques en état de corrosion avancée et dans des conteneurs sur lesquels figuraient les mentions "toxique dangereux corrosif" et même enfouis sous des monceaux de terre d'où ils émergeaient ont été retrouvés par les enquêteurs ; que de même, au dépôt du quartier de Pilon de Contes, ceux-ci ont découvert un monticule de terre laissant apparaître un nombre de sacs éventrés contenant de la poudre d'origine indéterminée et des fûts mal enfouis aux contenus non identifiables ; que la dangerosité extrême de ces produits toxiques a provoqué la décontamination des dépôts par la société Oredui ; que Daniel Z... qui travaillait pour le compte de Raoul B... en exerçant des travaux de terrassement a précisé aux gendarmes que lui-même avait procédé à l'enfouissement de 2,5 tonnes de produits toxiques, dont il a souligné la particulière nocivité pour l'homme dans le dépôt de Pilon de Contes de son employeur ; que ces produits provenaient d'interdépôt Leprieur et qu'ils étaient transportés par les véhicules appartenant à cette société ; que Jean X..., responsable du dépôt lnterdépôt Leprieur, a précisé que cette société qui était rachetée par un groupe allemand, devait se débarrasser avant toute visite du site par les dirigeants de celui-ci de tous les produits qui n'étaient plus destinés à la vente et que c'est André A... seul, son supérieur hiérarchique direct, qui lui a donné des instructions pour que lesdits produits soient transportés et provisoirement entreposés sur le terrain B... dans l'attente d'une mise en conformité d'Interdépôt ; que Jean X... est à cet égard formel et n'a jamais varié dans ses déclarations ; que Raoul B... a indiqué au gendarme instructeur que Jean X..., en présence d'André A..., lui avait dit que ce dernier était d'accord pour entreposer les produits sur son terrain, ce que le prévenu lui avait directement confirmé ; que la confrontation entre Raoul B..., Jean X... et André A... a permis de mettre en évidence que ce dernier avait été le donneur d'ordre dans cette opération de nettoyage d'Interdépôt ; que, contrairement à ce qu'affirme le prévenu, lui seul était habilité en tant que directeur du site de Contes à donner de telles instructions et que Jean X... n'a fait qu'exécuter ses ordres, ce que confirme Mme Y..., attachée de direction à lnterdépôt ; que les déchets industriels découverts et stockés sans autorisation préfectorale sur les deux décharges provenaient d'installations classées et étaient visés au n° 167 B de la nomenclature desdites installations ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré
André A... coupable du délit susvisé, les éléments matériels et intentionnels constitutifs de l'infraction résultant de l'enquête et de l'information (arrêt, pages 4 à 6) ;
"alors que, dans ses conclusions d'appel, le prévenu a expressément fait valoir que dès son entrée en fonction, au mois de mars 1991, et jusqu'à son licenciement, il n'avait cessé d'alerter - en vain - sa hiérarchie sur la nécessité de mettre la société en conformité à la règlementation relative à la protection de l'environnement, et avait également sollicité, auprès de la direction parisienne de la société, l'obtention des autorisations nécessaires à l'élimination régulière des produits toxiques stockés dans l'entreprise, de sorte qu'en cet état, André A... n'était nullement animé de l'intention d'éliminer frauduleusement ces déchets ;
"qu'ainsi, en se bornant à énoncer que les éléments matériels et intentionnel constitutifs de l'infraction résultent de l'enquête et de l'information, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 8, 9, 10, 24 et 25 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, 121-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré André A... coupable d'élimination irrégulière de déchets nuisibles, l'a condamné à régler à la commune de Drap la somme de 550 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'il résulte des documents visés aux débats par la commune de Drap à l'appui de sa constitution de partie civile, qu'elle a dû faire exécuter des travaux importants qu'elle a financés ; que ces travaux ont consisté dans des analyses et des forages de reconnaissance effectués sur le site contaminé par la pollution due au stockage de ces produits chimiques dangereux ;
que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné André A... au paiement de la somme de 550 000 francs montant de ces travaux qui est justifiée par les factures produites (arrêt, page 6) ;
"alors que, dans ses conclusions d'appel, le demandeur a fait valoir que la pollution de la nappe phréatique était due, au moins pour partie, à des faits étrangers aux poursuites, le site litigieux ayant antérieurement servi à la destruction de transformateurs EDF au pyralène ;
"qu'ainsi, en confirmant, en son quantum, la condamnation civile prononcée par les premiers juges, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments le délit d'élimination irrégulière de déchets nuisibles à la santé de l'homme et à l'environnement dont elle déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié tant la peine prononcée contre lui que l'allocation au profit de la partie civile de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier la forme ;
REJETTE le pourvoi.