Cass. 2e civ., 21 juin 1995, n° 93-16.910
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zakine
Rapporteur :
Mme Vigroux
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 avril 1993), que, saisi par Mme Dubois d'une demande de nullité de la vente d'un bien que lui avait consentie les époux Augusti par l'intermédiaire de la société à responsabilité limitée Agence des Gobelins (l'agence) et en paiement de dommages-intérêts, un jugement d'un tribunal de commerce a débouté Mme Dubois ; que celle-ci a interjeté appel de cette décision et s'est fait assister par un nouvel avocat, qui, au cours de l'audience des débats, a contesté la recevabilité de pièces produites par les époux Augusti au motif qu'elles ne lui auraient pas été communiquées ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt qui a dit n'y avoir lieu de rejeter ces pièces régulièrement communiquées en première instance, d'avoir débouté Mme Dubois de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt lui-même et de correspondances ayant un caractère officiel à l'adresse du président de la chambre que c'est à l'audience des débats que le conseil de Mme Dubois, substituant le conseil qui avait représenté cette dernière devant le tribunal de commerce, a pris conscience du fait que les intimés faisaient état de toute une série de pièces dont il n'avait jamais eu communication, le dossier transmis ne les contenant pas ; qu'en l'état de cette donnée, la cour d'appel n'a pu utilement opposer à l'appelant l'article 132, alinéa 3, du Code civil et lui reprocher de ne pas avoir fait une demande de nouvelle communication de pièces avant l'audience ; qu'en inscrivant dans son arrêt un tel motif, la cour d'appel viole ledit texte, ensemble l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, lorsque, comme en l'espèce, c'est à l'audience des débats que le conseil d'une partie prend conscience que son adversaire entend faire état de pièces qu'il ne connaissait pas et lorsqu'il avance un motif légitime expliquant les raisons pour lesquelles il n'a pas pu jusque là avoir connaissance desdites pièces, la demande de communication peut être faite même à l'audience ce qui postule un renvoi ; qu'en jugeant le contraire par simple affirmation sans tenir compte des circonstances, la cour d'appel viole les articles cités au précédent élément de moyen ; et alors, qu’enfin et en toute hypothèse, les exigences d'un procès équitable, d'un procès à armes égales, font qu'une partie qui, alors que la matière est avec représentation obligatoire fait à l'audience un incident lorsque son adversaire fait état expressément de pièces dont il n'a pas eu connaissance et qui auraient été communiquées en première instance mais qui, en raison d'un changement de conseil, n'étaient pas jointes au dossier, la cour d'appel, saisie expressément de la difficulté et qui n'en disconvient pas, les parties s'étant expliquées spécialement par des correspondances au cours du délibéré sur les raisons pour lesquelles une telle difficulté était apparue, se devait, pour satisfaire les exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de réouvrir les débats pour que les pièces ainsi utilisées puissent être produites à hauteur de la cour d'appel et qu'ainsi soit organisé un débat pleinement contradictoire ;
Mais attendu qu'il n'est pas contesté que les pièces litigieuses avaient été régulièrement communiquées en première instance et qu'il résulte des productions que, dans leurs écritures devant les premiers juges, les époux Augusti et l'agence s'étaient expressément référés à ces documents que Mme Dubois avait discutés dans ses dernières conclusions ;
Qu'il appartenait dès lors à celle-ci de demander, en temps utile, par des conclusions déposées par son avoué avant la clôture des débats, une nouvelle communication des pièces que son nouvel avocat soutenait ne pas avoir eu en sa possession ;
Qu'en décidant qu'en l'absence d'une telle demande il n'y avait pas lieu de rejeter ces pièces, la cour d'appel n'a pas violé les textes visés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.