Cass. 3e civ., 4 mars 1987, n° 85-16.698
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 14 juin 1985), que la société Palace Théâtre, qui avait donné en location à Mme X... un local commercial, a subordonné l'autorisation sollicitée par la locataire d'effectuer divers travaux à la signature d'un nouveau bail et à l'augmentation du loyer ; que Mme X... ayant, avant d'obtenir l'autorisation judiciaire qu'elle avait sollicitée, fait effectuer des travaux en janvier et février 1983, la société bailleresse lui a adressé, le 22 février 1983, commandement d'avoir à les interrompre immédiatement ; que cette injonction étant restée sans effet, la société Palace Théâtre a formé une demande reconventionnelle tendant à faire constater la résiliation de plein droit du bail pour violation des clauses du contrat interdisant toute modification de la disposition des lieux et toutes démolitions ou percements de murs et cloisons sans l'autorisation écrite de la bailleresse ;
Attendu que la société Palace Théâtre fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à autoriser les travaux, alors, selon le moyen, "qu'un propriétaire peut refuser l'autorisation sollicitée par le locataire d'effectuer des travaux et peut pareillement subordonner cette autorisation à certaines conditions sans commettre un abus de droit ; qu'il n'en serait autrement que si le refus pur et simple ou conditionnel qu'il y opposerait était inspiré par l'intention de nuire ou avait été fait de mauvaise foi ou avec légèreté blâmable, en sorte que la Cour d'appel ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil, faute d'avoir recherché si, en subordonnant son autorisation à certaines conditions, la société Palace Théâtre avait agi dans l'intention de nuire à sa locataire ou de mauvaise foi ou avec légèreté blâmable" ; Mais attendu que l'arrêt, qui a pu estimer par motifs propres et adoptés, que le fait de subordonner l'autorisation d'effectuer des travaux à une révision du bail constituait de la part du bailleur l'exigence d'une condition abusive, est par ce seul motif légalement justifié de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Palace Théâtre fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à la constatation de la résiliation de plein droit du bail, alors, selon le moyen, que, "d'une part, viole le principe du contradictoire édicté par l'article 16 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui déclare opposable à la société Palace Théâtre le rapport de l'expert qui s'était fondé notamment sur des pièces qui lui avaient été adressées par l'entrepreneur Rupp et qui n'avaient pas été communiquées à la société Palace Théâtre pendant le cours des opérations d'expertise, par cela seul que la société Palace Théâtre avait eu tout loisir de discuter ces documents devant le Tribunal ; alors que, de seconde part, l'expert judiciaire avait fondé ses conclusions, selon lesquelles les travaux exécutés par la locataire n'étaient que des travaux locatifs n'ayant entraîné aucune modification des lieux ni aucune démolition ou percement des murs ou cloisons, sur les pièces que lui avaient adressées l'entrepreneur Rupp, sur les plans de l'entreprise Perrin-Wiedenkeller et sur les constatations faites contradictoirement sur place, en sorte que l'arrêt attaqué a dénaturé en violation de l'article 1134 du Code civil le rapport d'expertise en affirmant que ces conclusions reprises par le Tribunal étaient uniquement fondées sur des constatations matérielles faites dans les lieux litigieux et qu'elles ne pouvaient être mises en échec par les documents fournis par l'entreprise Rupp ; alors, enfin, que la locataire devant, aux termes du bail, demander l'autorisation d'effectuer tous travaux entraînant une modification dans la disposition des lieux loués ou qui nécessiteraient des démolitions et percements de murs ou cloisons, l'arrêt attaqué ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil en déboutant la société Palace Théâtre de sa demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail en vertu de la clause résolutoire visée au commandement dès lors qu'il se borne à relever que les travaux exécutés par Mme X... ne concernaient que l'intérieur du magasin, ce qui n'exclut nullement que ces travaux aient entraîné une modification dans la disposition des lieux, des démolitions ou percements de murs ou cloisons et dès lors qu'il se borne à homologuer le rapport d'expertise, lequel s'était contenté de qualifier les travaux exécutés par Mme X... de strictement locatifs sans nullement préciser en quoi auraient consisté ces travaux" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les documents remis à l'expert par l'entrepreneur Rupp avaient été régulièrement communiqués à la société Palace Théâtre par Mme X... avant même le dépôt du rapport et relevé que la bailleresse avait eu tout le loisir de les discuter devant le Tribunal, la Cour d'appel a, sans violer l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ni dénaturer le rapport d'expertise, souverainement retenu que les travaux exécutés par la locataire en 1983 concernant seulement l'aspect intérieur du magasin n'avaient ni entraîné une modification de la disposition des lieux, ni nécessité des démolitions ou percements des murs et cloisons ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Palace Théâtre à payer à Mme X... la somme de 2.000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que l'appel interjeté par la société bailleresse était manifestement injustifié ;
Qu'en statuant par ce seul motif, qui ne caractérise pas une faute faisant dégénérer en abus l'exercice d'une voie de recours, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Palace Théâtre à payer à Mme X... la somme de 2.000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 juin 1985, entre les parties, par la Cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Reims, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil.