Cass. 1re civ., 7 juin 1995, n° 93-15.485
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grégoire
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, SCP Matteï-Dawance
Attendu que, selon les juges du fond, M. X..., auteur de cinq albums de bandes dessinées intitulés " Les Passagers du vent " a conclu avec la société Editions Glénat quatre contrats d'édition portant sur ces oeuvres les 31 décembre 1979, 5 septembre 1980, 10 septembre 1981 et 6 avril 1983 ; que M. X... a invoqué la nullité de la clause des contrats concernant le " droit de passe " exercé par l'éditeur pour défalquer des droits d'auteur une somme de 280 383,66 francs représentant les exemplaires dégradés, perdus ou remis gracieusement (exemplaires dits " de passe "), également la nullité de la clause (10.II) des contrats en ce qu'elle fixe la rémunération de l'auteur sur le fondement d'une recette intermédiaire ne correspondant pas au prix de vente réel de l'album au public, en violation de l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'il a, en outre, poursuivi la résiliation des contrats d'édition pour divers manquements de l'éditeur, notamment dans l'exploitation des droits étrangers et des droits dérivés relatifs aux jeux vidéo ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal des Editions Glénat, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Editions Glénat fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 1993) d'avoir annulé la clause des contrats relative au droit de passe, et décidé que l'éditeur avait, de toutes façons, renoncé à ce droit en ne l'exerçant pas, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations une volonté non équivoque de l'éditeur en ce sens, et que la clause, prévoyant une déduction de 10 % sur les droits d'auteur pour les exemplaires détériorés ou remis en hommage est valable au regard de l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle, que la cour d'appel aurait méconnu ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la rémunération de l'auteur était calculée sur les ventes réelles au public, déduction faite des invendus, la cour d'appel a exactement estimé que la clause litigieuse, qui imposait en plus à l'auteur une réduction de sa rémunération, revenait à lui faire supporter des risques que le contrat d'édition met à la charge de l'éditeur ; que la décision attaquée est ainsi légalement justifiée ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir dit qu'en conséquence de la résiliation des contrats d'édition, la société Editions Glénat devrait mettre un terme aux contrats, conclus avec des tiers, portant sur l'exploitation de l'oeuvre tant en France qu'à l'étranger, alors que la résiliation n'a pas d'effet rétroactif de sorte que les cessions de droits antérieures demeuraient valables, les cessionnaires devant s'acquitter désormais auprès de l'auteur et non plus auprès de l'éditeur ;
Mais attendu que la résiliation du contrat a pour effet, comme la résolution, d'anéantir le contrat et de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement sous la seule réserve de l'impossibilité pratique ; que la cour d'appel a pu déduire de la résiliation des contrats qu'elle prononçait, l'obligation pour l'éditeur de mettre un terme aux contrats d'exploitation de l'oeuvre consentis à des tiers et qu'elle a ainsi, sur ce point encore, légalement justifié sa décision ;
Et sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que l'arrêt attaqué est encore critiqué, pour avoir annulé la clause des contrats d'édition relative à la rémunération de l'auteur en cas de cession des droits à un éditeur étranger, alors que la stipulation litigieuse, qui fixait la rémunération de l'auteur à 50 % du pourcentage perçu par l'éditeur sur le prix public, moins 20 % de ces 50 %, était conforme aux exigences de l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle en ce qu'elle ne modifiait pas l'assiette de la rémunération de l'auteur, fondée légalement sur le prix de vente de l'oeuvre au public ;
Mais attendu que les dispositions impératives de l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle exigent que la participation de l'auteur aux recettes soit calculée en fonction du prix de vente au public ; que, faisant une exacte application de cette règle, la cour d'appel a estimé que la clause fixant la rémunération de M. X... était nulle car elle prévoyait une déduction de 20 % représentant les frais de prospection et d'agent littéraire qui devaient demeurer à la charge de l'éditeur ce qui revenait à calculer cette rémunération sur une " assiette intermédiaire ", entre le prix de vente au public et celui perçu par l'éditeur, et non sur le seul prix de vente au public, conformément au texte précité ;
Que la décision est donc légalement justifiée au regard des critiques du pourvoi principal ;
Sur les trois moyens, réunis, du pourvoi incident de M. X... :
(sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident.