Cass. crim., 30 octobre 2013, n° 12-84.189
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Bonnet
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1, 313-3, 313-7, 313-8 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable d'escroquerie et l'a condamné à la peine de cinq ans d'emprisonnement ferme et à l'interdiction définitive d'exercer tout métier du bâtiment ;
" aux motifs que, sur l'escroquerie, dans les prospectus que M. X...reconnaît avoir distribués dans les boites à lettres, au nom de « Etablissements X...», ce prévenu se parait de qualités et de compétences qu'il n'avait pas, puisqu'il se présentait comme titulaire du diplôme de l'« Ecole Supérieure de couverture », qui n'existe pas, et de son équipe de « compagnons », alors qu'il n'en employait, fût-ce illégalement, aucun ; qu'il donnait à son activité toutes les apparences de la régularité, en ce qu'il établissait des devis et facture visant la TVA, sur du papier à en-tête au nom de son entreprise qui n'avait aucune existence légale ; qu'il utilisait le faux nom de « Y... » et était payé par des chèques libellés à cette identité, mais qu'il déposait sur ses comptes en Belgique ; l'expert judiciaire désigné a permis d'établir que si les devis initiaux présentés par le prévenu était raisonnables, ils aboutissaient en fin de chantier à des prix correspondant à plusieurs fois la valeur du prix d'origine, en poussant ses clients à des travaux nouveaux présentés comme indispensables, qui en réalité étaient souvent inutiles ou nuisibles et au surplus mal faits, voire non faits mais facturés ou surfacturés ; que c'est ainsi qu'il a réussi à convaincre de passer des marchés avec lui M. Z..., M. A..., les époux B..., M. C..., M. D..., les époux de E..., les époux F..., M. G...et M. H..., les époux I..., Mme K...et les époux L...;
" 1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits ou à la période de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, M. Jean X...a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle du chef d'escroquerie aux préjudices de M. Z..., M. A..., M et Mme B..., M. C..., M. D..., M et Mme De E...; M et Mme F..., M. G..., M. H..., M et Mme I...; que dès lors, la cour d'appel qui a déclaré le prévenu coupable pour des faits commis également à l'encontre de Mme K...et des époux L...qui n'étaient pas visés dans la prévention et à propos desquels il ne résulte pas de l'arrêt que l'intéressé ait accepté d'être jugé, a violé l'article 388 du code de procédure pénale et excédé ses pouvoirs ;
" 2°) alors qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne constitue pas les manoeuvres frauduleuses caractéristiques du délit d'escroquerie, lorsqu'il n'est appuyé par aucun fait extérieur, destiné à lui donner force et crédit ; qu'en l'espèce, en retenant la culpabilité de Jean X...à raison d'un encart publicitaire comportant la mention d'un diplôme de l'école supérieure de couverture et d'une équipe de compagnons, mention ne constituant que des mensonges écrits, la cour d'appel qui n'a pas constaté les manoeuvres frauduleuses caractéristiques du délit d'escroquerie, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors qu'en affirmant que chaque client a contracté après que lui a été remis un encart publicitaire, la cour d'appel qui s'est bornée à constater la réitération d'un mensonge, mais pas l'existence de manoeuvres frauduleuses, a de nouveau violé les textes susvisés ;
" 4°) alors que l'escroquerie nécessite que les manoeuvres frauduleuses aient été déterminantes de la remise ; qu'en retenant pour déclarer Jean X...coupable d'escroquerie, la circonstance que celui-ci se serait présenté sous une fausse identité ou encore que les documents donnaient l'apparence d'une entreprise légale, faits non déterminants de la remise, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 313-1 du code pénal ;
" 5°) alors qu'en se fondant sur le fait que certains des travaux commandés n'avaient pas été intégralement effectués ou qu'une partie d'entre eux n'avait pas été faite dans les règles de l'art, ce qui était totalement indifférent au regard des éléments constitutifs de l'infraction reprochée, mais relevait d'un contentieux civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche en ce qu'il vise un des motifs de l'arrêt qui est sans influence sur le dispositif et, qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 324-1 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de blanchiment et l'a condamné en répression à la peine de cinq ans d'emprisonnement ferme et à l'interdiction définitive d'exercer tout métier du bâtiment ;
" alors que l'article 324-1, alinéa 2, en tant qu'il sanctionne l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise, bien qu'il ne vise que « le fait », nécessairement pour un tiers complice, « d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit » est contraire au principe de légalité des délits et des peines issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ; que la cassation interviendra sans renvoi sur ce point " ;
Attendu que, par arrêt du 27 mars 2013, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question relative à la constitutionnalité de l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 324-1 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, ensemble violation du principe de légalité des délits et des peines ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X...coupable de blanchiment et l'a condamné en répression à la peine de cinq ans d'emprisonnement ferme et à l'interdiction définitive d'exercer tout métier du bâtiment ;
" aux motifs que les investigations effectuées ont permis de constater que les chèques émis par les clients de M. Jean X...étaient déposés sur des comptes ouverts en Belgique auprès des banques KBC et Dexia au nom de ce dernier et de ses fils José et Sébastien ou encore de Mme Marcelle N...; que ces sommes étaient retirées en espèces puis utilisées ou déposées sur des comptes en France, et notamment sur des comptes des sociétés Le Parc, Les Balliquets et Chevrie ; que celles-ci avaient pour associés et dirigeants des proches de M. X..., à savoir sa fille Katia, son fils José, Mme Marcelle N..., des amis ou relations d'affaires à savoir M. Roger O...et son fils Roger ; que ces sociétés faisaient ensuite des achats notamment immobiliers qui permettaient de transformer le gain tiré des activités délictueuses précitées de travail dissimulé et d'escroquerie ; les paiements des victimes de M. X...étaient aussi parfois déposés sur des comptes ouverts en France aux noms de membres de sa famille tels que Mme X...ou Mme N...ou encore la SARL Le Parc, ce qui était un moyen de dissimuler les revenus illicites en cause et de les transformer à son profit ; l'argent produit par cette activité délictueuse était aussi écoulé par l'achat de véhicules automobiles, qui étaient ensuite revendus ; que M. X...n'apparaissait jamais puisque ces voitures étaient immatriculées au nom de tiers tels que M. O..., son fils Hervé, Mme P...concubine de M. Sébastien X...ou Mme N...;
" alors que l'article 324-1, alinéa 2, qui vise « le fait », nécessairement pour un tiers complice, « d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit » n'incrimine pas l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise ; qu'en déclarant M. X...coupable de blanchiment du produit d'infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable en qualité d'auteur, la cour d'appel a violé les principes de légalité des délits et d'interprétation stricte de la loi pénale, ainsi que les textes susvisés " ;
Attendu que l'article 324-1 du code pénal est applicable à l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-19-1, 132-24 en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009, 132-25 à 132-28 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X...à une peine de cinq années d'emprisonnement ferme ;
" aux motifs qu'au vu des circonstances de l'infraction, du passé judiciaire de M. X..., qui interdit le recours à une peine de sursis simple, et de sa personnalité, de l'importance et de la durée des infractions commises qui ont conduit à un trouble important compte tenu du nombre de victimes et de leur fréquent état de faiblesse, il y a lieu de lui infliger une peine d'emprisonnement ferme de cinq années, seule susceptible de le dissuader de mettre fin à ses errements, étant précisé qu'il a déjà été condamné à deux reprises pour des faits d'escroquerie, y compris antérieurement à une partie des faits qui lui sont reprochés ; qu'un aménagement de la peine dans les conditions des articles 132-25 et 132-28 du code pénal ne peut être envisagé en l'état des éléments trop parcellaires dont dispose la cour, sur ses attaches familiales et sa situation actuelle ;
" alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en prononçant à l'encontre de M. X..., qui n'était pas poursuivi en état de récidive légale, une peine d'emprisonnement ferme de cinq années, sans caractériser, ni même relever en quoi la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendaient cette peine nécessaire en dernier recours, ni en quoi toute autre sanction aurait été manifestement inadéquate, la cour d'appel a méconnu l'article 132-24 du code pénal en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009 " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-24 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.