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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 13 octobre 2022, n° 21/08986

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mollat

Conseillers :

Mme Rohart, Mme Coricon

Avocats :

Me Morel, Me Boccon Gibod, Me Della Vittoria

T. com. Bobigny, du 6 mai 2021, n° 2021L…

6 mai 2021

Exposé des faits et de la procédure

Par jugement rendu le 15 mai 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société NAF-NAF et a désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Maitre [N] [D], et la SELARL [S] M.J, prise en la personne de Maitre [C] [S], en qualité de comandataires judiciaires.

Par jugement rendu le 19 juin 2020, le même tribunal a arrêté le plan de cession de la société NAF-NAF et autorisé le licenciement de 129 salariés en contrat à durée indéterminée, et de 8 salariés en contrat non permanent.

Par jugement séparé de la même date, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné les comandataires judiciaires en qualité de coliquidateurs judiciaires.

Les licenciements ayant été mis en oeuvre, la SELAFA MJA a établi les relevés de créances salariales conformément aux dispositions de l'article L625-1 du Code de commerce.

Selon relevé de créance n°7 en date du 12 novembre 2020, le liquidateur a sollicité de l'AGS la prise en charge d'une somme de 63 534,72 euros, portant notamment sur des indemnités de rupture de 4 salariés licenciés dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société NAF NAF.

L'AGS a immédiatement re pondu mettre le paiement de l'avance n°7 en suspens en raison des problématiques posées par l'application du principe de subsidiarité et a sollicité la communication de documents justifiant que les liquidateurs ne disposaient pas de fonds pour faire face au paiement des créances dont l'avance lui était réclamée.

Une réponse par courrier a été apportée le 17 décembre 2020 par les liquidateurs judiciaires.

Le 23 février 2021, l'AGS, par l'intermédiaire de son conseil, a fait état de ce qu'elle refusait la prise en charge des relevés correspondant aux créances des quatre salariés.

Par requête du 10 mars 2021, les coliquidateurs judiciaires de la société NAF NAF ont sollicité du Président du Tribunal de Commerce de Bobigny l'autorisation d'assigner à bref délai la délégation UNEDIC-AGS.

Par ordonnance en date du 11 mars 2021, le Président du tribunal de commerce de Bobigny a autorisé les coliquidateurs judiciaires à assigner la délégation UNEDIC-AGS pour l'audience du 24 mars 2021.

Par acte d'huissier signifié le 15 mars 2021, les coliquidateurs judiciaires ont assigné pour l'audience du 24 mars 2021, la délégation UNEDIC-AGS devant le tribunal de commerce de Bobigny en paiement des sommes correspondant aux relevés de créances salariales en cause dans le litige.

Par jugement du 6 mai 2021, le tribunal a condamné la délégation UNEDIC-AGS à payer aux coliquidateurs judiciaires de la société NAF NAF, les sommes de 5 510,95 euros correspondant au reliquat du relevé de créances salariales n°4, de 814,28 euros correspondant au reliquat du relevé de créances salariales n°5, et de 63 534,72 euros figurant sur le relevé des créances salariales n°7 en date du 12 novembre 2020, et a ordonné l'exécution provisoire dudit jugement.

La délégation UNEDIC-AGS a interjeté appel de ce jugement le 7 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante signifiées par voie électronique le 11 mai 2022, l'UNEDIC ' Délégation AGS demande à la Cour de :

RECEVOIR la Délégation UNEDIC-AGS en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit

INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- Déclaré les demandes recevables.

- Condamné la De le gation UNEDIC-AGS à payer aux co-liquidateurs judiciaires de la société NAF NAF à compter de la signification du jugement à intervenir, les sommes de 5 510, 95 euros correspondant au reliquat du relevé de créances salariales n°4, de 814,28 euros correspondant au reliquat de créances salariales n°5, et de 63 534,72 euros figurant sur le relevé des créances salariales n°7 en date du 12 novembre 2020.

- Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie, dit que le présent jugement ne donne pas lieu à publicité, fixé les dépens à la somme de 109,09 euros TTC dont 18,18 euros de TVA et l’a mis à la charge de la délégation UNEDIC-AGS.

Statuant de nouveau :

DEBOUTER les liquidateurs judiciaires, es qualités, de la société NAF NAF de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER les liquidateurs judiciaires, es qualités, de la société NAF NAF aux entiers dépens de première instance et d'appel

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimées signifiées par voie électronique le 11 mai 2022, la SELAFA MJA, prise en la personne de Maitre [N] [D], et la SELARL [S] M.J, prise en la personne de Maitre [C] [S], en qualité de coliquidateurs judiciaires demandent à la Cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DEBOUTER l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Et y ajoutant,

CONDAMNER l'appelante aux entiers dépens en ce compris les éventuels dépens d'exécution.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes

Le Tribunal de Commerce de Bobigny a déclaré dans son dispositif les demandes des coliquidateurs recevables.

Le tribunal, dans sa motivation, a retenu que les AGS avaient conclu à l'irrecevabilité des demandes des liquidateurs qui utilisaient dans le dispositif de leurs conclusions la formule "dire et juger", que cette demande d'irrecevabilité se fondait sur l'article 954 du code de procédure civile alors que cet article, relatif aux conclusions d'appel, concernait uniquement "les nouvelles exigences formelles en appel", que par ailleurs les demandes des liquidateurs étaient claires et précises et les a déclarées en conséquence recevables.

Devant la Cour, la délégation UNEDIC-AGS fait valoir que les demandes des liquidateurs sont irrecevables aux motifs que la jurisprudence rappelle régulièrement que la Cour ne statue que sur des prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » ne sont pas des prétentions.

En réponse, les liquidateurs, se fondant sur l'article 4 du code de procédure civile, soutiennent que l'utilisation des termes « dire et juger » peut-être suivie de l'énoncé d'un moyen ou d'une prétention, que la demande d'infirmation de la délégation UNEDIC-AGS est infondée puisqu'ils ont demandé la condamnation de l'AGS au paiement de sommes précises et qu'en conséquence l'arrêt rendu n'a pas statué par voie générale aux termes d'un arrêt de règlement.

Ils exposent que la demande d'infirmation est par ailleurs sans objet puisque la sanction de la formulation d'un moyen dans le dispositif des conclusions n'est pas l'irrecevabilité de la demande mais l'absence de saisine de la juridiction.

Ils font valoir qu'en l'espèce le tribunal de commerce n'a pas statué sur un moyen mais sur les demandes énoncées dans le dispositif des conclusions, que le chef de jugement aux termes duquel le tribunal déclare recevable les prétentions sur lesquelles il statue ne saurait donc être infirmée, que la demande d'infirmation de la délégation UNEDIC-AGS de ce chef de jugement n'est assortie d'aucune prétention sur la recevabilité des demandes et n'étant pas en elle-même une prétention la cour n'est pas saisie de ce moyen.

Sur ce

Dans leurs conclusions devant le tribunal de commerce les liquidateurs demandaient à la juridiction aux termes du dispositif de :

- vu l'article L 3253-20 alinéa 1er du code du travail

- dire et juger qu'il ne résulte pas de ce texte que le mandataire judiciaire ou le liquidateur doit justifier de l'indisponibilité des fonds de l'entreprise pour engager la mise en oeuvre de la garantie de l'AGS,

- dire et juger que la présentation du relevé par le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire vaut présomption d'indisponibilité des fonds de l'entreprise, en conséquence

- dire et juger que l'article L 3253-20 alinéa 1 n'autorise pas l'AGS contrairement à l'alinéa 2 du même texte, à subordonner son intervention à la preuve et à la justification par le mandataire judiciaire ou le liquidateur de l'absence de fonds disponibles dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire,

- dire et juger en conséquence que l'AGS devra procéder, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, au versement entre les mains du liquidateur des sommes figurant sur les relevés n°4, 5 et n°7 en date du 12 novembre 2020.

En premier lieu si les termes "constater" et "dire" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile qui dispose que L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant le terme "juger" constitue une prétention et doit donc être examiné par le tribunal saisi de l'affaire.

Il s'ensuit que l'utilisation dans le dispositif des conclusions des liquidateurs devant le tribunal de commerce des termes "dire et juger" ne permet pas de déclarer irrecevables sur le fondement de l'article 4 du code de procédure civile les prétentions énoncées dans le dispositif, étant en outre relevé que si l'utilisation de ces termes ne constituait pas des prétentions au sens de l'article 4 il n'y aurait pas lieu de déclarer la demande irrecevable mais uniquement de juger que la juridiction n'est pas saisie.

En conséquence il convient de rejeter le moyen articulé par l'AGS s'agissant de l'irrecevabilité des demandes des liquidateurs judiciaires es qualités.

Sur le paiement des sommes réclamées par les liquidateurs judiciaires es qualités à la délégation UNEDIC-AGS

Le tribunal a condamné l'UNEDIC-AGS à payer aux liquidateurs judiciaires les sommes correspondant au reliquat du relevé n°4, au reliquat du relevé n°5 et au relevé n°7 par la délégation UNEDIC-AGS aux liquidateurs judiciaires en relevant :

- que s'agissant des dispositions de l'article L 3253-20 du code du travail le législateur avait distingué suivant que le tribunal avait ouvert une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ou une procédure de sauvegarde,

- que dans les deux premiers cas l'état de cessation des paiements de l'entreprise a été constaté au préalable par le tribunal lors du jugement d'ouverture et que la vérification de l'existence de fonds disponibles est de la seule prérogative du mandataire judiciaire qui établit les relevés de créances déclenchant l'obligation de l'AGS de verser les sommes, la question du rang des créances étant neutre,

- qu'en l'espèce les liquidateurs ont en plus du relevé des créances, répondu aux demandes de précision de l'AGS,

- que l'AGS est tenue au paiement des relevés présentés.

L'UNEDIC-AGS expose qu'en l'état du droit positif, un principe légal de subsidiarité régit l'intervention de l'AGS quelle que soit la procédure collective ouverte, de sorte qu'il lui appartient de vérifier la présence de fonds suffisants, et le cas échéant, comme en l'espèce, de refuser tout ou partie de sa garantie compte tenu de la présence de fonds disponibles.

En premier lieu elle invoque le principe de subsidiarité qui régit son intervention en se fondant sur l'article L 3253-20 du code du travail aux termes duquel « si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles » les liquidateurs judiciaires demandent à l'AGS l'avance des fonds nécessaires au paiement des créances salariales, et soutient que ledit principe de subsidiarité lui permet de refuser les avances aux motifs que les fonds de l'entreprise dont disposent les liquidateurs permettent d'assurer le paiement des créances dont le règlement lui est réclamé.

Elle expose que, contrairement à ce que les intimés soutiennent, le fait qu'un alinéa ait été intégré spécifiquement concernant la procédure de sauvegarde, ne signifie pas que l'AGS est privé de tout droit de discussion dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, qu'en effet si tel avait été le cas le début du premier alinéa faisant référence à l'absence de fonds disponibles aurait été simplement supprimé, que l'ajout de cet alinéa renverse uniquement la présomption: en redressement et liquidation judiciaire c'est l'absence de fonds qui est présumée de sorte qu'il appartient à l'AGS dans le cadre de la vérification des conditions de son intervention d'établir par tous moyens que le mandataire dispose de fonds suffisants, dans la procédure de sauvegarde c'est au mandataire de rapporter la preuve de l'absence de fonds suffisants.

Ell ajoute que le jugement confond la vérification des créances qui incombe au mandataire et la vérification des conditions de son intervention qui incombe au régime de garantie, et que son droit de refuser de régler un relevé de créances est expressément reconnu par les dispositions de l'article L 625-4 du code de commerce.

Elle soutient que sa position est confortée par la doctrine et la jurisprudence et conteste toute contrariété de son argument avec la directive européenne du 20.10.1980 ainsi qu'avec la loi du 26.07.2005.

L'AGS, soutenant donc que le principe de subsidiarité s'applique à toutes les procédures collectives et que son intervention est conditionnée par l'absence de fonds et concluant qu'elle est donc bien fondée à procéder à la vérification des conditions de son intervention lorsque les éléments portés à sa connaissance attestent de la présence de fonds suffisants, fait valoir que les créances portées sur le relevé n°7 doivent faire l'objet d'un paiement direct par les liquidateurs compte tenu de leur nature dans la mesure où ce relevé porte principalement sur les créances de congés payés et préavis, de salaires postérieurs au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et d'indemnités de licenciement, et donc qu'il s'agit de créances postérieures bénéficiant du privilège de paiement à l'échéance conformément à l'article L641-13 I du code de commerce.

Elle souligne que la Cour de cassation a déjà retenu que les indemnités de rupture des contrats de travail sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure et qu'en conséquence ces créances doivent être réglées à l'échéance sur les fonds disponibles quand bien même il existerait d'autres créanciers postérieurs privilégiés non réglés à l'échéance.

Elle soutient ensuite que les liquidateurs judiciaires disposent de fonds puisqu'au moment de la demande d'avance, ils disposaient de la somme de 1.700.000 euros sur leur compte à la caisse des dépôts tel qu'indiqué dans leur courriel en date du 2 février 2021 suite à la cession intervenue de l'activité et qu'il leur appartenait donc de procéder au paiement des sommes mentionnées au relevé n°7 d'un montant de 63 534,72 €. Elle précise que la notion de fonds disponible doit s'entendre comme s'agissant des fonds détenus par les organes de la procédure collective pour le compte de l'entreprise, tant issus de l'activité courante de l'entreprise que, le cas échéant, de la réalisation de tout ou partie de ses actifs sauf hypothèse où la loi ou une décision juridictionnelle viendrait à considérer que les fonds sont expressément indisponibles.

Elle fait valoir que le respect du principe de subsidiarité ne peut être présumé mais doit au contraire être vérifié par l'AGS avant tout règlement, qu'en interprétant l'article L. 3253-20 du code du travail de manière à lui interdire d'opérer un travail de vérification du principe de subsidiarité , la Cour d'appel exposerait le régime AGS à devoir garantir des sommes alors même que son intervention n'est pas nécessaire, et ainsi voir son déséquilibre financier s'aggraver. Elle souligne qu'à ce titre une exigence de transparence et de justification de l'indisponibilité des fonds pèse sur les liquidateurs judiciaires.

La SELAFA MJA et la SELARL [S] MJ agissant es qualités de mandataires judiciaires de la société NAF NAF exposent que la question en litige est celle de savoir qui du mandataire judiciaire ou de l'AGS a qualité au terme de l'alinéa 1er de l'article L 3253-20 pour apprécier l'existence de fonds disponibles permettant de régler tout ou partie des créances salariales, et donc de déterminer si la présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire vaut présomption d'indisponibilité des fonds.

Elles soutiennent que la position de l'AGS ne repose sur aucun fondement et est contraire tant à la réglementation européenne qu'au droit national.

Elles soulignent qu'il convient de différencier les situations de redressement ou de liquidation judiciaires et les procédures de sauvegarde, la différence tenant à la nécessaire cessation des paiements qui s'impose aux premières procédures qui a comme conséquence le fait que le débiteur ne dispose plus de trésorerie.

Les liquidateurs font valoir que la seule raison qui a motivé la reconnaissance du principe de subsidiarité en sauvegarde est que l'entreprise n'étant pas en cessation des paiements dispose normalement de la trésorerie nécessaire pour faire face au paiement des créances salariées.

Ils soulignent que les dispositions figurant à l'alinéa 2 qui permettent à l'AGS de contester l'absence de fonds disponible et de saisir le juge commissaire ne sont pas prévues à l'alinéa 1, qu'en réalité l'alinéa 1er n'ouvre aucun droit à l'AGS de contester voir même de se positionner sur l'existence de fonds disponibles, que les dispositions de l'article L 3253-15 alinéa 1er du code du travail qui prévoient l'avance des sommes même en cas de contestation par un tiers viennent conforter cette analyse et enfin que les dispositions de l'article L 625-4 du code de commerce ne sont applicables qu'aux contestations de l'AGS sur les relevés et non aux contestations liées à la situation collective de l'entreprise portant sur l'existence de fonds disponibles.

En réponse aux arguments concernant la transparence de la procédure collective les liquidateurs judiciaires rappellent que le mandataire judiciaire a pour mission, aux termes de l'article L 622-20 du code de commerce, d'assurer la défense de l'intérêt collectif des créanciers, qu'il a, par ailleurs, la mission de préserver et de reconstituer l'actif du débiteur, qu'à ce titre, lui seul, a qualité pour apprécier globalement la possibilité ou non de payer en toute ou partie les créances salariales, qu'en tout é tat de cause, lui seul peut disposer d'une maitrise des fonds dans l'intérêt collectif des créanciers, ce qui justifie la présomption d'indisponibilité des fonds en cas de présentation d'un relevé.

Ils font ainsi valoir que l'AGS doit donc, sous réserve de ses droits propres verser les fonds, dont il est demandé l'avance par le mandataire judiciaire (liquidateur), dans les délais prévus par la Loi à charge pour elle de venir devant le tribunal de la procédure collective contester, a posteriori, son avance et solliciter le remboursement sur le fondement de l'absence d'indisponibilité des fonds et suivant le rang de ses créances.

Sur ce

L'article L 3253-20 du code du travail dispose que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L 3253-14.

Dans le cas d'une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée. Ces institutions peuvent contester, dans un délai déterminé par décret en Conseil d'Etat, la réalité de cette insuffisance devant le juge-commissaire. Dans ce cas, l'avance des fonds est soumise à l'autorisation du juge-commissaire.

L'obligation subsidiaire est celle dont le paiement ne devient exigible que dans le cas où le créancier ne peut obtenir du débiteur principal l'exécution de la dette principale.

S'agissant du paiement des créances salariales l'AGS n'intervient que dans le cadre de l'ouverture d'une procédure collective ouverte concernant le débiteur principal desdites créances qui est l'entreprise et à ce titre son intervention, s'agissant d'une intervention découlant de la défaillance de l'entreprise, peut être caractérisée de subsidiaire.

Il en résulte que lorsque l'AGS intervient pour exécuter l'obligation de paiement des créances salariales éligibles au lieu et place du débiteur principal, la notion de subsidiarité se limite à la constatation de l'existence d'une procédure collective déclenchant son intervention.

L'article L 3253-20 du code du travail organise par ailleurs les conditions de la mise en oeuvre de l'obligation de paiement de l'AGS dans le cadre de la procédure collective.

Aux termes du premier alinéa de l'article L 3253-20 le mandataire judiciaire demande l'avance des fonds nécessaires au paiement des créances salariales, sur présentation des relevés, si celles ci ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles.

Le deuxième alinéa relatif à la procédure de sauvegarde impose au mandataire judiciaire de justifier de l'insuffisance des fonds disponibles et prévoit en cas de contestation par l'AGS de la réalité de cette insuffisance la possibilité pour elle de saisir le juge commissaire pour qu'il tranche cette question, le premier alinéa ne prévoyant nullement de telles dispositions.

Dans la mesure où le second alinéa fait spécifiquement référence à la procédure de sauvegarde il convient d'en déduire que les deux autres procédures, redressement judiciaire et liquidation judiciaire, ne sont pas soumises aux dispositions du deuxième alinéa mais relèvent uniquement des dispositions du premier alinéa.

En application des dispositions du premier alinéa il n'appartient pas au mandataire judiciaire de justifier l'absence de fonds disponibles, celui-ci bénéficiant d'une présomption d'absence de fonds disponibles qui découle d'une part de l'état de cessation des paiements qui entraine l'ouverture de la procédure collective et d'autre part du mandat qui est confié par le tribunal aux organes de la procédure collective qui seuls peuvent conclure à cette indisponibilité en prenant en compte la situation de l'entreprise dans sa globalité.

En l'absence de tout dispositif prévu par le texte permettant la remise en cause de cette présomption dans le cas d'une demande d'avance effectuée dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, l'AGS est mal fondée, à ce stade de la procédure de demande d'avance de fonds, à remettre en question la présomption d'absence de fonds disponibles.

Au contraire celle-ci s'impose à elle, et lui impose de verser, sur présentation des relevés, les sommes réclamées, dont elle ne peut contester que la nature de créance salariale en application des dispositions de l'article L 625-4 du code de commerce.

Enfin le fait que certaines créances salariales dont l'avance des fonds est réclamée par le mandataire judiciaire soient des créances postérieures liées au déroulement de la procédure et à ce titre privilégiées ne permet pas de remettre en cause l'application générale des dispositions de l'article L 3253-20 qui prévoit l'avance de l'AGS, sur première demande des organes de la procédure, pour les créances salariales, la question du rang des créances étant neutre, comme le souligne à juste titre le tribunal.

En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Les dépens sont mis à la charge de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

Rejette l'exception d'irrecevabilité des demandes des intimés

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de BOBIGNY en date du 6 mai 2021

Y ajoutant

Condamne la délégation UNEDIC-AGS aux dépens de l'instance d'appel.