CA Besançon, 1re ch., 17 janvier 2023, n° 21/00819
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
GH Auto Service (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
Mme Manteaux, M. Saunier
Avocats :
Me Bechari, Me Rota
Faits, procédure et prétentions des parties
Selon bon de commande daté du 22 juin 2016, Mme [B] [L] a acquis auprès de la SARL GH Auto Service pour un prix de 9 980 euros un véhicule d'occasion Citroën C5 Tourer numéro de série VF7RW9HL0BL526519 immatriculé [Immatriculation 3], avec une garantie contractuelle de six mois.
La facturation est intervenue le 24 juin 2016 sous la référence 32126.
Après réalisation d'une expertise amiable par la société Athexis, à la demande de son assureur, ayant donné lieu au dépôt d'un rapport le 7 mars 2017 concluant à la défaillance des quatre injecteurs couverte par la garantie contractuelle, Mme [L] a, par acte d'huissier de justice signifié le 11 octobre 2017, assigné sa venderesse devant le tribunal d'instance de Pontarlier afin de la voir condamner à réaliser ou à faire réaliser les réparations nécessaires et à l'indemniser de son préjudice, en invoquant à compter du 30 septembre 2016 et plus d'une dizaine de fois après cette date, une mise en mode dégradé de son véhicule avec arrêt du moteur et allumage du voyant d'alerte "défaut moteur".
Le tribunal d'instance de Pontarlier s'est déclaré incompétent par jugement du 17 décembre 2018 en raison du montant en cause et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Besançon.
Devant cette juridiction, Mme [L] a sollicité la résolution de la vente sur le fondement de la garantie légale de conformité à la charge du vendeur professionnel, avec remboursement du prix d'achat du véhicule ainsi que la condamnation de la société GH Auto Service à lui payer, outre frais irrépétibles et dépens :
- la somme de 2 071,01 euros au titre des dépenses effectuées pour rendre le véhicule conforme ;
- la somme de 404,15 euros au titre des frais de locations de véhicules auxquelles elle a été contrainte ;
- la somme de 1 728,92 euros au titre du coût de l'assurance du véhicule immobilisé au 28 mai 2019 ;
- la somme de 748,22 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au remboursement des intérêts et de l'assurance dont elle s'est acquittée auprès de son établissement bancaire pour l'acquisition du véhicule litigieux ;
- la somme de 6 000 euros au titre de ses préjudices accessoires.
La société GH Auto Service, invoquant un accord amiable intervenu entre les parties, ainsi que le résultat du contrôle technique effectué le 27 juin 2016 et le fait que la présomption de l'article L. 211-7 du code de la consommation n'est pas applicable aux défauts signalés les 21 mars et 25 mai 2018 soit plus de six mois après la vente, a sollicité le rejet des demandes formées par Mme [L], outre sa condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Par jugement rendu le 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a :
- débouté Mme [L] de sa demande de résolution de la vente et de sa demande de remboursement de la somme de 9 980 euros ;
- condamné la société GH Auto Service à payer à Mme [L] la somme de 404,15 euros ;
- débouté Mme [L] de ses autres demandes ;
- condamné la société GH Auto Service à payer à Mme [L] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société GH Auto Service de sa demande présentée sur ce même fondement ;
- condamné la société GH Auto Service aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
- que le défaut affectant le véhicule est apparu le 30 septembre 2016, soit dans le délai de six mois de la vente, de sorte que la présomption d'existence d'un défaut de conformité au moment de la délivrance du bien, régi par les articles L. 211-4, L. 211-5, L. 211-7 et L. 211-9 du code de la consommation, est applicable ;
- qu'étant rappelé que l'acquéreur peut choisir entre la réparation et le remplacement du bien, la panne des quatre injecteurs identifiés comme étant à l'origine du désordre lors de l'expertise amiable et visée dans l'assignation en justice a été réparée par la société Régis Landreau Automobiles et facturé à la société GH Auto Service le 19 mars 2018 ;
- qu'il en résulte que la demande de résolution de la vente formée par Mme [L] est infondée, de même que sa demande accessoire relative au remboursement du prix de vente ;
- que par ailleurs Mme [L] n'établit pas que les incidents survenus postérieurement au 21 mars 2018 relèvent de la garantie légale ou de la responsabilité du vendeur, de sorte que sa demande en paiement de la somme de 2 171,01 doit être rejetée ;
- que le règlement des intérêts contractuels et de la cotisation d'assurance obligatoire dans le cadre du remboursement d'un crédit souscrit pour le financement de l'achat d'un véhicule ne constitue pas un préjudice indemnisable en l'absence de résolution de la vente ;
- que cependant, le coût de la location de véhicules dont il est attesté par la demanderesse doit être supporté par la société GH Auto Service dans la mesure où il a été exposé avant la prise en charge de la réparation du défaut qui empêchait le véhicule de circuler, de sorte qu'il doit être fait droit à la demande indemnitaire d'un montant de 404,15 euros formée à ce titre ;
- que l'achat d'un véhicule qualifié de véhicule "de secours" ne constitue pas un préjudice indemnisable en raison du fait qu'une indemnisation au titre des frais de location d'autres véhicules est sollicitée dans le même temps et que cet achat enrichit l'actif du patrimoine de Mme [L], de sorte que sa demande chiffrée à ce titre à hauteur de la somme de 6 000 euros doit être rejetée.
Par déclaration du 10 mai 2021, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande en résolution de la vente ;
- l'a déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 9 980 euros correspondant au prix d'acquisition du véhicule ;
- a rejeté ses demandes en paiement des sommes de 2 071,01 euros au titre des dépenses effectuées pour rendre le véhicule conforme, de 1 728,92 euros au titre du coût de l'assurance du véhicule immobilisé au 28 mai 2019, de 748,22 euros à titre d'indemnité correspondant au remboursement des intérêts et de l'assurance dont elle s'est acquittée et de 6 000 euros au titre de ses préjudices accessoires.
Selon ses dernières conclusions transmises le 9 août 2021, elle conclut à son infirmation des chefs susvisés et demande à la cour statuant à nouveau :
A titre principal,
- de prononcer la résolution de la vente ;
- de condamner la société GH Auto Service à lui rembourser la somme de 9 980 euros correspondant au prix d'acquisition du véhicule ;
- de condamner la société GH Auto Service à lui payer :
La somme de 2 071,01 euros TTC au titre des dépenses effectuées pour rendre le véhicule conforme ;
La somme de 1 728,92 euros au titre du coût de l'assurance du véhicule immobilisé au 28 mai 2019 ;
La somme de 748,22 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au remboursement des intérêts et de l'assurance dont elle s'est acquittée auprès de son établissement bancaire pour l'acquisition d'un véhicule inutilisable ;
La somme de 8 000 euros au titre de ses préjudices accessoires ;
- y ajoutant, de condamner la société GH Auto Service à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel ;
A titre subsidiaire et avant dire droit,
- d'ordonner une expertise judiciaire du véhicule ;
- de réserver les dépens.
Elle fait valoir :
- que la société GH Auto Service est tenue à une obligation de conformité en application des articles L. 211-4 et suivants, devenus L. 217-4 et suivants, du code de la consommation, ainsi qu'à la garantie légale des vices cachés prévues aux articles 1641 et 1648 du code civil ;
- que si elle a convenu avec la société GH Auto Service de faire réparer le véhicule aux frais de cette dernière, les mêmes avaries sont survenues deux jours après la réparation soit le 21 mars 2018, ce dont il résulte qu'en réalité le même désordre objet de la présomption de défaut de conformité a perduré sans que les professionnels ayant examiné le véhicule ne parviennent à en identifier la cause et à y remédier ;
- que ce défaut rend le véhicule impropre à son usage, de sorte qu'elle est bien-fondé à solliciter la résolution de la vente ;
- que dès lors, elle doit être indemnisée de tous les frais de réparation exposés, des frais liés à l'acquisition du véhicule litigieux ainsi que d'un véhicule de secours ainsi que de son préjudice de jouissance actualisé à la somme de 8 000 euros ;
- qu'à défaut, la cour doit ordonner une expertise.
La société GH Auto Service a constitué avocat selon acte transmis au greffe le 10 juin 2021 mais n'a pas conclu.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 15 novembre suivant et mise en délibéré au 17 janvier 2023.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
- Sur la demande de résolution de la vente formée par Mme [L],
L'article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. La garantie suppose un vice inhérent à la chose et compromettant son usage, lequel doit être caché.
Par ailleurs, l'article L. 211-4 du code de la consommation dans sa version applicable à la date de la vente intervenue le 22 juin 2016, devenu L. 217-4 du même code, dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et qu'il répond des défauts de conformité existants lors de la délivrance, tandis que l'article L. 211-5, devenu L. 217-5, du même code précise que le bien est notamment considéré comme conforme s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.
L'article L. 211-7 du code précité dans sa version applicable au litige, devenu L. 217-7 du même code, les défauts de conformité d'un bien vendu d'occasion qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué.
En l'espèce, la présomption susvisée est applicable à la défaillance des quatre injecteurs identifiés dans le cadre de l'expertise amiable réalisée le 23 décembre 2016, en ce qu'il est apparu pour la première fois le 30 septembre précédent, soit dans les six mois de la délivrance du véhicule opérée le 24 juin précédent.
Il est constant que le remplacement de ces quatre injecteurs a été réalisé par la société Régis Landreau Automobiles et facturé le 19 mars 2018 à la société GH Auto sous la référence 1032744 pour un montant de 560,74 euros TTC, au titre de la garantie due par cette dernière.
Néanmoins et comme relevé par le juge de première instance, Mme [L], qui se limite à affirmer que les nouveaux incidents qu'elle invoque à compter du 21 mars 2018 constituent le prolongement des défauts objets de la réparation susvisée, ne produit aucun élément de nature à établir que ceux-ci relèvent, près de deux ans après la délivrance du véhicule, d'un défaut de conformité.
La cour observe que la nature même des défauts apparus à compter de cette date n'est pas établie, seuls étant produits à cet égard une facture de dépannage du 21 mars 2018 mentionnant 'panne injection' ainsi que des compte-rendus de diagnostics électroniques des 23 et 26 mars 2018 mentionnant pour le premier un "défaut de redondance logicielle au niveau de l'injection" et pour le second le même défaut ainsi qu'un "temps de démarrage trop long".
Par ailleurs, Mme [L], bien que visant dans ses écritures les dispositions relatives à la garantie des vices cachés, ne développe aucune argumentation sur ce fondement et n'établit dès lors ni l'existence d'un tel vice ni son antériorité à la vente.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à la résolution de la vente et au remboursement de la somme de 9 980 euros.
- Sur les demandes indemnitaires formées par Mme [L],
En l'absence de preuve d'un vice affectant le véhicule de nature à justifier la mise en cause de la société GH Auto Service au titre de son obligation de délivrance conforme ou de la garantie légale des vices cachés, le jugement dont appel sera confirmé, pour les motifs y exposés, en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par Mme [L] au titre des dépenses effectuées pour rendre le véhicule conforme, du coût de l'assurance du véhicule immobilisé au 28 mai 2019, du remboursement des intérêts et de l'assurance afférents à l'emprunt d'acquisition de celui-ci et de ses préjudices accessoires.
- Sur la demande subsidiaire d'expertise subsidiaire formée par Mme [L],
Aux termes de l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
L'article 144 du même code permet au juge d'ordonner des mesures d'instruction en tout état de cause, dès lors qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
Ces mesures d'instruction, revêtant un caractère facultatif, relèvent du pouvoir discrétionnaire du juge saisi qui n'est pas tenu de motiver spécialement son éventuel refus.
Indépendamment du fait qu'il n'appartient pas à au juge de suppléer la carence probatoire d'une partie, la cour relève que Mme [L] n'a formé, pour la première fois en appel et du fait de sa qualité de demanderesse, une demande d'expertise qu'à titre subsidiaire, alors même que le jugement dont appel a été confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la résolution de la vente de sorte que sa demande d'expertise est devenue sans objet.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon ;
Y ajoutant, vu l'évolution du litige,
Constate que la demande d'expertise formée subsidiairement en appel par Mme [B] [L] est devenue sans objet ;
La condamne aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, la déboute de sa demande.