CA Limoges, ch. civ., 11 janvier 2023, n° 21/01053
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
de La Perpedie (GAEC)
Défendeur :
Defi Mat Doussaud (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Balian
Conseillers :
M. Soury, Mme Seguin
Avocats :
Me Laurent, Me Badefort
FAITS ET PROCÉDURE
Le 13 décembre 2016, le GAEC de la Perpedie (le GAEC) a acquis un tracteur d'occasion de marque Steyr auprès de la société Defi Mat Doussaud (la société Doussaud) pour un prix de 22 800 euros TTC payé intégralement par la reprise d'un tracteur New Holland estimé à ce montant.
Ayant été confronté à des pannes diverses, le GAEC a saisi son assureur de protection juridique qui a mandaté son expert, le cabinet JF Penaud lequel après examen du tracteur en présence des représentants de la société Doussaud, a déposé son rapport le 28 février 2019.
Soutenant que le compteur horaire du tracteur était inexact et que le système de freinage de ce véhicule était défectueux, le GAEC a, par acte du 19 décembre 2019, assigné la société Doussaud devant le tribunal judiciaire de Tulle pour obtenir :
- la résolution de la vente sur les fondements juridiques de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, de la responsabilité du vendeur qui a manqué à son obligation de délivrance conforme,
- la restitution du prix sur la base de 22 800 euros,
- la condamnation du vendeur à lui payer des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 15 novembre 2021, le tribunal judiciaire a débouté le GAEC de son action après avoir retenu :
- que cet acheteur avait été informé du changement du compteur horaire,
- que la date d'apparition de la défaillance du freinage était indéterminée.
Le GAEC a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Le GAEC conclut à la résolution de la vente avec restitution d'une somme de 22 800 euros TTC, à titre principal, sur le fondement de la garantie des vices cachés, subsidiairement, sur celui de la responsabilité du vendeur qui a manqué à son obligation de délivrance conforme, très subsidiairement, pour erreur sur les qualités substantielles du tracteur vendu dont l'horodateur est inexact et dont le freinage est défectueux. En tout état de cause, le GAEC réclame paiement :
- de 38 258,40 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,
- de 2 504,16 euros en remboursement de coût de réparations,
- de 1 881,36 euros en remboursement d'une facture du GAEC Pommepuy,
- de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
La société Doussaud conclut à la confirmation du jugement, et appelante incidente, réclame des dommages-intérêts pour procédure abusive.
MOTIFS
Au soutien de sa demande en résolution de la vente du tracteur Steyr, le GAEC fait état de deux griefs :
- cet engin agricole est équipé d'un compteur horaire ayant été remplacé, en sorte que le nombre d'heures affiché ne correspond pas à la durée réelle d'utilisation -et partant de l'usure- de ce matériel,
- des pannes sont survenues après la vente du tracteur qui démontrent que celui-ci était affecté, avant même cette transaction, de vices cachés affectant son démarreur, son faisceau électrique et son système de freinage.
Le bon de commande signé par le GAEC le 11 août 2016 porte sur un tracteur d'occasion de marque Steyr "9125" de l'année 1997, sans précision d'un nombre d'heures d'utilisation.
Les mentions du bon de livraison du 13 décembre 2016 démontrent que le matériel livré est conforme à la commande, ce document précisant expressément qu'il a été essayé par le client -ce que le GAEC ne conteste pas- et qu'il a été vendu "sans garantie". Cette absence de garantie contractuelle est rappelée dans un document du même jour dont l'intérêt est de préciser "nombre d'heures départ : 4057".
Après avoir reconstitué l'historique du tracteur Steyr, l'expert de l'assureur du GAEC a relevé que le compteur horaire équipant cet engin avait été remplacé le 12 avril 2002 et que le chiffre affiché de 4057 heures n'était pas représentatif de la durée réelle d'utilisation du tracteur, celle-ci étant sensiblement supérieure.
Certes, le nombre d'heures d'utilisation constitue un élément essentiel dans une transaction portant sur un matériel agricole puisqu'elle permet d'apprécier l'état d'usure de l'engin vendu.
Cependant, en l'occurrence, l'ancien propriétaire du tracteur Steyr, M. [U] [F], atteste s'être chargé, en accord avec la société Doussaud, de présenter ce matériel au GAEC, et qu'à cette occasion, il a informé le représentant de ce groupement que le compteur horaire équipant cet engin agricole avait été remplacé avant même qu'il en devienne lui-même propriétaire. M. [F] a ensuite précisé dans un courrier du 1er février 2019 adressé au gérant du GAEC ne pas avoir procédé lui-même à ce remplacement, ce qui permet de déduire que ce changement est intervenu avant son acquisition, le 12 avril 2002 ainsi que l'a relevé l'expert (rapport p. 3).
Le GAEC se borne à contester ce témoignage, qu'il qualifie "de complaisance", sans toutefois étayer sa contestation d'éléments objectifs qui seraient de nature à remettre en cause la valeur probante de l'attestation de M. [F].
Il doit donc être considéré que le GAEC a été effectivement informé, au cours de l'essai du tracteur, du remplacement du compteur horaire, et donc de l'absence de fiabilité des informations affichées.
Nonobstant cette incertitude sur la durée d'utilisation du tracteur dont il avait connaissance, le GAEC a acquis celui-ci, ce dont il se déduit qu'il n'entendait pas faire de cette information une condition déterminante de son consentement. Il ne peut dès lors poursuivre la résolution de la vente sur le fondement du défaut de conformité de la chose livrée, puisque la durée d'utilisation du tracteur n'est pas entrée dans le champ contractuel.
En l'état de sa connaissance du remplacement du compteur horaire préalablement à son achat, le GAEC ne peut pas non plus se prévaloir de la garantie des vices cachés puisque le défaut présentait un caractère apparent du fait de sa révélation.
Il ne peut davantage se prévaloir d'une erreur sur une qualité substantielle du bien vendu, le défaut de fiabilité de la durée d'utilisation n'ayant pas déterminé son consentement.
S'agissant des autres griefs allégués par le GAEC qui portent sur la défaillance du démarreur du tracteur, de son faisceau électrique et de son système de freinage, ceux-ci consistent en des défauts mécaniques qui ressortent de la garantie des vices cachés, sous réserve d'exister à la date de la vente et de compromettre le bon usage de la chose vendue.
L'expert a relevé que le démarreur a été remplacé le 18 janvier 2017, soit un mois après la vente, la société Doussaud consentant au GAEC une remise commerciale de 30 % sur le prix de la pièce (facture de réparation de 240 euros TTC). Rien ne permet d'affirmer que cette pièce était défectueuse à la date de la vente.
Il en va de même en ce qui concerne la défaillance du faisceau électrique survenue le 6 novembre 2017, onze mois après la vente, et réparée le jour même ainsi que de "l'absence de résistance aux pédales de frein" qui n'a été révélée que lors de la réunion d'expertise du 31 janvier 2019, plus de deux ans après la vente.
Il s'ensuit que c'est à juste titre, et au terme d'une exacte appréciation des éléments de fait et de droit du litige, que le premier juge a débouté le GAEC de son action.
Même si elle s'avère non fondée, l'action du GAEC ne présente pas de ce seul fait un caractère abusif. Quant au défaut de comparution de ce groupement à la tentative de conciliation qu'il avait pourtant sollicitée, il ne peut suffire à caractériser la mauvaise foi alléguée par la société Doussaud dont la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Tulle ;
REJETTE la demande de la société Defi Mat Doussaud en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE le GAEC de la Perpedie à payer à la société Defi Mat Doussaud une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le GAEC de la Perpedie aux dépens.