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Décisions

Cass. 1re civ., 6 mars 2013, n° 12-14.488

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Montpellier, du 20 oct. 2011

20 octobre 2011

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; qu'aux termes du deuxième, la communication des pièces doit être spontanée ; qu'aux termes du troisième, si tel n'est pas le cas, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 juin 2009, Bull. 2009, I, n° 123), que des difficultés se sont élevées dans la liquidation et le partage de la succession de Gérard X..., décédé le 7 octobre 1990, entre Mme Y..., sa fille née d'une première union, et sa veuve et leurs deux enfants, M. Philippe X... et Mme Z... (les consorts X...) ; que, dans ses dernières conclusions, Mme Y... a fait valoir que les cinquante-huit premières pièces visées au « bordereau récapitulatif de pièces communiquées », annexé aux dernières conclusions des consorts X..., ne lui avaient jamais été communiquées ; que la cour d'appel a statué au fond ;

 

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y... de réouverture des débats afin que soit ordonné sous astreinte aux consorts X... de lui communiquer lesdites pièces, l'arrêt attaqué relève, d'une part, que celle-ci a reçu le bordereau de communication de quatre-vingt-cinq pièces le 6 octobre 2010, que cette communication a été réitérée avec de nouvelles pièces dans les conclusions du 31 août 2011, d'autre part, que ces pièces communiquées par bordereau entre avoués sont à la disposition des parties, de sorte qu'il appartenait à Mme Y... de les obtenir matériellement si une telle remise n'avait pas été faite spontanément, pour en déduire que, dans ces conditions, il n'y a pas d'atteinte au principe de la contradiction ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Y... soutenait, sans être contredite, avoir demandé en vain par voie de sommation la communication des pièces dont se prévalaient les consorts X..., la cour d'appel, à laquelle il incombait, dès lors, d'ordonner cette communication, a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

 

Condamne les consorts X... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à Mme Y... une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à la réouverture des débats et à ce qu'il soit fait injonction aux consorts A...- X... de produire la totalité des pièces visées au bordereau du 6 août 2010 ;

AUX MOTIFS QUE maître Y... a reçu le bordereau de communication de 85 pièces le 6 octobre 2010, cette communication a été réitérée avec de nouvelles pièces dans les conclusions du 31 août 2011 ; que ces pièces communiquées par bordereau entre avoués sont à la disposition des parties et il appartenait à Mme Y... de les obtenir matériellement si une telle remise n'avait pas été faite spontanément ; que dans ces conditions, il n'y a pas d'atteinte au principe de la contradiction, alors que cette procédure est instruite depuis mi 2009 devant la cour de Montpelier, après avoir fait l'objet d'une assignation introductive d'instance du 19 février 1993 ;

1°) ALORS QUE si la communication des pièces n'est pas faite spontanément, il peut être demandé au juge, qui doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction, d'enjoindre cette communication ; qu'en jugeant, pour refuser de faire droit à la demande de Mme Y... de communication de 58 pièces figurant sur le bordereau de communication de ses adversaires et non produites en première instance, que ces pièces étaient à sa disposition et qu'à défaut de communication spontanée il lui appartenait de les obtenir matériellement, la cour d'appel a violé les articles 16, 132 et 133 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, en se bornant à relever, pour écarter la demande de communication de pièces, qu'il appartenait à Mme Y... de les obtenir matériellement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle n'avait pas fait à plusieurs reprises et sans succès sommation de communiquer ces pièces aux consorts A...- X..., de sorte que l'injonction de communiquer demeurait la seule voie pour les obtenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 132 et 133 du code de procédure civile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes de rapport à la succession de Gérard X... des donations déguisées dont ont profité Mme A... et ses deux enfants et d'application de la sanction du recel et de sa demande de rapport à la succession par Mme Sylvie X... de la valeur du loyer du bien situé... à Pertuis ;

AUX MOTIFS QUE, sur la maison d'habitation avec garage et jardin sise à..., Arles, Mme Y... prétend que cet immeuble est vendu et que l'argent a disparu sans apporter la moindre précision sur sa valeur, les dates d'achat et de revente ; qu'il ne résulte pas des fiches hypothécaires que Mme X... née C..., la mère du de cujus, ni Me X... aient été propriétaires d'un tel immeuble ; qu'en l'absence de preuve Mme Y... sera déboutée de cette demande ; que Mme Y... soutient que les biens acquis par Mme A..., seule ou avec ses enfants, sont des donations à savoir : parcelle de terre en nature de vigne située à Pertuis... acquise le 20 décembre 1963, revendue le 26 novembre 1996 ; que ce bien a été acquis le 20 décembre 1963 par Mme A... avant son mariage pour le prix de 850 francs et il a été revendu le 26 novembre 1996 ; que ce terrain est donc un propre de Mme A... et n'a pas à figurer à l'actif successoral de Me X... ; que, sur l'immeuble à Pertuis,..., ce bien constitué d'une maison sur trois niveaux de 105 m2 a été acquis le 6 août 1981 par Mme A... seule pour le prix de 100. 000 francs, au moyen d'un prêt de ses parents d'un montant de 72. 000 francs, ainsi qu'il résulte de son compte personnel à l'étude ; que dans ces conditions, ce bien est un propre de Mme A... et Mme Y... n'établit pas l'existence d'une donation déguisée ; que, sur les biens des enfants X...- A..., Mme Y... affirme que Mme A... ne disposait pas des sommes nécessaires à l'acquisition de tels biens pour ses deux enfants ; que, sur les terrains acquis le 20 octobre 1994 à Pertuis..., ces terrains acquis par les deux enfants de Me X... 4 ans après son décès n'entrent pas dans la masse successorale et il ne peut y avoir recel ; que sur les lots 264-332 de copropriété..., ces lots de copropriété ont été acquis par Mme A... par acte notarié du 10 février 1994, soi après le décès de Me X... ; qu'il ne peut s'agir d'un actif successoral et donc il ne peut y avoir de recel ; que partant du postulat que Mme A... n'avait pas de fonds personnels lui permettant d'acquérir des biens immobiliers en propre ou en indivision, Mme Y... allègue sans preuve que son père aurait vendu des biens immobiliers propres à vil prix pour réinvestir dans d'autres biens immobiliers au nom de Mme A..., alors que Mme A... justifie d'une part que tous les immeubles biens propres ou indivis de Me X... et ceux hérités de sa mère et ceux existants au jour du décès de son époux ont tous fait l'objet de la déclaration de succession fin 1991 communiquée à Mme Y... et d'autre part que les acquisitions de Mme A... de bien indivis ou de biens propres l'ont été avec des fonds personnels ; que dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce que Mme Y... a été déboutée de ses demandes au titre des donations déguisées ;

1°) ALORS QU'à l'acte de vente du 27 février 1957, produit aux débats par Mme Y... (pièce n° 17) et visé dans ses conclusions (p. 10 § 4), Gérard X... était désigné comme vendeur d'une maison d'habitation avec garage et jardin situé à Arles, quartier du..., ce dont il découlait clairement que le de cujus avait été propriétaire de ce bien ; qu'en retenant pourtant, pour écarter les demandes de Mme Y... de rapport à la succession du prix de vente et d'application de la sanction du recel, qu'il ne résultait pas des fiches hypothécaires que le de cujus ait été propriétaire d'un tel immeuble et que faute de preuve elle devait en être déboutée, la cour d'appel a dénaturé par omission l'acte de vente du 27 février 1957 et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE les héritiers qui auraient diverti ou recelé des effets d'une succession ne peuvent prétendre à aucune part dans les objets divertis ou recelés ; que la cour d'appel, en se fondant exclusivement, pour débouter Mme Y... de ses demandes, sur la circonstance inopérante que la parcelle de terre en nature de vigne située à Pertuis... avait été acquise par Mme A... avant son mariage avec Gérard X..., de sorte que ce terrain était un bien propre à cette dernière, sans même se prononcer sur les conditions de financement de ce bien susceptibles de caractériser un recel, a privé sa décision de base légale au regard des articles 931 et 792 (ancien) du code civil ;

3°) ALORS QU'en se bornant à relever, pour écarter l'existence d'une donation déguisée et d'un recel, que l'immeuble situé à Pertuis,..., d'une valeur de 100. 000 francs, avait été acquis par Mme A... à l'aide d'un prêt de ses parents d'un montant de 72. 000 francs, sans rechercher si le solde du prix de vente n'avait pas été réglé grâce à des fonds donnés par Gérard X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 931 et 792 (ancien) du code civil ;

4°) ALORS QU'en se bornant encore à retenir que les terrains situés à Pertuis..., achetés par Mme A..., et les lots de la copropriété située..., achetés par ses enfants, avaient été acquis après le décès de Gérard X..., de sorte qu'ils n'entraient pas dans la masse successorale et qu'il ne pouvait y avoir recel, sans rechercher si les fonds ayant servi à ces acquisitions n'avaient pas été détournés de la succession, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 (ancien) du code civil ;

5°) ALORS QUE Mme Y... faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 15 § 8 à p. 16 § 4) que devait être rapporté à la succession l'avantage consenti par Gérard X... à sa fille Sylvie consistant en la mise à disposition à titre gratuit d'un logement lui appartenant ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, de nature à établir que Mme Sylvie X... était débitrice d'un rapport à la succession de son père, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de rapport à la succession des primes des contrats d'assurance-vie contractés par son père au profit des consorts A...- X... ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... soutient que les primes des contrats d'assurance-vie souscrits par M. X... au profit de Mme A... et ses enfants sont manifestement excessives par rapport aux revenus du souscripteur et qu'elles constituent des libéralités rapportables ; mais que le montant des deux assurances-vie souscrites par le de cujus a été porté par sa veuve au crédit de la succession sur le compte d'administration de la succession :-251. 941, 36 francs versés par UNOFI le 4 juin 1991,-121. 552, 08 francs versés par SOGECAP le 10 juin 1991 ; que ces sommes ont servi à payer les droits de succession pour le compte de tous les héritiers, ainsi qu'il résulte des écritures des 10 juin 1991 et 4 décembre 1991 du compte ... X... Gérard ; que les assurances-vie n'ont donc pas été dissimulées, elles ont été rapportées au compte de la succession et ont été communiquées depuis 1991 à Mme Y..., la question du montant des primes étant indifférente, alors même que Maître X... avait un patrimoine immobilier et mobilier important outre ses revenus professionnels ; que Mme Y..., qui n'a pas été lésée par les primes alimentant les contrats d'assurance-vie, dont le montant a servi à payer les droits de succession, sera donc déboutée de ses demandes de ce chef ;

1°) ALORS QUE les primes manifestement exagérées versées sur un contrat d'assurance-vie sont soumises aux règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve ; qu'en se fondant, pour dire qu'était indifférente la question du montant des primes d'assurances-vie versées par Gérard X... sur deux contrats souscrits au profit des consorts A...- X... et ainsi débouter Mme Y... de sa demande de rapport à la succession de ces primes, sur les circonstances inopérantes qu'elles n'avaient pas été dissimulées et que les sommes versées par les assureurs avaient été « rapportées » au compte d'administration de la succession pour payer les droits de succession, la cour d'appel a violé l'article L. 132-13 du code des assurances ;

2°) ALORS QUE le caractère manifestement exagéré des primes d'assurance-vie s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ; qu'en se contentant d'affirmer, pour débouter Mme Y... de sa demande de rapport, qu'outre ses revenus professionnels, Gérard X... avait un patrimoine immobilier et mobilier important, sans préciser ni le montant des primes versées, ni la consistance du patrimoine et des revenus du défunt au moment du versement des primes, lequel n'était pas indiqué, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances.