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Décisions

Cass. com., 1 avril 1997, n° 95-11.889

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Versailles, du 8 déc. 1994

8 décembre 1994

Attendu que la société De Neuville fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la remise du rapport du commissaire aux comptes sous astreinte journalière de 200 francs et de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 70 000 francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice résultant de la violation de la clause d'exclusivité alors, selon le pourvoi, qu'elle a produit aux débats cet accord puisqu'il figurait dans le compte rendu de la réunion dressé par la société TGA, elle-même, et qui stipulait que "pour répondre aux attentes de De Neuville, TGA s'efforcera, dans la mesure du possible, d'offrir des solutions et des prix compétitifs à De Neuville; toutefois en cas de non-compétitivité, TGA précise à De Neuville que le devis pourra être refusé et l'achat effectué directement par De Neuville"; que la cour d'appel a donc dénaturé par omission ce document en déclarant qu'il n'avait pas été versé aux débats, et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt qui rappelle que "la société Neuville invoque un accord de la société TGA lors d'une réunion du 4 février 1992" retient qu'"aucun document n'est produit quant à ce prétendu accord contesté par la société TGA"; que cette constatation ne peut être contestée que par la voie de l'inscription de faux; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société De Neuville fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de la somme de 285 451 francs au titre des intérêts et pénalités contractuelles alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire; que la société TGA n'a jamais expliqué contradictoirement comment la réclamation principale à hauteur de 108 628,12 francs avait pu produire en plus de cette somme des intérêts et des pénalités à hauteur de 287 451,61 francs et qu'en se fondant dès lors sur des pièces non contradictoirement communiquées, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, que lorsqu'un client conteste le montant d'une facture, il appartient au vendeur de rapporter la preuve de son montant; que la cour d'appel qui a considéré que la société TGA a justifié du montant du calcul des intérêts contractuels réclamés, sans rechercher si comme il était allégué par elle, la société TGA n'a jamais versé aux débats aucun élément expliquant le calcul, qu'elle n'a pas davantage explicité dans ses conclusions, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1152 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la société TGA justifie du montant du calcul des intérêts contractuels réclamés; qu'à défaut d'énonciation contraire dans la décision, les documents sur lesquels les juges se sont appuyés et dont la production n'a donné lieu à aucune contestation devant eux sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'encourt pas le grief de la première branche, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société De Neuville fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de la somme versée au titre de l'astreinte alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsqu'il ne s'agit pas de discuter de la liquidation de l'astreinte, mais de l'existence même de l'obligation dont elle assure l'exécution, le juge d'appel doit se prononcer ;

que la cour d'appel, qui s'est considérée comme incompétente sur sa demande qui concernait le principe même de la condamnation, et non sa liquidation, a ainsi violé les termes des articles 170 du nouveau Code de procédure civile et 658 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972; et alors, d'autre part, que l'astreinte tend à obtenir l'exécution du débiteur d'une obligation ;

qu'en ne recherchant pas si, comme elle le soutenait, le retard de la production du rapport certifié du commissaire aux comptes qui avait été ordonnée sous astreinte, ne venait pas d'elle, mais du commissaire aux comptes qui avait préféré différer la rédaction puis la remise de ce rapport en période d'établissement des bilans des sociétés, la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que les justifications fournies par la société De Neuville ne permettent pas de l'exonérer de sa faute contractuelle et qu'il en résulte que l'injonction faite à elle par les juges du tribunal de commerce de remettre le rapport du commissaire aux comptes est justifiée; que la cour d'appel, sans encourir le grief du moyen, s'est donc prononcée sur le principe de la condamnation ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel qui n'avait pas à se prononcer sur la liquidation de l'astreinte, n'avait pas non plus à rechercher si le retard dans la production du rapport n'était pas imputable à la société De Neuville ;

D'où il suit que le moyen qui manque en fait dans sa première branche n'est pas fondé en sa seconde branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société De Neuville aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société De Neuville à payer à la société TGA la somme de 10 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.