Cass. com., 10 novembre 2015, n° 14-11.370
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 20 juin 2013), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 20 mars 2012, pourvoi n° 11-13.534) que MM. X... et Y..., agriculteurs, ont constitué en 1989 un groupement agricole d'exploitation en commun dénommé GAEC de la Sebirerie ; que M. X... ayant souhaité se retirer du groupement, deux assemblées générales des 25 janvier et 1er mars 1999 et une convention du 27 mai 1999 ont fixé les conditions de son départ ; que M. X... a assigné l'EARL de la Sebirerie, venant aux droits du GAEC, et M. Y... en annulation des actes conclus en 1999, pour vice du consentement, et en remboursement de certaines sommes ; que l'EARL de la Sebirerie et M. Y... ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'EARL de la Sebirerie et M. Y... font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article 15 du décret du 9 décembre 2009, modifié par l'article 14 du décret du 28 décembre 2010, la nouvelle rédaction de l'article 954 du code de procédure civile, issue de l'article 11 du premier de ces décrets, suivant laquelle la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ne s'applique qu'aux appels formés à compter du 1er janvier 2011 ; qu'en décidant néanmoins que la nouvelle rédaction de l'article 954 du code de procédure civile était applicable aux conclusions de M. Y... et de l'EARL la Sebirerie signifiées le 12 avril 2013 devant la cour d'appel de Caen, statuant comme juridiction de renvoi après cassation partielle de l'arrêt rendu le 9 décembre 2010 par la cour d'appel de Rouen saisie d'un appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 9 décembre 2004 par le tribunal de grande instance de Bernay, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel est saisie des prétentions et moyens des parties formulés expressément dans les motifs de leurs conclusions même si elles n'ont pas été reprises dans leur dispositif ; qu'en refusant de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par M. X..., soulevée dans le corps des conclusions d'appel de l'EARL la Sebirerie et de M. Y... signifiées le 12 avril 2013, la cour d'appel a violé l'article 954 dans sa rédaction applicable au litige ;
Mais attendu que l'arrêt relève que si les intimés consacrent un paragraphe de leurs dernières conclusions à la prescription de l'action initiée par M. X..., le dispositif de ces mêmes écritures, qui ne reprend pas ce moyen, conclut à la confirmation du jugement, lequel a déclaré l'action recevable ; que, dans ces conditions, et abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la première branche, la cour d'appel, qui était saisie de conclusions contradictoires, ne peut se voir reprocher de n'avoir statué que sur les prétentions énoncées au dispositif ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'EARL de la Sebirerie et M. Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que ne peut constituer une cause de nullité d'une cession de parts l'erreur invoquée par le cédant portant non pas sur les qualités substantielles des parts mais sur leur valeur ; qu'il ressort des motifs de l'arrêt que « le bilan établi au 28 février 1999 par le Centre d'Economie Rurale avait anticipé la comptabilisation de l'attribution des biens de l'actif social et des transferts d'emprunt au profit de M. X... alors que les transferts d'emprunt par délégation de créances n'ont été acceptés par le Crédit agricole que le 27 mars 1999 et que l'assemblée générale n'a statué sur le retrait que le 1er mars 1999 d'où il résultait que cette anticipation des écritures comptables avait eu pour conséquence que le bilan présenté au 28 février 1999 ne reflétait plus la situation comptable réelle active et passive du groupement, ce qui avait conduit à une valorisation des parts très inférieure à leur valeur réelle ; qu'en déduisant de ces constatations que le consentement de M. X... avait été vicié par une erreur sur les qualités substantielles du contrat de cession des parts sociales alors même que cette erreur ne portait, en l'absence de toute manoeuvre dolosive, que sur la seule valorisation de celles-ci par l'effet de la commune volonté des parties, la cour d'appel a violé les articles 1109 et 1110 du code civil ;
2°/ que l'erreur sur les qualités substantielles déterminantes du consentement doit s'apprécier au moment de la formation du contrat ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que lors de l'assemblée générale extraordinaire du 1er mars 1999, la société a proposé de racheter à M. Patrick X... les parts sociales qu'il souhaitait céder conformément aux modalités suivantes : 7 000 parts d'une valeur nominale de 100 francs au prix de 21 francs la part, soit pour un montant total de 147 000 francs et que le 27 mai 1999 les parties ont régularisé la cession des 7 000 parts appartenant à M. X... au GAEC de la Sebirerie au prix de 21 francs la part ; qu'en énonçant que l'erreur sur la valorisation des parts avait été la conséquence de la méprise de M. X... sur les données objectives du contrat de cession sans rechercher si l'acte du 27 mai 1999 n'avait pas été la simple réitération de la résolution adoptée le 1er mars 1999 par l'assemblée générale extraordinaire du GAEC de la Sebirerie dont M. X... était associé et qui n'avait donné lieu à aucune contestation de sa part d'où il résultait que le consentement de M. X... avait été donné en pleine connaissance des éléments comptables au vu desquels cette assemblée avait déjà fixé à 21 francs la valeur de la part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la présentation erronée du bilan, qui devait servir de référence à la fixation de la valeur des parts sociales a eu pour conséquence l'établissement d'une valorisation très inférieure à la valeur réelle de celles-ci et ajoute que l'erreur de M. X... sur la valorisation de ses parts n'est que la conséquence de cette méprise ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'erreur portait sur la situation financière de la société dont les parts étaient cédéees, la cour d'appel a pu déduire que cette erreur affectait les données objectives de la cession et avait été déterminante du consentement de M. X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.