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Décisions

Cass. com., 12 février 2013, n° 12-13.837

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Papeete, du 12 mai 2011

12 mai 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., associé de la société civile API Ingénierie (la société), ayant M. Y..., également associé, pour gérant, a demandé, en justice, l'autorisation de se retirer de la société pour justes motifs ; qu'il a, en outre, demandé la condamnation de cette dernière au paiement de sa créance de dividendes au titre des exercices 1997 et suivants ainsi que celle de M. Y... au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre M. Y... alors, selon le moyen, que chaque gérant est responsable individuellement des infractions aux lois et règlements, de la violation des statuts et des fautes commises dans sa gestion ; que M. X... demandait la condamnation de M. Y..., gérant de la société API, à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi pour avoir été empêché d'exercer son droit de retrait par la faute de celui-ci ; que cette faute consistait dans l'absence de tenue, par M. Y..., d'une comptabilité sincère de la société API Ingénierie, qui avait rendu indispensable le rétablissement de la comptabilité de la société par voie expertale préalablement à tout retrait ; qu'en retenant, pour écarter toute obstruction de ses contradicteurs à l'exercice de son droit de retrait et débouter M. X... de cette demande, la nécessité dans laquelle s'était trouvé le tribunal d'ordonner par son jugement avant dire droit du 18 mai 2005 une nouvelle expertise, afin de disposer d'une image fidèle de la situation de la société et vérifier si l'autorisation de retrait pouvait ou non être donnée, sans rechercher si cette situation n'était pas directement liée à l'absence de tenue d'une comptabilité sincère reprochée à M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1850 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le tribunal s'est trouvé dans la nécessité d'ordonner une nouvelle expertise, par un jugement du 18 mai 2005, en raison des difficultés suscitées par le rapport de l'expert commis par une précédente décision ; que la cour d'appel a, ainsi, procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de retrait de la société alors, selon le moyen :

1°/ que le retrait d'un associé d'une société civile peut être autorisé pour justes motifs par décision de justice ; qu'ayant constaté que l'éloignement géographique de M. X..., depuis maintenant vingt années, de la Polynésie française où la société API Ingénierie exerce son activité, ainsi que la mésentente entre les associés sont de nature à fonder l'exercice du droit au retrait, la cour d'appel qui a cependant estimé que le retrait de M. X... ne répondrait pas à de justes motifs, pour des considérations inopérantes tirées des effets de ce retrait à l'égard de la société, des autres associés et des tiers, a violé l'article 1869 du code civil ;

2°/ que le retrait d'un associé d'une société civile s'effectue sans préjudice des droits des tiers, envers lesquels il continue de répondre indéfiniment des dettes sociales exigibles à la date de son retrait ; qu'ayant constaté que la valeur des parts de M. X... en cas de retrait serait fixée en tenant compte de l'actif et du passif social à la date du transfert de propriété, et que M. X... resterait personnellement tenu à l'égard des tiers, ce dont il résulte que le retrait sollicité ne pouvait porter aucune atteinte aux droits de ces derniers, la cour d'appel qui a cependant refusé le retrait de la société API Ingénierie de M. X..., au motif erroné que ce retrait ne répondrait pas à l'exacte considération des droits des tiers, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1869 et 1857 du code civil ;

3°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, pour refuser le retrait de la société API Ingénierie de M. X..., le moyen pris de l'assignation en redressement judiciaire de la société par un créancier impayé, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 6 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Mais attendu que la personnalité morale d'une société dissoute ne subsiste que pour les besoins de sa liquidation ; que les opérations inhérentes à l'accueil d'une demande de retrait formée par un associé d'une société dissoute, visant au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, sont étrangères aux besoins de la liquidation ; qu'ayant relevé que la société avait été dissoute par l'effet d'un jugement du 20 juillet 2005 et que les opérations de liquidation étaient en cours, la cour d'appel en a exactement déduit, par motif adopté, que la demande de M. X... tendant à être autorisé à se retirer devait être rejetée ; que le moyen, qui, en ses trois branches, critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 6 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Attendu que l'arrêt " fixe " la créance de dividendes de M. X... à l'égard de la société, au titre des exercice antérieurs à 2002, au montant de 8 991 341 francs pacifique, majoré des intérêts moratoires, " sauf prescription " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, relevée d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la créance de dividendes de M. X... au titre des exercices antérieurs à 2002, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.