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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 20 février 2008, n° 07/04550

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lavijy (SARL)

Défendeur :

Du Pont Mercan (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseiller :

Mme Imbaud-Content

Avoués :

SCP Hardouin, SCP Goirand

Avocats :

Me Blatter, Me Decaup, Me Kap-Herr

TGI Paris, du 22 févr. 2007, n° 05/18276

22 février 2007

I – EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte du 17 mai 2004, la Sci du PONT MERCAN a consenti à la Sarl LAVIJY à bail dérogatoire des locaux commerciaux à destination de bar, brasserie, restaurant, PMU, jeux de loterie, tabac, vente à emporter composés d’un rez de chaussée, d’une cave et d’un WC au 1er étage, situés à Paris 5e, XXX, pour une durée de 12 mois à compter du 17 mai 2004.

Le 6 décembre 2005, la Sarl LAVIJY assignait son bailleur en reconnaissance du statut des baux commerciaux.

Le 13 décembre 2005, la Sci du PONT MERCAN assignait son locataire en résiliation du bail.

La Cour statue sur l’appel interjeté par la Sarl LAVIJY du jugement rendu le 22 février 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris qui, après jonction, a :

Dit qu’il s’est formé depuis le 17 Mai 2005 un bail relevant du statut des baux commerciaux entre la Sci du PONT MERCAN et la Sarl LAVIJY,

Dit que les travaux exécutés en mai et juin 2004 l’ont été avec l’accord tacite mais non équivoque du bailleur,

Dit que les travaux exécutés en janvier et février 2006 n’ont pas reçu l’accord du bailleur et ont eu pour conséquence de permettre la réception de clientèle dans un sous-sol loué à usage de cave, modifiant ainsi unilatéralement l’usage contractuel de ces lieux,

Prononcé en conséquence la résiliation du bail aux torts de la Sarl LAVIJY à compter de la présente décision,

A défaut de restitution volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du présent jugement, ordonné en conséquence l’expulsion de la Sarl LAVIJY, ainsi que de tous occupants de son chef,

Dit que les objets mobiliers se trouvant dans les lieux seront soumis aux dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 Juillet 1991,

Condamné la Sarl LAVIJY au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer actuellement exigible augmenté de 15 %, outre les charges et taxes, à compter de la présente résiliation,

Condamné la Sarl LAVIJY à payer à la Sci du PONT MERCAN une somme de 1 500 € par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamné la Sarl LAVIJY aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2007, la Sarl LAVIJY demande à la Cour de :

Débouter la SCI du Pont Mercan de ses prétentions;

Juger que la destination exclusivement commerciale stipulée dans le bail qui a été consenti à la société LAVIJY suivant acte sous seing privé du 17 mai 2004 l’autorise à utiliser commercialement la cave située au sous-sol ;

Constater également que les travaux réalisés en janvier 2006 dans la cave de l’immeuble constituent de simples travaux d’embellissement qui n’ont pas porté atteinte à la structure de l’immeuble et ont été entrepris de surcroît avec l’accord tacite de la SCI du pont Mercan ;

En conséquence :

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu’il jugé qu’il s’était opéré un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux régissant les rapports entre les parties au lendemain de l’expiration du bail dérogatoire, soit le 17 mai 2005, du fait du maintien en possession de la société LAVIJY sans opposition de la SCI du Pont Mercan conformément aux dispositions de l’article L. 145-5 du Code de commerce ;

Condamner la société DU PONT MERCAN aux dépens qui pourront être recouvrés par la septembre HARDOUIN, avoué à la cour,

Condamner la SCI du pont Mercan à payer la somme de 4 000 € à la société LAVIJY au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 2 octobre 2007, la Sci du PONT MERCAN demande à la Cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement ;

DIRE que la Sarl LAVIJY a également violé les dispositions contractuelles et légales en sous-louant sans autorisation préalable et expresse de sa bailleresse les locaux et en en changeant la destination ;

CONDAMNER la Société LAVIJY

à payer à la Sci DU PONT MERCAN la somme de 1 000 € pour sa mauvaise foi et sa résistance abusive ;

à payer à la Sci DU PONT MERCAN la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

en tous les dépens, y compris les frais de commandement de payer des 5 avril et 6 août 2007, qui pourront être recouvrés par la SCP GOIRAND conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC.

II – MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant que, dans ses conclusions, l’appelante ne critique pas le jugement en ce qu’il a dit :

qu’il s’est formé depuis le 17 Mai 2005 un bail relevant du statut des baux commerciaux entre la Sci du PONT MERCAN et la Sarl LAVIJY,

que les travaux exécutés en mai et juin 2004 l’ont été avec l’accord tacite mais non équivoque du bailleur ;

Que ces dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas remises en cause seront confirmées ;

Considérant que pour demander la confirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail, la Sci du PONT MERCAN fait valoir que le locataire, sans son autorisation, a effectué dans la cave, antérieurement utilisée comme réserve, des travaux afin de la transformer en espace de restaurant destiné à recevoir du public ; que ces travaux font courir des risques quant à la solidité de l’immeuble ; que, toujours sans son autorisation, la Sarl LAVIJY sous-loue régulièrement les locaux à des tiers pour l’organisation ponctuelle de soirées musicales ; que transformant ainsi ces lieux en pub – boîte de nuit, elle ne respecte plus la destination de l’intégralité des locaux ; qu’elle occasionne tant par les travaux réalisés que par l’exploitation notamment nocturne de l’établissement de graves nuisances sonores ; qu’enfin elle paie systématiquement en retard ses loyers ;

Considérant que certains de ces griefs ne sont pas pertinents ; que la transformation de la cave en espace de restaurant ne constitue pas une violation des obligations contractuelles, dès lors que le bail, notamment à destination de restaurant, ne limite pas l’usage qui peut être fait de la cave ; que, de même, rien dans les constats effectués ou les attestations produites ne permet de soutenir que les travaux effectués, qui consistent, ainsi qu’il résulte du constat d’huissier dressé le 3 février 2006 et de photos publiées sur internet le 11 septembre 2007, en un aménagement du sous-sol avec des banquettes, des tables basses et un écran plat de télévision, auraient fait courir des risques à la solidité de l’immeuble ; qu’enfin, le fait, comme il ressort de pages sur internet, que des soirées musicales à thème soient organisées, même pour le compte d’une clientèle déterminée (étudiants de 3e année de la Faculté Descartes, Pompiers de Paris) n’établit pas qu’il s’agirait de sous-locations soumises à l’agrément du bailleur ;

Considérant, en revanche, que les autres griefs sont avérés ;

Qu’il résulte des pages internet produites par l’intimé que le locataire, après avoir réalisé les travaux ci-dessus examinés, organise, sous le nom de Steeple Bar, des soirées dansantes dont la réclame est faîte sur internet ; qu’ainsi le 10 décembre 2006 a été réalisée une 'soirée cocktail tenue black and white’ pour le compte des étudiants de 3e année de la faculté René DESCARTES, le 25 janvier 2007 une 'soirée fire party’ avec les pompiers de Paris avec l’artiste Andy MAC DOOR, le samedi 8 septembre 2007 une soirée genre 'clubbing’ avec musique hip hop et house animée par DJ ; que ces soirées ne respectent la destination contractuelle limitée à bar, brasserie, restaurant, PMU, jeux de loterie, tabac, vente à emporter ;

Que plusieurs voisins et copropriétaires sont intervenus pour dénoncer les nuisances sonores occasionnées tant par les travaux que par les événements organisés ; qu’ainsi les nommés A B et C D attestent avoir observé dans la Cour intérieure de l’immeuble des appareils produisant bruit et chaleur ; que les époux Z attestent le 28 février 2006 que le bar fait énormément de bruit et que cela leur pose un problème majeur, sachant qu’ils sont parents d’une petite fille de 10 mois ; que le 23 juillet 2007, E B écrit que le Steeple Bar, depuis deux semaines, émet une musique d’une sonorité insupportable ; que la Préfecture de police, le 21 août 2006, a notifié au Steeple Bar que les travaux d’aménagement ont été réalisés sans son autorisation, et qu’en l’attente de mesures à réaliser comprenant l’ouverture de deux dégagements, l’accès à la salle du sous-sol est interdite au public et l’effectif du public reçu dans l’ensemble de l’établissement est limité à 50 personnes ; que ces nuisances ne respectent pas l’obligation pour le locataire d’user de la chose en bon père de famille ;

Qu’enfin la Sci du PONT MERCAN justifie, sans être démentie par l’appelant, qu’entre le 17 mars 2006 et le 17 octobre 2007, la Sarl LAVIJY a eu systématiquement un retard d’un mois à trois mois dans le paiement de ses loyers puis indemnités d’occupation ;

Qu’il existe ainsi à l’encontre de la Sarl LAVIJY des violations graves et renouvelées de ses obligations contractuelles qui justifient la résolution du contrat à ses torts ;

Que le bailleur, qui ne justifie pas d’un préjudice, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Que la Sarl LAVIJY, qui succombe, supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort,

I Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

II Condamne la Sarl LAVIJY à payer, au titre des frais irrépétibles d’appel, une somme de 1 000 € à la Sci du PONT MERCAN au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

III Déboute les parties de leurs autres demandes ;

IV Condamne la Sarl LAVIJY aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP GOIRAND, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC.