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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 12 mars 2008, n° 07/06526

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Yaacov (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, M. Peyron

Avoués :

SCP Lamarche-Bequet- Regnier-Aubert - Regnier - Moisan, SCP Goirand

Avocats :

Me Franchon, Me Chantres

TGI Paris, du 20 févr. 2007, n° 0205786

20 février 2007

Exposé des faits

I - EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte du 4 septembre 1998, Maurice G., aux droits duquel se trouve actuellement son fils P., a consenti à bail à Kamal B., aux droits duquel se trouve la Sarl YAACOV depuis une cession de droit au bail du 28 avril 2000, divers locaux commerciaux à destination de tous commerces, à l'exception des activités de restauration, laverie, pharmacie, vente de boissons et boîte de nuit, situés 87 ter ..., pour une durée de neuf années à compter du 4 septembre 1998, moyennant un loyer annuel en principal de 6 555 € .

Sur assignation du bailleur tendant à voir prononcer l'inopposabilité à son égard de la cession du droit au bail signée le 28 avril 2000 et la résiliation du bail aux torts du locataire en raison de travaux effectués par celui-ci sans son autorisation, le tribunal, par un premier jugement rendu le 14 décembre 2004 et confirmé en appel le 26 avril 2006, a :

• d'une part, débouté le bailleur de sa demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité à son égard de la cession du droit au bail signée le 28 avril 2000, • d'autre part, avant dire droit sur la demande de résiliation du bail consécutivement aux travaux effectués par le locataire, ordonné une expertise.

L'expert, M. De MONTRICHARD, a déposé son rapport le 14 mars 2006.

La Cour statue sur l'appel interjeté par Philippe G. le 11 avril 2007 à l'encontre de la Sarl YAACOV du jugement rendu le 20 février 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

• Débouté M. G. de ses demandes relatives à la résiliation judiciaire du bail du 4 septembre 1998, à l'expulsion de la SARL YAACOV et à la remise en état de la chose louée, • Donné acte à M. B. et à la SCI VIGNIER-JAMET-VINOT de ce qu'aucune demande n'est dirigée contre eux, • Rejeté le surplus des demandes, • Condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluront le coût de l'expertise.

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Dans ses dernières conclusions du 14 novembre 2007, Philippe G. demande à la Cour de :

• Voir infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 20 février 2007, • Statuant à nouveau, • Voir prononcer la résiliation du bail en application des dispositions des articles 1134 et suivants et 1315 du Code Civil. • Voir en conséquence prononcer l'expulsion de la société YAACOV ainsi que celle de tous occupants de son chef desdits lieux sous une astreinte de 1.000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à son départ effectif des lieux, • Dire que les meubles et effets mobiliers se trouvant dans les lieux seront séquestrés chez tout garde-meubles au choix de l'huissier instrumentaire et aux frais, risques et périls de la société YAACOY, • Voir condamner la société YAACOV à payer une indemnité d'occupation sur la base de 4.000 € par mois en principal outre les charges, taxes et accessoires de la convention à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à son départ effectif des lieux, • Voir condamner la société Y AACOV à payer à Monsieur Philippe G. la somme de 19 308,53 € au titre de la remise en état des locaux loués avec intérêts à compter des présentes conclusions et la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée faite de la plus parfaite mauvaise foi et la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC. • Voir débouter la société YAACOV de toutes ses demandes, fins et conclusions. • Voir condamner la société Y AACOV en tous les dépens, qui comprendront les frais et honoraires de l'expertise de Monsieur Guillaume d., lesquels pourront être recouvrés par la SCP REGNIER-BEQUET, avoués aux offres de droit dans les termes de l'article 699 du NCPC.

Dans ses dernières conclusions du 9 novembre 2007, la société YAACOV demande à la Cour de :

• CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Paris le 20 février 2007 et ce, en toutes ses dispositions ; • DEBOUTER Monsieur Philippe G. venant aux droits de Monsieur Maurice G. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; . • CONDAMNER Monsieur Philippe G. au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, • CONDAMNER Monsieur P. venant aux droits de Monsieur Maurice G. au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Motifs

II - MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que le précédent locataire, Kamal B., exploitait dans les locaux du 87 ter ..., composés d'une boutique en rez de chaussée, d'une cave et de deux pièces au 1er étage, un commerce de bazar bimbeloterie ;

Qu'à la suite de la cession du droit au bail du 28 avril 2000, la Sarl YAACOV, qui entendait exercer dans les lieux une activité de centre de soins dit centre aquathermes, y a effectué des travaux de transformation et de changement de distribution des lieux facturés le 31 octobre 2000 à la somme de 76 888,20 € TTC ;

Que, notamment, le cloisonnement a été refait à neuf sur les trois niveaux, les murs ont été doublés en plaques de plâtre cartonné et le sol a été carrelé ; qu'au rez de chaussée et au premier étage ont été

#1 créés, outre un salon d'accueil, des cabines comportant six lavabos, une baignoire et un receveur de douche ; qu'au sous-sol ont été créés une buanderie-laboratoire, une pièce de stockage des produits et un bureau ; que les volées d'escaliers ont été décloisonnées et des garde corps ont été posés ; que, cependant, l'expert note que le gros oeuvre n'a pas été modifié, seuls des percements très ponctuels d'environ 20 x 20 cm des planchers ayant été réalisés afin de permettre le passage des canalisations de plomberie ;

Considérant qu'il est constant que les travaux ont été effectués sans autorisation du propriétaire alors que le contrat de bail soumet à l'accord préalable et écrit du bailleur les transformations nécessitées par l'exercice de son activité (article 4) ainsi que les démolitions, percements de murs, de cloisons ou plancher, et changements de distribution (article 5) ;

Que ces travaux, contrairement aux mêmes clauses du bail, n'ont pas exécutés sous la surveillance de l'architecte du bailleur ;

#2 Considérant que pour dire n'y avoir lieu à résiliation du bail, le tribunal a d'abord observé qu'alors qu'il résulte d'un constat d'huissier dressé le 28 avril 2000, le jour même de l'entrée dans les lieux du nouveau locataire, que les locaux étaient alors totalement vétustes, qu'une partie des travaux, notamment ceux relatifs à l'électricité et à la peinture, s'imposaient comme répondant à une remise aux normes techniques et ne nécessitaient pas l'autorisation du propriétaire ;

Qu'en ce qui concerne les travaux qui touchent à la transformation et à la redistribution de la chose louée, notamment la maçonnerie et la plomberie, il a observé, en premier lieu, qu'ils étaient coûteux et soignés et, sauf des percements de murs très ponctuels, n'avaient pas porté sur le gros oeuvre ; en second lieu, que le bailleur, soumis à une obligation de délivrance, n'aurait pu valablement s'opposer aux travaux projetés, nécessaires à l'exercice de l'activité nouvelle de centre aquathermes ; en dernier lieu qu'il résultait de l'article 6 a contrario du bail que le bailleur pourra exiger en fin de bail la remise du bien loué dans son état primitif aux frais du locataire pour les travaux qu'il n'aura pas expressément autorisés ; qu'il en déduit que l'infraction aux clauses du bail n'est pas suffisamment grave pour légitimement prononcer sa résiliation judiciaire ;

#3 Considérant que pour demander l'infirmation du jugement l'appelant reprend les motifs qu'il a développés en première instance en faisant essentiellement valoir d'une part que le tribunal, qui a constaté l'importance des travaux qui ont touché au gros oeuvre, n'en a pas tiré les conséquences et d'autre part que le locataire ne pouvait imposer une nouvelle destination de centre aquathermes sans son accord ;

Mais considérant que le premier juge a justement répondu à ces demandes par les motifs pertinents ci-dessus rappelés que la Cour s'approprie pour dire que si l'infraction aux clauses du bail est caractérisée, elle n'est pas assez grave pour devoir entraîner la résiliation du bail ; qu'il sera précisé que si les travaux ont été, indiscutablement, importants, ils n'ont, cependant, modifié que de manière très ponctuelle le gros oeuvre ; qu'enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que le bail était conclu tout commerce autorisait le nouveau locataire à lui donner une nouvelle destination de centre aquathermes sans l'accord du bailleur même si celui-ci aurait du être demandé pour la réalisation des travaux correspondants ;

Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Philippe G. de toutes ses demandes ;

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Considérant que la Sarl YAACOV sollicite l'attribution d'une somme de 5 000 € pour procédure abusive ;

#4 Mais considérant qu'alors que ce locataire, en ne sollicitant pas l'accord préalable de son bailleur pour accomplir des travaux, a manqué aux obligations du bail, cette demande est particulièrement mal fondée et sera rejetée ;

Considérant que, bien que le bailleur succombe dans ses demandes, il sera dit pour les mêmes raisons que les dépens seront partagés par moitié ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, comprenant ceux d'expertise judiciaire, qui seront partagés par moitié entre les parties ; autorise, dans cette proportion, les avoués de la cause à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.