CA Amiens, 1re ch. civ., 12 janvier 2023, n° 22/01662
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Automobiles Peugeot (SA)
Défendeur :
Automobile des Grandes Ventes (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Berthiau-Jezequel
Conseillers :
Mme Dias Da Silva, M. Maimone
Avocats :
Me Lusson, Me Mayol, Me Crépin, Me Boudoux d'Hautefeuille
Suivant bon de commande en date du 16 mars 2019, Mme [L] [V] a acquis auprès de la S.A.R.L. Automobile des grandes ventes exerçant sous l'enseigne « Garage Ribeiro » (ci-après le garage Ribeiro) un véhicule automobile d'occasion Peugeot modèle 208 Like immatriculé [Immatriculation 8] mis en circulation pour la première fois le 23 juillet 2015, ayant parcouru 52.900 kilomètres au prix de 9.999 euros T.T.C, frais d'établissement de carte grise et d'immatriculation inclus.
Se plaignant d'une consommation anormale d'huile moteur, Mme [L] [V] a, par lettre recommandée adressée par l'intermédiaire de son conseil en date du 1er avril 2020, sollicité la résolution du contrat de vente du véhicule et mis en demeure le garage Ribeiro de lui rembourser la somme de 10.234,76 euros sous huitaine, correspondant au montant du prix de vente et des réparations réglées par elle.
En l'absence de réponse, Mme [L] [V] a fait diligenter, par l'intermédiaire de son assureur de protection juridique, une expertise amiable confiée à M. [W] [D] de la S.A.S. BCA Expertise, lequel a organisé trois réunions contradictoires les 25 juin, 30 juillet et 4 septembre 2020 et a établi son rapport définitif le 7 octobre 2020.
M. [E] [R] de la S.A.S. Axis expertises, expert mandaté par l'assureur de protection juridique du garage Ribeiro, a pour sa part établi son rapport d'expertise amiable contradictoire le 5 octobre 2020.
Par acte d'huissier en date du 23 décembre 2020, Mme [L] [V] a fait assigner le garage Ribeiro devant le tribunal judiciaire d'Amiens en résolution de la vente, en restitution du prix et en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie légale de conformité régie par les dispositions des articles L. 217-1 et suivants du code de la consommation et de la garantie des vices cachés prévue par les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil.
Par acte d'huissier en date du 28 mai 2021, le garage Ribeiro a fait assigner la S.A. Automobiles Peugeot (ci-après la société Peugeot) en intervention forcée, en sa qualité de constructrice du véhicule, aux fins de la voir condamner à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Les deux instances ont été jointes.
Aux termes de conclusions d'incident la société Peugeot a demandé au juge de la mise en état, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile et des articles 1641 et suivants du code civil, de :
- constater que l'action du garage Ribeiro exercée à son encontre est prescrite ;
- en conséquence, débouter le garage Ribeiro de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ;
- condamner le garage Ribeiro à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le garage Ribeiro aux dépens.
Par ordonnance du 10 mars 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Amiens a :
- Débouté la société Peugeot de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'appel en garantie exercé par le garage Ribeiro à son encontre,
- Débouté la société la société Peugeot de sa demande d'indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Peugeot aux dépens de l'incident,
- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du mardi 24 mai 2022 à 9 heures, avec invitation à Me [Z] à notifier ses conclusions au fond pour le compte de la société Peugeot pour le 20 mai 2022 au plus tard.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 6 avril 2022, la société Peugeot a interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions transmises par la voie électronique le10 mai 2022, la société Peugeot demande à la Cour de :
- Infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :
Débouté la société Peugeot de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'appel en garantie exercé par le garage Ribeiro à son encontre,
Débouté la société Peugeot de sa demande d'indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Peugeot aux dépens de l'incident,
Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du mardi 24 mai 2022 à 9 heures, avec invitation à Me [I] [Z] de la S.C.P [Z] et Catillion à notifier ses conclusions au fond pour le compte de la société Peugeot pour le 20 mai 2022 au plus tard,
Statuant à nouveau :
- Déclarer irrecevable pour être prescrite l'action de le garage Ribeiro à l'encontre de la société Peugeot ;
- Débouter par conséquent le garage Ribeiro de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Peugeot ;
En tout état de cause,
- Débouter le garage Ribeiro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 12 mai 2022, Mme [L] [V] demande à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
En conséquence,
- Débouter la société Peugeot de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de le garage Ribeiro ;
Dire et juger le garage Ribeiro recevable en ses demandes dirigées contre la société Peugeot ;
Condamner la société Peugeot à payer à Mme [V] une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 16 mai 2022, le garage Ribeiro demande à la Cour de :
- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Débouter la société Peugeot de ses demandes ;
- Condamner la société Peugeot à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Peugeot aux dépens d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 novembre 2022, date à laquelle elle a été évoquée.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la prescription :
Aux termes des dispositions de l'article 1641 et de l'article 1648 al1 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
En application des dispositions du I de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Les dispositions des articles 334 et 335 du code de procédure civile prévoient que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d'un bien. Le demandeur en garantie simple demeure partie principale.
En application de ces dispositions, l'action récursoire en garantie formée par le vendeur intermédiaire contre le fournisseur ou le fabricant fondée sur la garantie des vices cachés doit être exercée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice tout en étant, enfermée dans le délai de la prescription quinquennale de droit commun courant à compter de la vente initiale.
L'article 6 § 1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales disposes que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, étant précisé que ce droit à un procès équitable doit s'interpréter à la lumière du principe de la prééminence du droit, qui exige l'existence d'une voie judiciaire effective permettant de revendiquer les droits civils.
Ce principe s'imposant au juge français, il est désormais considéré que le vendeur dont la responsabilité peut être retenue en raison des vices affectant les marchandises vendues doit pouvoir exercer une action récursoire contre son fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale, de sorte que le vendeur ne pouvant pas agir contre le fabricant avant d'avoir été lui-même assigné par l'acquéreur, le point de départ du délai de la forclusion biennale de l'action en garantie des vices cachés est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de la prescription quinquennale de droit commun, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par l'acquéreur (Civ. 3, 6 décembre 2018 : pourvoi n° 17-24111 ; Civ. 3, 16 février 2022 : pourvoi n° 20- 19047).
En l'espèce, selon le certificat d'immatriculation du véhicule litigieux, celui-ci a été mis en circulation pour la première fois le 23 juillet 2015, date qui doit être considérée comme le point de départ du délai de la prescription quinquennale.
Le garage Ribeiro a été assigné par Mme [L] [V] par acte d'huissier en date du 23 décembre 2020. Avant cette assignation le garage Ribeiro n'avait aucune raison d'exercer un quelconque appel en garantie à l'encontre de la société Peugeot et ne disposait d'aucun intérêt à agir pour ce faire. Il ne pouvait en effet agir contre la société Peugeot avant d'avoir été lui-même assigné par Mme [L] [V] ;
L'assignation en garantie délivrée à la société Peugeot par le garage Ribeiro est en date du 28 mai 2021, soit dans le délai de deux ans à compter de l'assignation initiale, du 23 décembre 2020. Elle n'est donc pas tardive et l'appel en garantie n'est donc pas prescrit.
Il convient donc de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Peugeot de sa fin de non- recevoir tirée de la prescription de l'appel en garantie exercé par le garage Ribeiro à son encontre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société Peugeot succombant en ses demandes, il convient de la condamner aux dépens d'appel et de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance et l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du garage Ribeiro et de Mme [L] [V], il convient de leur allouer à ce titre à chacun 1000 euros pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la S.A. Automobiles la société Peugeot à payer à la S.A.R.L. Automobile des grandes ventes exerçant sous l'enseigne « Garage Ribeiro » la somme de 1000 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A. Automobiles la société Peugeot à payer à Mme [L] [V] la somme de 1000 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne la S.A. Automobiles Peugeot aux dépens d'appel.