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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 20 janvier 2023, n° 19/11145

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ineo Télésécurité Services (SNC)

Défendeur :

MSI Sécurité (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Bouzidi-Fabre, Me Meyung-Marchand, Me Pimor, Me Labbas

T. com. Paris, du 15 avr. 2019, n° 17/01…

15 avril 2019

La société Ineo Télésécurité Services est une société spécialisée dans la télésurveillance et le gardiennage. Pour assurer la surveillance et la sécurité incendie du site de l'un de ses clients (GRT Gaz), elle a fait appel à la sas MSI Sécurité qui a pour activité de mettre à disposition des agents spécialisés Sécurité et SSIAP (Service de Sécurité Incendie et Assistance à Personnes). A compter du 1er novembre 2012, la société Ineo Télésécurité Services a sous-traité à la société MSI Sécurité des prestations de sécurité privée sur les sites industriels de son client la société GRT Gaz. Après ce premier contrat, les parties signent un contrat-cadre le 1er janvier 2013. Le 31 mars 2014 la société Ineo a adressé par lettre recommandée avec avis de réception une résiliation du contrat de service conclu entre elles à effet au 4 avril 2014 à raison de l'agissement fautif d'un employé de MSI soupçonné d'avoir téléchargé, dans les locaux et sur un ordinateur du client, des films dont le visionnage est passible de poursuites pénales. 

Par assignation en référé du 5 août 2014, la société MSI Sécurité a demandé au président du tribunal de commerce de Nanterre de condamner la société Ineo Télésécurité à lui payer en principal la somme de 39 699,92 euros au titre de ses factures de prestation de services, augmentée des intérêts légaux. Suivant ordonnance du 25 septembre 2014, le président a constaté la remise à la barre par la société Ineo d'un chèque bancaire d'un montant de 21 879,74 euros et a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus.

Suivant acte du 27 mars 2015, la société MSI a fait assigner la société Ineo Télésécurité devant le tribunal de commerce de Nanterre. Par jugement du 20 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 15 avril 2019 le tribunal de commerce de Paris, retenant qu'il existait des relations commerciales suivies, régulières et stables entre les parties depuis novembre 2012 et que la société Ineo ne produisait aucun autre élément de preuve de l'infraction invoquée que le témoignage d'un employé, a :

dit que la snc Ineo Télésécurité Services a rompu de manière brutale le contrat cadre du 1er janvier 2013 conclu la snc Ineo Télésécurité Services et la Sas MSI Sécurité,

condamné la snc Ineo Télésécurité Services à payer la Sas MSI Sécurité la somme de 52 668 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat,

condamné la snc Ineo Télésécurité Services à payer à la Sas MSI Sécurité la somme de 17 820,18 euros TTC au titre des factures 14 03 037 038, 039 et 14 04 004, 005, 006, 007, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014,

condamné la snc Ineo Télésécurité Services à payer la sas MSI Sécurité la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la snc Ineo Télésécurité Services aux dépens.

La société Ineo Télésécurité Services a formé appel du jugement par déclaration du 27 mai 2019 enregistrée le 24 juin 2019.

La société Ineo Télésécurité Services a, par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 28 juillet 2021, saisi le conseiller de la mise en état, au visa des articles 11, 138, 139, 140 et 142 du code de procédure civile, en vue de :

- Ordonner à la société MSI Sécurité de communiquer à la société Ineo Telesecurite Services, sous astreinte de 800 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir :

- La copie certifiée conforme de l'intégralité de son registre du personnel, revêtu de toutes les mentions légalement requises par les articles L 1221-13, D 1221-23 et D 1221-25 du code du travail,

- les pièces justificatives des mesures que la société MSI Securite déclare avoir prises à l'encontre des salariés ayant effectué des téléchargements de films pendant leurs heures de travail sur le site de la société GRT Gaz et notamment les lettres de licenciement qu'elle leur a notifiées.

- Dire et juger que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire à titre provisoire et sur minute, conformément à l'article 140 du code de procédure civile.

Condamner la société MSI Sécurité à payer à la société Ineo Telesecurite Services la somme de 1 300 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.

La société MSI Sécurité n'a pas conclu en réplique sur l'incident.

Suivant ordonnance en date du 20 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a :

enjoint à la sas Msi Sécurité de s'expliquer, dans le cadre de ses conclusions au fond, sur « les mesures prises à l'encontre des salariés concernés » et de produire toutes les pièces relatives à ces mesures, en ce compris la copie du registre du personnel concernant les personnels affectés à la mission sur le site de la société GRT Gaz, et ce avant le 21 février 2022,

débouté la snc Ineo Télésécurité Services du surplus de ses demandes sur incident,

condamné la sas Msi Sécurité aux dépens de l'incident,

condamné la sas Msi Sécurité à payer à la snc Ineo Télésécurité Services la somme de 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 septembre 2022, la société Ineo Télésécurité Services demande à la cour, au visa de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, des articles 1315, 1145 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce et des articles 5 et 16 du code de procédure civile :

de dire et juger la société Ineo Télésécurité Services recevable et bien fondée en son appel et statuant à nouveau :

de dire et juger qu'une rupture brutale des relations commerciales ou du contrat conclu le 1er janvier 2013 avec la société MSI Sécurité ne peut être reprochée à la société Ineo Télésécurité Services, compte tenu de l'inexécution de ses obligations par la société MSI Séurité et de la faute grave commise par celle-ci et dénoncée par son salarié, M. [L], au client propriétaire des sites objet de ce contrat.

de dire et juger que le Tribunal ne pouvait par ailleurs allouer à la société MSI Sécurité une somme de 52 668 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de marge sur coûts variables qui n'était pas demandée par la société MSI Sécurité et dont la preuve n'est pas rapportée par celle-ci.

De dire et juger la somme de 17 820,18 euros TTC demandée par la société MSI Sécurité au titre d'un solde de factures non due à celle-ci.

De dire et juger que la somme de 16 364,35 euros demandée par la société MSI Sécurité au titre de « frais spécifiques de déménagement » est également non due à celle-ci.

En conséquence :

d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de commerce de Paris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 16 364,35 euros formée par la société MSI.

De dire et juger la société MSI mal fondée en son appel incident et de l'en débouter,

d'ordonner la restitution à la société Ineo Télésécurité Services de la somme de 74 488,18 euros qu'elle a payée à la société MSI Sécurité en vertu de l'exécution provisoire dont était assortie le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de commerce de Paris.

De condamner la société MSI Sécurité à payer la somme de 9 000 euros à la société Ineo Télésécurité Services par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux les entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement, pour ceux la concernant, pourra être poursuivi par Maître Bouzidi-Fabre, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2022, la société MSI Sécurité demande à la cour, au visa de l'article 48 code de procédure civile, de l'article L 442-64-5 du code de commerce, et des articles 1139, 1142, 1382 du code civil :

de constater que la société MSI Sécurité a transmis les éléments et pièces pour justifier de la situation des salariés concernés et de mesures prises (Pièces 10-6, 25 à 36) suivant injonction en date du 20 janvier 2022,

de dire et juger que la société SNC Ineo Télésécurité Services est irrecevable et infondée en son appel et prétentions ;

de recevoir la société SAS MSI Sécurité dans ses conclusions d'intimée

de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 15 avril 2019 ce qu'il a dit que la société Ineo Télésécurité Services a rompu de manière brutale le contrat cadre du 1er janvier 2013 conclu entre la SNC Ineo Télésécurité Services et la SAS MSI Sécurité ;

de confirmer, dans son principe, le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC Ineo Télésécurité Services à payer à la SAS MSI Sécurité des dommages et intérêts pour rupture brutale, sauf à porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 74 884,35 euros, correspondant à :

58 520 euros HT, correspondant à la marge brute que le prestataire aurait réalisée durant le préavis (tel que chiffré par le tribunal de commerce de Paris) ,

16 364,35 euros, correspondant aux frais spécifiques engagés dans le cadre de la rupture.

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC Ineo Télésécurité Services à payer à la SAS MSI Sécurité la somme de 17.820 18 euros TTC au titre des factures restant dues (factures 14 03 037, 038, 039, et 24 04 004, 005, 006, 007) augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014.

En tout état de cause

de condamner la société Ineo Télésécurité Services à payer la société MSI Sécurité la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner la société Ineo Télésécurité Services aux entiers dépens, dont ceux-là concernant pourra être poursuivi par Maître Philippe Jean Pimor, conformément à l'article 699 du code procédure civile.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 22 septembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur le fondement juridique des demandes

La cour relève que la société MSI Sécurité, demanderesse en première instance, évoquait alors à titre principal la rupture fautive du contrat-cadre pour réclamer des dommages-intérêts puis à titre subsidiaire la rupture brutale des relations commerciales établies depuis novembre 2012, tout en inversant les fondements juridiques relatifs à ces prétentions. Le tribunal de commerce a examiné en premier lieu « et retenu » une rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties.

Dans ses conclusions devant la cour, la société MSI Sécurité évoque à titre principal une rupture fautive du contrat-cadre sans mise en demeure préalable et l'absence de manquements de sa part justifiant une résiliation du contrat-cadre. Ce faisant, elle n'invoque pas dans le corps de ses conclusions l'article L. 442-6-I-5 du code de commerce à ce stade. L'intimé revendique ensuite ce fondement pour justifier ses réclamations au titre des préjudices subis. Compte-tenu de la motivation des premiers juges dont la société MSI demande la confirmation s'agissant de la rupture brutale, ce fondement sera examiné en premier lieu.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société MSI Sécurité soutient que la société Ineo ne pouvait rompre sans mise en demeure ni préavis suffisant. Elle conteste les griefs mis en avant par la société Ineo pour justifier la résiliation du contrat.

La société Ineo fait valoir que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce est inapplicable en cas de résiliation d'un contrat pour inexécution de ses obligations par l'une des parties. Elle indique que la faute grave commise par la société MSI est matériellement établie, à savoir le visionnage pendant les heures de travail par un de ses salariés de contenus pénalement répréhensibles et l'absence des qualifications requises, habilitations et cartes professionnelles de ses salariés.

Aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (…) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) ; ».

Le champ d'application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c'est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La cour doit procéder à une appréciation in concreto des conditions de déroulement et de la spécificité de la relation.

La cour relève que le caractère établi de la relation commerciale entre la société Ineo et la société MSI n'est pas contesté par les parties.

Un premier contrat de prestations de sûreté et de sécurité a été conclu entre la société Ineo Télésurveillance Services (« le client ») et la société MSI Sécurité à compter du 1er novembre 2012 pour la surveillance du site de GRT Gaz Immeuble Bora sis à [Localité 5]. Le contrat était conclu pour une durée d'un an, renouvelable chaque année par tacite reconduction.

Un contrat cadre de sous-traitance de prestations de sécurité ' sites GRT Gaz a été conclu entre la société Ineo Télésécurité Services (entrepreneur principal) et la société MSI Sécurité (sous-traitant) à compter du 1er janvier 2013 pour une durée d'un an. Il était prévu que le contrat cadre n'était pas renouvelable tacitement mais pourrait être prorogé chaque année pour une nouvelle période d'un an, à la demande expresse d'ITS étant précisé que « Lors de chaque reconduction, les Parties se rencontreront afin de convenir du maintien ou d'un aménagement des conditions de ce partenariat, ce qui devra en tout état de cause donner lieu à la signature d'un avenant ou d'un nouveau Contrat Cadre. ». L'article 2 précise que « Chaque fois que l'entrepreneur principal souhaitera confier au sous-traitant l'exécution de prestations il appartiendra aux parties de conclure une convention particulière de sous-traitance. Cette convention particulière pourra prendre la forme d'une commande. ».

C'est par lettre recommandée du 31 mars 2014 que la société Ineo résiliera le contrat à effet au 4 avril 2014. Les relations commerciales avaient ainsi une ancienneté de dix-mois lorsque la rupture est intervenue, avec un préavis de quatre jours.

Il convient de déterminer si cette rupture est « brutale » au sens de l'article L. 442-6-I 5° et d'examiner les griefs avancés par la société Ineo pour justifier une absence de préavis ou de préavis suffisant. Deux fautes principales sont reprochées à la société MSI : l'absence de qualification et de documents administratifs nécessaires concernant certains de ses agents et les faits dénoncés par M. [L] directement à GRTGaz.

Si la société Ineo reproche à la société MSI des manquements récurrents à ses obligations concernant la fourniture des documents administratifs relatifs à ses salariés mis à disposition, la cour relève qu'aucune preuve d'une doléance sur ce point antérieure au 27 mars 2014, date du premier courriel évoquant cependant des « relances » vaines, n'est rapportée. En effet, le 27 mars 2014, la société Ineo réclame à MSI les documents nécessaires (cartes professionnelles pour deux d'entre eux, SSIAP pour trois d'entre eux, cartes d'identité pour deux d'entre eux et SST pour tous les agents sauf un) concernant certains de ses agents. Les premiers griefs sur l'absence de qualification émergent donc le 27 mars 2014 alors que les parties sont en relation depuis le 1er novembre 2012. MSI envoie le 28 mars un tableau récapitulatif.

Le 31 mars 2014, la lettre de résiliation est envoyée par Ineo à MSI avec effet au 4 avril 2014. Après de nouvelles vérifications, Ineo réclame une nouvelle fois les documents le 1er avril 2014. MSI répond le 2 avril. Dès le 3 avril 2014, la société Goron informe MSI qu'elle reprend le site. Puis par courrier du 9 avril 2014, la société P2S Sécurité indique à MSI qu'elle a été sollicitée pour une demande de renfort jusqu'au 30 avril 2014, date à partir de laquelle la société Goron sera adjudicataire du marché de sécurité. Dans cette lettre, elle dit avoir constaté des pièces manquantes pour certains dossiers de salariés (cartes professionnelles, SST, SSIAP 1 notamment). Ainsi cinq personnes sur les neuf convoquées se sont présentées et ont été reprises comme indiqué le 16 avril 2014 -, une sixième le 22 avril 2014. D'autres, dépourvues de carte professionnelle, n'ont pu être reprises ([L] et [N]).

La société Ineo en tire argument pour soutenir que le repreneur « tenu en vertu de l'avenant du 28 janvier 2011 de l'accord professionnel du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de satisfaire à cette obligation - a également souligné la défaillance de son cocontractant dans la fourniture des pièces des dossiers des salariés transférables. Le repreneur P2S Sécurité évoque le 9 avril 2014 certains « recyclages » correspondant à la formation (SSIAP 1 ou SST) que les agents doivent effectuer au bout de 36 ou 24 mois selon les cas après avoir obtenu leurs diplômes initiaux. Certains agents n'étaient donc pas à jour de leur formation professionnelle obligatoire, sachant que l'article 4 4 du contrat-cadre prévoyait que le sous-traitant devait fournir lors de la signature les « habilitations SST, HOBO et cartes professionnelles pour l'ensemble des agents de sécurité ».

Cependant, malgré ces manquements contractuels, la société Ineo n'a laissé aucune latitude à la société MSI pour régulariser la situation et a résilié le contrat quatre jours après sa première doléance par simple courriel, sans mise en demeure préalable de s'exécuter, dans un délai raisonnable. Les carences constatées dans la fourniture des pièces sollicitées ne justifiaient pas, compte-tenu de l'ancienneté des relations entre les parties, une dispense de préavis.

La société Ineo s'appuie également sur un second événement, cité en tout premier lieu dans sa lettre de résiliation du 31 mars 2014, pour légitimer la rupture « avec un préavis de quatre jours » de la relation commerciale.

Le 27 mars 2014 à 8h39 un courriel signé de « M. [L] [W] PCS [X] » émis par l'adresse « [Courriel 7] » adressé à GRT Gaz et en copie à MSI Sécurité et intitulé « Téléchargements illégales et non autorisées sur réseau GRT GAZ » (sic) :

« Bonjour à tous

Je tiens à vous informer d'une situation extrêmement conséquente et grave.

Malgré plusieurs rappel à l'ordre qui a été faites concernant les téléchargements sur des sites non autorisées voilà qu'aujourd'hui toute les activités de l'ordinateur mise pour la main courante électronique sur l'enceinte [X] se retrouvent bloqués par la gendarmerie Nationale du ministère de l'intérieur du département de la cybercriminalité, nous informons que des opérations sur les activités illégales ont été détectés sur notre ordinateur et que notre système d'exploitation a été verrouillé pour cette infractions car nos actions sont considérées comme illégales en France et dans l'unions européenne.

L'agent [H] [G] m'explique a mon arrivée sur site qu'ils ont voulu regarder un film afin de rester éveillé durant la nuit comme fait tous les agents de nuit sur le site [X].

Voyant la gravité de la chose je lui est demandé si éventuellement il a tenu informer l'astreinte MSI.

Il me répond que non, que l'agent Monsieur [M] étant un bon connaisseur en informatique arrangera le problème.

06h52 a l'arrivée de M.[M] Monsieur [H] lui explique le problème Monsieur [M] fait comprendre à M.[H] qu'il avait commis une faute grave et qu'il devra payé les conséquences de ses actes. » (sic)

Le même jour à 17h39, MSI Sécurité transfère à Ineo le courriel de M. [L], l'un de ses employés.

Cependant, si la société Ineo se prévaut avec force de cet unique courriel, elle n'apporte aucun élément quant à la véracité des faits ni à l'existence d'une quelconque enquête pénale. Le courriel produit est de plus particulièrement imprécis sur les faits dénoncés, la « cybercriminalité » évoquée pouvant correspondre à des degrés différents de criminalité, allant du téléchargement illégal soumis à la loi Hadopi alors en vigueur au téléchargement et au visionnage de contenus pénalement répréhensibles. La preuve du blocage effectif de l'ordinateur sur le site de GRT Gaz à la suite du comportement de l'agent [H] n'est pas non plus rapportée.

La société Ineo échoue à démontrer que cet événement est constitutif d'une faute d'un agent MSI justifiant une rupture brutale de la relation commerciale.

Il en résulte que la rupture de la relation commerciale entre les parties revêt une caractère brutal en ce qu'elle n'était pas prévisible à si courte échéance avec une quasi-absence de préavis ne permettant pas à la société MSI de s'organiser. Compte-tenu de la durée des relations, le jugement sera confirmé en ce qu'il a estimé que le préavis aurait dû être d'un mois.

Sur les préjudices subis

La société MSI réclame la somme de 58 520 euros HT correspondant selon ses dires à la marge brute qu'elle aurait réalisée pendant le mois de préavis non effectué. Elle explique que sa marge brute équivaut à son chiffre d'affaires dans la mesure où il n'y aurait pas de charges à déduire de cette dernière somme.

La société Ineo critique le montant retenu tout en faisant valoir que les premiers juges ont retenu une perte de marge sur coûts variables qui n'était pas demandée.

Le chiffre d'affaire mensuel tel que résultant des pièces produites par la société MSI au mois de mars 2014 est de 28 174 euros HT pour le site Bora, de 14 479 euros HT pour le site de [Localité 9] et de 15 867 euros HT pour le site de [Localité 4], soit un total de 58 520 euros HT.

La cour relève que bien que les données comptables concernent les sites de Bora, [Localité 4], [Localité 9] et [Localité 6], la société MSI Sécurité n'évoque pas ce dernier (pour lequel un chiffre d'affaires est indiqué seulement pour le mois d'avril 2014).

L'attestation de l'expert-comptable de la société MSI Sécurité précise bien une marge brute de 20 %, ce qui contredit l'affirmation selon laquelle sa marge brute serait égale à 100 % de son chiffre d'affaires.

Pour évaluer le préjudice subi par la société MSI Sécurité du fait du préavis d'un mois non effectué, il convient de retenir la marge de 20 % telle qu'elle résulte du tableau produit par la société MSI, au mois de mars 2014. Pour les sites de Bora, [Localité 9] et [Localité 4] cette marge était respectivement de 5 635 euros, 2 896 euros et 3 173 euros, soit un total de 11 704 euros. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts pour rupture brutale du contrat à hauteur de 52.668 euros et la société Ineo Télésécurité Services sera condamnée à payer à la société MSI Sécurité la somme de 11 704 euros à ce titre.

La société MSI réclame en outre la somme de 16 364,35 euros au titre des frais annexes supportés pour le déménagement des sites dans le délai de quatre jours. Les factures produites concernent cependant l'achat de petits matériels entre 2013 et mars 2014 ou la location d'une camionnette après le 4 avril 2014, date de la libération des lieux par MSI. Enfin elle revendique les salaires et charges sociales qui auraient été versés du 4 au 15 avril 2014 sans pour autant en justifier. La société MSI ne rapportant pas la preuve du lien de causalité entre ces dépenses et la rupture des relations avec la société Ineo sera déboutée de cette demande et les premiers juges confirmés sur ce point.

Sur le solde des factures

La société MSI réclame le solde des factures échues, soit la somme de 17 820,18 euros TTC, les huit factures d'un montant de 39 699,92 euros TTC ayant fait l'objet d'un paiement de 21 879,74 euros TTC.

La société Ineo conteste ces factures, les qualifiant d'imprécises ou incomplètes en ce qu'elles ne donnent pas la répartition des heures de présence par agent ni leur qualification.

Les huit factures correspondant à cette demande sont produites et sont datées du 31 mars 2014 et du 4 avril 2014. Comme l'a justement relevé le tribunal, depuis le début des relations commerciales entre les parties en novembre 2012 la société Ineo n'a jamais sollicité de précisions sur la répartition des heures et les qualifications ni critiqué le taux de rémunération des agents. Les agents de MSI ont réalisé les prestations prévues sur le site GRT Gaz jusqu'au 4 avril 2014 et la société appelante ne démontre pas que devraient être soustraites certaines sommes relatives aux dix jours fériés qui n'ont pas encore eu lieu à cette date.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Ineo à payer à la société MSI Sécurité la somme de 17 820,18 euros TTC, outre les intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Ineo succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts dus par la société Ineo Télésécurité Services à la somme de 52 668 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Ineo Télésécurité Services à payer à la société MSI Sécurité la somme de 11 704 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale du contrat ;

CONDAMNE la société Ineo Télésécurité Services aux dépens ;

LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.