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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 20 janvier 2023, n° 19/07154

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

TP Ferro Concesionaria (Sté)

Défendeur :

RTE (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Baechlin, Me Monroux, Me Ortolland, Me Vogel

T. com. Paris, du 28 nov. 2018, n° 20160…

28 novembre 2018

La société TP Ferro Concesionaria (société TP Ferro), société de droit espagnol filiale à 50 % des groupes ACS (espagnol) et Eiffage (français), s'est vue adjuger dans le courant de l'année 2004 par la République Française et le Royaume d'Espagne, la concession pour la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien de la section internationale d'une nouvelle ligne à grande vitesse sur le tronçon séparant [Localité 4] (Espagne) de [Localité 6] (France).  

Dans le cadre du chantier de travaux afférent à cette ligne à grande vitesse, la société TP Ferro et la société Réseau de Transport d'électricité (RTE), ont signé le 9 juin 2006 une convention de raccordement d'une installation de la première (la sous-station du [Localité 7]) au réseau public de transport d'électricité dont la société RTE a la charge depuis la scission d'EDF du fait de la séparation des activés de fourniture et de production d'électricité et de transport consécutivement à la libéralisation du marché de l'électricité.  

La société TP Ferro ayant fait l'objet d'une procédure collective, son mandataire judiciaire a fait réaliser au mois de juillet 2015 un audit portant notamment sur le coût des prestations de la société RTE et qui aurait révélé selon la première des surcoûts indus.  

Les démarches auprès de la société RTE n'ayant pas abouti, la société TP Ferro l'a attraite par acte d'huissier du 21 septembre 2016 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 14,5 millions d'euros.  

Par jugement du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria et Arraut Y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria sont irrecevables en leurs demandes, leur action étant prescrite,

condamné Arraut y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria à payer à la société RTE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus,

condamné Arraut y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria aux dépens.

Le 2 avril 2019, la société TP Ferro a relevé appel de ce jugement, sa déclaration d'appel visant tous les chefs du dispositif du jugement.  

Suivant arrêt avant dire droit du 1er octobre 2021, la cour d'appel de Paris a :

ordonné la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture ;

invité la société TP Ferro à justifier pour chaque montant qu'elle estime totalement ou partiellement indu à en justifier en précisant pour chaque montant versé, la part qu'elle estime indu, la date du versement, son objet, sa facture de référence ;  

renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de la mise en état au 20 janvier 2022 (en cabinet);  

dit que dans cette attente, l'ensemble des demandes sont réservées.  

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2022, la société TP Ferro Concesionaria demande à la cour :

de déclarer recevable et bien fondée l'appel interjeté par la société TP Ferro prise en la personne de son administrateur judiciaire.

En conséquence,  

de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions  

Sur la responsabilité :   

Vu les articles 1134 et 1135 ancien du code civil.   

Vu les articles 1104 et 1194 du code civil.  

de dire et juger que la société RTE a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société TP Ferro en lui faisant souscrire un contrat de raccordement à des conditions déséquilibrées et anormalement onéreuses, qui a eu pour conséquence d'alourdir considérablement le coût de l'acheminement.

Vu l'article L. 442-6 I 1° et 2° du Code de commerce dans sa rédaction en vigueur.  

A titre subsidiaire,  

de dire et juger que la société RTE a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L 442-6 I 1° et 2° du Code de Commerce dans sa rédaction en vigueur à l'égard de la société TP Ferro en lui faisant souscrire un contrat de raccordement à des conditions déséquilibrées et anormalement onéreuses, qui a eu pour conséquence d'alourdir considérablement le coût de l'acheminement.

Vu les articles 1382 et suivants du code civil.  

Vu les Articles 1240 et suivants du code civil.  

A titre encore plus subsidiaire,  

que la société RTE a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société TP Ferro en lui faisant souscrire un contrat de raccordement à des conditions déséquilibrées et anormalement onéreuses, qui a eu pour conséquence d'alourdir considérablement le coût de l'acheminement

Sur la réparation du dommage :   

de la condamner au paiement d'une somme de 14,5 millions d'euros en réparation du préjudice subi avec intérêts de droit capitalisés, au profit de la société TP Ferro prise en la personne de son administrateur judiciaire.

A titre subsidiaire si la Cour retenait que le point de départ de la prescription court à compter du versement indu conformément au motif de son arrêt avant dire droit du 1er octobre 2021,  

de condamner la société RTE au paiement d'une somme de 1 311 711,02 euros en réparation du préjudice subi avec intérêts de droit capitalisés, au profit de la société TP Ferro prise en la personne de son administrateur judiciaire.

En tout état de cause,  

de débouter la société RTE de toutes ses demandes.  

de la condamner en tout état de cause au paiement d'une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 15 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens au profit de la société TP Ferro prise en la personne de son administrateur judiciaire.  

A titre infiniment subsidiaire,  

d'ordonner une expertise afin de vérifier si le schéma d'acheminement imposé par RTE était loyal et optimum et si la facturation était conforme.  

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 5 octobre 2022, la société RTE demande à la cour :

Vu les articles L. 110-4 du Code de commerce et 2224 du code civil,  

Vu l'article 1315 du Code civil,  

Vu l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du Code de commerce,  

Vu les articles 143 et suivants du Code de procédure civile,  

1) A titre principal  

de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 28 novembre 2018 en ce qu'il a :

- Dit que la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria et Arraut y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria sont irrecevables en leurs demandes, leur action étant prescrite,  

- Condamné Arraut y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria à payer à SA RTE la somme de 10.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,  

- Condamné Arraut y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria aux dépens de l'instance,  

En conséquence,  

de déclarer irrecevables les demandes fondées sur l'article L. 442-6, I, 2° (ancien) du Code de commerce en ce qu'il est inapplicable à la convention de raccordement conclue le 9 juin 2006, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008.

de déclarer irrecevables les demandes de la société TP Ferro, prise en la personne de son administrateur judiciaire, en ce qu'elles sont prescrites.  

de déclarer irrecevables les demandes de la société TP Ferro, prise en la personne de son administrateur judiciaire, en ce qu'elles invoquent un même préjudice au titre de la responsabilité délictuelle et contractuelle.  

De débouter la société TP Ferro, prise en la personne de son administrateur judiciaire, de son appel et de l'ensemble de ses demandes.  

2) A titre subsidiaire  

- de débouter la société TP Ferro et son administrateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes.  

 en ce que la société RTE n'est pas débitrice d'une quelconque obligation particulière d'information à l'égard de la société TP Ferro, qui n'est pas un profane, et en tout état de cause, que la société RTE a bien informé la société TP Ferro dans le cadre de la convention de raccordement signé par les parties le 9 juin 2006.  

 en ce que que les conditions d'application de l'article L. 442-6, I, 1° et 2° (anciens) du Code de commerce ne sont pas remplies en l'espèce, et en tout état de cause que la société RTE n'a ni soumis, ni tenté de soumettre la société TP Ferro à un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à la convention de raccordement conclue entre elles.  

en ce que la société RTE n'a pas manqué à son obligation de bonne foi contractuelle  

En ce que la société RTE n'a aucunement engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société TP Ferro  

3) A titre infiniment subsidiaire  

de débouter la société TP Ferro et son administrateur judiciaire de leurs demandes indemnitaires en ce qu'ils ne justifient pas du préjudice allégué.

4) Encore plus subsidiairement  

de rejeter la demande d'expertise.

5) En tout état de cause  

de débouter la société TP Ferro et son administrateur judiciaire de l'ensemble de leurs demandes.

de condamner la société TP Ferro et la société Arraut y Sala Reixachs S.L.P à verser à la société RTE la somme de 30 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.  

de condamner la société TP Ferro et la société Arraut y Sala Reixachs S.L.P aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 7 octobre 2021.  

SUR CE, LA COUR,

1.Sur les fins de non-recevoir

Sur la prescription  

La société RTE soulève la prescription des demandes adverses relatives à des surcoûts prétendument subis portant sur le coût total du raccordement et le coût de l'acheminement entre décembre 2008 et décembre 2010 puis entre janvier 2011 et avril 2016. Elle fait valoir que la prescription a commencé à courir à la date de conclusion du contrat, soit en 2006.  

La société TP Ferro considère que c'est en confiant une mission d'audit en juillet 2015 à la société ETE « société d'experts en tarification de l'énergie » qu'elle s'est aperçue pour la première fois avoir supporté au cours des années de très importants surcoûts au titre de l'acheminement de l'électricité qu'elle consommait ainsi que des conditions de son raccordement. Elle fait également valoir son absence de compétence dans un domaine hautement technique dans lequel la société RTE a une situation monopolistique. Elle en conclut que son action n'est pas prescrite.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

En vertu de l'article L. 110-4 I du code de commerce :

« I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. ».

L'article L. 110-4 I du code de commerce ne précisant pas le point de départ du délai de prescription quinquennal, c'est au droit commun, c'est-à-dire à l'article 2224 du code civil qu'il convient de se référer sur ce point.

Aux termes de l'article 2224 du code civil :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

C'est la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qui a réduit à 5 ans le délai de prescription susvisé. Il était de dix ans au moment de la conclusion du contrat, en 2006. L'article 26 II a prévu les dispositions transitoires en ces termes :

« II. ' Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ».

Publiée au Journal Officiel de la République française du 18 juin 2008, la loi du 17 juin 2008 est donc entrée en vigueur le lendemain. Le délai quinquennal dont se prévaut la société RTE expirait par conséquent le 19 juin 2013, à supposer, comme le soutient RTE, que celui-ci ait commencé à courir à la date de conclusion du contrat.

Le point de départ de la prescription en matière de responsabilité civile est la date à laquelle un dommage certain se manifeste au titulaire du droit.

La société TP Ferro Concesionaria agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle et critique les conditions de conclusion du contrat qui seraient désavantageuses tant sur les conditions du raccordement que sur les conditions d'alimentation de secours.

Les parties ont signé le 9 juin 2006 une « convention de raccordement d'une installation pour le raccordement de l'installation de TP Ferro au réseau public de transport d'électricité ». Cette convention a été précédée d'une « proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de TP Ferro au réseau public de transport d'électricité » émise par RTE le 8 novembre 2004, signée par TP Ferro le 23 novembre 2004 et retournée en original par RTE le 16 décembre 2004.

Le préambule de la convention est ainsi libellé :

« Le Ministère des Transports a adjugé à TP Ferro la concession pour la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien de la section internationale entre [Localité 6] et [Localité 4] d'une nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse.

Le cahier des charges de la concession prévoit que la fourniture d'énergie de la nouvelle ligne et des embranchements sera réalisée à partir d'un poste de réception (sous-station) qui sera implanté dans la commune du [Localité 7], dans le triangle formé par les voies de raccordement, la voie existante [Localité 6]-[Localité 9] et le [Adresse 3].

Dans son courrier daté du 16/08/2004, TP Ferro a demandé à RTE de raccorder la sous-station au Réseau Public de Transport et a précisé les caractéristiques de la charge à alimenter : puissance appelée, raccordement triphasé, besoin d'un secours.

La Proposition Technique et Financière entre TP Ferro et RTE a été signée le 23 novembre 2004.

Ce contrat prévoit l'établissement de la présente convention de raccordement.

En outre, un contrat d'accès au Réseau Public de Transport d'électricité (RPT) doit être conclu entre RTE et le Client. ».

En annexe 6 de la convention figurent les données financières du raccordement.

Se décrivant comme totalement ignorante en la matière et faisant état d'une rétention d'information, d'une déloyauté contractuelle en cours d'exécution et même d'une « omerta contractuelle », la société TP Ferro, pour asseoir son action en responsabilité contractuelle, excipe d'une part de la position dominante de RTE et de son propre état de dépendance économique et d'autre part de manquements à la loyauté contractuelle ' devoir de coopération, devoir d'information, d'explication et de conseil -, et de manquements à la loyauté des affaires par la conclusion d'un contrat volontairement déséquilibré.

Pourtant le fait que la convention du 9 juin 2006 ait été précédée d'une proposition en novembre 2004 avec les composantes de l'accord des parties, et notamment en annexe le planning estimatif des travaux avec une phase 1 de décembre 2004 à avril 2005 relative à « la concertation préalable sur le choix d'une solution », corrobore l'existence d'une véritable négociation entre TP Ferro et RTE et non d'un contrat d'adhésion purement et simplement imposé en tous ses termes au cocontractant.

Après avoir fait diligenter un rapport d'analyse par la société ETE, dont deux versions ont été établies les 31 août et 3 novembre 2015, la société TP Ferro a écrit à la société RTE le 13 novembre 2015 pour solliciter des informations sur « l'injection, l'alimentation de secours et le raccordement de 225KV », précisant que la société était sous administration judiciaire depuis le 1er septembre 2015 et qu'un audit complet sur les coûts actuels et antérieurs était en cours. Différentes données ont alors été adressées par RTE à TP Ferro pour répondre à sa demande et ce à plusieurs reprises compte-tenu des nouvelles interrogations de son cocontractant. Les parties se sont ensuite rencontrées le 11 mars 2016, en présence de la société ETE, puis le 11 avril 2016. Si la société TP Ferro a renvoyé son accord quant à l'offre commerciale de déconnexion de la société RTE le 31 mai 2016, les parties n'ont pas réussi à trouver un accord sur les réclamations de TP Ferro.

L'initiative de faire diligenter une expertise privée qui n'appartient qu'au demandeur à l'instance ne saurait lui permettre de repousser discrétionnairement le point de départ du délai de prescription.

Les conditions du raccordement ont été largement évoquées et négociées entre les parties dès 2004 ainsi qu'il a été rappelé supra et tout éventuel manquement au devoir d'information, d'explication et de conseil ou à la loyauté contractuelle était ainsi susceptible de causer un dommage certain à la société TP Ferro dès la conclusion de la convention le 9 juin 2006, celle-ci ayant tous les éléments en mains lui permettant d'agir. L'action de la société TP Ferro à cet égard est donc irrecevable comme étant prescrite depuis le 19 juin 2013, l'appelante n'ayant agi que les 19 et 21 septembre 2016.

Sur les conditions de facturation de l'acheminement, en page 9 de la version 2 du rapport ETE du 3 novembre 2015, il est indiqué en point 3.2 sur le principe de la composante CACS (Composante Annuelle des Alimentations Complémentaires et de Secours) que « les frais relatifs à l'alimentation de secours sont excessivement coûteux (environ 300keuros/an CTA incluse) et représentent environ 2/3 de la facturation TURPE ». Cependant au point 3.3 « Facturation de la composante CACS », le rapport ETE énonce : « TP Ferro avait sollicité la non-facturation du secours durant la période initiale, avant la circulation des premiers trains (mails des 3, 15 et 21 octobre 2008), et ce sans suite. Il aurait pourtant été possible, a minima, de ne pas réserver la puissance sur le poste source durant cette période. ».

Il en résulte que dès le mois d'octobre 2008, la société TP Ferro Concesionaria avait pleine connaissance du dommage qu'elle prétendait subir à ce titre, peu important que le montant exact des surcoûts allégués ait été quantifiable ultérieurement. Toute action en responsabilité civile à l'encontre de la société RTE sur ce point est donc prescrite depuis le mois d'octobre 2013, après expiration du délai quinquennal entré en vigueur le 19 juin 2008. L'action de la société TP Ferro initiée à compter de septembre 2016 est donc irrecevable comme étant prescrite.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria et Arraut Y Sala Reixachs, S.L.P, prise en la personne de Me [U] [X] [R], ès qualités de liquidateur de la société de droit espagnol TP Ferro Concesionaria sont irrecevables en leurs demandes, leur action étant prescrite.

Sur le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et extra-contractuelle

Dans le dernier état de ses conclusions devant la cour, la société TP invoque désormais dans son dispositif « l'article L. 442-6 I 1° et 2° du code de commerce dans sa rédaction en vigueur ». Dans ses motifs, après avoir invoqué « la responsabilité sur le fondement de l'article L442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au jour de l'introduction de l'instance », elle cite le texte de l'article L. 442-6 dans sa version en vigueur du 3 août 2005 au 5 janvier 2008. Il semble donc que, malgré quelques contradictions et imprécisions sur la version invoquée, la société TP Ferro ne fonde plus son action que sur le texte en vigueur lors de la conclusion du contrat.

Elle invoque également la responsabilité délictuelle de droit commun issue des articles 1382 anciens et suivants devenus 1240 et suivants du code civil.

Or en vertu du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et extra-contractuelle, la société TP Ferro, prise en la personne de son administrateur judiciaire, n'est pas fondée à invoquer à la fois la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle au titre d'un même préjudice.

Ses demandes fondées sur la responsabilité délictuelle sont donc irrecevables.

2.Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société TP Ferro Concesionaria, prise en la personne de son administrateur judiciaire, succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de condamner l'appelante à payer à la société RTE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

DECLARE irrecevables les demandes de la société TP Ferro Concesionaria prise en la personne de son administrateur judiciaire, en ce qu'elles invoquent un même préjudice au titre de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle ;

CONDAMNE la société TP Ferro Concesionaria prise en la personne de son administrateur judiciaire aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Jeanne Baechlin ;

CONDAMNE la société TP Ferro Concesionaria prise en la personne de son administrateur judiciaire à payer à la société RTE la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.