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Décisions

Cass. 3e civ., 25 janvier 2023, n° 21-19.089

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Paris, du 16 juin 2021

16 juin 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), en 2005 et en 2007, deux baux commerciaux portant sur des locaux à usage d'hôtel, bar restaurant et organisation de réception, ont été consentis par la société civile immobilière Span (la bailleresse) à Mme [L] (la locataire).

2. En exécution d'un arrêt, rendu en référé le 1er octobre 2015, confirmant une ordonnance qui constatait la résiliation des baux par acquisition de la clause résolutoire, la locataire a été expulsée des locaux, qui ont été vendus à une société tierce, le 12 mai 2017.

3. Statuant par arrêt du 20 septembre 2018, après cassation de l'arrêt du 1er octobre 2015 (3e Civ., 30 mars 2017, pourvoi n° 16-10.366, Bull. 2017, III, n° 47), la cour d'appel de renvoi a infirmé l'ordonnance.

4. Au cours de la procédure en référé, la locataire avait assigné la bailleresse, en annulation des commandements et du procès-verbal d'expulsion, en réintégration et en indemnisation des préjudices subis en conséquence de son expulsion.

5. Par jugement du 10 juillet 2019, la procédure de redressement judiciaire de la locataire a été convertie en liquidation judiciaire et la société Archibald a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La locataire représentée par son mandataire liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de condamnation de la bailleresse et de l'acquéreur des locaux en réparation de la perte de son chiffre d'affaires depuis la date de l'expulsion, alors : « que le preneur qui n'a pu continuer son activité jusqu'à la date de paiement de l'indemnité d'éviction du fait du manquement du bailleur à ses obligations, est fondé à solliciter la réparation du préjudice qui en résulte ; qu'à supposer que, comme l'a retenu la cour d'appel, la restitution à laquelle avait droit Mme [L] devait être calculée comme l'indemnité d'éviction du preneur à bail commercial, elle devait inclure les pertes d'exploitation subies jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 111-11 du code des procédures civiles d'exécution, L. 145-14 du code de commerce et 1147, nouvellement 1231-1, du code civil.»

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution et les articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce :

8. Il résulte, du premier de ces textes, que si la décision de justice, titre en vertu duquel l'exécution est poursuivie aux risques du créancier, est ultérieurement modifiée, le créancier rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent et, des deux derniers, que le locataire évincé, qui peut prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial, a droit jusqu'au paiement de cette indemnité, au maintien dans les lieux, aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

9. Pour rejeter la demande de condamnation au titre de la perte de chiffre d'affaires, l'arrêt retient que la locataire, indemnisée de la perte de son fonds de commerce, intervenue à la date de son expulsion, ne peut au surplus être indemnisée des gains qu'elle aurait obtenus si elle était restée en possession du fonds.

10. En statuant ainsi, alors que la privation de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, en méconnaissance du droit du locataire au maintien dans les lieux, occasionne à ce dernier un préjudice qu'il appartient au juge d'évaluer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La portée de la cassation est limitée au rejet de la demande en paiement de la somme de 2 430 000 euros, au titre de la perte de chiffre d'affaires, pour l'hôtel et le restaurant, pour les mois d'avril 2016 à la fin de l'année 2020, en ce qu'elle est dirigée contre la bailleresse.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la somme de 2 430 000 euros, au titre de la perte de chiffre d'affaires, pour l'hôtel et le restaurant, pour les mois d'avril 2016 à la fin de l'année 2020, en ce qu'elle est dirigée contre la société civile immobilière Span, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée