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Décisions

Cass. crim., 9 septembre 2008, n° 07-87.900

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pelletier

Rapporteur :

M. Palisse

Avocat général :

M. Davenas

Avocats :

Me Le Prado, SCP Le Griel

Paris, du 25 oct. 2007

25 octobre 2007

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 423-10 et L. 423-11, anciens et nouveaux, et L. 313-31 du code de la construction et de l'habitation, 112-1 et 432-12 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit l'infraction de prise illégale d'intérêt prévue par l'article 432-12 du code pénal caractérisée à l'encontre de Christian X... ;

"alors qu'en omettant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel de Christian X..., si les dispositions générales plus sévères de l'article 432-12 du code pénal pouvaient prendre le relais des dispositions spéciales de l'article L. 423-11 ancien du code de la construction et de l'habitation abrogées par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 pour des faits antérieurs à cette abrogation sans violer le principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 423-11 nouveau et L. 313-31 du code de la construction et de l'habitation, 122-4 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit l'infraction de prise illégale d'intérêt prévue par l'article 432-12 du code pénal caractérisée à l'encontre de Christian X... ;

"aux motifs qu'il n'est pas contesté que Christian X... est, en sa qualité de directeur salarié d'un comité interprofessionnel du logement, agissant dans un cadre d'intérêt général et sous le contrôle de l'autorité publique, une personne chargée d'une mission de service public au sens de cet article, que sa fonction et l'étendue de sa délégation de pouvoirs qui lui conférait les pouvoirs de représenter et diriger l'association, de signer tous documents, de conclure des conventions, de contracter tous engagements, de constituer toutes sociétés immobilières de construction, de vendre ou d'acheter des titres, de faire ouvrir et fonctionner tous comptes, l'investissaient, ce qui n'est pas davantage contesté, d'un pouvoir de contrôle et de surveillance des opérations passées par le CIL, que l'acquisition qu'il a faite, directement et par l'intermédiaire de la société HMG, de la totalité des parts de la société Cilgest 92 dont il avait la charge d'assurer le paiement, en tant que directeur du CILAC, constitue une prise illégale d'intérêt au sens de l'article 432-12 précité du code pénal, qu'elle lui permettait d'obtenir un droit sur les bénéfices réalisés grâce aux chiffres d'affaires générées par le contrat conclu avec le CILAC et qu'il avait négocié en qualité de directeur du CILAC, que Christian X... ne peut se prévaloir de l'autorisation préalable donnée par le conseil d'administration à la conclusion de la convention de prestations informatiques du 2 janvier 1998, alors que la prise d'intérêt dans la société Cilgest 92 est postérieure à cette convention et n'était pas connue des administrateurs, que ce n'est que quelques mois après la passation de ladite convention que Christian X... a directement et indirectement pris des participations dans la société Cilgest 92, au demeurant avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, soit à la veille de la signature du contrat litigieux ;

"alors qu'en omettant de rechercher si les fonctions de directeur salarié de la société Cilgest 92 qu'occupait Christian X... depuis la création de cette société en 1987, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, ne constituait pas déjà une prise d'intérêt dont le conseil d'administration du CILAC avait eu nécessairement connaissance au moment d'autoriser la convention du 2 janvier 1998 liant cet organisme à Cilgest 92, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Christian X..., directeur de 1985 à 1999, d'un organisme agréé collecteur de la participation des employeurs à l'effort de construction, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, en 1998 et 1999, acquis, directement ou indirectement, des parts de la société qui fournissait les services informatiques de l'organisme dirigé par lui en violation de l'article L. 423-11 du code de la construction et de l'habitation relatif aux organismes d'habitation à loyers modérés, dont les dispositions sont étendues aux organismes collecteurs précités par l'article L. 313-31 dudit code ; que les premiers juges, constatant que la loi du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement, avait, en modifiant l'article L. 423-11, abrogé l'infraction visée à la prévention, ont relaxé Christian X... et ont débouté de ses demandes la partie civile, le groupement interprofessionnel pour la participation à l'effort de construction (GIPEC) aux droits de l'organisme victime ; que ce dernier a, seul, interjeté appel ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et dire que l'infraction de prise illégale d'intérêts prévue par l'article 432-12 du code pénal est caractérisée, l'arrêt énonce notamment que la suppression du délit spécial prévu par le code de la construction et de l'habitation n'a pas eu pour effet de dépénaliser les agissements reprochés à Christian X..., qui sont désormais soumis aux dispositions générales du code pénal, et que le prévenu ne peut se prévaloir de l'autorisation donnée par le conseil d'administration à la convention passée le 2 janvier 1998 entre l'organisme collecteur et la société de services informatiques, alors qu'il lui est reproché d'avoir pris des intérêts dans cette société, après cette date ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que les faits retenus contre le prévenu entrent, tant dans les prévisions de la loi pénale applicable au moment où ils ont été commis, que dans celles de la loi pénale applicable aujourd'hui, que les juges du second degré, saisis uniquement de l'action civile, n'avaient pas à prononcer sur les peines encourues et que l'autorisation donnée par le conseil d'administration à la convention entre l'organisme collecteur et la société prestataire de services ne saurait justifier la prise d'intérêts postérieure, qui n'en n'est pas la conséquence nécessaire ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

II - Sur le pourvoi du groupement interprofessionnel pour la participation à l'effort de construction :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 432-12 du code pénal, 591 et 592 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté le GIPEC de ses demandes de dommages-intérêts ;

"aux motifs que (arrêt p. 4) Christian X... est, en sa qualité de directeur salarié d'un comité interprofessionnel du logement, agissant dans un cadre d'intérêt général et sous le contrôle de l'autorité publique, une personne chargée d'une mission de service public au sens de l'article 432-12 du code pénal ; que sa fonction et l'étendue de sa délégation de pouvoirs, qui lui conférait les pouvoirs de représenter et diriger l'association, de signer tous documents, de conclure des conventions, de contracter tous engagements, de constituer toutes sociétés immobilières de construction, de vendre ou d'acheter des titres, de faire ouvrir et fonctionner tous comptes, l'investissaient (...) d'un pouvoir de contrôle et de surveillance des opérations passées par le CIL ; que l'acquisition qu'il a faite, directement et par l'intermédiaire de la société HMG, de la totalité des parts de la société Cilgest 1992 dont il avait la charge d'assurer le paiement, en tant que directeur du CILAC, constitue une prise illégale d'intérêt au sens de l'article 432-12 précité du code pénal ; qu'elle lui permettait d'obtenir un droit sur les bénéfices réalisés grâce aux chiffre d'affaire générés par le contrat conclu avec le CILAC et qu'il avait négocié en qualité de directeur du CILAC ;

"et aux motifs que (arrêt p. 5) sur l'action civile, le GIPEC ne fait pas la preuve d'un préjudice en relation directe avec l'infraction dénoncée, laquelle a essentiellement pour but de sanctionner des comportements préjudiciables à des intérêts d'ordre général ; que ni la facturation alléguée des prestations informatiques par la société Cilgest 1992 au CILAC ni l'impossibilité alléguée d'exécuter la condamnation prononcée à son profit à l'encontre de l'Association pour le développement social 1992 « ADS 1992 » après résolution de la dévolution des biens consentis à celle-ci par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 janvier 2006, ne sauraient constituer ce préjudice ;

"alors que, d'une part, les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ouvrent l'action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public ; qu'ainsi, en considérant, en substance, que la surfacturation au CILAC, aux droits duquel vient le GIPEC, des prestations informatiques assurées par le Cilgest 1992, en vertu d'une convention du 2 janvier 1998, ne constituerait pas un préjudice découlant directement du délit de prise illégale d'intérêts dans cette société, cependant qu'il ressort de ses propres constatations (arrêt p. 4 § 6) que l'acquisition par Christian X... de la totalité des parts du Cilgest 1992, avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, était consécutive à la signature du contrat litigieux du 2 janvier 1998, que ce dernier avait négocié en qualité de directeur du CILAC, afin d'obtenir un droit sur les bénéfices réalisés grâce au chiffre d'affaire généré par ledit contrat, de sorte que la facturation excessive des prestations informatiques servies par Cilgest 1992 était ainsi étroitement liée à la prise d'intérêt dans cette société, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, privant par là même sa décision de base légale ;

"alors que, d'autre part, de la même façon, l'action civile est recevable devant la juridiction répressive dès lors que la partie qui l'exerce a été personnellement et directement lésée par le délit d'ingérence ; qu'à ce titre, le GIPEC se prévalait (conclusions p. 27) de ce que la prise illégale d'intérêts lui a causé un préjudice évident, puisqu'il n'a pu faire exécuter que très partiellement l'arrêt de la cour d'appel qui avait condamné ADS 92 à lui rembourser 3 796 056 euros ; que dès lors, en écartant la demande de réparation présentée par le GIPEC, au prétexte que celui-ci ne rapporterait pas la preuve d'un préjudice en relation directe avec la prise illégale d'intérêts retenue, cependant que l'impossibilité pour le GIPEC d'obtenir le remboursement par la société ADS 1992 de la totalité de la somme fixée par la juridiction répressive tenait exclusivement dans le fait que cette société, laquelle détenait 99% des parts de Cilgest 1992, a vu la totalité de ses parts rachetée par Christian X... par l'intermédiaire de la société HMG, de sorte que le préjudice résultait directement de l'infraction dénoncée, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé" ;

Attendu que, pour débouter la partie civile de sa demande de réparation, l'arrêt énonce qu'elle n'allègue pas de préjudice moral et que ne sont en relation directe avec la prise illégale d'intérêts ni la facturation prétendument excessive des prestations informatiques ni l'impossibilité d'exécuter une condamnation contre l'association initialement propriétaire des parts de sociétés acquises par Christian X... ;

Attendu qu'en cet état, abstraction faite du motif surabondant selon lequel la prise illégale d'intérêt a essentiellement pour but de sanctionner des comportements préjudiciables à l'intérêt général et dès lors que la facturation des prestations informatiques, fût-elle excessive, trouvait son origine dans une convention antérieure aux faits reprochés au prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.