Cass. crim., 17 décembre 2008, n° 08-82.318
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
Mme Ract-Madoux
Avocat général :
M. Lucazeau
Avocat :
SCP Boré et Salve de Bruneton
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles X... coupable de prise illégale d'intérêts ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que Geneviève X..., soeur du prévenu, a été engagée en qualité d'enseignant à temps partiel sur un poste vacant, par l'université Jean Moulin Lyon III à l'initiative de Jean-Louis Y..., doyen de la faculté de langues ; qu'il est constant que ni l'effectivité de l'enseignement professé par cette dernière ni ses compétences ne sont mises en cause ; que, de même, il résulte des pièces produites que l'emploi d'enseignement de gestion désigné sous le vocable « PRCE 0812 » attribué à 50 % à Geneviève X... pour l'année 2002-2003, celle-ci ne pouvant plus bénéficier d'un poste de vacataire en raison de la perte de son emploi, ne pouvait être publié par anticipation, l'enseignant occupant préalablement ce poste ayant fait valoir ses droits à la retraite en mai 2002 ce qui n'a pas permis à l'université de faire publier la vacance de ce poste avant octobre 2002 ; que toutefois les dispositions légales de l'article 432-12 du code pénal ont pour finalité de faire échec à toute suspicion de partialité à l'égard des personnes dépositaires de l'autorité publique, notamment celles chargées d'une mission de service public ; qu'elles imposent non seulement la probité mais aussi l'apparence de la probité ; qu'en l'espèce, en signant le contrat d'enseignement de Geneviève X..., même de manière différée, selon ses propres aveux, aux fins de régularisation de décisions prises pendant son investiture, Gilles X... a agi en qualité de président de l'université et a conféré à cet acte administratif son plein effet, à savoir l'engagement de sa soeur en qualité de professeur contractuel par l'université Jean Moulin Lyon III, administration dont il avait en charge la direction, la gestion et la surveillance ; que l'université étant dépositaire de la puissance publique et exerçant une mission de service public, le prévenu a agi en qualité d'agent public ou, à tout le moins, de personne chargée d'une mission de service public ; que Gilles X... avoue avoir délibérément signé le contrat d'enseignement de sa soeur, acte juridique préalable indispensable au procès-verbal d'installation subséquent signé par son successeur et à l'exercice de l'emploi d'enseignant ; que le seul fait pour Gilles X... d'avoir signé, en sa qualité de président de l'université, ce contrat d'enseignement au nom de sa soeur, en connaissance de cause, démontre que le prévenu a pris indirectement un intérêt moral à cet acte d'engagement établi au profit d'un membre de sa famille ; que par ce seul fait, étant à la fois organe de surveillance en sa qualité de président d'université et de particulier surveillé tirant un avantage moral indirect à l'embauche de sa soeur sur un poste d'enseignant vacant à mi-temps alors qu'elle ne peut plus bénéficier du statut de vacataire, Gilles X... a commis un abus de fonction ; que l'intention coupable du délit est caractérisée par le seul fait que l'auteur ait accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel de l'infraction sans qu'il soit nécessaire de démontrer que ce dernier ait agi dans une intention frauduleuse ;
" 1° / alors que se rend coupable de prise illégale d'intérêts le prévenu qui, au moment de l'acte incriminé, a la charge d'assurer la surveillance ou l'administration de l'entreprise concernée ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond qu'au jour de la signature du contrat incriminé, Gilles X... n'était plus président de l'université et qu'il l'avait signé à la demande du nouveau président en exercice ; qu'en le jugeant néanmoins coupable de prise illégale d'intérêts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés ;
" 2° / alors qu'en jugeant que la signature du contrat incriminé ne faisait que « régulariser des décisions prises pendant son investiture », sans préciser de quelles décisions il s'agissait et alors que celles-ci n'ont jamais été mentionnées dans la prévention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Gilles X..., président d'université du 1er septembre 1997 au 31 août 2002, a signé le 2 septembre 2002 un contrat d'enseignement daté du 30 août, engageant Geneviève X..., sa soeur, en qualité de professeur contractuel, sur un poste budgétaire de professeur titulaire agrégé de l'enseignement secondaire ;
Attendu que, pour déclarer Gilles X... coupable de prise illégale d'intérêts, l'arrêt énonce qu'en signant le contrat d'enseignement, même de manière différée, aux fins de régularisation de décisions prises pendant son mandat, il a agi en qualité de président d'université et a conféré à cet acte administratif son plein effet, à savoir l'engagement de sa soeur en qualité de professeur contractuel de l'université, administration dont il avait en charge la direction, la gestion et la surveillance ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, le délit de prise illégale d'intérêts dont elle a reconnu le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.