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Décisions

Cass. 2e civ., 22 mars 2012, n° 10-24.778

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Rouen, du 6 juill. 2010

6 juillet 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'après avoir acquis auprès de M. et Mme X... la plupart des actions de la société X..., la société JAJ Holding (la société JAJ), estimant que leur prix aurait dû être moindre en raison du passif de la société révélé après la cession, a fait pratiquer une mesure conservatoire sur divers comptes bancaires des cédants qu'elle a ensuite fait assigner, par acte du 4 septembre 2009, devant un tribunal de commerce ; que sur nouvelle requête des sociétés JAJ et X..., le président d'un tribunal de commerce a, par une ordonnance du 20 octobre 2009, autorisé l'inscription de trois hypothèques judiciaires conservatoires sur des immeubles appartenant à M. et Mme X..., qui ont demandé la rétractation de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de rétractation et de toutes leurs autres demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les sociétés JAJ et X... soutenaient, dans leurs assignation au fond en date du 4 septembre 2009 que «la responsabilité des consorts X... était engagée à l'égard du cessionnaire, sur le fondement des articles 1109,1116, 1134 et suivants du code civil» ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance ayant ordonné la saisie conservatoire, que l'assignation des sociétés JAJ et X... «avait pour objet la validation d'autres saisies conservatoires», la cour d'appel a dénaturé les termes pourtant clairs et précis de l'assignation du 4 septembre 2009 versée aux débats et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le président du tribunal de commerce n'est compétent pour autoriser une mesure conservatoire qu'avant tout procès et qu'une mesure conservatoire ne peut être «validée» que par la constatation de l'existence de la créance dont elle a pour objet de garantir le paiement ; qu'en rejetant la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé les sociétés JAJ et X... à pratiquer une mesure conservatoire au motif que l'assignation du 4 septembre 2009 «avait pour objet la validation d'autres saisies conservatoires», sans rechercher, comme cela lui était demandé, si celles-ci n'avaient pas pour objet de garantir le paiement de la même créance que celle invoquée dans la présente instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 69 de la loi du 9 juillet 1991 ;

3°/ que le président du tribunal de commerce n'est compétent pour autoriser une mesure conservatoire qu'avant tout procès ; qu'en jugeant que le président du tribunal de commerce avait été saisi avant tout procès, aux motifs expressément adoptés que, dans leur assignation en date du 4 septembre 2009, les sociétés JAJ et X... avaient sollicité un sursis à statuer, quand une telle demande ne tendait qu'à suspendre l'instance au fond introduite par le créancier poursuivant, la cour d'appel a violé les articles 69 de la loi du 9 juillet 1991 et 211 du décret du 31 juillet 1992, ensemble l'article 379 du code de procédure civile ;

4°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant l'ordonnance rendue le 12 avril 2010 ayant autorisé la mesure conservatoire après avoir, dans ses motifs, jugé que la mesure conservatoire était caduque, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la caducité d'une mesure conservatoire s'étend à l'ordonnance qui l'a prononcée ; qu'en rejetant la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé l'inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire alors qu'elle constatait que ladite mesure était caduque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 ;

Mais attendu que si le président du tribunal de commerce du lieu où demeure le débiteur cesse d'être compétent pour autoriser une mesure conservatoire dès lors qu'un procès a été engagé, seul le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de ce même lieu l'étant alors, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel et qui est juridiction d'appel tant du juge de l'exécution que du président du tribunal de commerce, avait compétence pour apprécier elle-même les demandes présentées par les sociétés JAJ et X... ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués par les deuxième et troisième branches, c'est sans encourir le grief de dénaturation allégué ni celui de la contradiction de motifs, les motifs de droit énoncés pour constater la caducité des mesures conservatoires et les autoriser de nouveau ne pouvant constituer les termes d'une contradiction donnant ouverture à cassation, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire droit à la demande de rétractation au motif que les mesures conservatoires étaient caduques, a pu statuer comme elle l'a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 214 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Attendu que la cour d'appel a autorisé de nouveau les sociétés JAJ et X..., ainsi que M. Y..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société X..., à inscrire les hypothèques judiciaires conservatoires sur les trois mêmes immeubles appartenant à M. et Mme X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai pour exécuter la mesure conservatoire, prévu à peine de caducité, étant de trois mois, les inscriptions, le 18 janvier 2010, des hypothèques judiciaires provisoires autorisées par l'ordonnance du 20 octobre 2009, avaient été effectuées en temps utile, de sorte que les mesures conservatoires n'étaient pas caduques, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a autorisé les sociétés JAJ et X..., ainsi que M. Y..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la société X..., à inscrire en garantie du paiement de leurs créances, une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits et parts indivis des consorts X..., sur les immeubles situés au lieudit le Caribou, en la commune de Valmeinier (Savoie), cadastré section C n° 25 07, lot numéro 97, en la commune de Molietz et Maa (Landes), cadastré section BA n° 134 et en la commune de Saint-Raphaël (Var), ZAC du Cap Dramont, cadastré section BD n° 391, lot n° 49, l'arrêt rendu le 6 juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.