Cass. crim., 8 octobre 2003, n° 03-80.543
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Dulin
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 432-11 et 432-12 du Code pénal, 2, 3, 197-1, 198, 212, 213, 388, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de la commune d'Amnéville, représentée par son maire, M. Jean X... ;
"aux motifs qu' "aux termes de sa plainte, puis au soutien de son appel formé contre l'ordonnance de non-lieu rendue le 15 juillet 2002, la partie civile demande que les faits pour lesquels Jean-Claude Y... a été condamné le 27 juin 2000 sous la qualification de recel d'abus de biens, soient désormais poursuivis sous de nouvelles qualifications pénales ; mais attendu que Jean-Claude Y... a été condamné par jugement du 27 juin 2000, aujourd'hui définitif, à la peine de six mois de prison avec sursis et au paiement d'une amende de 3 048,98 euros et qu'à ce jour, cette peine est amnistiée, en application des articles 5, 6-3 et 6, dernier alinéa, de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, l'amende supérieure à 750 euros étant totalement payée ; or, il est constant que l'amnistie a pour effet d'arrêter les poursuites à partir du jour de la promulgation de la loi qui l'accorde et s'oppose à ce que les faits amnistiés reçoivent une qualification autre que celle qui avait été antérieurement donnée par la prévention et qui avait été retenue dans un précédent jugement ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue le 15 juillet 2002, par substitution de motifs, en constatant l'extinction de l'action publique à l'égard de Jean-Claude Y... à raison de ce que les faits dénoncés sont amnistiés et ne peuvent, dès lors, recevoir aucune autre qualification pénale (arrêt, page 5)" ;
"alors que l'amnistie n'arrête les poursuites qu'à l'égard des seuls faits visés à la prévention ; qu'en l'espèce, il résulte des termes du jugement du 27 juin 2000 que la condamnation amnistiée prononcée par cette décision à l'encontre de Jean-Claude Y... est intervenue dans le cadre des poursuites du chef de recel d'abus de biens sociaux, soit pour avoir bénéficié d'un approvisionnement en carburant payé par la société Ice France, tandis que cette dépense était contraire à l'intérêt de cette entreprise ; que si la prévention indique que ces avantages ont été accordés en contrepartie d'informations sur de potentiels marchés de nettoyage susceptibles d'être attribués à la société Ice France, en revanche il ne résulte pas de la citation qu'il ait été reproché à Jean-Claude Y... d'avoir notamment sollicité ces avantages, ni que l'intéressé ait, en contrepartie, promis d'accomplir un acte de sa fonction, de sorte qu'en cet état, les faits de corruption passive dénoncés dans la plainte de la demanderesse sont distincts de ceux visés à la prévention dans le cadre des poursuites ayant donné lieu au jugement du 27 juin 2000 ; que, sur ces bases, la partie civile a expressément fait valoir, dans son mémoire d'appel, que les éléments de la corruption paraissent résulter des motifs du jugement du 27 juin 2000, mais non de la prévention elle-même ;
que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que les présentes poursuites concernent les faits pour lesquels Jean-Claude Y... a été condamné le 27 juin 2000, la chambre de l'instruction a violé l'article 388 du Code de procédure pénale" ;
Vu les articles 432-11, 432-12 du Code pénal, ensemble l'article 6 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'exception d'autorité de la chose jugée ne peut valablement être invoquée à l'occasion d'une poursuite que lorsqu'il existe une identité de cause, d'objet et de parties entre les deux poursuites ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean-Claude Y..., adjoint au maire de la commune d'Amnéville, a été poursuivi et définitivement condamné pour avoir recelé des biens, en l'espèce du carburant, provenant d'abus de biens sociaux commis au préjudice d'une société Ice France ; que, postérieurement à cette condamnation, le maire de cette commune a porté plainte et s'est constitué partie civile contre son adjoint pour corruption et prise illégale d'intérêts en arguant du fait que ces biens avaient été remis en contrepartie d'informations tendant à l'obtention de marchés publics ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et constater l'extinction de l'action publique, la chambre de l'instruction énonce que les peines de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 048,98 euros d'amende auxquelles Jean-Claude Y... a été condamné pour recel d'abus de biens sociaux sont amnistiées et que les faits ne peuvent être poursuivis sous une nouvelle qualification ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les délits de prise illégale d'intérêts et de corruption sanctionnent la violation d'intérêts distincts et comportent des éléments constitutifs différents de ceux du délit de recel d'abus de biens sociaux, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 12 décembre 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.