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Décisions

Cass. crim., 17 décembre 2003, n° 03-81.151

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Thin

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

Me Copper-Royer

Angers, ch. corr., du 14 janv. 2003

14 janvier 2003

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme partiellement que Daniel X... , trésorier principal de Montfaucon-sur-Moine, avisé de ce que la société Bois et Transports Y..., dont Yvon Y... est président et Loïc Y... directeur général, devait recevoir, en exécution d'un jugement du tribunal administratif, le remboursement d'une somme de 4 577 000 francs de la part de l'administration des Douanes, a notifié à celle-ci une opposition à hauteur de 1 056 516 francs au titre de l'impôt 1998 dû par la société Y..., puis un second avis à tiers détenteur pour l'intégralité de la somme restant consignée ;

Qu'il a affecté ces sommes, à concurrence de 4 540 000 francs, sur quatre "contrats épargne" ouverts au nom des deux frères Y... bénéficiaires mutuels de ces contrats et, pour 37 292 francs, sur des "comptes fonds particuliers" ouverts au nom de ceux-ci, ces placements lui permettant de percevoir une prime de 31 212,50 francs ; qu'à la suite d'un contrôle de la Trésorerie générale de Maine-et-Loire qui révélait que le second avis à tiers détenteur ne correspondait à aucune dette fiscale, Loïc et Yvon Y... ont été poursuivis du chef d'abus de biens sociaux pour avoir recueilli, sur des comptes personnels, une somme de 4 577 292,57 francs devant revenir à la société Y... ;

qu'il a été reproché à Daniel X... de s'être rendu complice de ce délit et d'avoir, en qualité de trésorier public, reçu un intérêt quelconque dans une opération dont il avait la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation, ou le paiement, en ayant perçu, en l'occurrence, une commission de 31 210,50 francs ;

En cet état :

I - Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel d'Angers :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 121-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contrariété de motifs ;

Attendu que, pour renvoyer Yvon et Loïc Y... des fins de la poursuite exercée contre eux du chef d'abus de biens sociaux, l'arrêt énonce que l'élément intentionnel n'existe pas à leur égard, les contrats de placement à la Caisse nationale de prévoyance ayant été préparés par Daniel X... , dont la fonction a pu leur donner l'assurance de la légalité de ce procédé ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II - Sur le pourvoi de Daniel X... :

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 432-12, alinéa 1, 432-17 du Code pénal, 368, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu à la charge de Daniel X... , l'infraction de prise illégale d'intérêts et l'a condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende ;

"aux motifs que "quelles que soient les vicissitudes de la procédure liée au contentieux relatif au paiement de la taxe forestière, c'est à juste titre que le tribunal a limité son analyse au versement de la somme litigieuse sur des comptes personnels ouverts au nom d'Yvon et Loïc Y... ; qu'en effet, le versement de ces fonds sur des comptes personnels constitue l'acte matériel du détournement, même si, comme le soutient Daniel X... , ces fonds étaient séquestrés par le trésor public et ne pouvaient être versés aux intéressés ; qu'Yvon et Loïc Y... déclarent que les contrats Caisse Nationale de Prévoyance, ont été préparés par Daniel X... , auquel il faisait toute confiance en sa qualité de comptable public, responsable de la trésorerie de Montfaucon-sur-Moine (49) ; que, même la mention "lu et approuvé" qui figure sur ces contrats, n'est pas de leur main ; que pour eux, ce placement eu égard à la qualité de la personne qui leur a conseillé, s'inscrivait dans une activité normale de la trésorerie ; qu'ils relèvent que la hiérarchie n'a pas contesté ce procédé qui a profité à celle-ci par le jeu des primes de production ; que la cour juge que l'élément intentionnel n'existait pas à leur égard ; qu'en effet, la fonction tenue par Daniel X... a pu leur donner l'assurance de la légalité du procédé d'autant que ces fonds étaient séquestrés au profit du trésor public ; que, par contre, en ce qui concerne Daniel X...

qui revendique l'initiative de ces placements et qui reconnaît que les coprévenus avaient toute confiance en lui, il ne pouvait ignorer que, placer des fonds appartenant a une société, constituait un acte illégal ; que le fait que les crédits de ces comptes ne devaient pas être restitués, n'enlève rien au détournement résultant du placement sur des comptes individuels ; qu'il est manifeste que l'intérêt pour lui, résultait de la prime qu'il percevait sur ces ouvertures de compte ; que l'infraction de complicité d'abus de biens sociaux est à son égard, parfaitement constituée en tous ses éléments ; que l'infraction de prise illégale d'intérêt est également constituée, puisque comptable public, chargé d'obtenir des garanties sur une opération concernant une société, il a utilisé un moyen illégal pour percevoir personnellement des sommes sous forme de prime liée au placement des fonds sur des comptes personnels ; que la peine est adaptée à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu, et sera confirmée ; que la peine complémentaire est justifiée, et sera également confirmée (arrêt attaqué p. 5 et 6) ;

"alors que, d'une part, le délit de prise illégale d'intérêts n'est constitué que s'il est constaté l'élément moral de l'infraction ;

que la cour d'appel d'Angers, en se bornant à constater l'existence du fait de la perception d'une prime liée au placement des fonds sur des comptes personnels, n'a pas établi cet élément constitutif déterminant ; qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 121-3 et 432-12 du Code pénal ;

"alors que, d'autre part, la cour d'appel d'Angers n'a pas, dans le même temps, répondu aux conclusions de Daniel X... qui insistaient sur la régularité de l'opération accomplie et sur celle du versement de la prime ;

"et alors, enfin, que la perception d'une prime liée au placement des fonds sur des comptes personnels déjà retenue au titre de la culpabilité pour complicité d'abus de biens sociaux ne pouvait l'être une seconde fois pour fonder la condamnation de Daniel X... pour la prétendue prise illégale d'intérêts ; que la cour d'appel d'Angers a méconnu de nouveau la règle "non bis in idem"" ;

Attendu que, pour déclarer Daniel X... coupable de prise illégale d'intérêts, les juges énoncent, par motifs propres et adoptés, qu'il a pris l'initiative d'émettre deux avis à tiers détenteur pour une créance d'impôt dont le montant n'était ni certain ni exigible compte tenu des recours exercés, mais qui, en toute hypothèse, était très inférieur à la somme de 4 577 000 francs, appréhendée par le Trésor public, puis a placé cet argent sur des comptes de personnes qui n'avaient aucune qualité pour le recevoir mais avec lesquelles il entretenait des relations amicales ; qu'ils ajoutent qu'il a, à l'occasion de cette opération illicite, perçu une prime indue ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a pris un intérêt dans une affaire dont il avait l'administration, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Attendu que la peine prononcée étant justifiée par cette déclaration de culpabilité, il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen relatif à la complicité d'abus de biens sociaux ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.