Cass. 1re civ., 9 juin 2011, n° 09-69.923
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
M. Jessel
Avocat général :
Mme Petit
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié
Attendu que M. X..., notaire associé au sein de la SCP X...Y...A..., a, pour des raisons de santé, cessé d'exercer ses activités professionnelles à compter du 1er février 1997 ; que le président de la chambre départementale des notaires du Morbihan l'a, dans ces conditions, assigné devant le tribunal de grande instance de Lorient afin de faire constater son empêchement à l'exercice de ses fonctions sur le fondement de l'article 45, alinéa 2, de l'ordonnance du 28 juin 1945 ; qu'un jugement du 3 juillet 2003 a accueilli cette demande et l'intéressé a été déclaré démissionnaire d'office par arrêté du garde des sceaux du 15 septembre 2003 ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt (Rennes, 17 février 2004) désormais irrévocable (Cass. 1re Civ., 15 novembre 2005, pourvoi n° 04-12. 461) ; que les coassociés ont engagé une action en responsabilité contre M. X...pour obtenir réparation du préjudice causé par son refus, selon eux abusif, de céder ses parts ; que par arrêt du 13 mai 2008, la cour d'appel de Rennes a accueilli cette demande ; que cette décision a été annulée à la suite de l'annulation, par arrêt du Conseil d'Etat daté du 7 août 2008, de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2003 (Cass. 1re Civ., 8 octobre 2009 pourvoi n° 08-18. 543) ; que le nouvel arrêté de démission d'office pris par le garde des sceaux le 21 octobre 2008 et publié au Journal officiel du 29 a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir toujours pendant devant la juridiction administrative ; qu'entre-temps, MM. Y...et A... et la SCP notariale ont engagé une action pour faire ordonner la cession forcée des parts de M. X...et pour voir celui-ci déchu de son droit à participer au partage des bénéfices ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que MM. Y...et A...et la SCP notariale reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à M. X... sa quote-part dans les bénéfices réalisés au cours des exercices 2005 à 2008, alors, selon le moyen, que l'associé d'une société civile professionnelle qui cesse son activité en raison d'un retrait judiciaire ne peut plus prétendre à une quote-part des bénéfices de la société ; que, créancier de la société à concurrence de sa participation dans le capital social, il ne peut invoquer qu'un droit à rémunération correspondant à un intérêt à compter de la décision judiciaire constatant son retrait ; qu'en retenant le contraire et en condamnant la SCP à verser à M. X...une quote-part des bénéfices réalisés par cette dernière pour la période pendant laquelle, empêché, il n'avait pas exercé, la cour d'appel a violé les articles 3 et 14 de la loi du 29 novembre 1966 et l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que le retrayant a droit, tant qu'il est titulaire de ses parts, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen :
Attendu que MM. Y...et A...et la SCP notariale font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande en cession forcée des parts de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de retrait judiciaire, l'associé destitué ou empêché dispose d'un délai de six mois à compter du jour où sa destitution ou son empêchement est définitif pour céder ses parts, à défaut de quoi la cession forcée est ordonnée par le juge ; que l'empêchement de M. X...a été constaté par un arrêt définitif de la cour d'appel de Rennes du 17 février 2004 ; que le délai de six mois de cession libre a commencé à courir à compter de l'arrêt d'empêchement ; qu'en retenant que ce délai ne courait que du jour de l'arrêté de démission d'office et que ce délai n'avait pas commencé à courir, en l'état du recours exercé contre cet arrêté, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret 67-868 du 2 octobre 1967 ;
2°/ que le retrait volontaire, régi par l'article 31 du 2 octobre 1967, prend effet à compter de l'arrêté ministériel le constatant, au contraire du retrait judiciaire, régi par les articles 31-1 et 32, qui prend effet à compter de la décision constatant l'inaptitude, l'empêchement ou la destitution du notaire ; qu'en retenant pour date du retrait de M. X...celle de l'arrêté ministériel tirant les conséquences de son empêchement, quand cet empêchement était effectif dès la date de la décision judiciaire définitive le constatant, la cour d'appel, qui a confondu retrait judiciaire et retrait volontaire, a violé les articles 31 du décret du 2 octobre 1967, 41 du décret du 28 décembre 1973, et 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ;
Mais attendu qu'en application des articles 31-1 et 32 du décret du 2 octobre 1967, modifié, relatif aux SCP notariales, le délai de six mois imparti à l'associé démissionnaire d'office pour céder ses parts court à compter, non pas du jugement constatant l'inaptitude ou l'empêchement du professionnel, mais de la publication de l'arrêté prononçant la démission d'office ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 4 du code de justice administrative ;
Attendu que pour rejeter néanmoins la demande en cession forcée des parts de M. X..., l'arrêt énonce que l'arrêté ministériel du 21 octobre 2008 n'était pas définitif puisqu'il faisait l'objet d'un recours toujours pendant devant la juridiction administrative et qu'en conséquence, l'intéressé ne pouvait pas être contraint de céder ses parts ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf disposition contraire, la requête dont est saisi le juge administratif n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par cette juridiction, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. Y...et A...et la SCP X..., Y...et A...de leur demande en cession forcée des parts de M. X..., l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.