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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2023, n° 21-17.592

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

M. Crocq

Avocats :

SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP L. Poulet-Odent

Pau, du 20 mai 2021

20 mai 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 mai 2021), lors de l'assemblée générale de la société Bakia du 15 janvier 1993, les associés ont décidé de modifier l'objet social.

2. Soutenant que celui-ci n'avait pas été inscrit en intégralité dans les statuts déposés, le 23 mars 1993, au greffe d'un tribunal de commerce, M. [V] [U] et la société Step 1261, associés, ont, le 21 novembre 2019, assigné M. [B] [U] et la société Bakia en référé aux fins d'enjoindre M. [B] [U], en sa qualité de gérant de la société Bakia, de procéder au dépôt des statuts intégrant cette modification et aux formalités afférentes, en application de l'article L. 123-5-1 du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [V] [U] et la société Step 1261 font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande en référé-injonction, alors « que la requête en référé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires, qui ne tend pas en tant que telle à la reconnaissance d'une créance ou d'un droit de propriété, n'est pas soumise à un délai de prescription ; qu'en soumettant à la prescription de droit commercial la requête formée par M. [V] [U] et la société Step 1261 visant à la régularisation de la publicité des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel n'ayant pas jugé que l'action était soumise à la prescription prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [V] [U] et la société Step 1261 font le même grief à l'arrêt, alors « que la requête en référé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires, qui ne tend pas en tant que telle à la reconnaissance d'une créance ou d'un droit de propriété, n'est pas soumise à un délai de prescription ; qu'en soumettant à la prescription de droit commun la requête formée par M. [V] [U] et la société Step 1261 visant à la régularisation de la publicité des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, L. 123-1, L. 123-5-1 et R. 123-105 du code de commerce :

6. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Selon le deuxième, figurent au registre du commerce et des sociétés, pour être portés à la connaissance du public, les inscriptions et actes ou pièces déposés prévus par décret en Conseil d'Etat.

8. Selon le dernier, les actes, délibérations ou décisions modifiant les pièces déposées lors de la constitution d'une personne morale doivent être déposées au registre du commerce et des sociétés.

9. Cette obligation, destinée à l'information des tiers, perdure pendant toute la vie de la personne morale.

10. Il s'ensuit que l'action prévue à l'article L. 123-5-1 du code de commerce, qui permet à tout intéressé ou au ministère public d'obtenir du dirigeant d'une personne morale de procéder au dépôt des pièces prévues à l'article R. 123-105 du même code, n'est pas soumise au délai de prescription prévue par l'article 2224 du code civil.

11. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action introduite le 21 novembre 2019 par M. [V] [U] et la société Step 1261, l'arrêt, après avoir retenu qu'elle est une action personnelle en ce qu'elle a pour objet de faire reconnaître l'existence d'un droit ou d'une obligation contre une personne, énonce qu'en l'absence de dispositions dérogatoires, le délai de prescription applicable est le délai de droit commun de cinq ans régissant la prescription des actions personnelles et mobilières, prévu à l'article 2224 du code civil, et retient qu'il a commencé à courir le 23 mars 1993, date de publication des statuts litigieux, dans la mesure où, depuis cette date, ils sont des documents publics opposables tant aux tiers qu'aux associés de la société Bakia.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.