Cass. crim., 25 octobre 2017, n° 16-85.248
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Planchon
Avocats :
Me Carbonnier, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation des articles L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, des articles 121-1, 121-3, 432-12 et 432-17 du code pénal, des articles préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. Jean-Yves X... coupable du délit de prise illégale d'intérêts, et l'a en conséquence condamné à une peine d'amende de 10 000 euros assortie d'un sursis partiel à hauteur de 5 000 euros ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier et des débats qu'en 1985 la commune de Touffreville a récupéré des terrains, d'une superficie totale d'environ 24 ha, essentiellement à usage de carrière, qui lui ont été rétrocédés par l'ancien exploitant ; qu'assez rapidement l'idée de créer, sur cet ensemble immobilier, un parc de loisirs a été avancée par l'équipe municipale et cette idée a été reprise par M. Jean-Yves X..., devenu maire de la commune ; que le projet n'a pu être mené à bien par la commune seule et la gestion du terrain a été confiée à une communauté de communes ; que pour autant, sous l'impulsion du prévenu, un bail emphytéotique a été autorisé, par la commune, toujours dans la perspective de la création d'un parc de loisirs, observations faites que M. Jean-Yves X... n'a pas participé au vote sur ce point et que le projet n'a pas été mené à terme puisque la commune seule ne pouvait consentir un tel bail sur un terrain dont elle n'avait plus la gestion ; que finalement la commune de Touffreville a repris la gestion des terrains litigieux, le prévenu se montrant particulièrement favorable à cette reprise, intervenue à la fin de l'année 2010 ; qu'à nouveau l'idée de la création d'un parc de loisirs a été avancée, le prévenu indiquant cependant qu'il ne souhaitait pas intervenir dans la préparation de ce projet car son fils et son gendre y étaient très intéressés ; qu'a alors été créée « une commission des loisirs », qui s'est réunie et a travaillé en dehors de la présence du maire, laquelle a fait un appel à projets ; que même si plusieurs dossiers ont été retirés, un seul projet, celui du fils M. Olivier X... et du gendre M. Frédéric Y...a été déposé et retenu par la commission des loisirs ; que dans une réunion du 8 février 2012, dans laquelle le maire n'a ni voté, ni, semble-t-il, participé aux discussions, le conseil municipal a autorisé la cession des terrains en cause aux deux personnes physiques auteurs du projet, sauf à prévoir la substitution d'une personne morale de leur choix sous réserve d'en être les associés ; qu'un compromis de vente a été signé le 19 mars 2012 en l'étude de M. Z..., notaire à Troarn, sur la base d'un prix déterminé par une évaluation des domaines en 2008 (216 800 L) ; que postérieurement a été créé la sarl Éole Aventure (le 30 mai 2012) qui devait être substituée aux deux acquéreurs du terrain ; que le prévenu et son épouse, directement ou indirectement (par l'intermédiaire d'une SCI dont ils étaient les seuls associés) ; étaient propriétaires de 38 % du capital de la sarl, le notaire choisi a refusé de régulariser l'acte authentique ; que cet officier ministériel a d'ailleurs averti Jean-Yves X..., à partir d'un avis du Cridon puis d'un cabinet d'avocats, qu'il y avait un risque réel de prise illégale d'intérêts ; que finalement, l'acte authentique sera signé le 15 février 2013 en l'étude d'un autre notaire, précision apportée que le prévenu et son épouse avaient cédé leurs parts, directes ou indirectes, dans la société Éole Aventure le 4 octobre 2012 mais que cette cession en réalité n'a rien changé puisque, dans le cadre d'une transformation de la sarl en SAS, les intéressés sont redevenus et sont toujours propriétaires de 38 % du capital social ; que c'est sur la base de ces faits, admis par les parties, que doit être appréciée la réalité de l'éventuel délit de prise illégale d'intérêts prévu par l'article 432-12 du code pénal ; que l'élément constitutif tenant à la qualité de personne investie d'un mandat électif public, par le prévenu, est évidente et non contestée puisque M. Jean-Yves X... était, effectivement, pendant la période considérée, maire de la commune de Touffreville ; que l'intérêt du prévenu dans l'opération de cession, par la commune, des terrains litigieux est, lui aussi parfaitement caractérisé ; qu'il sera simplement observé que, contrairement à ce que paraît indiquer le parquet dans son acte de poursuite, l'intérêt du prévenu ne peut se résumer au seul intérêt financier découlant du fait qu'il était associé dans la société devant devenir propriétaire ; qu'en effet, la cession des terrains à son fils et à son gendre, qu'il souhaitait soutenir financièrement (ce qu'il a régulièrement reconnu, y compris à l'audience) présentait à l'évidence pour le prévenu un intérêt au moins moral qui ne peut être ignoré ; que cet intérêt moral peut être retenu par la cour dès lors qu'il n'est pas exclu par la citation qui, lorsqu'elle vise la création de la société Éole Aventure, précise clairement, par l'adverbe notamment, qu'il s'agit d'un simple exemple, non exclusif, des modalités de la prise illégale d'intérêts ; que l'élément moral est lui aussi parfaitement caractérisé, étant rappelé que, pour le délit de prise illégale d'intérêts, l'intention coupable est caractérisée par le seul fait que l'auteur a accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit reproché ; que tel est bien le cas en l'espèce où il apparaît que le prévenu avait conscience du risque d'infraction comme le prouvent les précautions, peut-être insuffisantes ou trompeuses, qu'il a pu prendre ; que reste la question de savoir si le prévenu avait la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement de l'opération litigieuse ; qu'il convient, tout d'abord, d'écarter l'exception invoquée par M. Jean-Yves X... qui soutient, eu égard à la population de la commune, qu'il pouvait acquérir un bien « pour la création ou le développement de son activité professionnelle » ; qu'en
effet, d'une part l'activité professionnelle du prévenu n'est pas celle de gérant d'un parc de loisirs, d'autre part il n'a jamais soutenu devant le conseil municipal qu'il allait exercer une telle nouvelle activité professionnelle et, par suite, le conseil municipal n'a pu statuer par « une délibération motivée » ; que contrairement à ce que soutient le prévenu, la notion de surveillance et d'administration doit être entendue de façon très large ; qu'il n'est pas nécessaire que le prévenu ait participé à la délibération ou au vote de la décision constitutive de la prise illégale d'intérêts ; qu'il suffit qu'il soit intervenu dans la préparation ou le suivi de cette décision ; que tel est bien le cas en l'espèce où M. Jean-Yves X... apparaît en aval et en amont de l'acte (le vote du conseil municipal du 8 février 2012) permettant la prise illégale d'intérêts ; qu'ainsi le prévenu, même s'il n'est pas le créateur initial du projet, a été l'instigateur de sa poursuite : qu'il a présidé les conseils municipaux de la commune de Touffreville, en date du 20 mai 2009, 24 février 2010, 30 juin 2010 et 27 octobre 2010, consacrés à la répartition des compétences entre la commune et la communauté de communes pour gérer les terrains litigieux ; qu'il a présidé le conseil municipal du 26 janvier 2011 par lequel la commune a repris le « dossier », et a décidé de « réfléchir au devenir de cet espace » ; qu'il a présidé le conseil municipal du 4 mai 2011 qui a décidé de « rentabiliser le terrain avec étang » (c'est-à-dire les terrains litigieux), étant observé que, s'il n'a pas participé au vote, il a, au cours de sa présidence, indiqué qu'il était favorable à la solution ; qu'il a présidé le conseil municipal du 24 août 2011 au cours duquel il a rappelé aux conseillers municipaux que « le devenir du terrain communal avec étang doit rester une des premières sources de réflexion du conseil municipal », manifestant ainsi clairement son implication dans le projet même s'il n'a pas participé au vote final ; qu'il a présidé le conseil municipal du 14 décembre 2011 où a été abordée la question de l'évaluation des terrains litigieux, peu important qu'il n'ait pas participé au vote sur ce point, dès lors qu'il résulte du procès-verbal qu'il est intervenu dans la discussion ; que ces différentes interventions, à une période où le prévenu était parfaitement informé du projet de son fils et de son gendre, correspondent parfaitement aux dires d'une conseillère municipale qui a souligné que le projet était ardemment défendu par le maire et que, s'il n'intervenait pas directement, il faisait régulièrement « des piqûres de rappel » ; que de même, le prévenu a convoqué le conseil municipal du 8 février 2012 dont l'ordre du jour était uniquement la vente par la commune des terrains litigieux ; que cette convocation du conseil municipal, sur une seule question, à laquelle il était intéressé personnellement, suffit à caractériser une intervention, peu important qu'il n'ait pas participé ensuite aux débats et au vote ; qu'il sera cependant relevé qu'un conseiller municipal a déclaré que c'était le prévenu qui avait rédigé la délibération votée le 8 février 2012 ; qu'enfin, le prévenu est intervenu, postérieurement au vote du 8 février 2012, pour essayer de formaliser la décision arrêtée par le conseil municipal qui lui convenait parfaitement ; qu'ainsi, le 7 janvier 2013, il a écrit, sous son nom et en qualité de maire, au notaire ayant établi le compromis de vente et chargé de la régularisation de l'acte authentique, pour essayer de le convaincre « de finaliser la vente des terrains de la commune au profit de la société Éole Aventure » ou à défaut de transmettre le dossier au notaire, employeur de son épouse, « dans l'attente du choix d'un nouveau notaire qui représentera la commune » ; qu'il résulte, à l'évidence, de ces différentes interventions que M. Jean-Yves X..., parfois en coulisses, a organisé, préparé et suivi, pour « son » conseil municipal, la vente constitutive de la prise illégale d'intérêts ; que le jugement sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité, sauf à préciser que le délit a été commis de janvier 2011 à janvier 2013 ; que ceci étant, la peine doit être autrement appréciée pour tenir compte, d'une part, de l'absence de passé judiciaire du prévenu, honorablement connu, d'autre part, du fait que le projet intéressant certes le prévenu était, au vu des éléments du dossier, le seul projet proposé permettant à la commune un emploi des terrains laissés à l'abandon ; que par suite, il ne sera pas prononcé une peine d'emprisonnement qui, même avec sursis, reste infamante mais une simple peine d'amende, d'un montant significatif (10 000 euros) mais assortie, pour moitié, d'un sursis ;
" et aux motifs adoptés qu'il résulte de la procédure et des débats que la commune de Touffreville, propriétaire de parcelles de terrain sises « les anciennes carrières de Calcia », décidait de vendre les terrains afin notamment d'y créer un parc de loisirs ; que le service des Domaines évaluait en 2008 la valeur de ces terres à 216 800 euros ; que la communauté de communes « Bois et Marais », à laquelle la compétence « tourisme » avait été transférée, refusait, le jugeant peu viable, de s'engager dans le projet de parc de loisirs envisagé ; que la commune, à l'initiative de son maire, reprenait la compétence tourisme ; qu'elle mettait en place en 2011 une « commission loisirs » composée exclusivement de membres du conseil municipal à l'exception du prévenu et qu'elle lançait un appel à projet ; qu'un seul projet était déposé fin novembre 2011, par la sarl Eole Aventure dont les associés et co-gérants sont M. Olivier X..., fils du prévenu et M. Y..., gendre du prévenu ; que la commission tourisme validait le projet le 1er février 2012 et que le conseil municipal votait la vente des parcelles à la sarl le 08 février 2012 pour la somme évaluée en 2008, le prévenu n'ayant participé ni aux débats ni au vote ; qu'un compromis de vente était établi le 19 mars 2012 ; que M. Z..., notaire à Troarn, chargé de rédiger l'acte authentique, refusait de rédiger l'acte, l'étude des statuts de la sarl Eole Aventure constituée le 20 mai 2012 ayant permis de révéler que le prévenu, son épouse et la SC Holding Freole dont le couple détenait la totalité du capital social, détenaient 38 % du capital social de la société ; que le prévenu, son épouse et la SC Holding Freole cédaient leurs parts en octobre 2012 à M. Olivier X... et Frédéric Y..., désormais seuls associés à 50 % de parts chacun ; que la société changeait de forme juridique pour devenir le 31 juillet 2013 la SAS Eole Aventure, la répartition des parts devenant ainsi inconnue au regard des tiers ; que l'examen des comptes du prévenu et de son épouse révélait d'une part un don de 50 000 euros à M. Olivier X... et à sa soeur en février 2013 et d'autre part qu'ils avaient contribué au financement de la société Eole Aventure à hauteur de 105 000 euros et à celui de la SC Holding Freole à hauteur de 300 000 euros ; que M et Mme X... étaient cautions solidaires des emprunts contractés par la société postérieurement à la cession de leurs parts ; que la vente des terrains devait avoir lieu le 15 février 2013 dans une étude notariale située à 40 kms de la commune ; que le fait même que le prévenu n'ait pas participé au vote lors de la délibération du conseil municipal du 08 février 2012 démontrait qu'il était parfaitement conscient du conflit d'intérêts auquel il était confronté ; que les auditions réalisées en cours d'enquête (M. A..., Mme B...) démontraient qu'il était partie prenante à l'opération en cours ; qu'en conséquence, les faits de la prévention sont établis et qu'il échet de condamner M. X... Jean-Yves à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis ;
" 1°) alors que les juridictions répressives ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a saisies ; que M. X... a été cité devant les juges correctionnels à la diligence du ministère public ; que la citation précisait que M. X... était poursuivi pour des faits commis « entre le 30 mai 2012 (date de la création de la société Eole Aventure) et le 4 octobre 2012 (date de la cession des parts sociales qu'il détenait dans la société Eole Aventure et dans la SCI Holding Freole) » ; que la cour d'appel a cru pouvoir étendre la période de la prévention et se saisir de nouveaux faits aux seuls motifs que « contrairement à ce que paraît indiquer le parquet dans son acte de poursuite, l'intérêt du prévenu ne peut se résumer au seul intérêt financier découlant du fait qu'il était associé dans la société devant devenir propriétaire ; […] que cet intérêt moral peut être retenu par la cour dès lors qu'il n'est pas exclu par la citation qui, lorsqu'elle vise la création de la société Éole Aventure, précise clairement, par l'adverbe notamment, qu'il s'agit d'un simple exemple, non exclusif, des modalités de la prise illégale d'intérêts » et que « le jugement sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité, sauf à préciser que le délit a été commis de janvier 2011 à janvier 2013 » ; qu'en statuant de la sorte, au-delà des faits relevés par la citation qui la saisissait, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
" 2°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; que M. X... était maire de la Commune de Touffreville ; que dans le cadre d'un projet d'implantation d'un centre de loisirs, son fils et son gendre ont déposé leur candidature ; que M. X..., après avoir informé le conseil municipal de l'existence d'un conflit d'intérêt en l'état de cette candidature, s'est déporté de l'ensemble du processus décisionnel, tant en ce qui concerne la sélection des candidats qu'en ce qui concerne les mesures d'exécution du projet (cession de parcelles, etc.) ; que la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... n'avait pas participé aux débats et aux votes des décisions municipales litigieuses ; qu'en décidant cependant d'entrer en voie de condamnation à l'égard de M. Jean-Yves X... au regard de décisions auxquelles il n'avait pas participé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées ;
" 3°) alors que ne se rend coupable de prise illégale d'intérêt que la personne chargée d'une mission de service public qui prend un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration ; que M. X..., avant de se déporter du processus décisionnel, avait clairement averti les membres du conseil municipal de l'existence d'un conflit d'intérêt en cas de choix du projet Eole Aventure, tant au regard du fait que ce projet était porté par son fils et son gendre, qu'au regard du fait qu'il aiderait financièrement son fils et son gendre si leur dossier était retenu ; que des conseillers municipaux avaient d'ailleurs attesté en ce sens ; que la cour d'appel est cependant entrée en voie de condamnation, au regard du fait que M. X..., bien que s'étant exclu du processus décisionnel, aurait influencé les conseillers municipaux en « coulisses » ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur le fait que les membres du conseil municipal, parfaitement informés du conflit d'intérêt concernant M. X..., disposaient de leur libre arbitre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;
" 4°) alors que, conformément à l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal, et notamment de passer les actes de vente dans les formes requises par la loi ; que, par décision du 8 février 2012, le conseil municipal de la commune de Touffreville a décidé la cession de diverses parcelles au profit de MM. X... et Fesson ou toute personne morale s'y substituant ; que M. X..., en sa qualité de maire de la commune de Touffreville, devait donc exécuter cette décision et procéder à la régularisation de la vente immobilière en la forme notariée ; qu'en décidant cependant que M. X... aurait commis le délit de prise illégale d'intérêt dès lors qu'il est « intervenu, postérieurement au vote du 8 février 2012, pour essayer de formaliser la décision arrêtée par le conseil municipal », lorsqu'il ne s'agissait que de l'exécution de ses missions définies par la loi, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
" 5°) alors que dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle et le prix ne peut être inférieur à l'évaluation du service des domaines et l'acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal ; que la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... était associé au sein de la société Eole Aventure en charge de l'exploitation du parc de loisirs, et que la parcelle appartenant à la commune avait été cédée à cette société commerciale sur la base de l'évaluation du service des domaines ; qu'il s'en évinçait que la cession était intervenue dans le cadre de l'activité professionnelle du maire et à un prix conforme à l'évaluation du service des domaines ; qu'en décidant cependant que M. X... ne pourrait pas se prévaloir de l'autorisation de passer des actes de cession d'immeubles avec la commune de Touffreville qui compte moins de 3 500 habitants, en application de l'article 432-12 alinéa 4 du code pénal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les dispositions susvisées ;
" 6°) alors que dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle et le prix ne peut être inférieur à l'évaluation du service des domaines et l'acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal ; que le procès-verbal du conseil municipal du 8 février 2012 ayant autorisé la cession de parcelle litigieuse comporte une motivation spéciale précisant que « M. X..., maire de la commune, et conformément à l'article L. 2131-11 du CGCT […] ne siègera ni ne participera au vote de la présente délibération », que le prix de cession de la parcelle est fixé par le service des domaines conformément à l'article 432-12 alinéa 4 du code pénal, et que le projet est conforme à l'intérêt communal ; qu'en décidant cependant que le conseil municipal n'aurait pas statué par une délibération motivée, la cour d'appel s'est placée en contradiction avec les éléments du dossier et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées " ;
Vu l'article 388 du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sous l'impulsion de M. X..., maire de la commune de Touffreville (Calvados), qui a présidé plusieurs réunions sur ce sujet et qui s'est prononcé en faveur de cette solution, cette commune a engagé une réflexion sur la création d'un parc de loisirs sur des terrains lui appartenant et créé, à cette fin, une commission des loisirs qui a élaboré un appel à projet ; qu'un seul dossier, présenté par le fils et le gendre du demandeur, a été déposé et retenu par la commission ; que le 8 février 2012, en l'absence de M. X..., lequel a toutefois préparé la convocation à cette réunion et formalisé le procès-verbal de délibération, le conseil municipal a, sur la base d'un prix de 216 802 euros déterminé par l'administration des domaines en 2008, autorisé la cession des terrains à MM. Olivier X... et Frédéric Y...qui ont, le 30 mai suivant, comme la délibération le leur permettait, créé, pour se substituer à eux, la société Eole Aventure, dont M. X... et son épouse et la société civile immobilière Holding Freole, détenue intégralement par ces derniers, étaient propriétaires de 38 % des parts ; que le notaire, en charge de la réalisation de la vente et devant lequel a été signé le compromis de vente le 19 mars 2012, a, en dépit des interventions du demandeur, refusé de poursuivre la procédure en raison du conflit d'intérêt existant ; que l'acte authentique de vente a finalement été signé le 15 février 2013 devant un autre notaire, le prévenu et son épouse ayant, préalablement, le 4 octobre 2012, cédé leurs parts dans la société Eole Aventure, tout en restant cautions solidaires des emprunts contractés par la société postérieurement à cette cession ; que le procureur de la République a cité M. X... devant le tribunal correctionnel du chef de prise illégale d'intérêt, pour avoir à Touffreville, entre le 30 mai 2012 et le 4 octobre 2012, étant investi d'un mandat électif public, à savoir maire de la commune de Touffreville, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont il avait au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, en l'espèce en prenant part à une opération commerciale dénommée " Eole Aventure " entraînant notamment la cession de terrains appartenant à la commune de Touffreville au profit d'une société à constituer par son fils, X... Olivier, à savoir la société Eole Aventure, mais opération dans laquelle il est apparu qu'il était, lui-même X... Jean-Yves, également directement intéressé puisqu'il était un associé de cette société Eole Aventure avec son épouse et que par ailleurs il était également associé d'une SCI Holding Freole dont il était le cogérant et associé avec son épouse à 100 % en possédant chacun la moitié des parts sociales et ce alors que ladite SCI Holding Freole était elle-même associée de la société Eole Aventure ;
Attendu que, pour confirmer le jugement déclarant le prévenu coupable du délit de prise illégale d'intérêt, l'arrêt retient, notamment, par motifs propres et adoptés, que celui-ci a, depuis janvier 2011, présidé plusieurs réunions du conseil municipal, dont celle du 14 décembre 2011 au cours de laquelle a été abordée l'évaluation du prix des terrains litigieux, qu'il a convoqué la réunion du 8 février 2012 à l'issue de laquelle le conseil a autorisé la vente desdits terrains au fils et au gendre du prévenu qui a, ensuite, formalisé cette décision ; que les juges ajoutent que le prévenu, qui, le 7 janvier 2013, est intervenu auprès du notaire ayant établi le compromis de vente pour tenter de le convaincre de finaliser la vente des terrains de la commune, a, parfois en coulisse, organisé, préparé et suivi, la vente constitutive du délit de prise illégale d'intérêt et que le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité, sauf à préciser que le délit a été commis de janvier 2011 à janvier 2013 ;
Mais attendu qu'en retenant, pour caractériser le délit de prise illégale d'intérêt, des actes qui auraient été accomplis par le prévenu, en sa qualité de maire, dans une période non visée par la prévention et sans constater qu'il avait accepté d'être jugé sur les faits de prise illégale d'intérêts caractérisés par la réalisation de ces actes, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens de cassation proposés ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 6 juillet 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.