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Décisions

CJUE, 5e ch., 2 février 2023, n° C-649/20 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Royaume d’Espagne

Défendeur :

Lico Leasing SA, Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Regan

Juges :

M. Gratsias, M. Ilešič, M. Jarukaitis, M. Csehi

Avocat général :

M. Pikamäe

Avocats :

M. Lamadrid de Pablo, M. Abad Valdenebro, M. Buendía Sierra, M. Calvo Salinero, M. Silva Sánchez

CJUE n° C-649/20 P

1 février 2023

1 Par leurs pourvois, le Royaume d’Espagne, Lico Leasing SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión (ci-après « PYMAR ») SA ainsi que Caixabank SA, Asociación Española de Banca, Unicaja Banco SA, Liberbank SA, Banco de Sabadell SA, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, Banco Santander SA, Santander Investment SA, Naviera Séneca AIE, Industria de Diseño Textil SA (Inditex), Naviera Nebulosa de Omega AIE, Abanca Corporación Bancaria SA, Ibercaja Banco SA, Naviera Bósforo AIE, Joyería Tous SA, Corporación Alimentaria Guissona SA, Naviera Muriola AIE, Poal Investments XXI SL, Poal Investments XXII SL, Naviera Cabo Vilaboa C‑1658 AIE, Naviera Cabo Domaio C‑1659 AIE, Caamaño Sistemas Metálicos SL, Blumaq SA, Grupo Ibérica de Congelados SA, RNB SL, Inversiones Antaviana SL, Banco de Albacete SA, Bodegas Muga SL et Aluminios Cortizo SAU (ci-après, ensemble, « Caixabank e.a. ») demandent l’annulation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, ci-après « l’arrêt attaqué », ECLI :EU:T:2020:434), par lequel le Tribunal a rejeté les recours en annulation introduits par le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR contre la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

I. Les antécédents du litige

2 À la suite de plaintes dénonçant le fait que le régime espagnol de leasing fiscal tel qu’appliqué à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (ci-après le « RELF ») permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %, la Commission européenne a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5).

3 Au cours de cette procédure, la Commission a constaté que le RELF avait été utilisé, jusqu’à la date d’adoption de cette décision, pour des transactions consistant dans la construction de navires par les chantiers navals et leur acquisition par des compagnies maritimes ainsi que dans le financement de ces transactions par l’intermédiaire d’une structure juridique et financière ad hoc montée par une banque. Le RELF impliquait, pour chaque commande de navire, une compagnie maritime, un chantier naval, une banque, une société de location-vente et un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué par cette banque et des investisseurs acquérant des participations dans ce GIE. Ce dernier prenait à bail le navire d’une société de location-vente dès le début de la construction de ce navire, puis louait celui-ci à une compagnie maritime sous couvert d’un contrat d’affrètement coque nue. Ledit GIE s’engageait à acheter ledit navire à la fin du contrat de location-vente tandis que la compagnie maritime s’engageait à l’acheter à la fin du contrat d’affrètement coque nue. Selon la décision litigieuse, il s’agissait d’un montage fiscal destiné à générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et à transférer une partie de ces avantages à une compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du même navire.

4 La Commission a constaté que les opérations réalisées au titre du RELF combinaient cinq mesures prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur les impôts sur les sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après le « TRLIS »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement de l’impôt sur les sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 37072, ci-après le « RIS »). Ces cinq mesures étaient l’amortissement accéléré des actifs pris à bail prévu à l’article 115, paragraphe 6, du TRLIS (ci-après l’« amortissement anticipé »), l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé résultant de l’article 48, paragraphe 4, et de l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS ainsi que de l’article 49 du RIS, les dispositions relatives aux GIE, le régime de la taxation au tonnage prévu aux articles 124 à 128 du TRLIS et les dispositions de l’article 50, paragraphe 3, du RIS.

5 Conformément à l’article 115, paragraphe 6, du TRLIS, l’amortissement anticipé commençait à la date à laquelle l’actif pris à bail était en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que cet actif ne fût remis au preneur et que celui-ci commençât à l’utiliser. Néanmoins, l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS prévoyait que le ministère de l’Économie et des Finances pouvait, sur la demande formelle du preneur, fixer une date antérieure pour le début de l’amortissement concerné. L’article 115, paragraphe 11, du TRLIS imposait deux conditions générales pour l’amortissement anticipé. Les conditions spécifiques applicables aux GIE figuraient à l’article 48, paragraphe 4, du TRLIS. La procédure d’autorisation prévue à l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS était détaillée à l’article 49 du RIS.

6 Le régime de la taxation au tonnage a été autorisé au cours de l’année 2002 en tant qu’aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), telles que modifiées par la communication C(2004) 43 de la Commission (JO 2004, C 13, p. 3) (ci-après les « orientations maritimes »), par la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N 736/2001 mise à exécution par l’Espagne – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (JO 2004, C 38, p. 4, ci-après la « décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage »). Dans le cadre de ce régime, les entreprises inscrites à l’un des registres des compagnies maritimes et qui ont obtenu une autorisation de l’administration fiscale à cette fin sont imposées non pas en fonction de leurs gains et de leurs pertes, mais sur la base de leur tonnage. La législation espagnole permet aux GIE de s’inscrire à l’un de ces registres, bien qu’ils ne soient pas des compagnies maritimes.

7 L’article 125, paragraphe 2, du TRLIS prévoyait une procédure spéciale pour les navires déjà acquis au moment du passage au régime de la taxation au tonnage et pour les navires usagés acquis lorsque l’entreprise bénéficiait déjà de ce régime. En appliquant normalement ledit régime, les plus-values éventuelles étaient imposées en passant sous le même régime et il était supposé que la taxation des plus-values, quoique retardée, avait lieu lorsque le navire était vendu ou démoli. Toutefois, par dérogation à cette disposition, l’article 50, paragraphe 3, du RIS disposait que, lorsque les navires étaient achetés par l’intermédiaire d’une option d’achat dans le cadre d’un contrat de location-vente préalablement approuvé par les autorités fiscales, ils étaient considérés comme des navires neufs et non usagés, au sens de l’article 125, paragraphe 2, du TRLIS, sans tenir compte du fait qu’ils étaient déjà amortis, de telle sorte que les plus-values éventuelles n’étaient pas taxées. Cette dérogation, qui n’a pas été notifiée à la Commission, n’a été appliquée qu’aux contrats de location-vente spécifiques approuvés par les autorités fiscales dans le cadre de demandes d’application de l’amortissement anticipé en vertu de l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS, c’est-à-dire pour des navires récemment construits et donnés à bail, achetés au moyen d’opérations relevant du RELF et, à une seule exception près, sortis de chantiers navals espagnols.

8 En appliquant l’ensemble de ces mesures, le GIE recueillait les avantages fiscaux en deux temps. Dans un premier temps, un amortissement anticipé et accéléré du coût du navire pris en location-vente était appliqué au titre du régime normal de l’impôt sur les sociétés, qui se traduisait par des pertes importantes pour ce GIE, lesquelles, en raison de la transparence fiscale des GIE, pouvaient être déduites des recettes propres des investisseurs au prorata de leur participation dans ledit GIE. Alors que cet amortissement anticipé et accéléré est normalement compensé par la suite par l’augmentation des impôts à acquitter lorsque ce navire est entièrement amorti ou lorsque ce dernier est vendu en générant une plus-value, l’économie fiscale résultant du transfert des pertes initiales aux investisseurs était conservée, dans un second temps, grâce au fait que le même GIE passait sous le régime de la taxation au tonnage, qui permettait l’exonération totale des bénéfices résultant de la vente dudit navire à la compagnie maritime.

9 Tout en considérant que le RELF devait être décrit comme un « système », la Commission a analysé également chacune des mesures en cause individuellement. Par la décision litigieuse, elle a décidé que, parmi ces mesures, celles, résultant de l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS relatives à l’amortissement anticipé, de l’application du régime de la taxation au tonnage à des entreprises, à des navires ou à des activités non éligibles et de l’article 50, paragraphe 3, du RIS (ci-après les « mesures fiscales en cause ») constituaient une aide d’État aux GIE et à leurs investisseurs mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Elle a déclaré que les mesures fiscales en cause étaient incompatibles avec le marché intérieur, hormis dans la mesure où l’aide correspondait à une rémunération conforme au marché pour l’intervention d’investisseurs financiers et où elle était transférée à des entreprises de transport maritime pouvant bénéficier des dispositions des orientations maritimes. Elle a décidé que le Royaume d’Espagne devait mettre un terme à l’application de ce régime d’aide dans la mesure où il était incompatible avec le marché intérieur et devait récupérer l’aide incompatible auprès des investisseurs des GIE qui en avaient bénéficié, sans que ces bénéficiaires puissent transférer la charge de la récupération de cette aide à d’autres personnes.

10 Néanmoins, la Commission a décidé qu’il ne serait pas procédé à la récupération de l’aide octroyée dans le cadre d’opérations de financement pour lesquelles les autorités nationales compétentes s’étaient engagées à concéder le bénéfice des mesures par un acte juridiquement contraignant adopté avant le 30 avril 2007, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41, ci-après la « décision sur les GIE fiscaux français »).

II. La procédure antérieure aux pourvois et l’arrêt attaqué

11 Par les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 25 septembre et 30 décembre 2013, le Royaume d’Espagne, d’une part, ainsi que Lico Leasing et PYMAR, d’autre part, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Les deux affaires ont été jointes aux fins de l’arrêt.

12 Par l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

13 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 février 2016, la Commission a formé un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal. Dans le cadre de ce pourvoi, Bankia SA, qui a été absorbée par Caixabank depuis lors, et 33 autres entités ont été, par l’ordonnance du président de la Cour du 21 décembre 2016, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, non publiée, EU:C:2016:1007), admises à intervenir au soutien des conclusions de Lico Leasing et de PYMAR.

14 Par l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal, renvoyé les affaires devant ce dernier, réservé les dépens et dit que les parties intervenantes au pourvoi devaient supporter leurs propres dépens.

15 À la suite de ce renvoi, le Tribunal a, par l’arrêt attaqué, rejeté les recours. Dans cet arrêt, le Tribunal a écarté le moyen des parties requérantes tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et relatif à la sélectivité du RELF, jugeant, en substance, que l’existence d’un pouvoir discrétionnaire étendu de l’administration fiscale pour autoriser l’amortissement anticipé était suffisant pour considérer que le RELF était sélectif dans son ensemble. Le Tribunal a également écarté les moyens tirés d’un défaut de motivation de la décision litigieuse, de la violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que des principes applicables à la récupération de l’aide. En ce qui concerne cette dernière, il a considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit en ordonnant la récupération de l’intégralité de l’aide en cause auprès des investisseurs, alors même qu’une partie de l’avantage concerné avait été transférée à des tiers.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

16 Par l’ordonnance du président de la Cour du 2 août 2021, Decal España SA a été admise à intervenir au soutien des conclusions de Caixabank e.a. dans l’affaire C‑662/20 P.

17 Les parties et l’avocat général entendus, la Cour a décidé de joindre les affaires C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P aux fins de la phase orale de la procédure et de l’arrêt, conformément à l’article 54 du règlement de procédure de la Cour.

18 Par leurs pourvois, le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR, ainsi que Caixabank e.a, soutenues par Decal España, demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens.

19 La Commission conclut au rejet du pourvoi dans l’affaire C‑662/20 P comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ainsi qu’au rejet des pourvois dans les affaires C‑649/20 P et C‑658/20 P. Elle sollicite, en outre, la condamnation du Royaume d’Espagne, de Lico Leasing, de PYMAR, de Caixabank e.a. ainsi que de Decal España aux dépens.

IV. Sur les pourvois

A. Sur la recevabilité du pourvoi dans l’affaire C‑662/20 P

20 Alors que Caixabank e.a. font valoir que le Tribunal les a, à bon droit, admises à intervenir dans la procédure de renvoi et que leur pourvoi est dès lors recevable, la Commission estime que, outre qu’elles n’ont pas démontré en quoi l’arrêt attaqué les affecte directement, elles ne sont pas des « parties intervenantes », au sens de l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et ne sont pas habilitées à former un pourvoi, car elles n’ont pas la qualité d’intervenantes dans l’affaire T‑719/13 RENV.

21 Par conséquent, le Tribunal aurait, au point 65 de l’arrêt attaqué, en violant l’article 217 de son règlement de procédure, commis une erreur de droit en leur reconnaissant la qualité d’intervenantes alors qu’elles n’avaient jamais demandé à intervenir devant cette juridiction et que cet article limiterait de manière non équivoque les parties habilitées à déposer des observations dans le cadre de la procédure postérieure au renvoi d’une affaire par la Cour à celles ayant la qualité de « parties à la procédure devant le Tribunal ».

22 À cet égard, le Tribunal a, au point 65 de l’arrêt attaqué, estimé que, la Cour ayant renvoyé les affaires devant lui pour qu’il examine certains moyens qui soulèvent des questions juridiques ayant un intérêt pour Bankia et 32 autres entités ainsi que pour Aluminios Cortizo, il était dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’admettre les parties intervenantes devant la Cour comme parties intervenantes dans la procédure de renvoi afin d’assurer le bon traitement du contentieux qui était pendant devant lui et de promouvoir la continuité du débat contentieux. Le Tribunal a écarté l’argument de la Commission tiré de la violation de l’article 217, paragraphe 1, de son règlement de procédure, jugeant que le libellé de cette disposition ne s’y opposait pas nécessairement, puisqu’il ne définit pas les « parties à la procédure devant le Tribunal » et n’exclut pas que les parties intervenantes devant la Cour puissent acquérir de ce fait une telle qualité dans le cadre d’un renvoi.

23 En statuant ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé au point 124 de l’ordonnance du 1er août 2022, Soudal et Esko-Graphics/Magnetrol et Commission [C‑74/22 P(I) EU:C:2022:632], il y a lieu de considérer que l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le respect des droits procéduraux garantis aux intervenants par le règlement de procédure du Tribunal et le principe de bonne administration de la justice imposent, dans le cadre d’une articulation cohérente des procédures devant la Cour et le Tribunal, qu’un intervenant au pourvoi jouisse de plein droit de la qualité d’intervenant devant le Tribunal, lorsqu’une affaire est renvoyée à cette juridiction à la suite de l’annulation par la Cour d’une décision du Tribunal.

24 Il s’ensuit que, contrairement à ce que la Commission soutient, Caixabank e.a. avaient la qualité de parties intervenantes devant le Tribunal et sont, en vertu de l’article 56, deuxième alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, habilitées à former un pourvoi contre l’arrêt attaqué, si celui-ci les affecte directement.

25 Il ressort, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour qu’une partie requérante qui est susceptible de devoir rembourser un montant en exécution de l’arrêt du Tribunal doit être considérée comme étant directement affectée par cet arrêt (arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, point 24 et jurisprudence citée).

26 Or, il est constant que, en exécution de l’arrêt attaqué, qui a rejeté les recours des parties requérantes devant le Tribunal tendant à l’annulation de la décision litigieuse, Caixabank e.a. sont susceptibles de devoir rembourser les aides qu’elles ont reçues, visées par cette décision. Par conséquent, Caixabank e.a. doivent être considérées comme étant directement affectées par cet arrêt. Leur pourvoi est, dès lors, recevable.

B. Sur les moyens relatifs à la sélectivité du RELF

27 Par le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑649/20 P et le premier moyen des pourvois dans les affaires C‑658/20 P et C 662/20 P, le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR ainsi que Caixabank e.a., soutenues par Decal España, font grief au Tribunal d’avoir violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne la sélectivité du RELF.

1. Sur la recevabilité

28 La Commission soutient que ces moyens sont irrecevables en ce qu’ils étendraient le cadre du litige. En effet, le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR n’auraient, dans leurs requêtes, invoqué aucun moyen ayant trait à la sélectivité du RELF et, en particulier, n’auraient pas fait valoir devant le Tribunal que la décision litigieuse était affectée d’une erreur de droit au motif que la Commission aurait omis d’examiner la sélectivité de celui-ci au moyen de la méthode d’analyse en trois étapes abordée aux point 83 et 97 de l’arrêt attaqué, consistant, aux fins d’apprécier si une mesure fiscale nationale a un caractère sélectif, à identifier le régime fiscal commun, à apprécier si la mesure concernée présente un caractère sélectif en vérifiant si elle déroge à ce régime fiscal commun en ce qu’elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et à examiner si l’État membre a établi que cette mesure était justifiée par la nature ou l’économie du système dans lequel elle s’inscrivait (ci-après la « méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide »).

29 En vertu d’une jurisprudence bien établie, la compétence de la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi est limitée à l’appréciation en droit de la solution qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission, C‑50/19 P, EU:C:2021:792, point 38 et jurisprudence citée).

30 Cela étant, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens et des arguments nés de l’arrêt contesté lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt du 6 octobre 2021, Sigma Alimentos Exterior/Commission, C‑50/19 P, EU:C:2021:792, point 39 et jurisprudence citée).

31 En l’espèce, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et relatif à la sélectivité du RELF, écartant l’application de la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide. Ainsi, en ce que le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑649/20 P et le premier moyen des pourvois dans les affaires C‑658/20 P et C‑662/20 P mettent en cause les conséquences de droit tirées par le Tribunal de la solution que celui-ci a lui-même apportée à un moyen débattu devant lui, ces deuxième et premier moyens de pourvois ne sauraient être considérés comme modifiant l’objet du litige devant le Tribunal.

32 Lesdits deuxième et premier moyens de pourvois sont, par conséquent, recevables.

2. Sur le fond

33 Par leurs moyens, les requérants font grief au Tribunal d’avoir omis d’appliquer la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide, d’avoir considéré, en commettant des erreurs de droit, que le RELF était sélectif au motif que l’administration fiscale disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’amortissement anticipé, d’avoir commis une erreur de droit en ne procédant pas à une comparaison des situations des entreprises auxquelles le bénéfice du RELF est accordé et de celles qui en sont exclues et d’avoir examiné la sélectivité du RELF au regard d’une seule des mesures le composant et non dans son ensemble.

a) Sur le grief relatif à l’omission d’appliquer la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide

1) Argumentation des parties

34 Les requérants font grief au Tribunal d’avoir omis d’appliquer la méthode d’analyse en trois étapes qui serait exigée par la Cour pour apprécier la sélectivité d’une aide, s’abstenant d’identifier le régime fiscal commun, d’apprécier si le RELF présentait un caractère sélectif en vérifiant s’il dérogeait à ce régime fiscal commun en ce qu’il introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et d’examiner si l’État membre avait établi que celui-ci était justifié par la nature ou l’économie du système dans lequel il s’inscrivait.

35 À cet égard, dans le cadre de son premier moyen de pourvoi, le Royaume d’Espagne estime que le Tribunal a violé ce qui a été jugé par la Cour au point 71 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591).

36 Caixabank e.a. soutiennent que, après avoir constaté que la Commission n’avait pas appliqué la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide dans la décision litigieuse, le Tribunal a évité de tirer les conséquences de droit qui en découlaient en dénaturant le considérant 156 de cette décision. Il aurait, en effet, relevé, au point 87 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait fondé l’existence de la sélectivité du RELF sur deux raisonnements alternatifs, à savoir l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale et le caractère sectoriel du RELF, alors que, en réalité, la Commission avait présenté ces deux éléments non pas comme deux raisonnements alternatifs, mais comme les parties indissociables d’un seul et même raisonnement. Partant, en substituant sa propre motivation à celle de ladite décision, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

37 La Commission considère que ce grief n’est pas fondé.

2) Appréciation de la Cour

38 Il convient d’observer, en premier lieu, que, au point 46 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a jugé que, en ne reconnaissant pas aux GIE la qualité de bénéficiaires des mesures fiscales en cause, au motif que ces entités étaient « fiscalement transparentes », le Tribunal avait commis une erreur de droit.

39 Au point 58 de cet arrêt, la Cour a constaté que les considérations ayant amené le Tribunal à censurer l’appréciation de la Commission étaient fondées sur la prémisse erronée selon laquelle seuls les investisseurs, et non les GIE, pouvaient être considérés comme les bénéficiaires des avantages découlant des mesures fiscales en cause. La Cour a relevé que, dès lors, en n’ayant pas examiné si le système d’autorisation de l’amortissement anticipé conférait à l’administration fiscale un pouvoir discrétionnaire de nature à favoriser les activités exercées par les GIE participant au RELF ou ayant pour effet de favoriser de telles activités, le Tribunal avait commis une erreur de droit.

40 Par ailleurs, au point 67 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), la Cour a relevé, en réponse à un moyen soulevé par la Commission, qu’était fondée sur la même prémisse erronée l’appréciation du Tribunal selon laquelle les avantages perçus par les investisseurs qui avaient participé aux opérations réalisées au titre du RELF ne pouvaient être considérés comme étant sélectifs dès lors que ces opérations étaient ouvertes, dans les mêmes conditions, à toute entreprise sans distinction. La Cour a ajouté, aux points 68 à 71 de cet arrêt, que, au demeurant, cette appréciation constituait, au regard de l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), une erreur de droit, dès lors que le Tribunal n’avait pas recherché si la Commission avait établi que les mesures fiscales en cause introduisaient, pour leurs effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficiaient des avantages fiscaux et ceux qui en étaient exclus se trouvaient, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable.

41 Il ressort de ces points de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), que la Cour, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne soutient, n’a pas prescrit de procéder en l’espèce à une analyse en trois étapes de la sélectivité du RELF et qu’elle a, en revanche, invité le Tribunal à examiner si la procédure d’autorisation de l’amortissement anticipé conférait à l’administration fiscale un pouvoir discrétionnaire de nature à favoriser les activités exercées par les GIE participant au RELF ou ayant pour effet de favoriser de telles activités.

42 L’argument du Royaume d’Espagne selon lequel le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, aurait violé ce que la Cour avait jugé dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), n’est, par conséquent, pas fondé.

43 En deuxième lieu, il convient de relever que le Tribunal a, au point 87 de l’arrêt attaqué, constaté que la Commission n’avait pas procédé, à tout le moins explicitement, dans la décision litigieuse, à l’analyse en trois étapes de la sélectivité du RELF, mais que, au considérant 156 de cette décision, elle avait indiqué que le RELF, considéré dans son ensemble, était sélectif, d’une part, en raison du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale pour autoriser l’amortissement anticipé sur la base de conditions qui étaient imprécises et, d’autre part, du fait que l’administration fiscale n’autorisait que les opérations relevant du RELF visant à financer des navires maritimes. À ce point de cet arrêt, le Tribunal a relevé également que la Commission avait fait valoir, lors de l’audience, que l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale pour accorder son autorisation suffisait en elle-même à rendre le RELF sélectif dans son ensemble.

44 Si, dans ledit point de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas repris fidèlement les termes du considérant 156 de la décision litigieuse dans lequel ne figurent pas les termes « d’une part » et « d’autre part », qui pourraient suggérer que l’appréciation de la sélectivité du RELF effectuée par la Commission était fondée sur deux raisonnements différents, il demeure que, dans ce considérant, la Commission a énoncé que « l’avantage [était] sélectif parce qu’il [était] soumis au pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration fiscale par la procédure obligatoire d’autorisation et par l’imprécision du libellé des conditions applicables à cet amortissement » et que, « [é]tant donné que d’autres mesures applicables uniquement aux activités de transport maritime éligibles en vertu des orientations maritimes [...] [dépendaient] de cette autorisation préalable, l’ensemble du RELF [était] sélectif ». La Commission a ajouté que, « [p]ar conséquent, l’administration fiscale n’[autorisait] que les opérations au titre du RELF destinées à financer des navires de mer (sélectivité sectorielle) ».

45 Il en ressort que, si la Commission a, certes, évoqué l’existence d’une sélectivité sectorielle, la Commission s’est bien fondée, dans la décision litigieuse, sur l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale pour considérer que le RELF était sélectif dans son ensemble. Par conséquent, contrairement à ce que Caixabank e.a. soutiennent, le Tribunal n’a pas dénaturé cette décision ni substitué sa propre motivation à celle figurant dans celle-ci.

46 En troisième lieu, il convient de rappeler que, en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l’avantage, qui est constitutive de la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, celui-ci interdisant les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que l’appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser « certaines entreprises ou certaines productions » par rapport à d’autres, qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 41 et jurisprudence citée).

47 Lorsque la mesure en cause est envisagée comme un régime d’aide et non comme une aide individuelle, il incombe à la Commission d’établir que cette mesure, bien qu’elle prévoie un avantage de portée générale, en confère le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou à certains secteurs d’activité (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 55).

48 La méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide, invoquée par les requérants, a, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, été conçue afin de dévoiler la sélectivité cachée de mesures fiscales avantageuses dont toute entreprise peut en apparence bénéficier. Elle n’est, en revanche, pas pertinente pour examiner la sélectivité d’une mesure fiscale avantageuse dont l’octroi dépend du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale et qui, partant, ne saurait être considérée comme présentant un caractère général (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1999, DM Transport, C‑256/97, EU:C:1999:332, point 27).

49 Il s’ensuit que n’est pas fondé l’argument de Caixabank e.a. selon lequel le Tribunal n’aurait pas tiré les conséquences de droit de sa constatation selon laquelle la Commission n’avait pas appliqué, dans la décision litigieuse, la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide et que doit être écarté le grief relatif à une telle omission.

b) Sur les griefs relatifs au pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale, à l’omission d’un examen de la comparabilité des situations et à l’omission d’un examen de la sélectivité du RELF dans son ensemble

1) Argumentation des parties

50 Par ces griefs, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérants reprochent, en premier lieu, au Tribunal d’avoir, aux points 88 à 100 de l’arrêt attaqué, considéré que l’administration fiscale disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder l’amortissement anticipé. Le raisonnement du Tribunal serait, à cet égard, erroné et contraire à la jurisprudence de la Cour.

51 Les requérants soutiennent, en particulier, que le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant une distinction entre la « sélectivité de jure » et la « sélectivité de facto » et, ainsi, de ne pas avoir recherché si, dans les faits, l’exercice du pouvoir de l’administration avait effectivement conduit à un traitement favorable injustifié de certains opérateurs par rapport à d’autres se trouvant dans une situation comparable. En tout état de cause, le Tribunal n’aurait pas mentionné de disposition réglementaire ou de pratique administrative qui indiquerait que la mesure concernée aurait bénéficié spécifiquement aux GIE. En définitive, la distinction entre une « sélectivité de jure » et une « sélectivité de facto » entraînerait un renversement de la charge de la preuve, en ce qu’une telle distinction amènerait à libérer la Commission de son obligation de démontrer que le régime fiscal est sélectif en raison de ses effets.

52 Ce serait en outre à tort que le Tribunal a qualifié de « sélective » le RELF au motif que l’administration fiscale était habilitée à effectuer une évaluation des demandes visant à profiter de l’amortissement anticipé. Ce faisant, le Tribunal aurait ainsi méconnu que l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale ne permet pas de présumer que la mesure concernée a un caractère sélectif et il aurait fait une confusion entre le caractère discrétionnaire d’une décision de cette administration et l’évaluation des documents fournis par les opérateurs économiques devant être faite par cette dernière dans le cadre de l’exercice de son pouvoir administratif.

53 Le régime de l’autorisation de l’amortissement anticipé aurait reposé sur des critères objectifs ne permettant pas à l’administration fiscale de choisir les bénéficiaires et aurait permis d’éviter des fraudes ou des abus, ce qui serait un objectif propre et inhérent au système fiscal en cause. À cet égard, c’est à tort que le Tribunal aurait considéré, au point 97 de l’arrêt attaqué, que l’article 49, paragraphe 6, du RIS ne permettait pas d’assurer que son application fût circonscrite à des situations de lutte contre la fraude.

54 En deuxième lieu, les requérants font grief au Tribunal d’avoir conclu, au point 101 de l’arrêt attaqué, que le RELF était sélectif dans son ensemble, bien qu’il n’ait examiné qu’une seule des mesures qui le composent et n’ait pas procédé, par conséquent, à une analyse des autres mesures ainsi que des effets qu’elles auraient produits conjointement.

55 En troisième lieu, le Royaume d’Espagne ainsi que Caixabank e.a. estiment que le Tribunal a commis, au point 100 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en ne procédant pas à une comparaison entre les situations de fait et de droit des entreprises auxquelles le bénéfice du RELF était accordé et celles des entreprises qui en étaient exclues.

56 La Commission considère que lesdits griefs ne sont pas fondés.

2) Appréciation de la Cour

57 Il convient de relever que le Tribunal a rappelé à bon droit, au point 88 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’un système d’autorisation n’implique pas en soi l’existence d’une mesure sélective et que tel est le cas lorsque le pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente est limité à la vérification des conditions qui sont établies pour servir un objectif fiscal identifiable et que les critères à appliquer par cette autorité sont inhérents à la nature du régime fiscal (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, points 23 et 24). Il a également rappelé à bon droit que, en revanche, lorsque les autorités compétentes disposent d’un pouvoir discrétionnaire étendu de déterminer les bénéficiaires et les conditions de la mesure accordée, l’exercice de ce pouvoir doit alors être considéré comme favorisant certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 27).

58 Aux points 89 à 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, au regard de l’article 115 du TRLIS et de l’article 49 du RIS, que, ainsi que la Commission l’avait relevé dans la décision litigieuse, le système d’autorisation en cause était fondé sur l’obtention d’une autorisation préalable, plutôt que sur une simple notification, sur la base de critères vagues requérant une interprétation de l’administration fiscale, cette administration n’ayant pas publié de lignes directrices et que ces critères ne pouvaient, dès lors, être considérés comme étant objectifs. Il a constaté, en particulier, qu’il résultait de l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS que l’administration fiscale pouvait fixer la date du début de l’amortissement eu égard aux « particularités de la durée du contrat » ou aux « spécificités de l’utilisation économique du bien », qui constituaient des critères vagues par nature et dont l’interprétation accordait une marge de discrétion importante à l’administration fiscale, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 133 de la décision litigieuse.

59 Le Tribunal a constaté, au point 94 de l’arrêt attaqué, que l’article 49 du RIS conférait également une marge de discrétion importante à l’administration fiscale, permettant à celle-ci, d’une part, de demander toutes les informations et tous les documents qu’elle estimait opportuns, y compris des informations concernant les retombées positives pour l’économie et l’emploi en Espagne résultant des contrats de construction de navires, sans lien évident avec le respect des critères prévus à l’article 115, paragraphe 11, du TRLIS et, d’autre part, d’accorder ou de rejeter l’autorisation, mais aussi de fixer le début de l’amortissement à une date différente de celle proposée par l’assujetti, sans autre précision.

60 Au point 97 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, dans cette mesure, le libellé de l’article 49 du RIS ne permettait pas d’assurer que son utilisation fût circonscrite à des situations de lutte contre la fraude.

61 Au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que l’existence d’aspects discrétionnaires était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et que, en particulier, il résultait de ces aspects discrétionnaires que d’autres GIE auraient pu ne pas bénéficier de l’amortissement anticipé aux mêmes conditions, de même que, en raison desdits aspects discrétionnaires, d’autres entreprises actives dans d’autres secteurs ou ayant une autre forme, mais se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, auraient pu ne pas en bénéficier nécessairement aux mêmes conditions. Le Tribunal a considéré que, eu égard au caractère discrétionnaire de jure des dispositions examinées, il importait peu que leur application ait été de facto discrétionnaire ou non.

62 Enfin, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, étant donné qu’une des mesures, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble, était sélective, c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait considéré que le système fiscal en cause était sélectif dans son ensemble.

63 À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, contrairement à ce que les requérants soutiennent, le Tribunal n’avait pas, pour apprécier si le pouvoir de l’administration fiscale d’autoriser l’amortissement anticipé présentait un caractère discrétionnaire, à rechercher si, dans les faits, l’exercice de ce pouvoir avait effectivement conduit à un traitement favorable injustifié de certains opérateurs par rapport à d’autres se trouvant dans une situation comparable. En effet, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission est tenue, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 68 de ses conclusions, de réaliser l’examen de ce régime en se plaçant au moment de l’adoption du régime en question et en procédant à une analyse ex ante. La Commission doit uniquement prouver que le régime fiscal en cause est de nature à favoriser ses bénéficiaires, en vérifiant que celui-ci, pris globalement, est, compte tenu de ses caractéristiques propres, susceptible de conduire, au moment de son adoption, à une imposition moindre par rapport à celle résultant de l’application du régime d’imposition générale (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona, C‑362/19 P, EU:C:2021:169, points 86 et 87).

64 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 100 de l’arrêt attaqué, que, eu égard au caractère discrétionnaire de jure des dispositions nationales examinées, il importait peu que leur application ait été discrétionnaire ou non de facto.

65 Il convient de rappeler, en deuxième lieu, que, selon la jurisprudence de la Cour, pour ce qui est de l’analyse, dans le cadre de l’examen d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit, laquelle doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 53 ; du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, points 49 et 50, ainsi que du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission, C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 72).

66 Or, les requérants n’invoquent pas une telle dénaturation du droit national. En particulier, ils n’ont ni soutenu ni établi que le Tribunal s’était livré à des considérations allant de façon manifeste à l’encontre du contenu des dispositions du droit national ou bien avait attribué à l’une ou à l’autre d’entre elles une portée qui ne lui reviendrait manifestement pas par rapport aux autres éléments du dossier (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 21).

67 Il s’ensuit que doivent être écartés comme étant irrecevables les arguments des requérants tendant à démontrer que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, le régime de l’autorisation de l’amortissement anticipé reposait sur des critères objectifs ne permettant pas à l’administration fiscale de choisir les bénéficiaires, de même que l’affirmation selon laquelle le Tribunal aurait à tort considéré que l’article 49 du RIS ne permettait pas d’assurer que son application fût circonscrite à des situations de lutte contre la fraude.

68 Par ailleurs, il résulte des points 57 et 63 du présent arrêt que le Tribunal n’avait pas, pour apprécier le caractère sélectif du RELF, à rechercher si la situation de fait et de droit des entreprises auxquelles le bénéfice de cette mesure était accordé et celle des entreprises qui en étaient exclues étaient comparables, mais il lui appartenait d’apprécier si ladite mesure était de nature à favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, ce qui est le cas lorsque les autorités compétentes disposent d’un pouvoir discrétionnaire étendu de déterminer ses bénéficiaires et ses conditions.

69 Dès lors, le Tribunal ayant jugé, dans le cadre de son appréciation du droit national, que ce droit conférait, pour les motifs résumés aux points 58 et 59 du présent arrêt, à l’administration fiscale une marge de discrétion importante pour autoriser l’amortissement anticipé, c’est sans commettre d’erreur de droit qu’il a considéré, au point 100 de l’arrêt attaqué, que l’existence des aspects discrétionnaires de ce régime était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable et qu’il a ainsi jugé que cette mesure présentait un caractère sélectif.

70 En troisième lieu, quant à la question de savoir si le RELF pouvait être considéré comme étant sélectif dans son ensemble, il convient de rappeler que, dans la décision litigieuse, après avoir examiné la sélectivité de chacune des mesures composant le RELF, la Commission a estimé, au considérant 156 de cette décision, que l’avantage procuré par le RELF était sélectif dans la mesure où celui-ci était soumis au pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale dans le cadre de la procédure d’autorisation préalable de l’amortissement anticipé et où d’autres mesures composant le RELF, à savoir le régime de taxation au tonnage et la non-imposition des plus-values, dépendaient de l’autorisation préalable de cette administration.

71 Or, d’une part, il n’apparaît pas que les requérants aient contesté devant le Tribunal que le régime de la taxation au tonnage et la non-imposition des plus-values dépendaient de l’autorisation préalable de l’administration fiscale de procéder à l’amortissement anticipé. D’autre part, les requérants n’allèguent pas que le Tribunal a dénaturé le droit national en considérant que l’autorisation de l’amortissement anticipé permettait de bénéficier du RELF dans son ensemble.

72 Dès lors, le Tribunal a pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

73 Il s’ensuit que les griefs relatifs au pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale, à l’omission d’un examen de la comparabilité des situations et à l’omission d’un examen de la sélectivité du RELF dans son ensemble doivent être écartés comme n’étant pas fondés.

74 En conséquence, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑649/20 P et le premier moyen des pourvois dans les affaires C‑658/20 P et C‑662/20 P comme étant non fondés.

C. Les moyens relatifs aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

75 Par le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑649/20 P, les deuxième et troisième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑658/20 P ainsi que le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑662/20 P, soulevés à titre subsidiaire et qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR ainsi que Caixabank e.a. font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

1. Argumentation des parties

76 Le Royaume d’Espagne fait grief au Tribunal d’avoir dénaturé son argument selon lequel le comportement de la Commission avait contribué à rendre instable le cadre réglementaire dans la mesure où il avait laissé les opérateurs penser que le RELF était compatible avec le droit de l’Union, en procédant à une analyse séparée de ces deux principes qu’il avait pourtant invoqués dans le cadre d’un moyen unique. Le Tribunal aurait ainsi examiné certains éléments invoqués au regard du principe de protection de la confiance légitime et d’autres éléments au regard du principe de sécurité juridique au lieu d’examiner l’ensemble de ces éléments au regard de ces deux principes, ce qui aurait conduit à des incohérences dans le raisonnement suivi aux points 163, 164, 168, 199 et 201 de l’arrêt attaqué, s’agissant en particulier de la décision sur les GIE fiscaux français, de la période qui s’est écoulée jusqu’à l’ouverture de la procédure d’examen, du régime de taxation au tonnage et d’une lettre du membre de la Commission responsable de la direction générale (DG) « Concurrence », du 9 mars 2009. En outre, sur chacun de ces points, les appréciations du Tribunal seraient erronées.

77 Lico Leasing et PYMAR font grief au Tribunal d’avoir dénaturé, au point 174 de l’arrêt attaqué, la lettre du 9 mars 2009 du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence ». Elles reprochent, en particulier, au Tribunal d’avoir omis de mentionner deux paragraphes de cette lettre, qui, selon elles, sont essentiels pour en comprendre la portée.

78 Lico Leasing et PYMAR font en outre grief au Tribunal d’avoir erronément qualifié, aux points 199 et 201 de l’arrêt attaqué, certains faits dans le cadre de l’examen du moyen relatif au principe de sécurité juridique en ce qui concerne la décision sur les GIE fiscaux français et la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence », du 9 mars 2009.

79 Caixabank e.a., soutenues par Decal España, soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant, au point 166 de l’arrêt attaqué, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la récupération de l’aide ordonnée dans la décision litigieuse violait le principe de protection de la confiance légitime, compte tenu de la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage. En effet, le motif invoqué par le Tribunal, à savoir la nature prétendument financière des activités des GIE, serait en contradiction avec la qualification de ces activités effectuée par la Cour dans l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591). En outre, le raisonnement suivi par le Tribunal serait erroné et, en tout état de cause, insuffisant, car les GIE seraient des entreprises exerçant une activité économique dans le secteur du transport maritime, la Commission ayant reconnu à plusieurs reprises que l’affrètement de navires coque nue était une activité maritime et accepté son inclusion dans différents régimes de tonnage autorisés par elle.

80 La Commission considère que les arguments invoqués par les requérants sont, pour certains, irrecevables et, pour les autres, non fondés.

2. Appréciation de la Cour

81 Il convient de rappeler, en premier lieu, que, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 158 de l’arrêt attaqué, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union européenne, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63). Quant au principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, il vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques résultant du droit de l’Union et exige que tout acte de l’administration qui produit des effets juridiques soit clair et précis afin que les intéressés puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

82 Ainsi que le Tribunal l’a également rappelé, en substance, aux points 155, 156 et 193 de l’arrêt attaqué, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que, pour s’opposer à la récupération d’une aide d’État n’ayant pas été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE, une confiance légitime dans la régularité d’une telle aide d’État ou une violation du principe de sécurité juridique peuvent être invoquées (voir, en ce sens, arrêts du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 107, ainsi que du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 134).

83 Le principe de protection de la confiance légitime et le principe de sécurité juridique étant deux principes distincts, il convient de relever qu’il était loisible au Tribunal d’examiner séparément les arguments du Royaume d’Espagne relatifs à ceux-ci, bien qu’ils aient été présentés ensemble par le Royaume d’Espagne. Un tel examen séparé des arguments invoqués ne constitue pas en soi une dénaturation de ceux-ci et n’encourt pas la critique s’il ne conduit pas à omettre d’y répondre. Or, le Royaume d’Espagne, qui considère que cet examen séparé a entraîné des incohérences dans le raisonnement suivi par le Tribunal pour écarter son moyen, ne soutient pas que le Tribunal a omis de répondre à ses arguments.

84 En deuxième lieu, en ce qui concerne les incohérences dans le raisonnement du Tribunal invoquées par le Royaume d’Espagne, il convient de rappeler que, au considérant 261 de la décision litigieuse, la Commission a considéré que, compte tenu de la complexité des mesures fiscales en cause, elle ne pouvait exclure qu’il y ait pu avoir une insécurité juridique créée par la décision 2002/15/CE de la Commission, du 8 mai 2001, concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de la société « Bretagne Angleterre Irlande » (« BAI » ou « Brittany Ferries ») (JO 2002, L 12, p. 33, ci-après la « décision Brittany Ferries »), quant à la qualification d’aide du RELF, mais uniquement jusqu’à la publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 30 avril 2007, de la décision sur les GIE fiscaux français.

85 Pour écarter les arguments du Royaume d’Espagne, de Lico Leasing et de PYMAR visant à obtenir l’annulation de l’ordre de récupération de l’aide en cause pour la période allant jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 21 septembre 2011, le Tribunal a, aux points de l’arrêt attaqué visés par les pourvois et, pour commencer, au point 163 de cet arrêt, relevé que la décision Brittany Ferries et la décision sur les GIE fiscaux français ne pouvaient être considérées comme fournissant en l’espèce des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, puisqu’elles ne mentionnaient ni directement ni indirectement le RELF.

86 Au point 164 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’argument fondé sur une demande de renseignements de la Commission adressée aux autorités espagnoles, en date du 21 décembre 2001, au motif que cette demande et l’éventuelle inaction ultérieure de la Commission pendant une certaine période ne constituaient pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la légalité du RELF. Il a estimé que, d’une part, la Commission s’était limitée, dans cette demande de renseignements, à solliciter des informations additionnelles concernant l’existence éventuelle d’un régime de leasing fiscal applicable aux navires en Espagne afin de pouvoir l’examiner à la lumière des règles relatives aux aides d’État et, d’autre part, l’inaction ultérieure de la Commission n’était pas susceptible de constituer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, eu égard au contenu de la réponse des autorités espagnoles.

87 Au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage, qui avait déclaré ce régime compatible avec le marché intérieur, ne saurait avoir donné lieu à une confiance légitime, car elle portait sur l’exploitation de navires propres ou loués, et non sur les activités financières relatives à l’affrètement de navires coque nue.

88 Au point 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la décision 2005/122/CE de la Commission, du 30 juin 2004, concernant l’aide d’État que les Pays-Bas envisagent de mettre à exécution en faveur de quatre chantiers navals dans le cadre de six contrats de construction navale (JO 2005, L 39, p. 48), ne fournissait pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la légalité du RELF, car, en substance, d’une part, la Commission n’avait pas, dans cette décision, affirmé de manière précise, inconditionnelle et concordante que, après avoir réalisé une analyse complète et approfondie, elle était parvenue à la conclusion que le RELF ne constituait pas une aide d’État et, d’autre part, l’objet de ladite décision était non pas le RELF, mais un régime néerlandais.

89 Au point 169 de l’arrêt attaqué, s’agissant de la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, le Tribunal a relevé que celle-ci avait été envoyée en réponse à la ministre du Commerce et de l’Industrie du Royaume de Norvège, qui, après avoir suggéré que le RELF constituait un régime d’aide en faveur des chantiers navals espagnols, avait demandé des renseignements sur les actions que la Commission envisageait d’entreprendre à cet égard. Il a observé que, dans sa réponse, ce membre de la Commission avait indiqué que cette dernière avait examiné la question et que, puisque le régime était ouvert à l’acquisition de navires construits par des chantiers navals d’autres États membres sans discrimination, elle n’envisageait pas d’adopter de mesures additionnelles « à ce stade ». Au point 174 de cet arrêt, le Tribunal a cependant considéré que cette lettre ne fournissait pas d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, celle-ci n’affirmant pas de cette façon que, après avoir réalisé une analyse complète et approfondie, la Commission était parvenue à la conclusion que le RELF ne constituait pas une aide d’État.

90 Au point 199 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, s’agissant des effets de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français au mois d’avril 2007, que c’était sans commettre d’erreur que la Commission avait pu considérer que cette décision avait fait cesser toute insécurité juridique en ce qu’elle aurait dû amener un opérateur économique prudent et avisé à considérer qu’un régime analogue au RELF pouvait constituer une aide d’État. À cet égard, il a relevé qu’il ressortait de la décision sur les GIE fiscaux français qu’un système pour la construction de navires maritimes et leur mise à disposition de compagnies maritimes, par l’intermédiaire de GIE et avec l’utilisation de contrats de location-financement, qui engendrait certains avantages fiscaux, était susceptible de constituer un régime d’aide d’État. Il a ajouté que, s’il était vrai que le régime en cause dans la décision sur les GIE fiscaux français et le RELF n’étaient pas identiques, aucun élément ne permettait d’établir que leurs différences étaient plus marquées que celles existant entre le RELF et le régime en cause dans la décision Brittany Ferries, invoquée par le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR.

91 Aux points 200, 201 et 203 à 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que les circonstances postérieures à la publication de la décision sur les GIE fiscaux français invoquées par le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR ne s’opposaient pas à ce que cette publication ait mis fin à la situation d’insécurité juridique. Il a estimé que la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009 ne saurait avoir contribué à créer ou à maintenir une situation de sécurité juridique et que, si la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen était, certes, intervenue près de quatre ans et demi après la décision sur les GIE fiscaux français, il ressortait cependant de la décision litigieuse que la Commission avait adressé aux autorités espagnoles huit demandes de renseignements durant cette période et que les mesures fiscales en cause étaient complexes, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’être restée inactive et que cette situation était différente de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502).

92 Force est de constater qu’il n’y a pas d’incohérences entre ces diverses appréciations du Tribunal. En particulier, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne soutient, il n’existe aucune contradiction entre la constatation que la décision Brittany Ferries et la décision sur les GIE fiscaux français ne pouvaient être considérées comme fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la compatibilité du RELF avec le droit de l’Union et la reconnaissance de ce qu’il existait une insécurité juridique avant l’adoption de cette seconde décision. Les arguments du Royaume d’Espagne relatifs à ces prétendues incohérences sont, par conséquent, dépourvus de fondement.

93 En troisième lieu, s’agissant des erreurs que le Tribunal aurait commises, selon le Royaume d’Espagne, en ce qui concerne la décision sur les GIE fiscaux français, la période qui s’est écoulée jusqu’à l’ouverture de la procédure d’examen, le régime de taxation au tonnage et la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, il convient, premièrement, d’écarter l’argument selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la décision sur les GIE fiscaux français avait fait naître une situation de certitude ou de sécurité juridique, alors que le principe de sécurité juridique exigerait l’existence d’un cadre réglementaire objectivement clair et stable.

94 En effet, il suffit d’observer que le Tribunal a constaté non pas que la décision sur les GIE fiscaux français avait créé une certitude quant au fait que le RELF constituait une aide d’État, mais que c’était sans commettre d’erreur de droit que la Commission avait pu estimer que cette décision avait fait cesser toute insécurité juridique en ce qu’elle aurait dû amener un opérateur économique prudent et avisé à considérer qu’un régime analogue au RELF pouvait constituer une aide d’État. Or, ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

95 Deuxièmement, le Royaume d’Espagne faisant grief au Tribunal d’avoir commis une erreur en n’appréciant pas correctement la longue période qui s’était écoulée jusqu’à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, il convient de constater que ce grief vise à remettre en cause des appréciations de faits qui échappent au contrôle de la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi, de telle sorte que les arguments étayant ce grief sont irrecevables.

96 Troisièmement, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne, tiré de la prétendue omission du Tribunal de prendre en considération, en tant qu’élément constitutif d’une confiance légitime, la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage, il convient de rappeler que cette institution a considéré, au considérant 245 de la décision litigieuse, que la décision du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage ne pouvait nourrir une confiance légitime dans le fait que les entités dont les activités consistent exclusivement dans l’affrètement d’un seul navire en régime d’affrètement coque nue puissent être couvertes par le régime de taxation au tonnage, dès lors qu’il en ressortait clairement que le régime de taxation au tonnage devait s’appliquer exclusivement aux navires éligibles et pour des activités de transport maritime éligibles. Cette appréciation, par la Commission, du régime de taxation au tonnage a été entérinée par le Tribunal au point 166 de l’arrêt attaqué. Le Royaume d’Espagne se contente d’affirmer que la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage n’avait pas exclu l’exploitation des navires sous le régime de l’affrètement coque nue, sans toutefois invoquer d’arguments pour le démontrer. Par conséquent, cet argument du Royaume d’Espagne doit être écarté.

97 En outre, le Royaume d’Espagne faisant valoir que, à supposer que la Commission ait eu raison et qu’il s’agissait en l’espèce d’une application abusive du régime de taxation au tonnage, le Tribunal aurait dû reconnaître que tout opérateur aurait pu estimer que cette application abusive d’un régime d’aide autorisé par la Commission n’entraînait pas l’obligation de récupération, il y a lieu de constater que cet argument n’a pas été invoqué devant le Tribunal et que, par conséquent, il ne saurait être reproché à ce dernier d’avoir omis de fonder l’existence d’une confiance légitime à l’égard des opérateurs concernés sur la prétendue application abusive du régime de taxation au tonnage.

98 Quatrièmement, le Royaume d’Espagne soutenant que le Tribunal a fait une appréciation erronée de la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009 en se limitant à analyser les aspects formels de celle-ci, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi (arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 67 et jurisprudence citée). Le Royaume d’Espagne n’ayant pas soutenu ni démontré que le Tribunal avait dénaturé cette lettre, ses arguments relatifs à celle-ci sont irrecevables.

99 S’agissant, en quatrième lieu, de l’argument de Lico Leasing et de PYMAR tiré de la dénaturation de ladite lettre, il convient de rappeler qu’un moyen tiré d’une dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal ne peut être accueilli que si la dénaturation alléguée ressort de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a., C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

100 Or, s’il est vrai que le Tribunal n’a pas reproduit textuellement, au point 174 de l’arrêt attaqué, les deux paragraphes de la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, mentionnés par Lico Leasing et PYMAR, il n’apparaît pas de manière manifeste, à la lecture intégrale de cette lettre, que le Tribunal l’a dénaturée de quelconque façon en affirmant, à ce point de l’arrêt attaqué, qu’elle se limitait à indiquer que le RELF ne semblait pas opérer une discrimination à l’encontre des chantiers navals d’autres États membres et qu’elle ajoutait qu’il n’était pas envisagé de mesures additionnelles « à ce stade ». Cet argument de Lico Leasing et de PYMAR n’est donc pas fondé.

101 Quant aux arguments de Lico Leasing et de PYMAR, tirés d’une erreur dans la qualification de certains faits dans le cadre de l’examen du moyen relatif au principe de sécurité juridique en ce qui concerne la décision sur les GIE fiscaux français et la lettre du membre de la Commission responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, il apparaît que ces arguments tendent en réalité à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, ce qui ne relève pas du contrôle exercé par la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi. Partant, ces arguments sont irrecevables.

102 En ce qui concerne, en cinquième lieu, les arguments de Caixabank e.a., soutenues par Decal España, tirés de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en écartant l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la récupération de l’aide ordonnée par la décision litigieuse violait le principe de protection de la confiance légitime, compte tenu de la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage, il convient d’observer que le Tribunal a, certes, commis, une erreur au point 166 de l’arrêt attaqué en relevant que cette dernière décision portait « sur l’exploitation de navires propres ou loués, et non sur les activités financières relatives à l’affrètement de navire coque nue, comme en l’espèce ». En effet, ainsi que la Cour l’a relevé au point 42 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591), il ressortait de la description du RELF que les GIE exerçaient l’activité d’acquisition de navires par l’intermédiaire de contrats de location-vente, en particulier en vue de leur affrètement coque nue et de leur revente ultérieure, ce dont il résulte qu’ils n’exerçaient pas uniquement des activités financières.

103 Toutefois, cette erreur est sans incidence sur l’appréciation du Tribunal selon laquelle la décision de la Commission du 27 février 2002 relative à la taxation sur le tonnage n’avait pas fait naître une confiance légitime, dès lors que, pour fonder cette appréciation, le Tribunal s’est référé au considérant 245 de la décision litigieuse selon lequel il ressortait clairement de cette décision que le régime de taxation au tonnage devait s’appliquer exclusivement aux navires éligibles et pour des activités de transport maritime éligibles, à savoir aux compagnies maritimes inscrites dans l’un des registres de compagnies maritimes visés dans la législation espagnole, dont l’activité inclut l’exploitation de navires détenus en propre ou achetés à bail, de telle sorte que les GIE en étaient exclus, dès lors que leurs activités consistent exclusivement dans l’affrètement d’un seul navire en régime d’affrètement coque nue.

104 Cette appréciation n’est pas non plus remise en cause par l’argument selon lequel les GIE auraient exercé une activité de transport maritime, qui n’a pas été soutenu devant le Tribunal et, en tout état de cause, n’est aucunement développé, de telle sorte qu’il apparaît manifestement dénué de fondement. Elle n’est pas davantage remise en cause par le fait que la Commission aurait à plusieurs reprises, dans d’autres décisions, reconnu que l’affrètement de navire coque nue constituait une telle activité, dès lors que, en tout état de cause, c’est au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être apprécié si une aide satisfait ou non aux conditions d’application que cette disposition prévoit, et non à l’aune de la pratique antérieure ou d’autres décisions de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, EU:C:2010:291, point 21, et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

105 Il s’ensuit que les arguments de Caixabank e.a. doivent être écartés comme n’étant pas fondés.

106 Par conséquent, il convient d’écarter le troisième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑649/20 P ainsi que les deuxième et troisième moyens du pourvoi dans l’affaire C‑658/20 P comme étant pour partie irrecevables et pour partie non fondés et d’écarter le deuxième moyen du pourvoi dans l’affaire C‑662/20 P comme étant non fondé.

D. Sur le moyen du Royaume d’Espagne, tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la sélectivité du RELF et la récupération de l’aide en cause

1. Argumentation des parties

107 Par son premier moyen de pourvoi, qu’il convient d’examiner en troisième lieu, le Royaume d’Espagne fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment motivé l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’analyse de la sélectivité du RELF et de la récupération de l’aide en cause, ce qui aurait porté atteinte aux droits de la défense consacrés à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

108 S’agissant, en premier lieu, de la sélectivité du RELF, le Tribunal n’aurait pas expliqué, tout d’abord, la raison pour laquelle il n’était pas nécessaire d’appliquer la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide et se serait limité à entériner l’affirmation de la Commission selon laquelle le système dans son ensemble avait un caractère sélectif en raison des pouvoirs discrétionnaires de l’administration fiscale pour autoriser l’amortissement anticipé et du fait que cette administration n’autorisait que des opérations destinées à financer des navires.

109 Ensuite, le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation en affirmant que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit, alors même que cette décision comporterait une accumulation de contradictions et d’omissions.

110 Enfin, le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation quant au point de savoir si toutes les mesures composant le RELF devaient être considérées comme un système unitaire et analysées dans leur ensemble ou séparément avec l’exigence qu’elles fussent toutes sélectives, en affirmant, au point 101 de l’arrêt attaqué, que, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF était sélective, le système était sélectif dans son ensemble.

111 En second lieu, quant à la récupération de l’aide en cause, le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation en ce qu’il se serait limité à reproduire le contenu de la décision litigieuse sans aucune justification. Il se serait, en outre, contredit en abandonnant sa vision d’ensemble du RELF comme formant un tout pour se concentrer sur une seule partie de ses participants, à savoir les investisseurs, pour exiger la récupération auprès d’eux et sans avoir égard aux autres bénéficiaires des mesures composant le RELF.

112 La Commission, estimant que l’arrêt attaqué est suffisamment motivé, considère que ce moyen n’est pas fondé.

2. Appréciation de la Cour

113 Il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2022, Commission/Missir Mamachi di Lusignano, C‑54/20 P, EU:C:2022:349, point 70 et jurisprudence citée). Cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen d’un pourvoi (arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C‑519/15 P, EU:C:2016:682, point 41).

114 En l’espèce, en ce qui concerne, en premier lieu, le caractère sélectif du RELF, il apparaît des points 87 à 101 de l’arrêt attaqué, dont la teneur est exposée aux points 43 et 57 à 62 du présent arrêt, que le Tribunal a suffisamment fait apparaître les raisons pour lesquelles il a considéré, d’une part, que le RELF présentait un caractère sélectif en raison du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale d’autoriser l’amortissement anticipé, ce dont il résulte qu’il a implicitement, mais certainement, admis que l’application de la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité d’une aide n’était pas nécessaire, et, d’autre part, que le caractère sélectif de l’amortissement anticipé rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

115 Quant à l’argument selon lequel le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation en affirmant que la décision litigieuse était motivée à suffisance de droit, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. À cet égard, il est exigé, à l’article 169, paragraphe 2, de ce règlement de procédure, que les moyens et les arguments de droit soulevés et invoqués identifient avec précision les points des motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés (arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, points 33 et 34). Or, le Royaume d’Espagne n’indique pas les points de l’arrêt attaqué visés par cet argument, de telle sorte que celui-ci est trop imprécis pour recevoir une réponse et que, partant, il est irrecevable.

116 Il s’ensuit que les arguments du Royaume d’Espagne, pris d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne le caractère sélectif du RELF, sont pour partie irrecevables et pour partie non fondés.

117 S’agissant, en second lieu, de la récupération de l’aide en cause, le Tribunal, pour répondre au moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR, par lequel celles-ci contestaient, en substance, ainsi qu’il est relevé au point 218 de l’arrêt attaqué, la décision litigieuse en ce qu’elle ordonne la récupération de l’intégralité de cette aide auprès des investisseurs, alors que 85 à 90 % de l’avantage aurait été systématiquement transféré aux compagnies maritimes, a énoncé, au point 219 de cet arrêt, ce qui suit :

« Compte tenu du fait que la Commission a décidé en l’espèce que les compagnies maritimes n’étaient pas les bénéficiaires de l’aide et que cette conclusion ne fait pas l’objet du présent litige, c’est par voie de conséquence que l’ordre de récupération visait uniquement et intégralement les investisseurs, seuls bénéficiaires de la totalité de l’aide selon la décision [litigieuse] en raison de la transparence des GIE. Suivant sa propre logique, c’est donc sans commettre d’erreur que la décision [litigieuse] a ordonné la récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs, bien qu’ils aient transféré une partie de l’avantage vers d’autres opérateurs dès lors que ceux-ci n’étaient pas considérés comme bénéficiaires de l’aide. En effet, aux termes de la décision [litigieuse], ce sont les investisseurs qui ont eu la jouissance effective de l’aide étant donné que la réglementation applicable ne leur imposait pas le transfert d’une partie de l’aide vers des tiers. »

118 Or, en se limitant ainsi, d’une part, à constater que Lico Leasing et PYMAR n’avaient pas contesté la désignation des bénéficiaires effectuée dans la décision litigieuse et, d’autre part, à se référer à la logique ainsi qu’au contenu de cette décision, alors qu’il se déduisait du moyen soulevé que ces entreprises – même si celles-ci n’avaient pas contesté l’identité des bénéficiaires – faisaient valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’avaient pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, le Tribunal n’a pas répondu à ce moyen. Il a, par conséquent, omis de statuer sur celui-ci, ce qui constitue une violation de l’obligation de motivation [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2005, Acerinox/Commission, C‑57/02 P, EU:C:2005:453, point 36, et ordonnance du vice-président de la Cour du 17 août 2022, SJM Coordination Center/Magnetrol International et Commission, C‑4/22 P(I), EU:C:2022:626, point 19].

119 Il y a lieu, par suite, d’accueillir le moyen du Royaume d’Espagne tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la récupération de l’aide en cause auprès de ses bénéficiaires, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments des parties qui visent le même volet de l’arrêt attaqué.

120 En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où, par celui-ci, le Tribunal a rejeté les recours pour autant que ceux-ci visaient l’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse, en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette même décision auprès des investisseurs des GIE qui en ont bénéficié.

121 Les pourvois sont rejetés pour le surplus.

V. Sur les recours devant le Tribunal

122 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

123 En l’espèce, au vu, notamment, de la circonstance que les recours en annulation introduits par les requérants ayant fait l’objet des affaires T‑515/13, T‑515/13 RENV, T‑719/13 et T‑719/13 RENV sont fondés sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que la partie de ces recours restant à examiner après l’annulation partielle de l’arrêt attaqué, relative au bien-fondé de l’obligation de récupération de l’aide en cause auprès de ses bénéficiaires, est en état d’être jugée et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, NeXovation/Commission, C‑665/19 P, EU:C:2021:667, point 60 et jurisprudence citée).

A. Argumentation des parties

124 Le Royaume d’Espagne, par ses deuxième à quatrième moyens, ainsi que Lico Leasing et PYMAR, par leur deuxième moyen, à titre subsidiaire, font valoir que, en ordonnant la récupération de l’aide en cause, la Commission a violé les principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

125 Par leur troisième moyen, également soulevé à titre subsidiaire, Lico Leasing et PYMAR contestent la méthode de calcul de l’aide à récupérer définie par la Commission dans la décision litigieuse, faisant valoir, en substance, que celle-ci conduit à exiger des investisseurs ou des GIE le remboursement de l’intégralité de l’avantage fiscal sans tenir compte du fait que la majeure partie de cet avantage a été transférée aux compagnies maritimes.

126 La Commission conteste le bien-fondé de l’ensemble de ces moyens et de ces arguments. En ce qui concerne la récupération de l’aide en cause, elle fait valoir, en substance, que les investisseurs membres des GIE sont les seuls bénéficiaires de l’aide en cause et, en leur qualité de contribuables, les seuls interlocuteurs possibles vis-à-vis du Royaume d’Espagne en vue de la récupération de celle-ci. Selon elle, le fait que cette aide ait pu avoir des incidences économiques pour d’autres entreprises ne saurait être pris en compte dans l’établissement du montant de l’aide reçue et à récupérer.

B. Appréciation de la Cour

127 En premier lieu, en ce qui concerne les moyens et arguments soulevés par le Royaume d’Espagne, Lico Leasing et PYMAR, tirés d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, il y a lieu de les écarter comme étant non fondés pour les motifs figurant aux points 81 et 82 du présent arrêt ainsi que pour ceux énoncés aux points 163 à 169, 174, 199 à 205 de l’arrêt attaqué et rappelés pour l’essentiel aux points 85 à 91 du présent arrêt, que la Cour fait siens à l’exception de l’erreur relevée au point 102 de ce dernier.

128 De même, il convient d’écarter le moyen et les arguments du Royaume d’Espagne, tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement, pour les motifs exposés aux points 139 à 145 de l’arrêt attaqué, que la Cour fait siens, selon lesquels, en substance, d’une part, le Royaume d’Espagne n’a pas expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles la situation examinée dans la décision Brittany Ferries et celle ayant fait l’objet de la décision litigieuse seraient comparables et cet État membre ne peut se prévaloir d’une pratique antérieure de la Commission et, d’autre part, la différence de traitement alléguée par rapport à la décision sur les GIE fiscaux français, qui a ordonné la récupération de l’aide à compter de la date de la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, était objectivement justifiée en raison du fait que l’incertitude résultant de la décision Brittany Ferries n’existait plus depuis l’adoption de la décision sur les GIE fiscaux français.

129 En second lieu, s’agissant du montant de l’aide à récupérer auprès des investisseurs, ainsi qu’il est relevé au point 118 du présent arrêt, il se déduit du troisième moyen soulevé par Lico Leasing et PYMAR que, par ce moyen, celles-ci font valoir, implicitement, mais nécessairement, qu’elles n’ont pas été les seules bénéficiaires de l’aide en cause, une grande partie de cette dernière ayant été transférée aux compagnies maritimes, et qu’elles contestent ainsi l’identification des bénéficiaires de cette aide effectuée par la Commission.

130 À cet égard, il importe de rappeler que l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer, par voie de récupération, une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché unique vise, selon une jurisprudence constante de la Cour, au rétablissement de la situation antérieure à l’octroi de l’aide. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, dans d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, points 89 et 90 ainsi que jurisprudence citée).

131 En l’espèce, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, au considérant 11 de la décision litigieuse, la Commission a indiqué qu’une opération au titre du RELF permettait à une compagnie maritime d’acquérir un navire nouvellement construit avec un rabais de 20 à 30 % par rapport au prix que le chantier naval perçoit. Au considérant 12 de cette décision, la Commission a considéré que le RELF constituait un montage fiscal, généralement mis au point par une banque pour générer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE « fiscalement transparent » et pour transférer une partie de ces avantages fiscaux à cette compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du navire, les investisseurs conservant le bénéfice des autres avantages.

132 Au considérant 162 de la décision litigieuse, la Commission a également relevé que, sur le plan économique, une partie substantielle de l’avantage fiscal obtenu par le GIE était transférée à ladite compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix. Elle a précisé que les annexes jointes à certains dossiers des GIE dans le cadre de la demande d’autorisation préalable de l’amortissement anticipé confirmaient que les opérateurs qui participaient au RELF considéraient que les avantages fiscaux résultant de l’opération étaient répartis entre les GIE ou leurs investisseurs et les compagnies maritimes.

133 Ensuite, concernant l’autorisation de l’amortissement anticipé accordée par l’administration fiscale, la Commission a relevé, aux considérants 135 et 136 de la décision litigieuse, qu’il ressortait des exemples fournis par les autorités espagnoles que les demandes d’autorisation présentées par les GIE décrivaient dans les détails toute l’organisation du RELF, contenaient tous les contrats pertinents, en particulier les contrats de construction navale, de location-vente, d’affrètement coque nue, les contrats d’option, le contrat de rachat et l’acquittement de dette. Ces demandes comportaient en outre, dans certains cas de figure, des annexes qui n’étaient pas indispensables pour démontrer qu’étaient respectées les dispositions applicables du TRLIS ou du RIS, à savoir un calcul détaillé des avantages fiscaux totaux et du mode de répartition entre la compagnie maritime, d’une part, et les GIE ou leurs investisseurs, d’autre part, ainsi qu’une déclaration du chantier naval dans laquelle étaient établis les avantages économiques et sociaux prévus du contrat de construction navale.

134 La Commission a, de même, constaté, au considérant 168 de la décision litigieuse, que les demandes adressées à l’administration fiscale contenaient généralement un calcul de l’avantage fiscal total généré par le RELF et la manière dont cet avantage était réparti entre la compagnie maritime et les investisseurs du GIE ou, à tout le moins, incluaient les éléments nécessaires pour procéder à ce calcul.

135 Aux considérants 133 à 139 et 156 de la décision litigieuse, la Commission a considéré, à bon droit, que l’administration fiscale disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’amortissement anticipé et que cela rendait le RELF sélectif dans son ensemble.

136 Enfin, au considérant 169 de la décision litigieuse, la Commission a considéré que, néanmoins, toutes les conséquences économiques découlant de l’octroi de l’avantage fiscal aux GIE résultaient d’une combinaison d’opérations juridiques entre des entités privées, que les règles en vigueur n’obligeaient pas, en effet, les GIE à transférer une partie de l’avantage fiscal aux compagnies maritimes et que le fait que, dans l’exercice du large pouvoir discrétionnaire dont disposait l’administration fiscale, celle-ci évaluait l’impact économique de toute la transaction ne suffisait pour établir que les autorités espagnoles décidaient du transfert d’une partie de l’avantage aux compagnies maritimes ou du montant de ce transfert. La Commission en a conclu, au considérant 170 de cette décision, que les avantages que tiraient les compagnies maritimes n’étaient pas imputables à l’État membre concerné.

137 Toutefois, il résultait des propres constatations de la Commission, rappelées aux points 131 à 135 du présent arrêt, que le RELF constituait, dans son ensemble, un régime d’aide découlant de l’application de la législation fiscale espagnole et des autorisations accordées par l’administration fiscale espagnole, et destiné, peu important les procédés juridiques utilisés, à générer un avantage au profit non seulement des GIE, mais aussi des compagnies maritimes.

138 Par ailleurs, il ressort des constatations de la Commission rappelées au point 133 du présent arrêt que la répartition de l’avantage fiscal généré par le RELF entre la compagnie maritime et les investisseurs des GIE était prévue dans des contrats juridiquement contraignants, soumis à l’administration fiscale et dont celle-ci tenait compte pour autoriser, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle disposait à cet égard, l’amortissement anticipé. Dès lors, contrairement à ce que la Commission a, en substance, affirmé au considérant 169 de la décision litigieuse, les GIE étaient obligés, en vertu des règles du droit applicable aux contrats conclus avec les compagnies maritimes, de transférer à ces dernières une partie de l’avantage fiscal obtenu.

139 Il s’ensuit que la Commission a commis une erreur de droit quant à la désignation des bénéficiaires de l’aide en cause et, par voie de conséquence, quant à la récupération de celle-ci en ce qu’elle a enjoint au Royaume d’Espagne, contrairement à la jurisprudence rappelée au point 130 de cet arrêt, de récupérer l’intégralité du montant de cette aide uniquement auprès des investisseurs des GIE.

140 Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’article 1er de la décision litigieuse en ce qu’il désigne les GIE et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide en cause auprès des investisseurs des GIE qui ont bénéficié de celle-ci.

 Sur les dépens

141 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

142 Selon l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

143 Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner le Royaume d’Espagne, Lico Leasing, PYMAR et Caixabank e.a. à supporter, outre l’ensemble de leurs dépens, trois quarts des dépens exposés par la Commission tant en première instance qu’à l’occasion des pourvois ayant fait l’objet de l’affaire C‑128/16 P ainsi que des affaires jointes C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P. Cette institution supportera un quart de ses dépens.

144 Conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, Decal España, qui est partie intervenante au pourvoi, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2020, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV, EU:T:2020:434), est annulé dans la mesure où, par celui-ci, le Tribunal a rejeté les recours pour autant que ceux-ci visaient l’annulation de l’article 1er de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal », en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision, et de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette même décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

2) Les pourvois sont rejetés pour le surplus.

3) L’article 1er de la décision 2014/200 est annulé en ce qu’il désigne les groupements d’intérêt économique et leurs investisseurs comme étant les seuls bénéficiaires de l’aide visée dans cette décision.

4) L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2014/200 est annulé en ce qu’il enjoint au Royaume d’Espagne de récupérer l’intégralité du montant de l’aide visée dans cette décision auprès des investisseurs des groupements d’intérêt économique qui en ont bénéficié.

5) Le Royaume d’Espagne, Lico Leasing SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión SA ainsi que Caixabank SA, Asociación Española de Banca, Unicaja Banco SA, Liberbank SA, Banco de Sabadell SA, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA, Banco Santander SA, Santander Investment SA, Naviera Séneca AIE, Industria de Diseño Textil SA (Inditex), Naviera Nebulosa de Omega AIE, Abanca Corporación Bancaria SA, Ibercaja Banco SA, Naviera Bósforo AIE, Joyería Tous SA, Corporación Alimentaria Guissona SA, Naviera Muriola AIE, Poal Investments XXI SL, Poal Investments XXII SL, Naviera Cabo Vilaboa C‑1658 AIE, Naviera Cabo Domaio C‑1659 AIE, Caamaño Sistemas Metálicos SL, Blumaq SA, Grupo Ibérica de Congelados SA, RNB SL, Inversiones Antaviana SL, Banco de Albacete SA, Bodegas Muga SL et Aluminios Cortizo SAU supportent, outre l’ensemble de leurs propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la Commission européenne tant en première instance qu’à l’occasion des pourvois ayant fait l’objet de l’affaire C‑128/16 P ainsi que des affaires jointes C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P.

6) Decal España SA supporte ses propres dépens.

7) La Commission européenne supporte un quart des dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’à l’occasion de des pourvois ayant fait l’objet de l’affaire C‑128/16 P ainsi que des affaires jointes C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P.