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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 6 juin 2012, n° 09/20877

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

C. M.

Défendeur :

PRESSES DU CHATELET (SARL), ECRITURE COMMUNICATION (S.A.S), J-D. B.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Brigitte CHOKRON

Conseillers :

Madame Anne-Marie GABER, Madame Sylvie NEROT

Avocats :

Me Alexandre JACQUET, Me Antoine GUERINOT, SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, SELARL CABINET PIERRAT

Paris, du 30 Sept. 2009

30 septembre 2009

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère faisant fonction de Président et par Monsieur Gilles DUPONT, Greffier

* * *

Vu l'appel interjeté le 9 octobre 2009 par Corinne MOREL, du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 30 septembre 2009 (09/01747) ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante, signifiées le 20 février 2012 ;

Vu les dernières conclusions des sociétés ECRITURE COMMUNICATION (SAS) et PRESSES DU CHATELET (SARL), intimées, signifiées le 7 février 2012 ;

Vu les dernières conclusions de Jean-Daniel BELFOND, intimé, signifiées le 5 décembre 2011 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 27 mars 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant que Corinne MOREL, auteur de nombreux ouvrages ayant trait à la psychologie et au symbolisme, a conclu avec les sociétés ECRITURE COMMUNICATION et PRESSES DU CHATELET, dirigées par Jean-Daniel BELFOND, trois contrats de commande pour des ouvrages à paraître dans la collection Editions de l'Archipel avec cession des droits y afférents :

- un contrat du 15 mai 2001, pour l'ouvrage Le Dictionnaire des Symboles, publié le 24 février 2004,

- un contrat du 22 novembre 2004, pour l'ouvrage Le Jardin des Sagesses, paru le 21 novembre 2006,

- un contrat du 24 mai 2006, pour l'ouvrage Tout l'amour du monde, paru le 23 janvier 2008 ;

Qu'elle a fait assigner, suivant acte du 12 février 2008, les sociétés ECRITURE COMMUNICATION et PRESSES DU CHATELET (ci-après l'éditeur) ainsi que Jean-Daniel BELFOND devant le tribunal de grande instance de Paris , en nullité et, subsidiairement, en résiliation des contrats en faisant valoir, en particulier, que les redditions de compte étant incohérentes, voire manifestement erronées, elle a perdu toute confiance envers les sociétés éditrices, dont le représentant légal a par ailleurs commis des fautes engageant sa responsabilité personnelle ;

Que les premiers juges ont, entre autres dispositions, mis hors de cause Jean-Daniel BELFOND, rejeté le moyen tiré de l'inexistence des contrats, déclaré prescrite la demande en nullité visant le contrat du 15 mai 2001, annulé les clauses 7n) 2,3 et 4 ainsi que de la clause 7q) en ce qu'elle prévoit que 'le premier arrêté de compte de l'ouvrage tiendra compte du pourcentage prévisible des retours' des contrats, rédigés dans les mêmes termes, du 22 novembre 2004 et du 24 mai 2006, et condamné de ce chef les sociétés ECRITURE COMMUNICATION et PRESSES DU CHATELET in solidum à payer à Corinne MOREL la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, rejeté la demande en résiliation des contrats au motif que les comptes avaient été rendus conformément aux stipulations contractuelles et qu'il en résultait même pour Corinne MOREL, au regard des avances sur droits d'auteur d'ores et déjà versées par l'éditeur, un trop-perçu à restituer de 3381,03 euros, prononcé la compensation des condamnations à paiement respectives, débouté du chef de procédure abusive ;

Que Corinne MOREL, appelante, approuvant le jugement en ce qu'il a annulé, comme illicites, les clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) des contrats de 2004 et 2006, prie la cour d'écarter la prescription et d'annuler ces mêmes clauses pour le contrat de 2001, de constater, pour l'essentiel, que l'éditeur a rendu des comptes incohérents et erronés pour les ouvrages Dictionnaire des Symboles et Jardin des Sagesses, qu'il a omis de corriger les épreuves de l'ouvrage Tout l'amour du monde, qu'il s'est abstenu d'assurer l'exploitation des ouvrages dont les ventes ont chuté depuis l'introduction de l'instance et qu'il a ainsi failli manqué à ses obligations telles qu'elles résultent des articles L.132-12 et suivants du Code de la

propriété intellectuelle ; qu'elle demande en conséquence la résiliation des contrats litigieux aux torts et griefs de l'éditeur, la restitution de ses droits d'auteurs sur les trois ouvrages en cause, la restitution des stocks, la condamnation in solidum des deux sociétés d'édition ainsi que de leur dirigeant social, Jean-Daniel BELFOND, dont la responsabilité personnelle est engagée, à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 105.000 euros en réparation de divers chefs de préjudice d'ordre matériel et moral ; qu'elle conclut enfin au rejet de toutes les prétentions adverses et conteste en particulier devoir un trop-perçu ;

Que les sociétés ECRITURE COMMUNICATION et PRESSES DU CHATELET, estimant Corinne MOREL remplie de ses droits et mal fondée en toutes ses prétentions, poursuivent la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a annulé les clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) des contrats de 2004 et 2006 et demandent en conséquence la restitution par Corinne MOREL des dommages-intérêts versés de ce chef ; à titre subsidiaire, si la cour devait prononcer la résiliation des contrats, les sociétés intimées entendent obtenir de Corinne MOREL le versement provisionnel, au titre de redevances trop-perçues, de la somme de 3056,49 euros à parfaire en fonction des comptes arrêtés au jour de la résiliation outre, en contrepartie de la remise du stock, le règlement de sa valeur calculée sur le prix public de l'exemplaire réduit de 33 % ;

Que Jean-Daniel BELFOND, concluant à la confirmation de sa mise hors de cause, estime abusive la procédure dirigée à son endroit et réclame 5000 euros de dommages-intérêts ;

Sur les limites de l'appel,

Considérant qu'il doit être à cet égard relevé que Corinne MOREL ne reprend ni dans les motifs ni dans le dispositif de ses dernières écritures la demande, soutenue sans succès devant les premiers juges, tendant à voir constater l'inexistence des contrats ; qu'elle est, par application des dispositions de l'article 753 alinéa 2 du Code de procédure civile, réputée l'abandonner, la cour ne statuant que sur les dernières conclusions signifiées ;

Sur la demande en nullité des clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) du contrat du 15 mai 2001,

Considérant qu'il est constant que les clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q), relatives à la rémunération de l'auteur, sont rédigées dans les mêmes termes dans les trois contrats litigieux ;

Que les premiers juges les ont annulées comme contraires aux dispositions impératives de l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle pour les contrats de 2004 et 2006 mais ont déclaré l'action en nullité prescrite pour le contrat du 15 mai 2001 ;

Que Corinne MOREL poursuit la réformation du jugement de ce chef et demande l'annulation des clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) du contrat du 15 mai 2001 ;

Mais considérant que les dispositions impératives de l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle, édictées dans le seul intérêt patrimonial de l'auteur, relèvent de l'ordre public de protection ; que, par voie de conséquence, leur violation n'ouvre droit qu'à une action en nullité relative, soumise, en application de l'article 1304 du Code civil, à la prescription quinquennale dont le point de départ est la date de la signature du contrat ;

Considérant qu'il ressort des éléments de la procédure que Corinne MOREL a, pour la première fois, soulevé la nullité du contrat du 15 mai 2001 dans l'acte introductif d'instance du 12 février 2008 ;

Qu'une telle prétention, émise plus de cinq ans après la passation de l'acte, est irrecevable comme prescrite ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande en nullité des clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) des contrats de 2004 et 2006,

Considérant que les sociétés éditrices, poursuivant la réformation du jugement dont appel de ce chef, soutiennent que les clauses querellées ne sont pas critiquables au regard des dispositions de l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle et n'encourent aucune nullité ;

Considérant que selon l'article L.131-4 précité, La cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation . ;

Considérant que la clause 7n) intitulée Droits d'auteur, est énoncée dans les termes suivants : Pour prix de la cession consentie, l'Auteur recevra les droits suivants, calculés sur le prix public de vente hors taxes des exemplaires vendus :

1. Sur les exemplaires ordinaires:

8% jusqu'à 10.000 exemplaires

10% de 10.001 jusqu'à 20.000 exemplaires

12% au delà de 20.000 exemplaires.

2. Sur les exemplaires reliés et/ou illustrés, les pourcentages stipulés au paragraphe 1. ci-dessus seront diminués uniformément de 25% pour tenir compte du prix de la reliure et/ou des illustrations.

3. Sur les exemplaires à format réduit ou poche, dans le cas où l'éditeur jugerait opportun d'entreprendre lui-même une édition de ce type: 5% uniformément.

4. Sur les exemplaires vendus dans le cadre d'un marché spécial, telle une vente directe par l'éditeur, ou conclu à un taux de remise supérieur ou égal à 50% sur le prix public, les droits seront calculés sur le prix de cession hors taxes encaissé par l'éditeur. ;

Considérant, en ce qui concerne les clauses 7n) 2 et 3, que si le principe de la participation proportionnelle de l'auteur aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation est imposé par la loi, la fixation du taux de la participation proportionnelle relève de la liberté contractuelle et peut faire l'objet, ainsi qu'il est dit expressément au Code des usages en matière de littérature générale, d'aménagements déterminés d'un commun accord en fonction des conditions nécessaires à une meilleure commercialisation de l'oeuvre ;

Qu'en l'espèce, les clauses litigieuses prévoient, pour des exploitations précisément et limitativement énumérées (éditions reliées et /ou illustrées, éditions poche), une diminution du taux de rémunération de l'auteur, lequel est fixé à 5%, uniformément, pour les formats poche, et calculé, s'agissant des exemplaires reliés et/ou illustrés, par application d'un pourcentage de réduction de 25% au taux de rémunération de base qui est, selon le volume des ventes, de 8% - 10% - 12% du prix public hors taxes de chaque exemplaire vendu ;

Que force est de constater que la règle de participation proportionnelle, tel que prescrite à l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle, est ici respectée dès lors que la rémunération de l'auteur demeure assise sur le prix public de vente hors taxes de l'ouvrage et reste fixée en fonction d'un taux déterminé (pour les formats poche) ou parfaitement déterminable (pour les éditions reliées et/ou illustrées) ;

Que c'est en vain que Corinne MOREL fait grief à la clause 7n) 3, qui confère à l'éditeur toute latitude pour entreprendre une exploitation en format poche, soumise à un moindre taux de rémunération pour l'auteur, de présenter un caractère potestatif, étant à cet égard relevé que l'éditeur a, en toute hypothèse, l'obligation d'exercer ses prérogatives quant au mode et au circuit de commercialisation dans l'intérêt commun des parties et avec l'objectif de donner à l'ouvrage toutes ses chances de succès auprès du public ;

Considérant qu'il s'infère de ces observations, étant rappelé que la stipulation au contrat d'un taux de rémunération différent pour des exploitations soumises à des conditions économiques différentes n'est pas en elle-même contestable, que c'est à tort que les premiers juges ont annulé comme contraires aux dispositions légales précitées les clauses 7n) 2 et 3 des contrats de 2004 et 2006 ;

Considérant, s'agissant des marchés spéciaux visés par la clause 7n) 4, qu'ils portent sur des ventes fermes, sans faculté de retour, négociées par l'éditeur moyennant une remise importante (égale ou supérieure à 50%) avec, en particulier, des sociétés de vente par correspondance, des clubs de lecture ou des comités d'entreprise ;

Qu'il est prévu, pour les exemplaires vendus dans le cadre de ces marchés spéciaux, une rémunération calculée, non pas sur le prix public de vente hors taxes mais sur le prix de cession hors taxes encaissé par l'éditeur ;

Or considérant que le prix de vente au public n'étant pas en l'espèce déterminé par l'éditeur, ni déterminable, une redevance assise sur le prix de cession hors taxes encaissé par l'éditeur est conforme au principe de la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ;

Considérant que Corinne MOREL critique par ailleurs, dans son principe même, la pratique des remises importantes octroyées par l'éditeur sur ces réseaux parallèles de distribution ;

Qu'il convient encore de rappeler qu'il relève des prérogatives de l'éditeur de fixer le prix de vente de l'ouvrage et que Corinne MOREL est au demeurant mal fondée à remettre en cause une pratique à laquelle elle a expressément consenti aux termes des contrats ; que force est d'ajouter que les marchés concernés ont pour particularité de porter sur des ventes fermes sans faculté de retour et ont pour avantage de protéger l'auteur contre les risques d'invendus auxquels il est soumis sur le circuit de distribution en librairies ainsi qu'il sera expliqué ci-après ; que, par voie de conséquence, les remises qui y sont pratiquées ne sont pas nuisibles aux intérêts de l'auteur ;

Qu'il suit de ces développements que la clause 7n) 4 des contrats de 2004 et 2006 n'est pas critiquable et que le jugement déféré sera réformé en ce qu'il l'a annulée ;

Considérant que la clause 7q), intitulée Comptes, stipule en son paragraphe 1er :

L'ensemble des droits dus à l'auteur (...) feront l'objet d'un arrêté des comptes annuels le 31 décembre de chaque année.

Les comptes récapitulatifs de l'ensemble des titres de l'Auteur publiés par l'Editeur seront remis à l'Auteur et le solde créditeur lui sera payable, à partir du 1er avril suivant.

Toutefois, le premier arrêté des comptes d'un ouvrage ne pourra être fait que six mois après sa mise en vente et suivant les renseignements fournis par le diffuseur. Il tiendra compte du pourcentage prévisible de retours et sera adressé à l'Auteur le 1er avril suivant le sixième mois d'exploitation de l'ouvrage. ;

Qu'elle est querellée en ce qu'elle institue, pour la première année d'exploitation de l'ouvrage, une provision sur retours ;

Or considérant qu'il ressort de la procédure que les ventes aux libraires sont faites, suivant les usages professionnels en la matière, moyennant une faculté de retour, de sorte que le nombre d'exemplaires effectivement vendus n'est déterminé que plusieurs mois après l'exposition à la vente de l'ouvrage en librairie ;

Qu'il suit de ces éléments, que la provision sur retours consiste à prendre en compte, lors de la première reddition annuelle des comptes, le nombre prévisible d'exemplaires qui seront renvoyés à l'éditeur par les libraires, provision qui est réintégrée l'année suivante aux comptes de l'auteur de sorte que celui-ci ne sera rémunéré que sur les ventes positives (c'est-à-dire déduction faite des retours qui constituent des ventes négatives sur lesquelles l'éditeur ne perçoit aucun prix ) ;

Que la provision sur retours ne génère en conséquence pour l'auteur ni diminution des recettes, ni perte de rémunération, et présente au contraire l'avantage de le préserver du risque de devoir rembourser à l'éditeur une rémunération qui aurait été calculée sur des ventes négatives ;

Qu'elle ne réalise en conséquence aucune atteinte aux dispositions impératives gouvernant la rémunération de l'auteur et relève des modalités de la reddition des comptes, dont les parties sont libres de convenir ;

Que la décision entreprise sera encore infirmée en ce qu'elle porte annulation de la clause 7q) en son paragraphe 1er des contrats de 2004 et 2006 ;

Sur la demande en résiliation des contrats,

Considérant que Corinne MOREL fait valoir, en premier lieu, au soutien de sa demande en résiliation des contrats, que l'éditeur a manqué à ses obligations en lui présentant pour les ouvrages Dictionnaire des Symboles et Jardin des Sagesses des relevés de comptes incohérents et manifestement erronés qui ne sont pas de nature à justifier du montant exact de ses droits ; qu'elle ajoute dans les termes du dispositif de ces dernières écritures, sans avoir pour autant développé, dans le corps de ces mêmes écritures, les moyens soutenant une telle demande, que les comptes n'ont pas été rendus dans les délais et formes prévus aux contrats dans la période de 2008 à 2011 ;

Or considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que :

- s'agissant de l'ouvrage Dictionnaire des Symboles, l'éditeur a adressé à l'auteur :

* pour les éditions reliées, publiées le 25 février 2004, les relevés suivants :

n° 2689 du 8 avril 2005 pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004,

n° 5604 du 4 avril 2006 pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005,

n° 6877 du 9 avril 2007 pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006,

n° 9293 du 21 avril 2008 pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007,

n° 14955 du 23 janvier 2010 pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009,

(un relevé correctif  6971 a été par ailleurs envoyé à l'auteur le 21 septembre 2007 pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005)

* pour les éditions brochées, publiées le 14 septembre 2005, les relevés suivants :

n° 7309 du 21 septembre 2007 pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005,

n° 7101 du 9 avril 2007 pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006,

n° 8789 du 21 avril 2008 pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007,

n° 9055 du 12 mars 2009 pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008,

n° 13356 du 7 avril 2010 pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ;

- concernant l'ouvrage Jardin des Sagesses , qui n'a fait l'objet que d'une édition reliée le 21 novembre 2006, les relevés suivants :

n° 1265 du 30 avril 2007 pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006,

n° 1381 du 21 avril 2008 pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007,

n° 1453 du 9 mars 2009 pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008,

n° 2292 du 26 mars 2010 pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ;

- concernant l'ouvrage Tout l'amour du monde, paru le 22 janvier 2008 en édition brochée, les relevés suivants :

n° 9616 du 9 mars 2009 pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008,

n° 13434 du 30 mars 2010 pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 ;

Considérant que Corinne MOREL s'est vue remettre en outre, le 30 juin 2011, un état récapitulatif de ses droits au 31 décembre 2010, pour chacun des trois ouvrages en cause;

Considérant qu'il manque aux productions le relevé de comptes pour l'année 2008 concernant l'édition reliée du Dictionnaire des Symboles ; que force est de constater toutefois que la procédure ne portant trace d'aucune réclamation de Corinne MOREL, il n'est pas permis de douter que les comptes afférents à cette période lui ont été rendus à bonne date ;

Considérant qu'il apparaît que les relevés de comptes font état, conformément aux dispositions de l'article L132-13 du Code de la propriété intellectuelle, reprises dans les contrats en cause à l'article 7j), de l'importance du tirage, du nombre d'exemplaires en stock, du nombre d'exemplaires vendus par l'éditeur, du nombre d'exemplaires détruits, du montant des redevances versées à l'auteur et qu'ils ont été établis aux dates et selon la périodicité fixées à la clause 7q), ci-avant énoncée, des contrats ;

Qu'il suit de ces éléments que Corinne MOREL n'est pas fondée à prétendre que les comptes ne lui auraient pas été remis dans les conditions de formes et de délais prévues aux contrats ;

Considérant que pour mettre en doute la fiabilité des comptes, Corinne MOREL relève des anomalies tenant :

- au nombre d'exemplaires en stock comparé au nombre, plus important, de ventes directes par l'éditeur sur les marchés spéciaux (club GLM, Reader's Digest),

- au nombre excessif et invraisemblable de mises au pilon,

- aux variations inexplicables du stock ;

Mais considérant qu'il résulte des éléments versés à la procédure que les 'anomalies' pointées par l'auteur trouvent leur origine dans la faculté donnée aux libraires de retourner à l'éditeur, passé un délai qui peut être de plusieurs mois, les exemplaires invendus, une telle pratique ayant pour effet de créer un décalage dans le temps entre les ventes 'brutes' et les ventes 'nettes', d'affecter les mouvements de stock et de générer des variations dans le chiffre des mises au pilon ;

Qu'il apparaît ainsi que les exemplaires retournés sont comptabilisés dans les mises au pilon avant d'être, soit détruits compte tenu de leur état, soit vendus sur le réseau parallèle des marchés spéciaux ce qui explique que le relevé  9055, mis en exergue par Corinne MOREL, fasse figurer au poste 'pilon' un chiffre négatif, lequel correspond au nombre d'exemplaires 'extraits du pilon' pour être vendus dans le cadre des marchés spéciaux ;

Que de même, la différence décelée dans le relevé  5604, entre le stock au 1er janvier 2005 (1131) et le nombre d'ouvrages vendus au Reader's Digest au 31 décembre 2005 (1700), s'explique par l'augmentation du stock résultant de la part des exemplaires retournés par les libraires qui est ensuite proposée à la vente sur les marchés spéciaux ;

Considérant, ceci étant posé, qu'il importe essentiellement, de s'assurer que le risque de dissimulation des ventes invoqué par Corinne MOREL n'est pas avéré et de vérifier que le nombre de ventes comptabilisées par l'éditeur comme ouvrant droit à redevances d'auteur est exact et sincère ;

Que la cour relève à cet égard que les relevés de ventes émis par la société HACHETTE LIVRE, distributeur exclusif de l'éditeur auprès des libraires, versés aux débats pour chaque ouvrage, de la date de publication au 31 décembre 2010, indiquent précisément tant le nombre de ventes 'brutes' que le nombre d'ouvrages retournés et, par voie de conséquence, le nombre des ventes 'nettes' réalisées en librairies ;

Que, de même, les bons de commande en provenance de la Sélection du Reader'sDigest et du club de lecture France-Abonnement, et les bons de livraison consécutifs, justifient jusqu'à la date du 31 décembre 2010 du volume des ventes fermes directement négociées par l'éditeur sur les marchés spéciaux ;

Et que ces éléments ensemble, émanant de tiers au litige, montrent des chiffres qui sont en parfaite concordance avec le nombre des 'ventes nettes' figurant sur les relevés de comptes annuels de l'éditeur et constituant l'assiette de la rémunération de l'auteur ;

Qu'il s'ensuit que les variations comptables observées sur le stock et sur les mises au pilon n'affectent pas la cohérence et la fiabilité des comptes et sont sans incidence sur la rémunération de l'auteur qui a bien été calculée et réglée sur la base du nombre exact des exemplaires d'ouvrages vendus ;

Que le grief tiré du manquement par l'éditeur à l'obligation de reddition et de justification des comptes n'est pas fondé ;

Considérant que Corinne MOREL soutient en deuxième lieu, et pour la première fois devant la cour, que l'éditeur a failli, depuis l'introduction de la procédure à son obligation d'assurer une exploitation permanente et suivie ainsi qu'en atteste la chute des ventes en 2009 et 2010 ;

Qu'elle prétend à cet effet que les relevés de comptes de la société HACHETTE LIVRE montreraient pour l'édition brochée du Dictionnaire des Symboles un nombre de ventes de 1859 en 2005, 1482 en 2006, 635 en 2007, 589 en 2008, 60 en 2009, 3 en 2010, pour l'ouvrage Jardin des Sagesses, 1983 exemplaires vendus en 2006, 243 en 2007, 37 en 2008, 39 en 2009, 18 en 2010, et pour Tout l'amour du monde 621 exemplaires en 2008, 65 en 2009 et 4 en 2010 ;

Mais considérant qu'il résulte des éléments de la procédure que le chiffre annoncé pour la première année d'exploitation de l'ouvrage ne correspond pas au nombre de ventes effectivement réalisées en réseau librairies au cours de la même année mais au nombre d'exemplaires mis en place d'office dans les librairies à la publication de l'ouvrage, conformément aux usages professionnels en cours tandis que les chiffres des années suivantes correspondent par contre aux ventes effectivement réalisées déduction faite des retours d'ouvrages invendus opérés par les libraires ;

Considérant que Corinne MOREL ajoute que les ventes en librairie auraient été sacrifiées au profit des ventes dans le cadre des marchés spéciaux ;

Or considérant qu'il résulte des éléments précédemment relevés que chaque ouvrage a fait l'objet à sa parution d'une mise en place d'office dans les librairies à hauteur d'un nombre d'exemplaires qui apparaît raisonnable au regard des usages en la matière ;

Que, s'agissant des années suivantes, Corinne MOREL ne démontre ni même allègue que des commandes des libraires n'auraient pas été satisfaites par l'éditeur ;

Considérant que la cour relève par ailleurs que l'éditeur a entrepris en novembre 2009 une édition en format poche du Dictionnaire des Symboles et en a été félicité par l'auteur aux termes d'un courrier électronique du 7 janvier 2010 ;

Qu'il s'ensuit que le défaut d'exploitation n'est pas établi ;

Considérant que Corinne MOREL reproche en troisième lieu à l'éditeur d'avoir fait publier en janvier 2008 l'ouvrage Tout l'amour du monde sans bon-à-tirer et de lui avoir ainsi causé, en raison des corrections qu'elle n'a pu apporter à son oeuvre, un préjudice moral;

Considérant que le contrat du 24 mai 2006 portant sur l'ouvrage en cause stipule à l'article

7 e) : L'éditeur communiquera à l'auteur les épreuves d'imprimerie de l'ouvrage. L'auteur s'engage à les corriger dans un délai maximum de 10 jours et à les retourner à l'éditeur revêtues de son bon-à-tirer. Passé ce délai, l'éditeur pourra confier les épreuves à un correcteur de son choix, et, après corrections, procéder au tirage (...) ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que les épreuves de l'ouvrage Tout l'amour du monde ont été adressées à Corinne MOREL le 14 novembre 2007 par courrier électronique puis le 6 décembre 2007 par courrier recommandé ; que l'auteur après avoir répondu par un courrier électronique du 16 novembre 2007 : 'Je m'en occupe ce week-end et vous adresse le tout au plus tard lundi matin' indiquait à son éditeur, aux termes de mails successifs, les 14 décembre et 15 décembre 2007: 'Faites ce qui vous semble à propos de Tout l'amour du monde. Je me dégage de toute responsabilité à ce sujet' et 'Je dégage donc ma responsabilité des erreurs qui pourraient demeurer une fois le livre publié.' ;

Que Corinne MOREL est en conséquence mal fondée, au regard des termes du contrat, à faire grief à l'éditeur d'avoir en de telles circonstances fait son affaire de la correction des épreuves de l'ouvrage ;

Considérant qu'il s'infère de ces développements que la demande en résiliation des contrats n'est pas justifiée de même que toutes les demandes subséquentes de Corinne MOREL et que le jugement dont appel doit être confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes,

Considérant qu'il n'est pas contesté que Corinne MOREL a perçu, conformément aux stipulations contractuelles, à l'acceptation par l'éditeur du manuscrit, des avances sur droits d'auteur, pour les ouvrages en cause, d'un montant total de 23.622,44 euros ;

Que le tribunal, faisant droit à la demande formulée de ce chef par l'éditeur, a condamné Corinne MOREL à payer la somme de 3381,03 euros au titre du trop-perçu révélé au terme de la compensation globale des comptes d'exploitation des trois ouvrages ;

Considérant qu'en cause d'appel, force est de constater que la demande en paiement provisionnel au titre du trop-perçu n'est formée qu'à titre subsidiaire, pour le cas où la résiliation des contrats serait prononcée ;

Considérant qu'il s'infère du sens de l'arrêt que les contrats ne sont pas résiliés ;

Que la demande relative au trop-perçu est dès lors sans objet ;

Considérant qu'aucune faute n'étant retenue à la charge des sociétés d'édition, la responsabilité personnelle de leur représentant légal, Jean-Daniel BELFOND, ne saurait être recherchée ;

Considérant qu'il n'est pas pour autant établi que la procédure engagée à l'encontre de ce dernier par Corinne MOREL procède d'une intention malveillante non plus que d'une légèreté blâmable ; qu'il ressort en effet des pièces de la procédure que l'auteur, dans ses relations avec l'éditeur, a toujours eu Jean-Daniel BELFOND pour unique interlocuteur et a pu, dans un tel contexte, légitimement estimer que sa responsabilité personnelle était susceptible d'être mise en cause ;

Qu'ainsi, l'abus du droit d'ester en justice et du droit de faire appel n'est pas caractérisé;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive de Jean-Daniel BELFOND qui sera également débouté de sa demande pour appel abusif ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes respectivement formées au titre des frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement entrepris sauf en ce qu'il prononce la nullité des clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) des contrats du 22 novembre 2004 et 24 mai 2006 et en ce qu'il condamne in solidum les sociétés ECRITURE ET COMMUNICATION et PRESSE DU CHATELET à payer à Corinne MOREL la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Déboute Corinne MOREL de sa demande en nullité des clauses 7n) 2,3 et 4 et 7q) des contrats du 22 novembre 2004 et 24 mai 2006 et de sa demande en dommages-intérêts de ce chef,

Y ajoutant,

Constate que la demande en paiement provisionnel formée à titre subsidiaire par les sociétés ECRITURE ET COMMUNICATION et PRESSE DU CHATELET au titre du trop-perçu est sans objet,

Déboute Jean-Daniel BELFOND de sa demande pour appel abusif,

Déboute des demandes formées au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne Corinne MOREL aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.