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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 2 novembre 2022, n° 20/18680

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société ADIDAS AG, S.A.R.L. ADIDAS FRANCE

Défendeur :

S.A.S.U. [M] ANDY

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Isabelle DOUILLET

Conseillers :

Mme Françoise BARUTEL, Mme Deborah BOHEE

Avocats :

SCP AFG, Me Thibault LENTINI, Me Matthieu BOCCON GIBOD, Me Julien CANLORBE

Paris, du 09 oct. 2020

9 octobre 2020

La société de droit allemand Adidas Ag, qui crée et commercialise des articles de sports dans le monde entier, est titulaire de la marque de l'Union européenne figurative n° 3517661 (n° 661) déposée le 3 novembre 2003, dûment renouvelée, pour désigner les vêtements en classe 25, représentée et décrite de la façon suivante :

'La marque se compose de trois bandes parallèles de même taille et de même largeur, apposées sur un pantalon ou un short; les bandes font un tiers (1/3) ou plus de la longueur latérale du pantalon ou du short'.

La société Adidas France assure en France la commercialisation et la distribution des articles de sport du groupe Adidas dont elle est une filiale.

La société [M] Andy ([M]), appartenant au groupe SMCP, a pour activité la commercialisation, l'importation et l'exportation d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode, en France et à l'étranger.

La société Adidas Ag indique avoir constaté fin 2017, sur le site internet 'fr.[M]- Paris .com' exploité par la société [M], l'offre à la vente de pantalons de détente à deux bandes parallèles, et de sweat-shirts à trois bandes parallèles contrefaisant, selon elle, sa marque.

La société [M] ayant retiré de la vente les sweat-shirts à trois bandes mais ayant refusé d'en faire de même pour les pantalons à deux bandes, la société Adidas Ag, après avoir procédé à l'achat du pantalon litigieux référencé Driss P10803H, a été autorisée par ordonnance du 17 mai 2018 du juge délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris , à faire procéder à une saisie contrefaçon, qui s'est déroulée le 30 mai 2018, au siège du groupe SMCP et dans la boutique [M] située [Adresse 4]. Ces opérations ont révélé l'importation de 5 717 pantalons à deux bandes référencés Driss P10803H prétendument contrefaisants, et la vente de 768 exemplaires pour un chiffre d'affaires total de 146 913 euros.

Puis, par exploit d'huissier du 25 juin 2018, les sociétés Adidas Ag et Adidas France (ensemble Adidas) ont assigné la société [M] devant le tribunal de grande instance de Paris , à titre principal, en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, et subsidiairement, en réparation de l'atteinte à la marque renommée.

Par jugement prononcé le 9 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire,

- Débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire,

- Débouté la société Adidas France de sa demande fondée sur la concurrence déloyale,

- Condamné in solidum les sociétés Adidas Ag et Adidas France à payer à la société [M] Andy la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné les sociétés Adidas Ag et Adidas France aux dépens qui seront recouvrés par Maître Thibault Lentini, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés Adidas ont interjeté appel de ce jugement le 18 décembre 2020.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 3, transmises le 10 juin 2022 , les sociétés Adidas Ag et Adidas France demandent à la cour de :

Vu les articles 9, 126 et 130 du Règlement sur la marque de l'Union européenne n° 2017/1001 et L. 716-14 (L. 716-4-10 dans la version issue de l'Ordonnance du 13 novembre 2019), L. 716-15 (L. 716-4-11 dans la version issue de l'Ordonnance du 13 novembre 2019) et L. 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les pièces énumérées au bordereau annexé aux présentes conclusions,

- Infirmer le jugement rendu le 9 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a :

*débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire ;

*débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire ;

*débouté la société Adidas France de sa demande fondée sur la concurrence déloyale ;

*condamné in solidum les sociétés Adidas Ag et Adidas France à payer à la société [M] Andy la somme de 35.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

*ordonné l'exécution provisoire ;

*condamné les sociétés Adidas Ag et Adidas France aux dépens.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- Dire et juger que l'importation, la détention, l'offre à la vente, la vente et la promotion par la société [M] Andy de pantalons revêtus de signes imitant illicitement la marque de l'Union européenne n° 3517661 de la société Adidas Ag constituent des actes de contrefaçon au sens des dispositions légales précitées ;

- Dire et juger qu'en important, détenant, offrant à la vente, vendant et assurant la promotion des pantalons contrefaisant la marque d'Adidas Ag, la société [M] Andy a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Adidas France ;

En conséquence,

- Condamner la société [M] Andy à payer à la société Adidas Ag la somme forfaitaire de quatre vingt mille euros (80.000 €) en réparation du préjudice patrimonial subi du fait de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne n° 3517661 ;

- Condamner la société [M] Andy à payer à la société Adidas Ag la somme de dix mille euros (10.000 €) en réparation de son préjudice moral du fait de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne n° 3517661 ;

- Condamner la société [M] Andy à payer à la société Adidas France la somme de cent dix mille euros (110.000 €) en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

Subsidiairement :

- Dire et juger qu'en important, détenant, offrant à la vente, vendant et assurant la promotion des pantalons sur lesquels figurent un signe portant atteinte à la marque renommée de l'Union européenne n° 3517661 de la société Adidas Ag, la société [M] Andy a sans juste motif, indûment tiré profit du caractère distinctif et de la renommée de la marque précitée et a porté préjudice à ces derniers, de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité au regard des articles 9 du Règlement sur la marque de l'Union européenne n° 2017/1001 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle tels qu'ils doivent être appliqués conformément à la jurisprudence de la CJUE ;

En conséquence,

- Condamner la société [M] Andy à payer à la société Adidas Ag la somme de quatre-vingt-dix mille euros (90.000 €) en réparation du préjudice subi de ce fait ;

En tout état de cause :

- Faire interdiction à la société [M] Andy, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, d'une part, de continuer à détenir et distribuer les pantalons référencés Driss P10803H revêtus de deux bandes le long des jambes, d'autre part, de reproduire ou imiter la marque de l'Union européenne n° 3517661, sous quelque forme que ce soit, et encore de fabriquer, d'importer, de détenir, de promouvoir, d'offrir à la vente et de vendre des produits reproduisant ou imitant cette marque et ce, sous astreinte définitive de cent cinquante euros (150 €) par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Ordonner le rappel des circuits commerciaux, pour l'ensemble du territoire de l'Union européenne, aux frais de la société [M] Andy et sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de l'ensemble des produits litigieux, publicités et autres matériels de vente imitant la marque de l'Union européenne n° 3517661 de la société Adidas Ag et en la possession de la société [M] Andy ou de tout tiers ;

- Ordonner la destruction, aux frais de la société [M] Andy, sous contrôle d'un huissier de justice et sous astreinte de cent cinquante euros (150 €) par jour de retard à compter du vingtième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de l'ensemble des produits contrefaisants et, le cas é ch éant, des publicités et autres matériels de vente imitant la marque de l'Union européenne n° 3517661 de la société Adidas Ag ;

- Ordonner la publication, aux frais de la société [M] Andy, de la décision à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de Adidas Ag, dans la limite de cinq mille euros hors taxe (5.000 € H.T.) par insertion ;

- Condamner la société [M] Andy à verser aux sociétés Adidas la somme de soixante mille euros (60.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société [M] Andy aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP AFG avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dans ses dernières conclusions d'intimée numérotées 3, transmises le 29 juin 2022 ,la société [M] Andy demande à la cour de :

Vu le Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 9 octobre 2020 ;

Vu l'article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne ;

Vu le Livre VII du Code de la propriété intellectuelle ;

Vu l'article 1240 du Code civil ;

A titre principal :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 octobre 2020 en toutes ses dispositions, c'est-à-dire en ce qu'il a :

- Débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire,

- Débouté la société Adidas Ag de ses demandes au titre de l'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne n° 003517661 dont elle est titulaire,

- Débouté la société Adidas France de sa demande fondée sur la concurrence déloyale,

- Condamné in solidum les sociétés Adidas Ag et Adidas France à payer à la société [M] Andy la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné les sociétés Adidas Ag et Adidas France aux dépens.

A titre subsidiaire :

- Limiter les mesures « complémentaires » éventuellement prononcées par la cour aux seules références de produits qui auront été préalablement jugées en contrefaçon des droits d'Adidas Ag et au seul territoire français ;

En tout état de cause :

Condamner in solidum les sociétés Adidas Ag et Adidas France à payer à la société [M] Andy la somme de quarante mille euros (40.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les sociétés Adidas Ag et Adidas France aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022 .

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la contrefaçon par imitation de la marque de l'Union européenne n° 661

La société Adidas soutient que le signe litigieux à deux bandes figurant sur les pantalons Driss commercialisés par la société [M] constitue l'imitation illicite de sa marque de l'Union européenne.

Elle fait valoir que la CJUE a donné tort à des contrefacteurs invoquant l'impératif de disponibilité d'un motif à bandes ainsi que son caractère exclusivement décoratif afin de se soustraire à leur responsabilité civile et que la Cour de cassation par une décision du 31 janvier 2018 a cassé un arrêt de la cour d'appel de Paris pour ne pas avoir procédé à l'appréciation du risque de confusion prenant en considération la notoriété de la marque antérieure.

Elle considère que les produits en cause sont identiques et non 'similaires voire identiques' comme l'a retenu le tribunal ; que le public pertinent est un consommateur de vêtements d'attention moyenne ; que les signes sont fortement similaires puisque les bandes des signes en cause sont toutes verticales, parallèles, contrastantes, de même longueur, de même largeur, de même couleur et apposées sur le côté le long de la jambe, et que la seule différence, qui réside dans le nombre de bandes, deux au lieu de trois pour la marque Adidas, est insuffisante à remettre en cause cette similitude.

Elle critique l'appréciation du tribunal quant à l'insuffisante prise en compte des ressemblances (bandes contrastantes, de même longueur et de même largeur), et estime que la petite différence tenant à la largeur et à l'écartement légèrement différent des bandes est inopérante étant donné qu'un consommateur d'attention moyenne ne se livre pas à une analyse aussi détaillée des signes.

Elle relève l'indifférence du dépôt de la marque Adidas en noir et blanc dès lors que l'enregistrement de la marque antérieure ne désigne aucune couleur particulière, et prétend que les décisions rendues sur ce point quant à l'appréciation du caractère distinctif acquis par l'usage ne sont pas applicables à la question de l'appréciation du risque de confusion.

Elle soutient que le signe litigieux n'est pas exclusivement décoratif ; qu' au regard de la décision Adidas/Marca Mode II de la CJUE du 10 avril 2008 un usage à titre de marque n'est pas exclusif d'un usage décoratif, et que la question de savoir si un motif à deux bandes est susceptible d'être perçu par le consommateur comme une marque et non uniquement comme un motif décoratif, dépend d'une analyse globale prenant en compte la similitude des signes et le degré de renommée et de distinctivité de la marque antérieure.

Elle ajoute que du fait de cette renommée et distinctivité exceptionnelle, le public est habitué à percevoir le signe à bandes apposé sur le côté d'un pantalon comme une marque, et risque en conséquence de l'associer à la marque Adidas.

Elle soutient que la circonstance qu'une certaine tendance de pantalons revêtus de bandes aurait émergé ces dernières années n'est pas de nature à exclure que ceux à deux bandes similaires à la marque Adidas, tel que le pantalon Driss incriminé, puissent être perçus comme une marque ; que cette mode est une conséquence directe de l'immense notoriété du jogging Adidas et de ses bandes, et non du galon militaire comme retenu à tort par le tribunal, de sorte que tout signe similaire apposé sur un produit identique est susceptible d'être perçu comme une marque.

Elle estime que compte tenu de l'identité des produits, de ce que les frontières entre sport et mode se sont effacées, de ce que les signes en cause dégagent une impression d'ensemble très similaire pour le consommateur et de ce que la marque jouit d'une renommée exceptionnelle, il n'est pas exclu que le consommateur puisse associer les signes et penser que le pantalon Driss est commercialisé par Adidas ou par une entreprise économiquement liée, et ce d'autant que les grandes marques de mode ont conclu des partenariats avec Adidas, et qu'elle produit un sondage justifiant de la confusion.

La société Adidas Ag reproche aux premiers juges d'avoir dénié toute force probante au sondage qu'elle a produit sur le risque de confusion alors que 61% des sondés ont mentionné Adidas ce qui prouve que le motif incriminé a joué la fonction d'une marque et qu'il est susceptible d'être associé à Adidas.

En réponse aux critiques de la société [M] relativement à la force probante du sondage, elle fait valoir que les deux sondages produits, l'un sur la notoriété de la marque Adidas, l'autre sur le risque de confusion avec le pantalon litigieux, ont été réalisés sur des échantillons de population distincts, et qu'il importe peu qu'ils aient été réalisés plus de 8 mois après la constatation des faits, la perception des consommateurs n'ayant pu évoluer en un laps de temps aussi bref. Elle ajoute que les conditions d'exploitation concrètes des produits litigieux sont sans pertinence sur l'appréciation du risque de confusion ainsi que cela est notamment rappelé par la Cour de cassation, et que les décisions citées par la société [M] sont à cet égard critiquables et isolées.

La société [M] soutient que le public pertinent est susceptible d'apporter une attention particulièrement élevée aux détails du produit commercialisé.

Elle conteste le caractère pertinent des jurisprudences produites par les sociétés Adidas relatives à des pantalons de sport jugés contrefaisants, et oppose des jugements récents dans lesquels le tribunal a écarté toute contrefaçon par imitation au sujet de vêtements commercialisés par Zadig et Voltaire et [F] [W].

Elle rappelle que la marque revendiquée est constituée de l'apposition sur le côté d'un pantalon, de trois bandes ainsi que cela est représenté et mentionné sur le certificat d'enregistrement, la marque étant connue comme la 'marque à trois bandes' alors que le motif ornant le pantalon litigieux comporte seulement deux galons.

Elle ajoute que la marque antérieure comporte trois bandes de même largeur, l'espace entre les bandes ayant une largeur identique à celle des bandes, alors que dans le motif litigieux la largeur de chacun des galons (1,75 cm) est presque deux fois supérieure à la largeur du tissu entre deux galons (1 cm), cette différence conférant un effet visuel distinct de celui d'équidistance que le public associe à la marque à trois bandes, le public concerné étant plus susceptible de rapprocher les pantalons litigieux de pantalons militaires.

S'agissant des couleurs, elle prétend que si la marque déposée sans revendication de couleur voit sa protection étendue à une combinaison de couleurs, en revanche la revendication d'un schéma de couleurs, en l'espèce bandes de couleur sombre sur fond blanc dans la marque antérieure, ne confère pas à son titulaire une protection sur le schéma de couleurs inverse, de sorte que le tribunal a retenu à juste titre que le pantalon [M] comprenant des bandes roses clair sur fond foncé produit une impression distincte de celle de la marque Adidas.

Elle invoque une jurisprudence du Tribunal de l'Union européenne (TUE 19 juin 2019 T 307/17 Adidas Ag) qui a retenu qu'en présence d'une marque présentant une certaine simplicité et peu de caractéristiques, la configuration des caractéristiques a une importance d'autant plus grande pour déterminer l'objet de la protection, et que le fait d'inverser le schéma de couleurs même en conservant un fort contraste entre les bandes et le fond ne peut être qualifié de variation négligeable.

Elle soutient que les motifs litigieux ne seront pas perçus en tant que marque ; que la CJCE dans son arrêt du 23 octobre 2003 C 408/01 Adidas Salomon, a dit que lorsque le public concerné perçoit le signe exclusivement comme une décoration il n'établit par hypothèse aucun lien avec la marque enregistrée ; qu'en l'espèce le motif n'est pas susceptible d'être perçu comme une marque en ce que [M] ne le revendique pas en tant que marque, le pantalon litigieux étant commercialisé sous la marque [M] qui figure sur l'étiquette et ce exclusivement au sein du réseau de vente [M], et sans que [M] en fasse un usage équivoque, le motif à galons latéraux étant décliné sous des formes diverses qu'il s'agisse du nombre de galons, de leurs largeurs, espacements, couleurs, sans aucune unicité, de sorte que le consommateur ne perçoit pas ce motif comme une indication de l'origine commerciale, et ce d'autant que de nombreux opérateurs du secteur vestimentaire déclinaient à la date des faits un motif à bandes latérales pour décorer leurs propres produits ; que la notoriété de la marque Adidas ne peut priver le motif incriminé de son caractère exclusivement décoratif.

Elle critique enfin les sondages produits en faisant valoir qu'ils ont été réalisés en ligne sans information sur la manière dont les visuels étaient présentés et les questions posées; que la marge d'erreur n'est pas communiquée ; qu'ils ont été réalisés en janvier et février 2019 plus d'un an après la commercialisation des pantalons [M] et ce alors que la saison 2017/2018 était dominée par l'emploi de motifs à bandes ce qui importe pour la perception du consommateur ; que la présentation en ligne d'un pantalon est déconnectée de la réalité de l'exploitation à savoir dans une boutique à enseigne [M], avec une étiquette [M] très visible, la marque [M] étant également apposée à l'intérieur du pantalon et ce dans le cadre d'une collection de pantalons à motif de galons, ce qui ne pouvait que renforcer la perception de ce motif comme un simple ornement, et non comme une marque ; que la présentation des résultats tout comme la conduite des études est biaisée. Elle en conclut que les consommateurs interrogés ne se trouvaient pas dans une situation tenant compte de l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce, et qu'en conséquence l'existence d'un risque de confusion ne peut se déduire des résultats du sondage par ailleurs sujet à caution.

En application de l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :

'1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;

(...)'.

Les produits en cause

Afin de déterminer si les produits et/ou services sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

La marque n°661 a été enregistrée en classe 25 pour des 'vêtements' et le signe litigieux est apposé sur un pantalon de détente de sorte que les produits en cause sont des produits identiques.

Le public pertinent

Le public pertinent est le consommateur de vêtements dont le niveau d'attention est moyen, et qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

La comparaison des signes

Les signes en conflit sont les suivants :

marque n°661 Pantalon Driss incriminé

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, le risque étant d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause ; le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure constituent des facteurs pertinents pour l'appréciation, non pas de la similitude de la marque et du signe en conflit, mais de l'existence d'un lien entre eux dans l'esprit du public.

Il convient donc tout d'abord de comparer les signes en litige avant de procéder à l'appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.

S'agissant de signes exclusivement figuratifs sans signification particulière, les parties, tout comme les premiers juges, doivent être approuvés en ce qu'ils n'ont procédé qu'à une comparaison visuelle.

Les ressemblances visuelles entre les signes en présence tiennent au fait que dans les deux cas, des bandes parallèles sont apposées sur les côtés extérieurs des jambes du pantalon, du haut jusqu'en bas.

Les signes en cause se différencient cependant tant par le nombre de bandes, trois dans la marque revendiquée et seulement deux dans le signe incriminé, ainsi que par la largeur et l'espacement entre les bandes, fines et équidistantes dans la marque antérieure, alors qu'elles sont plus larges et séparées par un espace plus étroit que la largeur des bandes dans le signe incriminé, ces différences tant dans le nombre que dans la largeur et l'espacement des bandes créant une impression visuelle très différente perceptible au premier regard sans que le consommateur visé ait à se livrer à un examen des différents détails des signes incriminés ni sans qu'il ait besoin de les avoir simultanément sous les yeux. Les similitudes visuelles entre la marque et le signe incriminé sont donc plutôt faibles.

S'agissant de la distinctivité et de la notoriété de la marque n°661 revendiquée, les sociétés Adidas démontrent par la production de nombreux articles de presse, des collaborations de la marque avec des célébrités, des designers et des marques de mode reconnus tels que Alexander Wang, Balenciaga, Beyoncé, Prada ou Gucci, ainsi que d'une étude de notoriété établissant que 64% des personnes, à qui la marque figurative litigieuse n°661 est présentée, l'associent spontanément à Adidas, que cette marque, connue comme 'la marque à trois bandes' bénéficie d'une distinctivité et d'une notoriété élevées, ancienne et persistante.

Cette distinctivité et cette renommée élevées de la marque doivent être prises en compte dans l'appréciation du risque de confusion entre la marque invoquée et le pantalon incriminé.

La société [M] invoque le caractère purement décoratif du motif litigieux apposé sur son pantalon Driss exclusif selon elle d'un usage à titre de marque, et donc de tout risque de confusion.

La cour rappelle que dans son arrêt Adidas vs Marca du 10 avril 2008 C102-07 la CJUE a dit (points 34 et 35) que la perception par le public d'un signe comme constituant un ornement ne saurait faire obstacle à la protection conférée par la marque lorsque, malgré son caractère décoratif, ledit signe présente une similitude avec la marque enregistrée telle que le public concerné est susceptible de croire que les produits proviennent de la même entreprise ou, le cas é ch éant, d'entreprises liées économiquement ; qu'il convient d'apprécier si le consommateur moyen peut se méprendre sur l'origine de ce produit, en croyant que celui-ci est commercialisé par le titulaire de la marque ou une entreprise liée économiquement à celui-ci.

En l'espèce, il est démontré à suffisance par la société [M] que l'apposition de deux bandes sur le côté de son pantalon Driss est faite à titre de motif décoratif, les pantalons à bandes étant une tendance du marché au cours de la saison 2017/2018 ainsi qu'il est justifié par la production d'extraits du blog comptoiraufeminin.com daté du 14 décembre 2016 consacrant un article au « Pantalon à bandes blanches » et présentant un pantalon de marque Pimkie 2015 orné de deux bandes latérales parallèles blanches, du site Internet elle.fr du mois de janvier 2017 titrant « Le pantalon à bandes, nouvel objet de désir ' » et publiant plusieurs clichés de pantalons ornés de motifs à bandes latérales, du blog leseclaireuses.com daté du 7 août 2017 consacrant un article intitulé « Pantalon à bandes : le meilleur allié mode pour des jambes mannequins », de L'Express Styles du 27 septembre 2017 publiant une étude « Je peux (encore) le pantalon à bandes latérales ' », et du site Internet du magazine GQ en date du 31 octobre 2017 dédiant une chronique mode aux « 8 pantalons à rayures pour être tendance » et présentant plusieurs modèles de pantalons à rayures de marques prestigieuses telles que Burberry, Dolce & Gabanna, Givenchy ou Lanvin.

Le caractère purement ornemental du motif incriminé placé sur le pantalon litigieux conformément à une tendance de la mode au cours de la saison 2017/2018 allié à la similitude plutôt faible entre les signes en présence, créant pour le consommateur visé une perception distincte de celle d'équidistance que le public associe à la marque à trois bandes, exclut tout risque de confusion, nonobstant la distinctivité et la notoriété élevée de la marque, le public concerné ne pouvant percevoir le signe décoratif incriminé, formé de deux larges bandes, comme provenant du titulaire de la marque à trois fines bandes revendiquée, ni d'une entreprise économiquement liée, le consommateur ne pouvant dès lors se méprendre sur l'origine du produit.

L'existence d'un risque de confusion entre les signes en cause n'est pas davantage démontrée par le sondage produit par les sociétés Adidas.

Tout d'abord, les conditions de réalisation de ce sondage ne peuvent être considérées comme fiables alors que, sur la même période, deux sondages ont été réalisés, l'un sur la notoriété de la marque Adidas, l'autre sur le risque de confusion entre les signes en litige, et qu'il n'est pas démontré que les mêmes panélistes n'ont pas participé aux deux sondages, ce qui est de nature à influencer les réponses données, le directeur commercial de l'institut GFK, qui atteste avoir réalisé lesdits sondages auprès de deux échantillons distincts, se bornant à indiquer que 'chaque répondant est un panéliste inscrit auprès de l'un de nos prestataires de panels', ce dont il résulte qu'il n'a pas choisi ni contrôlé la composition desdits panels.

En outre, pour l'appréciation du risque de confusion, et contrairement à ce que prétendent les sociétés Adidas, le signe litigieux incriminé au titre de la contrefaçon de marque doit être pris en compte tel qu'il est exploité.

En effet la CJUE, dans un arrêt du 12 juin 2008 C-533/06 O2 Holdings (point 64), a dit que 'c'est à bon droit que, aux fins d'apprécier l'existence d'un risque de confusion, la juridiction de renvoi a limité son analyse au contexte dans lequel le signe similaire aux marques a été utilisé'.

De même, dans son arrêt du18 juillet 2013 C-252/12 Specsavers (point 45), la CJUE a rappelé que le risque de confusion doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et précisé : 'Il découle en outre de la jurisprudence de la Cour que ces appréciations doivent tenir compte du contexte précis dans lequel le signe prétendument similaire à la marque enregistrée a été utilisé'.

Le risque de confusion doit en conséquence être apprécié, contrairement à ce qu'invoquent les sociétés Adidas, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce entre la marque revendiquée, telle qu'enregistrée, et le pantalon litigieux, tel qu'exploité.

En l'espèce, les sociétés Adidas échouent à démontrer le risque de confusion en prétendant que 'suite à la présentation du visuel 61% des répondants pensent spontanément qu'Adidas est la marque qui propose ce pantalon', ce résultat obtenu sur simple présentation d'un visuel en ligne, plus d'un an après la commercialisation du pantalon litigieux, ne prenant pas en compte les conditions d'exploitation du pantalon incriminé, porteur de la marque [M] et commercialisé exclusivement dans des boutiques [M] ou sur le site internet [M].

Il résulte des développements qui précèdent que, malgré l'identité des produits en cause, et nonobstant la distinctivité et la notoriété élevée de la marque revendiquée, le consommateur concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne pourra attribuer aux signes en cause la même origine, et ne sera pas conduit, au vu du caractère décoratif du motif incriminé et des différences relevées entre les signes, à penser que ces signes proviennent d'une même entreprise ou d'entreprises liées économiquement.

Les demandes formées par les sociétés Adidas au titre de la contrefaçon de marque par imitation seront rejetées et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

A titre subsidiaire, sur l'atteinte à la renommée de la marque n° 661

La société Adidas Ag soutient que compte tenu de l'identité des produits, de la similitude entre les signes et de l'exceptionnelle renommée de la marque aux trois bandes, les deux bandes litigieuses 'feront penser' à la marque Adidas ainsi que cela résulte du sondage produit, de sorte que le lien entre la marque et le signe litigieux est démontré. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit établi ce lien.

Elle prétend que la tendance des pantalons à bandes n'est pas inspirée des pantalons militaires à galons mais du célèbre jogging Adidas revêtu de sa marque iconique à bandes, qu'il est manifeste que la commercialisation du pantalon Driss s'inscrit dans un courant de mode directement inspiré du jogging de la marque Adidas, et que dès lors le pantalon incriminé permet à [M] de tirer indûment profit du caractère distinctif et de la renommée de sa marque.

La société Adidas Ag ajoute que le pantalon litigieux est de nature à faire perdre sa singularité à la marque en entraînant sa banalisation, qu'il existe un risque que l'usage du signe litigieux entraîne une modification du comportement du consommateur s'agissant de vêtements strictement identiques à ceux commercialisés par Adidas et d'un signe très similaire à la marque, la coexistence sur le marché des produits Adidas et des pantalons [M] portant atteinte au caractère distinctif et à la renommée de la marque.

La société [M] réplique que la société Adidas Ag ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien entre le motif à galons figurant sur les pantalons qu'elle commercialise et la marque litigieuse ; que lorsque le consommateur perçoit le signe exclusivement comme une décoration, il n'est établi aucun lien avec la marque enregistrée; que le motif à double galons ornant le pantalon [M] n'est pas susceptible d'être perçu par le consommateur autrement que comme une décoration ; que la renommée de la marque Adidas ne suffit pas à caractériser l'existence d'un tel lien.

Elle soutient que la société Adidas n'établit pas l'existence d'un préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque ; que la CJUE a précisé que « la preuve que l'usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services, pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, consécutive à l'usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur » ; que la société Adidas ne produit aucun élément qui révélerait que les agissements de [M] sont à l'origine d'un affaiblissement de la force attractive et distinctive de la marque.

L'article 9'2 c) du règlement (UE) n° 2017/1001dispose :

'1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

(...)

c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice'.

Sur la renommée de la marque n° 661

La cour rappelle, ainsi que l'a jugé la CJCE dans un arrêt Pago International C301/07 du 6 octobre 2009, qu'une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une fraction significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre indépendant des produits ou services désignés, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées.

Sont notamment pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'étendue géographique de son usage et l'importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l'existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat, ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice.

En outre, s'agissant d'une marque de l'Union européenne, cette condition est remplie lorsque la marque bénéficie d'une renommée dans une partie substantielle du territoire de l'Union qui, eu égard aux circonstances de l'espèce, peut être la totalité d'un Etat membre (CJCE arrêt Pago 6 octobre 2009, point 27 et 29).

En l'espèce, la très grande connaissance de la marque n° 661 par une partie importante des consommateurs visés (61% de citations spontanées) ainsi que le fort pouvoir d'attraction de la marque sont établis, de sorte que la marque n°661 est une marque de renommée, ce point n'étant pas contesté.

Sur l'existence d'un lien entre la marque renommée et le signe utilisé par la société [M]

Les atteintes à la marque renommée, lorsqu'elles sont constituées, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c'est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu'il ne les confond pas.

Il n'est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe utilisé par le tiers soit tel qu'il existe, dans l'esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque (CJUE, 23 octobre 2003 Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C-408/01).

Par ailleurs, la circonstance qu'un signe est perçu par le public concerné comme une décoration ne fait pas, en soi, obstacle à la protection de la marque renommée lorsque le degré de similitude est néanmoins tel que ce public établit un lien entre le signe et la marque. En revanche, lorsque ledit public perçoit le signe exclusivement comme une décoration, il n'établit aucun lien avec la marque enregistrée. (CJCE 10 juillet 2003. C-408/01 - Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV contre Fitnessworld Trading Ltd.)

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, les produits en cause, à savoir les vêtements pour lesquels la marque est enregistrée, et des pantalons de détente s'agissant du produit incriminé, sont identiques, le public pertinent étant le consommateur de vêtements dont le niveau d'attention est moyen, et qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

En outre, ainsi qu'il a été jugé ci-avant, les signes en cause ont une similitude visuelle plutôt faible.

Dans l'hypothèse où les signes en conflit présentent une certaine similitude, même faible, il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si nonobstant le faible degré de similitude entre les signes en cause, il existe en raison de la présence d'autres facteurs pertinents tels que l'importante renommée de la marque antérieure, sa forte distinctivité ou l'identité des produits en cause, un lien entre ces signes dans l'esprit du public concerné.

En l'espèce, ainsi que l'a relevé le tribunal par des motifs que la cour approuve, la société [M] ne peut pertinemment soutenir que les bandes litigieuses seront perçues par le consommateur visé exclusivement comme un ornement, ce qui exclurait tout lien avec la marque litigieuse. En effet, compte tenu de la forte renommée, de la forte distinctivité de la marque invoquée et de l'identité des produits en cause, l'apposition de deux bandes parallèles de haut en bas des côtés extérieurs des jambes du pantalon Driss litigieux, évoquera, pour le public visé, normalement informé et raisonnablement attentif, la marque n°661 de la société Adidas, cette seule évocation suffisant à établir l'existence d'un lien au sens de la jurisprudence précité.

Le risque de lien entre le signe incriminé et la marque en cause est ainsi avéré, ainsi que l'a justement retenu le tribunal.

Sur le fait de tirer indûment profit de la renommée ou du caractère distinctif de la marque

Dans son arrêt du 18 juin 2009 L'Oréal C 487-07, la CJUE a dit que la notion de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ,également désigné sous les termes de « parasitisme » et de « free-riding » , s'attache non pas au préjudice subi par la marque, mais à l'avantage tiré par le tiers de l'usage du signe identique ou similaire.

Ce profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque est tiré indûment par un tiers lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d'attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d'exploiter, sans compensation financière, l'effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l'image de celle-ci.

Afin de déterminer si l'usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l'intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés.

La société Adidas Ag, qui doit rapporter la preuve que l'usage du signe incriminé tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, prétend que la mode des pantalons à bandes émane directement du jogging à bandes iconique d'Adidas qui est devenu une pièce emblématique du streetwear dans les années 90 et 2000, de sorte que [M] a surfé sur cette mode exclusivement inspirée par Adidas et a indûment bénéficié de l'effet de mode créé par les produits vendus sous la marque Adidas.

Tout d'abord il est établi que pour les saisons 2017- 2018 les pantalons à bandes latérales étaient une tendance de la mode, ainsi qu'il résulte notamment de la revue de presse déjà citée comprenant des articles et des visuels de pantalons à bandes parallèles : 'Pantalon à bandes blanches' - blog comptoiraufeminin.com du 14 décembre 2016 - photo d'un pantalon Pimkie 2015 avec deux bandes latérales parallèles blanches ; 'Le pantalon à bandes, nouvel objet de désir '' - site Internet elle.fr de janvier 2017 illustré de plusieurs photos de pantalons à bandes latérales ; 'Pantalon à bandes : le meilleur allié mode pour des jambes mannequins' blog leseclaireuses.com du 7 août 2017 ; 'Je peux (encore) le pantalon à bandes latérales '' - L'Express Styles du 27 septembre 2017 ; '8 pantalons à rayures pour être tendance' - site Internet du magazine GQ du 31 octobre 2017 reproduisant les photos de pantalons à bandes latérales de marques telles que Burberry, Dolce & Gabanna, Givenchy, Zara ou Lanvin ; 'collections printemps-été 2018 - pantalon tendance : pantalon à bandes' - Femme actuelle avec deux photographies de pantalons à bandes latérales Promod et H&M.

Le pantalon Driss incriminé s'inscrit donc dans cette tendance générale de la mode des pantalons à bandes latérales.

La société Adidas Ag prétend que cette tendance de la mode est directement et exclusivement inspirée du jogging Adidas à trois bandes.

La société [M] justifie cependant par la production d'articles sur l'histoire des uniformes militaires de 1918 à 1940 que le pantalon desdits officiers comprenait dès cette époque deux bandes parallèles de couleur de haut en bas sur le côté du pantalon, et que ces doubles bandes parallèles latérales se retrouvent aussi à la même époque sur les uniformes des chasseurs à cheval, des hussards ainsi que des officiers de saphis et de compagnies sahariennes, de sorte que l'inspiration militaire ancienne des pantalons à bandes parallèles latérales est démontrée.

Il ressort en outre des articles de presse versés au débat que la mode des pantalons à bandes latérales s'inspire, non pas seulement du jogging Adidas, mais aussi des pantalons militaires ou même des smokings, avec des bandes latérales en satin, qui l'ont précédé : 'Comment porter le fameux pantalon à bandes contrastées sans faire soldat de Napoléon ni Zidane à l'entraînement' - l'Express Styles ;'le pantalon à grosse rayure trouvant son inspiration entre la tenue militaire et le pantalon de jogging ' GQ ;'le pantalon à bandes revient sur le devant de la scène mode en version survê't ou smoking (...) Le pantalon à bandes signe un comeback dans sa version sportswear en hommage au fameux jogging trois bandes d'Adidas ou sa version smoking à bandes latérales contrastées' Le Figaro Madame.

Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce qu'allègue la société Adidas Ag, la mode des pantalons à bandes latérales, dans laquelle s'inscrit le pantalon Driss litigieux, qui n'est pas présenté sur le site comme un jogging se référant à l'univers du sport, mais comme un pantalon de détente à porter en toutes circonstances, est aussi inspirée des pantalons militaires et des smokings, ce dont il résulte que la société [M], qui a décliné de diverses manières ce motif ornemental s'inscrivant dans une tendance de la mode, et qui commercialise ses pantalons, dans ses propres boutiques, et sous sa propre marque [M] qui bénéficie de son propre pouvoir d'attraction, ne s'est pas placée dans le sillage de la marque Adidas n° 661 revendiquée pour tirer indûment profit de sa renommée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice porté à la renommée ou à la distinctivité de la marque

S'agissant du préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, la CJUE, dans son arrêt du 27 novembre 2008 Intel C 252-07 (point 29), a dit que ce préjudice, également désigné sous les termes de «dilution», de «grignotage» ou de «brouillage», est constitué dès lors que se trouve affaiblie l'aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l'usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur l'esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n'est plus en mesure de le faire.

Elle a rajouté (point 77) que la preuve que l'usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l'usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur.

En ce qui concerne le préjudice porté à la renommée de la marque, dans son arrêt du 18 juin 2009 L'Oréal C487/07 (point 40), la CJUE a dit que ce préjudice, également désigné sous les termes de « ternissement » ou de « dégradation », intervient lorsque les produits ou les services pour lesquels le signe identique ou similaire est utilisé par le tiers peuvent être ressentis par le public d'une manière telle que la force d'attraction de la marque en est diminuée. Le risque d'un tel préjudice peut résulter notamment du fait que les produits ou les services offerts par le tiers possèdent une caractéristique ou une qualité susceptibles d'exercer une influence négative sur l'image de la marque.

En l'espèce, ainsi que l'ont relevé pertinemment les premiers juges, la société Adidas Ag ne produit aucun élément de nature à établir une modification du comportement économique du public pertinent ni même un risque sérieux que cette modification survienne.

Elle procède par simple affirmation en indiquant que la prolifération des produits sur lesquels seraient apposés latéralement deux bandes parallèles, verticales, contrastantes, de même longueur et largeur vient porter atteinte à la valeur distinctive des trois bandes et diminuer l'attrait du consommateur pour cette marque.

Compte tenu de la similitude plutôt faible entre les signes en cause du fait des différences sur le nombre des bandes, leur largeur et leur espacement, du fait que le motif est utilisé par la société [M] non à titre de marque mais décliné de façon ornementale au sein d'une collection pour s'inscrire dans une tendance de la mode des pantalons à bandes latérales d'inspiration militaire, et que les pantalons sont commercialisés dans des boutiques [M], et sous la marque [M] qui bénéficie de son propre pouvoir d'attraction, aucune dilution, ni aucune dégradation de la marque n° 601 conduisant le consommateur à se détourner de ladite marque ne sont caractérisées.

La société Adidas échouant à établir l'existence d'un profit indû ou d'un préjudice porté à la distinctivité ou à la renommée de la marque, ses demandes sur le fondement de l'atteinte à la marque de renommée seront rejetées. Le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef.

Sur les actes de concurrence déloyale au préjudice d'Adidas France

La société Adidas France, faisant valoir que la commercialisation de produits contrefaisants constitue des actes de concurrence déloyale à l'égard du distributeur des produits protégés par la marque en raison de la confusion créée pour le consommateur, soutient que la société [M] doit être condamnée pour avoir commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice en tant que distributeur français de la société Adidas Ag.

Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les actes de contrefaçon de marque n'étant pas caractérisés pas plus que l'atteinte à la marque de renommée, les demandes formulées par la société Adidas France de ce chef ne peuvent qu'être rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

LA COUR ,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Adidas Ag et Adidas France aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à payer à la société [M] Andy la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.