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Décisions

CJUE, 3e ch., 2 février 2023, n° C-372/21

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Freikirche der Siebenten-Tags-Adventisten in Deutschland KdöR

Défendeur :

Bildungsdirektion für Vorarlberg

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jürimäe

Juges :

M. Safjan, N. Piçarra, M. Jääskinen, M. Gavalec

Avocat général :

M. Emiliou

Avocats :

M. Krömer, M. Krömer

CJUE n° C-372/21

1 février 2023

LA COUR (troisième chambre),

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17 et 56 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Freikirche der Siebenten-Tags-Adventisten in Deutschland KdöR (Église libre des adventistes du septième jour en Allemagne, ci après l’« Église adventiste allemande ») à la Bildungsdirektion für Vorarlberg (direction de l’éducation du Vorarlberg, Autriche) (ci-après l’« autorité compétente ») au sujet d’une subvention demandée pour un établissement d’enseignement scolaire privé que cette Église reconnaît et soutient en tant qu’école confessionnelle.

 Le cadre juridique autrichien

 L’AnerkennungsG

3 L’article 1er du Gesetz betreffend die gesetzliche Anerkennung von Religionsgesellschaften (loi sur la reconnaissance légale des sociétés religieuses), du 20 mai 1874 (RGBl., 68/1874, ci après l’« AnerkennungsG »), dispose :

« Les membres d’une confession religieuse précédemment non reconnue par la loi se voient reconnaître le statut de société religieuse à condition que :

1. rien dans leur doctrine religieuse, dans leur office religieux, dans leurs statuts, ainsi que dans le nom qu’ils se choisissent ne soit illégal ou contraire aux bonnes mœurs ;

2. soient assurés l’établissement et l’existence d’au moins une communauté cultuelle fondée conformément aux exigences de la présente loi. »

 Le BekGG

4 L’article 11 du Bundesgesetz über die Rechtspersönlichkeit von religiösen Bekenntnisgemeinschaften [loi fédérale sur la personnalité juridique des communautés confessionnelles (BGBl. I, 19/1998), telle que publiée au BGBl. I, 78/2011 (ci après le « BekGG »)], intitulé « Exigences supplémentaires pour qu’une communauté confessionnelle soit reconnue conformément à l’AnerkennungsG », prévoit :

« Outre les exigences visées dans l’[AnerkennungsG], la communauté confessionnelle doit remplir, pour être reconnue, les conditions énoncées ci après.

1. La communauté confessionnelle doit :

a) exister depuis au moins 20 ans en Autriche, dont dix ans sous une forme organisée, et au moins cinq ans en tant que communauté confessionnelle dotée de la personnalité juridique au titre de la présente loi ; ou

b) être intégrée sur les plans organisationnel et doctrinal à une société religieuse active au niveau international existant depuis au moins 100 ans et être déjà active en Autriche sous une forme organisée depuis au moins dix ans ; ou

c) être intégrée sur les plans organisationnel et doctrinal à une société religieuse active au niveau international existant depuis au moins 200 ans, et

d) réunir un nombre de membres égal à deux pour mille au moins de la population de l’Autriche telle que déterminée lors du dernier recensement. Si la communauté confessionnelle ne peut apporter cette preuve à partir des données du recensement, elle doit y procéder sous toute autre forme appropriée.

[...]

3. La communauté confessionnelle doit être bien disposée envers la société et l’État.

4. Elle ne doit pas générer de trouble illégal dans les relations avec les Églises et sociétés religieuses reconnues par la loi ainsi qu’avec les autres communautés religieuses existantes ».

 Le PrivSchG

5 Aux termes de l’article 17 du Bundesgesetz über das Privatschulwesen (Privatschulgesetz) (loi fédérale sur les établissements d’enseignement scolaire privés), du 25 juillet 1962 (BGBl., 244/1962), telle que modifiée (BGBl. I, 35/2019) (ci après le « PrivSchG »), relatif au droit à l’octroi de subventions des écoles privées confessionnelles :

« (1) Les Églises et les sociétés religieuses reconnues par la loi bénéficient de subventions pour la rémunération du personnel des écoles privées confessionnelles agréées, conformément aux dispositions suivantes.

(2) Par écoles privées confessionnelles, on entend les établissements d’enseignement scolaire maintenus par les Églises et sociétés religieuses reconnues par la loi, ainsi que les établissements d’enseignement scolaire maintenus par des associations, des fondations et des fonds, qui sont reconnus en tant qu’écoles confessionnelles par l’autorité supérieure ecclésiastique compétente (de la société religieuse concernée). »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6 L’Église adventiste allemande, qui dispose du statut de personne morale de droit public en Allemagne, ne bénéficie pas du statut d’Église reconnue en vertu du droit autrichien.

7 À compter de l’année scolaire 2016/2017, cette Église a reconnu, en tant qu’école confessionnelle, un établissement d’enseignement sis en Autriche, géré par une association agréée à laquelle elle apporte son soutien sous la forme, notamment, de subventions, de fourniture de matériel pédagogique et de formation continue du personnel enseignant. Ladite Église a introduit, auprès de l’autorité compétente, une demande de subvention pour la rémunération du personnel de cette école, sur le fondement de l’article 17 du PrivSchG, en se prévalant de l’article 56 TFUE, afin de bénéficier du traitement réservé aux Églises et aux sociétés religieuses reconnues en vertu du droit autrichien.

8 Par décision du 3 septembre 2019, l’autorité compétente a rejeté cette demande sur le fondement de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du PrivSchG, qu’elle considère seulement applicable aux Églises et aux sociétés religieuses reconnues en vertu du droit autrichien. L’Église adventiste allemande a alors formé un recours contre cette décision, lequel a été rejeté par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), par un arrêt du 26 février 2020.

9 Cette juridiction considère que le droit de l’Union n’impose pas à la République d’Autriche de reconnaître une Église ou une société religieuse préalablement reconnue dans un autre État membre. Par conséquent, le fait qu’une telle Église ou société religieuse reconnaît comme école confessionnelle un établissement d’enseignement scolaire privé, établi en Autriche, ne permet pas à cette Église ou société de se prévaloir de l’article 17 du PrivSchG afin d’obtenir, pour cet établissement, des subventions visant à rémunérer son personnel.

10 C’est contre cet arrêt que l’Église adventiste allemande a introduit un pourvoi en Revision ordinaire devant le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche).

11 Dans sa demande de décision préjudicielle, cette juridiction indique que les Églises et les sociétés religieuses reconnues notamment sur le fondement de l’AnerkennungsG et du BekGG sont des personnes morales de droit public qui jouissent de droits spéciaux et sont chargées de missions, notamment en matière d’enseignement, par lesquelles elles participent à la vie publique nationale. Ladite juridiction précise que l’article 17 du PrivSchG réserve à ces seules Églises et sociétés religieuses le bénéfice de subventions pour les établissements d’enseignement scolaire privés qu’elles reconnaissent en tant qu’écoles confessionnelles.

12 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande, tout d’abord, si la situation en cause au principal relève du champ d’application du droit de l’Union.

13 À cet égard, elle rappelle, d’une part, que, conformément à l’article 17 TFUE, l’octroi de subventions aux écoles privées confessionnelles d’Églises et de sociétés religieuses reconnues par un État membre relève uniquement des relations entre cet État membre et lesdites Églises et sociétés religieuses et que l’Union doit rester neutre à l’égard de ces relations. La Cour aurait, toutefois, jugé, aux points 30 à 33 de l’arrêt du 22 janvier 2019, Cresco Investigation (C 193/17, EU:C:2019:43), que cet article 17 TFUE n’implique pas qu’une différence de traitement instaurée par une réglementation nationale dans ce domaine soit exclue du champ d’application du droit de l’Union.

14 D’autre part, la juridiction de renvoi considère que, au regard de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, point 105), l’établissement d’enseignement scolaire privé en cause au principal, qui est financé, pour l’essentiel, par des fonds privés, exerce une activité économique qui consiste en une prestation de services. Cependant, cet établissement étant géré par une association immatriculée en Autriche, cette prestation de services ne présenterait pas de caractère transfrontalier, sauf à tenir compte de ce que la demande de subvention pour ledit établissement a été introduite par une Église établie et reconnue en Allemagne.

15 Cette juridiction se demande, ensuite, si l’Église adventiste allemande peut se prévaloir de la liberté de prestation de services garantie par l’article 56 TFUE, afin de bénéficier du même traitement que les écoles privées confessionnelles d’Églises ou de sociétés religieuses reconnues par la loi en Autriche, dont les activités d’enseignement sont financées, pour l’essentiel, par des fonds publics et qui, en conséquence, ne sauraient être qualifiées d’« activités économiques », au sens de la jurisprudence rappelée au point précédent du présent arrêt.

16 Enfin, la juridiction de renvoi se demande si la réglementation nationale qui interdit à l’Église adventiste allemande de bénéficier de subventions pour un établissement scolaire privé sis en Autriche, contrairement aux Églises et aux sociétés religieuses reconnues dans cet État membre, constitue une entrave à la libre prestation de services, garantie à l’article 56 TFUE. Cette juridiction souligne qu’une telle réglementation nationale, en ce qu’elle vise à compléter le système scolaire public par des écoles privées confessionnelles d’Églises ou de sociétés religieuses suffisamment représentées en Autriche, afin de permettre aux parents de choisir plus facilement l’éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses, poursuit un objectif légitime. Elle estime également que cette réglementation peut être considérée comme étant propre à garantir la réalisation de cet objectif sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

17 Dans ces circonstances, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Une situation dans laquelle une société religieuse reconnue et établie dans un État membre introduit, dans un autre État membre, une demande de subvention pour un établissement d’enseignement scolaire privé, sis dans ce dernier, qu’elle a reconnu en tant qu’école confessionnelle et qui est géré par une association immatriculée conformément au droit de cet autre État membre relève-t-elle, eu égard à l’article 17 TFUE, du champ d’application du droit de l’Union, notamment de l’article 56 TFUE ?

Dans le cas où la première question appellerait une réponse affirmative :

2) L’article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition de droit national prévoyant, comme condition préalable au subventionnement d’écoles privées confessionnelles, que le demandeur soit reconnu en tant qu’Église ou société religieuse par ce même droit ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il a pour effet de soustraire au champ d’application du droit de l’Union une situation dans laquelle une Église, une association ou une communauté religieuse qui dispose du statut de personne morale de droit public dans un État membre et qui reconnaît et soutient dans un autre État membre, en tant qu’école confessionnelle, un établissement d’enseignement scolaire privé demande l’octroi d’une subvention pour cet établissement qui est réservée aux Églises, aux associations et aux communautés religieuses reconnues en vertu du droit de cet autre État membre.

19 À cet égard, il importe de rappeler, en premier lieu, que, si l’article 17, paragraphe 1, TFUE exprime la neutralité de l’Union à l’égard de l’organisation, par les États membres, de leurs rapports avec les Églises et les associations ou les communautés religieuses (arrêts du 17 avril 2018, Egenberger, C 414/16, EU:C:2018:257, point 58, ainsi que du 13 janvier 2022, MIUR et Ufficio Scolastico Regionale per la Campania, C 282/19, EU:C:2022:3, point 50), cette disposition ne saurait être invoquée pour soustraire, de manière générale, au champ d’application du droit de l’Union l’activité des Églises ou des associations et des communautés religieuses lorsque celle-ci consiste en la prestation de services contre rémunération sur un marché donné (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C 74/16, EU:C:2017:496, points 43 et 47).

20 En second lieu, les cours dispensés par des établissements d’enseignement financés, pour l’essentiel, par des fonds privés constituent des services, le but poursuivi par ces établissements consistant à offrir de tels services contre rémunération (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 1993, Wirth, C 109/92, EU:C:1993:916, point 17, ainsi que du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, point 105).

21 Inversement, les cours dispensés par un établissement scolaire intégrant un système d’enseignement public, financés, entièrement ou principalement, par des fonds publics, ne constituent pas une activité économique. En effet, en établissant et en maintenant un tel système d’enseignement public, l’État membre n’entend pas s’engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission envers sa population dans les domaines social, culturel et éducatif (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 1993, Wirth, C 109/92, EU:C:1993:916, point 15, ainsi que du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C 76/05, EU:C:2007:492, point 39).

22 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’établissement d’enseignement autrichien reconnu et soutenu par l’Église adventiste allemande comme école confessionnelle est un établissement privé dont les cours dispensés sont largement financés par des fonds privés, si bien que, sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, cet établissement doit être considéré comme exerçant une activité économique, au sens de la jurisprudence précitée.

23 À cet égard, contrairement à ce que soutiennent le gouvernement autrichien et la Commission européenne, le fait que la subvention demandée, une fois octroyée, permette de considérer l’établissement d’enseignement privé concerné comme un établissement financé par des fonds publics qui, en tant que tel, n’exerce plus une activité économique, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 20 et 21 du présent arrêt, est sans incidence afin de déterminer si la situation en cause au principal relève du champ d’application du droit de l’Union. En effet, seul importe que l’établissement d’enseignement privé pour lequel la subvention est demandée puisse être considéré comme exerçant une activité économique à la date à laquelle cette demande est introduite (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C 76/05, EU:C:2007:492, point 44).

24 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le gouvernement autrichien, la situation en cause au principal se distingue d’une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. En l’occurrence, en effet, l’Église adventiste allemande demande une subvention auprès des autorités autrichiennes pour un établissement scolaire sis en Autriche, qu’elle reconnaît et soutient en tant qu’école confessionnelle. Cet élément transfrontalier implique ainsi que les règles du droit de l’Union relatives à la libre circulation trouvent, en principe, à s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C 268/15, EU:C:2016:874, point 47).

25 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 17, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de soustraire au champ d’application du droit de l’Union une situation dans laquelle une Église, une association ou une communauté religieuse qui dispose du statut de personne morale de droit public dans un État membre et qui reconnaît et soutient dans un autre État membre, en tant qu’école confessionnelle, un établissement d’enseignement scolaire privé demande l’octroi d’une subvention pour cet établissement, qui est réservée aux Églises, aux associations et aux communautés religieuses reconnues en vertu du droit de cet autre État membre.

 Sur la seconde question

26 Il importe de rappeler, à titre liminaire, que l’établissement scolaire pour lequel l’Église adventiste allemande demande une subvention se trouve en Autriche et est géré par une association immatriculée dans cet État membre, qui assure une présence stable et continue sur le territoire de celui-ci. Partant, une telle situation relève de la liberté d’établissement, garantie par l’article 49 TFUE, et non pas de la libre prestation de services garantie par l’article 56 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 8 septembre 2010, Stoß e.a., C 316/07, C 358/07 à C 360/07, C 409/07 et C 410/07, EU:C:2010:504, point 59).

27 Dans ces conditions, la seconde question posée par la juridiction de renvoi doit être comprise comme visant, en substance, à savoir si l’article 49 TFUE, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi de subventions publiques, destinées aux établissements d’enseignement privés reconnus en tant qu’écoles confessionnelles, à la condition que l’Église ou la société religieuse qui introduit la demande de subvention pour un tel établissement soit reconnue en vertu du droit de l’État membre concerné, y compris lorsque cette Église ou cette société religieuse est reconnue en vertu du droit de son État membre d’origine.

28 L’article 49, premier alinéa, TFUE dispose que, dans le cadre du chapitre 2 du titre IV de la troisième partie du traité FUE, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette disposition s’oppose ainsi à toute mesure nationale qui interdit, gêne ou rend moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, CaixaBank France, C 442/02, EU:C:2004:586, point 11, ainsi que du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C 391/20, EU:C:2022:638, point 61).

29 Le principe d’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, applicable dans ce domaine, prohibe non seulement les discriminations ostensibles, mais aussi toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. Il n’est donc pas exclu que des critères tels que le lieu d’origine ou le domicile d’un ressortissant d’un État membre puissent, selon les circonstances, constituer, dans leur effet pratique, l’équivalent d’une discrimination fondée sur la nationalité, prohibée par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 1974, Sotgiu, 152/73, EU:C:1974:13, point 11, et du 20 janvier 2011, Commission/Grèce, C 155/09, EU:C:2011:22, point 45).

30 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la demande de subvention visée à l’article 17 du PrivSchG n’est ouverte qu’aux Églises ou aux sociétés religieuses reconnues par la loi autrichienne, à savoir celles qui remplissent les conditions prévues à l’article 1er de l’AnerkennungsG et à l’article 11 du BekGG.

31 Dans la mesure où ces conditions exigent, en général, une présence, d’une durée variable, des Églises ou des sociétés religieuses en Autriche, ainsi qu’un nombre de membres égal à deux pour mille au moins de la population de l’Autriche, elles sont susceptibles d’être remplies plus aisément par les Églises ou les sociétés religieuses établies en Autriche. Lesdites conditions sont ainsi de nature à désavantager les Églises et les sociétés religieuses établies dans d’autres États membres qui reconnaissent et soutiennent, en tant qu’écoles confessionnelles, des établissements d’enseignement privé sis en Autriche. En effet, ces Églises et ces sociétés religieuses ne peuvent pas bénéficier de subventions en faveur de ces établissements aux fins du paiement de la rémunération du personnel enseignant nécessaire à la mise en œuvre des programmes d’enseignement desdits établissements.

32 En conséquence, sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, il y a lieu de considérer qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la liberté d’établissement.

33 Toutefois, une telle restriction peut être admise sous réserve, premièrement, d’être justifiée par un objectif expressément visé à l’article 52, paragraphe 1, TFUE ou une raison impérieuse d’intérêt général et, deuxièmement, de respecter le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elle soit propre à garantir, de manière cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C 391/20, EU:C:2022:638, point 65).

34 S’agissant, en premier lieu, de l’existence d’une justification à la restriction en cause, l’exposé des motifs du PrivSchG, cité par la juridiction de renvoi, indique que les écoles privées confessionnelles complètent le système scolaire public, qui est interconfessionnel, en permettant aux parents de choisir plus facilement l’éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses.

35 En outre, il ressort de l’exposé des motifs de la modification du BekGG, en ce qui concerne les critères présidant à la reconnaissance des Églises et des sociétés religieuses au titre de l’AnerkennungsG, que celles qui sont reconnues par la loi autrichienne bénéficient d’une aide publique matérielle, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, dans la mesure où elles contribuent au bien-être des personnes. En effet, l’obtention du statut d’Église ou de société religieuse reconnue en vertu du droit autrichien emporte des obligations, parmi lesquelles figure celle de dispenser un enseignement religieux.

36 La juridiction de renvoi, à l’instar du gouvernement autrichien, considère que cette réglementation, en complétant le système scolaire public interconfessionnel par des écoles privées confessionnelles, permet effectivement aux parents de choisir l’éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses et poursuit donc un objectif légitime. Ainsi que le relève M. l’avocat général au point 72 de ses conclusions, un tel objectif, qui rejoint celui consistant à assurer un haut niveau de formation, que la Cour a qualifié de « raison impérieuse d’intérêt général » (arrêts du 13 novembre 2003, Neri, C 153/02, EU:C:2003:614, point 46, et du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C 386/04, EU:C:2006:568, point 45), est susceptible de justifier une restriction à la liberté d’établissement.

37 Dans ces conditions, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, il convient d’examiner, en second lieu, si la réglementation nationale en cause au principal est, d’une part, propre à garantir, de manière cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et, d’autre part, ne va pas au delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

38 Il appartient, en dernier ressort, à la juridiction de renvoi, qui est seule compétente pour apprécier les faits du litige au principal et pour interpréter la réglementation nationale applicable, de déterminer si et dans quelle mesure celle-ci satisfait à ces exigences. Toutefois, la Cour, appelée à fournir à cette juridiction une réponse utile lui permettant de statuer, est compétente pour lui donner des indications tirées du dossier ainsi que des observations écrites dont elle dispose (arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C 391/20, EU:C:2022:638, points 72 et 73).

39 En l’occurrence, s’agissant de l’aptitude de la réglementation nationale en cause à poursuivre, de manière cohérente et systématique, l’objectif légitime concerné, il ressort de l’exposé des motifs de la modification du BekGG que la reconnaissance des Églises et des sociétés religieuses, au titre de l’AnerkennungsG, présuppose que celles-ci aient une certaine taille afin que leurs actions ne se limitent pas à leurs membres. Il est accepté que, lorsque le nombre minimal de membres d’une Église ou d’une société religieuse prévu par cette réglementation est atteint, la portée des effets positifs de ses actions, notamment en matière d’enseignement, dépasse le cadre strict de la communauté des membres. En outre, la limitation de l’octroi des subventions publiques aux seules écoles confessionnelles d’Églises et de sociétés religieuses reconnues en vertu du droit autrichien vise à garantir que ces écoles s’adressent à une partie importante de la population susceptible de choisir cette offre d’enseignement complémentaire à celle proposée par les établissements scolaires publics.

40 Dans ces conditions, la réglementation en cause au principal n’apparaît pas inappropriée afin de permettre aux parents de choisir l’éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses, dans le cadre d’un enseignement interconfessionnel de qualité, objectif qui, ainsi que cela a été rappelé au point 36 du présent arrêt, est légitime au regard du droit de l’Union.

41 S’agissant du point de savoir si cette réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, il y a lieu de rappeler que l’article 17, paragraphe 1, TFUE impose à l’Union européenne de respecter et de ne pas préjuger du statut des Églises et des associations ou des communautés religieuses au sein des États membres, l’article 17 TFUE exprimant la neutralité de l’Union à l’égard de l’organisation, par ces États membres, de leurs rapports avec celles ci (arrêts du 17 avril 2018, Egenberger, C 414/16, EU:C:2018:257, point 58, ainsi que du 13 janvier 2022, MIUR et Ufficio Scolastico Regionale per la Campania, C 282/19, EU:C:2022:3, point 50). Partant, dans des situations telles que celles au principal, l’article 49 TFUE, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, TFUE ne saurait être interprété en ce sens qu’il impose à un État membre de reconnaître le statut dont bénéficient lesdites Églises, associations ou communautés religieuses en vertu du droit d’autres États membres.

42 S’agissant d’obtenir le statut d’Église ou de société religieuse reconnue en vertu du droit autrichien, l’article 11 du BekGG établit trois conditions alternatives. Premièrement, peut bénéficier de ce statut une Église ou une société religieuse présente sur le territoire autrichien depuis au moins 20 ans. Deuxièmement, peut bénéficier dudit statut, même sans présence préalable sur le territoire autrichien, l’Église ou la société religieuse qui est intégrée sur les plans organisationnel et doctrinal au sein d’une société religieuse active au niveau international existant depuis au moins 200 ans. Troisièmement, si une telle société est active au niveau international depuis au moins 100 ans, elle doit être active en Autriche sous une forme organisée depuis au moins dix ans pour que l’Église ou la société religieuse qui y est intégrée sur les plans organisationnel et doctrinal puisse bénéficier du statut en cause.

43 De telles alternatives, qui visent à couvrir les hypothèses dans lesquelles la reconnaissance d’une Église ou d’une société religieuse peut contribuer au caractère interconfessionnel du système d’enseignement national, n’apparaissent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif identifié au point 36 du présent arrêt, qui est de permettre aux parents de choisir l’éducation de leurs enfants en fonction de leurs convictions religieuses.

44 En outre, s’agissant de la condition ayant trait à la représentativité, au sein de la population nationale, de l’Église ou de la société religieuse souhaitant être reconnue en vertu du droit autrichien, l’article 11, paragraphe 1, sous d), seconde phrase, du BekGG prévoit que, lorsqu’il n’est pas possible d’apporter la preuve qu’elles réunissent un nombre de membres égal à deux pour mille au moins de la population de l’Autriche à partir des données du dernier recensement, cette preuve peut être apportée sous toute autre forme appropriée. Une telle disposition, en ce qu’elle ne se limite pas à prévoir un seul mode de preuve, témoigne également de la volonté du législateur autrichien de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par la réglementation nationale.

45 Eu égard aux motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 49 TFUE, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi de subventions publiques destinées aux établissements d’enseignement privés reconnus en tant qu’écoles confessionnelles à la condition que l’Église ou la société religieuse qui introduit la demande de subvention pour un tel établissement soit reconnue en vertu du droit de l’État membre concerné, y compris lorsque cette Église ou cette société religieuse est reconnue en vertu du droit de son État membre d’origine.

 Sur les dépens

46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1) L’article 17, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il n’a pas pour effet de soustraire au champ d’application du droit de l’Union une situation dans laquelle une Église, une association ou une communauté religieuse qui dispose du statut de personne morale de droit public dans un État membre et qui reconnaît et soutient dans un autre État membre, en tant qu’école confessionnelle, un établissement d’enseignement scolaire privé demande l’octroi d’une subvention pour cet établissement, qui est réservée aux Églises, aux associations et aux communautés religieuses reconnues en vertu du droit de cet autre État membre.

2) L’article 49 TFUE, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 1, TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne l’octroi de subventions publiques destinées aux établissements d’enseignement privés reconnus en tant qu’écoles confessionnelles à la condition que l’Église ou la société religieuse qui introduit la demande de subvention pour un tel établissement soit reconnue en vertu du droit de l’État membre concerné, y compris lorsque cette Église ou cette société religieuse est reconnue en vertu du droit de son État membre d’origine.