Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-12.909
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pinot
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Monod et Colin
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Nancy, 18 novembre 2009), et les productions, que la société d'ingénierie et de conseil Gopal international (la société) a cédé dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, en vertu d'une convention-cadre conclue le 2 décembre 1998, des créances professionnelles à la Banque populaire Lorraine Champagne (la banque), et reçu de celle-ci, en juillet 2002, un crédit de trésorerie par l'escompte d'un billet de 150 000 euros à échéance du 20 décembre 2002 ; qu'après avoir demandé à la société, par courrier du 14 octobre 2002, de régulariser le solde débiteur de son compte courant, la banque lui a notifié, par courrier du 24 octobre 2002, le rejet des chèques présentés ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 26 novembre et 17 décembre 2002, la SCP X..., nommée liquidateur, a recherché la responsabilité de la banque ;
Attendu que la SCP X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la banque à lui payer la somme de 1 156 177 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il s'agit d'un découvert en compte, le taux effectif global ne peut être appliqué qu'après qu'il a été préalablement mentionné, de manière efficiente, par écrit, au moins à titre indicatif, par un ou plusieurs exemples chiffrés, soit dans la convention de crédit, soit dans un relevé d'opérations ou d'agios dont les calculs d'intérêts peuvent valoir exemples indicatifs pour l'avenir jusqu'à notification d'un nouveau taux effectif global ; qu'à cet égard, la SCP Pierre X...imputait en l'espèce à la banque une gestion opaque des comptes de la société et l'absence de communication des conditions d'escompte, en soulignant qu'il était impossible de vérifier quel taux avait été réellement appliqué pour obtenir les agios relatifs aux impayés, facturés sur son compte courant, étant entendu que les relevés de compte ne mentionnaient aucune méthode de calcul et que la convention cadre du 2 décembre 1998 ne faisait que renvoyer aux relevés de compte courant sans préciser le montant ni le calcul du taux d'intérêt ; que, dès lors, en se bornant à déclarer que la banque versait aux débats la convention cadre de cession de créances professionnelles, dont l'article 12 précisait que la SCP Pierre X...serait informée de l'inscription de toute créance cédée dans un compte d'impayés, différent du compte courant du client, et qu'il était en outre précisé que toute créance impayée à la date de son échéance ferait courir des intérêts calculés aux taux des intérêts débiteurs applicables au compte courant, de sorte qu'il suffisait de se référer aux relevés du compte courant pour connaître le taux pratiqué par la banque, ces relevés précisant effectivement le taux pratiqué ainsi que le montant des intérêts débiteurs pour chaque période considérée, sans rechercher si, au-delà de l'indication du taux, il était possible à la société d'en déterminer le mode de calcul, qui plus est pour l'avenir, et de vérifier si le taux mentionné était bien celui qui avait été appliqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que les relevés de comptes mentionnant le taux effectif global, auxquels la cour d'appel s'est référée pour statuer, avaient été établis les 11 juillet et 10 octobre 2002 pour couvrir respectivement les périodes de avril à juin 2002 et de juillet à septembre 2002 ; que, dès lors, en déclarant que ces documents et la convention cadre établie en 1998, qui ne faisait que s'y référer, permettaient à la société d'avoir conscience de la méthode et du coût de la gestion des impayés mise en oeuvre par la banque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, qui ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours ; que la SCP Pierre X...faisait à cet égard valoir qu'en l'espace de 11 jours, la banque avait retiré tous ses concours à la société, jusqu'à refuser purement et simplement, par courrier du 24 octobre 2002, de payer les chèques présentés ; qu'en affirmant que la banque avait en l'espèce respecté un préavis suffisant du fait qu'elle avait, le 15 février 2002, expliqué à la société que la lourdeur des frais financiers était due aux besoins en fonds de roulement en raison du cycle d'exploitation et de l'insuffisance des fonds propres, le 11 octobre 2002, précisé que le solde débiteur du compte courant avait été annulé par la mise en place d'un crédit de trésorerie de 150 000 euros et « rappelé » que le compte courant devait fonctionner sur une base exclusivement créditrice, le 14 octobre 2002, demandé la régularisation du solde débiteur du compte courant avant le 25 octobre 2002, et dès le 24 octobre 2002, informé la société de l'impossibilité de régler les chèques présentés, la cour d'appel, qui n'a ainsi pas caractérisé l'existence d'une notification écrite de la cessation de son concours financier, ni a fortiori d'un préavis suffisant au sens des dispositions applicables, a violé les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1382 du code civil ;
4°/ que le courrier du 15 février 2002 adressé à la société par la banque ne faisait que justifier la lourdeur des frais financiers par les besoins en fonds de roulement en raison du cycle d'exploitation et de l'insuffisance des fonds propres et que par ailleurs, à supposer même par extraordinaire que la cour d'appel ait été fondée à retenir que les courriers adressés à la société L entre les 11 et 24 octobre 2002 constituaient autant de notifications, par la banque, de la cessation de son concours, le délai écoulé dans ce laps de temps ne pouvait être considéré comme un délai de préavis suffisant au sens des dispositions applicables ; que, dès lors, en affirmant purement et simplement que la banque avait octroyé à la société un délai de préavis suffisant avant de mettre fin à tous ses concours, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 313-12 du code monétaire et financier et 1382 du code civil ;
5°/ que dans ses conclusions d'appel, la SCP Pierre X...ès qualités, faisait valoir que la faute de la banque résultait également de la concomitance de la rupture brutale de ses concours avec un apurement massif des créances Dailly effectué en deux vagues successives au cours du mois d'octobre 2002, ce qui avait très rapidement provoqué le débit du compte courant de la société ; que faute d'avoir recherché si la responsabilité de la banque ne s'évinçait pas aussi, et de plus fort, de cet apurement massif effectué au moment même où elle décidait, qui plus est irrégulièrement, de mettre un terme à son concours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
6°/ que si la banque faisait état de doubles mobilisations des créances Dailly, dont la SCP Pierre X...a au demeurant souligné, sans être contredite par la cour d'appel, qu'elles étaient accidentelles et portaient sur de faibles montants, la banque ne s'en prévalait pas au soutien de la rupture de ses concours, mais seulement pour s'expliquer sur l'apurement massif et sans discernement des créances Dailly impayées par débit en compte courant et qu'au demeurant, les courriers dont la cour d'appel a considéré qu'ils constituaient des mises en garde de la société permettant de retenir l'existence d'un délai suffisant de préavis, ne faisaient nullement état d'une double mobilisation des créances Dailly ; que dès lors en affirmant que cette double mobilisation justifiait la brusque rupture du concours financier de la banque, la cour d'appel a méconnu les termes du débat et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que sont contestés le taux pratiqué ainsi que son mode de calcul pour les périodes de référence d'avril à juin et de juillet à septembre 2002, l'arrêt retient, d'abord, que l'article 12 de la convention-cadre de cession de créances professionnelles mentionne que toute créance cédée, impayée, sera inscrite dans un compte d'impayé et que toute créance impayée à son échéance fera courir des intérêts calculés au taux des intérêts débiteurs applicables au compte courant, et que les relevés de compte courant produits par la société précisent effectivement le taux pratiqué ainsi que le montant des intérêts débiteurs pour chaque période considérée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le mode de calcul des intérêts avait été déterminé au préalable à titre indicatif dans la convention-cadre, et que la société avait été régulièrement informée des taux pratiqués pour chacune des périodes considérées et avait eu connaissance de la méthode et du coût de gestion des impayés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient, d'abord, que la banque a adressé, le 24 octobre 2002, un courrier notifiant à la société la rupture de ses crédits, ensuite, qu'elle aurait pu rompre sans préavis ses relations contractuelles avec la société au regard de la double mobilisation de créances professionnelles pratiquée et non contestée par cette dernière ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'en raison du comportement gravement répréhensible de sa cliente l'autorisant à rompre sans préavis les relations contractuelles, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu que le cédant était garant solidaire du paiement des créances cédées et que la double mobilisation de créances pratiquée par la société, qui constitue un délit, permettait légitimement à la banque de pratiquer comme elle l'a fait, ce dont il résultait que la banque était fondée à contre-passer au compte courant de la société les créances litigieuses et n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le dernier grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.