Cass. 3e civ., 24 janvier 2007, n° 06-13.028
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Assié
Avocat général :
M. Cuinat
Avocats :
Me Ricard, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 février 2006), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 avril 2004, pourvoi n° 02-21.396), que le 13 décembre 1992, un incendie a détruit trois chais appartenant à la société Bisseuil, mis à disposition de la société Organisation économique du cognac (la société Oreco) ; qu'à la suite de ce sinistre, la société Generali assurances IARD (la société Generali), subrogée dans les droits de la société Bisseuil, a formé diverses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Oreco et de l'assureur de cette dernière, la société Assurances générales de France (la société AGF) ;
Sur le premier moyen des pourvois n° 06-13.028 et 06-14.253, réunis :
Attendu que les sociétés Oreco et AGF font grief à l'arrêt de dire que la société Oreco est responsable, sur le fondement de l'article 1733 du code civil, du sinistre survenu le 13 décembre 1992 et de les condamner in solidum à payer certaines sommes à la société Generali, alors, selon le moyen :
1°/ que le bail est un contrat par lequel l'une des parties, le bailleur, s'oblige à faire jouir l'autre, le preneur, d'une chose en contrepartie d'un prix ; qu'en retenant que la convention conclue entre la société Oreco et la société Bisseuil s'analysait en un bail, malgré la clause prévoyant que la société Oreco, le prétendu preneur, s'engageait à réserver les locaux à l'usage exclusif soit de la société Bisseuil, le prétendu bailleur, soit des clients de cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 1709 et 1134 du code civil ;
2°/ que le bail est un contrat par lequel une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant une certaine durée et moyennant un certain prix ; qu'ayant constaté que, dans la convention unissant la société Etablissement Bisseuil, propriétaire, et la société Oreco, était prévue une clause précisant que la société Oreco, prétendu preneur, s'engage à stocker les eaux de vie de la société Bisseuil, prétendu bailleur, et de ses clients, la cour d'appel ne pouvait qualifier la convention de bail à défaut d'un droit de jouissance reconnu au prétendu preneur sans violer les articles 1709 et 1733 du code civil ;
3°/ que l'existence d'un bail implique la stipulation d'un loyer sérieux ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si compte tenu de la modicité des redevances réglées par la société Oreco et de par leur caractère variable étranger à toute valeur locative, la convention litigieuse prévoyait l'existence d'un véritable loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1709 et 1134 du code civil ;
4°/ que l'article 1733 du code civil concerne les seuls rapports du propriétaire avec son locataire ; qu'en appliquant la présomption de responsabilité prévue par ce texte aux rapports entre l'assureur, la société Generali, subrogée dans les droits du locataire et un sous-locataire, la société Oreco, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le contrat liant la société Bisseuil à la société Oreco était intitulé "contrat de bail", que ce terme était repris à de nombreuses reprises dans la convention dans laquelle il était fait état de loyers "soumis à la législation en vigueur des baux commerciaux", même si cette mention ne pouvait être prise au pied de la lettre et que les dispositions concernant la charge et l'entretien des locaux constituaient des dispositions classiques d'un contrat de location, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que la commune intention des parties avait été de conclure un bail, peu important que la société Oreco se soit par ailleurs engagée à stocker les eaux de vie de la société Bisseuil ou de ses clients ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a exactement retenu que, si faute de liens de droit entre le propriétaire et le sous-locataire, la présomption de responsabilité de l'article 1733 du code civil ne s'appliquait pas entre eux, il en allait différemment entre le locataire et le sous-locataire qui occupe exclusivement les lieux et que tel était le cas en l'espèce où la société Sogefimur, alors propriétaire du Chai B où l'incendie avait pris naissance, l'avait loué à la société Bisseuil qui elle-même l'avait sous-loué à la société Oreco ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi n° 06-13.028 et le troisième moyen du pourvoi n° 06-14.253, réunis :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu que la personne tenue au paiement d'une somme envers une autre ne lui en doit les intérêts qu'après avoir été mise en demeure ;
Attendu qu'en fixant le point de départ des intérêts sur les sommes dues par le responsable, la société Oreco, et son assureur, la société AGF, à l'assureur subrogé dans les droits de la victime, la société Generali, à la date du paiement subrogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi n° 06-14.253, qui ne serait pas de nature à permettre son admission ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts au taux légal sur les sommes dues à la société Generali par les sociétés Oreco et AGF commenceront à courir à compter des versements justifiés, faits par la société Generali à son assuré, la société Bisseuil, l'arrêt rendu le 7 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.