Cass. 3e civ., 30 mai 1990, n° 89-10.356
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senselme
Rapporteur :
M. Peyre
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Boré et Xavier, Me Parmentier, Me Choucroy, SCP Rouvière, Lepître et Boutet
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 octobre 1988), que les époux Y... ont pris à bail un logement appartenant aux consorts Z... ; qu'en actionnant l'interrupteur électrique de la salle de bains, Mme Y... a déclenché une explosion de gaz suivie d'un incendie qui a provoqué la destruction de la majeure partie du pavillon des consorts Z..., ainsi que des dégâts importants au pavillon voisin appartenant à M. X... ; que les consorts Z... et M. X..., ainsi que leurs assureurs respectifs, le Groupe des assurances mutuelles de France et le Groupe Drouot, ont assigné M. Y... afin d'obtenir l'indemnisation de leurs dommages ; que M. Y... a appelé en garantie la société Chaffoteaux et Maury qui, quelques mois auparavant, avait effectué le détartrage de la chaudière à gaz installée dans la salle de bains ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré tenu envers les consorts Z..., bailleurs, des conséquences dommageables de l'incendie, alors, selon le moyen, que l'exécution de l'obligation d'entretien des canalisations mise par le bail à la charge d'un locataire s'apprécie par rapport à l'action d'un bon père de famille normalement avisé et prudent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate, d'une part, que M. Y..., non professionnel, ne pouvait déceler la fuite de gaz, d'autre part, qu'il avait fait appel à un spécialiste pour l'entretien de la chaudière, ce dont il résulte qu'il s'acquittait avec une diligence normale de l'obligation d'entretien que le bail mettait à sa charge ; qu'en déduisant, cependant, de la seule existence d'une fuite de gaz qu'il n'avait pas " mis en oeuvre les moyens techniques nécessaires à son obligation d'entretien ", la cour d'appel, qui, pour écarter la force majeure, a mis à la charge de M. Y... une obligation de résultat, a violé les articles 1134 et 1733 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'en application des conditions du bail, le preneur était tenu d'assurer le bon entretien des canalisations d'où la fuite provenait et qu'il ne justifiait pas du caractère imprévisible de l'explosion due à cette fuite, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré responsable du dommage subi par M. X..., propriétaire voisin, du fait de l'incendie, alors, selon le moyen, " 1°) que celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance, ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à celle des personnes dont il est responsable ; qu'en l'espèce, il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué que le dommage causé à l'immeuble de M. X... avait pour cause, non " l'explosion de gaz dans les locaux de M. Y..., mais l'incendie allumé par cette explosion et qui s'était propagé vers la propriété voisine ; qu'en déclarant, cependant, M. Y... responsable du dommage, sans caractériser sa faute, la cour d'appel, qui a violé par fausse application l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 2, du
même Code ; 2°) que la fuite de gaz en provenance du robinet de raccordement de la chaudière constituait pour M. Y... un fait extérieur, imprévisible et irrésistible, exonératoire de responsabilité ; que la cour d'appel, qui, pour décider le contraire, a considéré l'existence même de la fuite de gaz comme caractéristique d'un manquement du locataire à son obligation d'entretien, par essence prévisible, et a ainsi mis à sa charge une obligation de résultat que le bail ne comportait pas, a violé les articles 1134 et 1384, alinéa 1er, du Code civil " ;
Mais attendu que les dispositions du premier alinéa de l'article 1384 du Code civil ne se trouvant pas exclues par celles du deuxième alinéa lorsque les dommages sont dus, non à l'incendie, mais à l'explosion qui en est la cause, la cour d'appel, qui a relevé que l'explosion était à l'origine de l'incendie et que, dans ses rapports avec les tiers, M. Y... avait l'usage, la direction et le contrôle de la canalisation qui, par sa défectuosité, était intervenue dans la réalisation du dommage, et qu'il ne saurait invoquer la force majeure alors qu'il lui incombait de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la conservation de la chose, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.