Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 27 juin 2011, n° 00-13.112

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Martin

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

SCP Philippe et François-Régis Boulloche, Me Choucroy

Douai, 1re ch., du 7 févr. 2000

7 février 2000

Sur le moyen unique du pourvoi principaI et le deuxième moyen du pourvoi provoqué de la société Norpac, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 7 février 2000), que la société Sedaf, maître de l'ouvrage, assurée par le Groupe Drouot, aux droits duquel vient la compagnie Axa assurances (compagnie Axa), a chargé la société Norpac de la construction de maisons sous la maîtrise d'oeuvre de M. XS..., architecte, assuré par la société Mutuelle des architectes français (MAF), et le contrôle de la Société de contrôle technique (Socotec) ; que des désordres étant apparus, les acquéreurs des maisons ont assigné en réparation le maître de l'ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs ;

Attendu que M. XS..., la MAF et la société Norpac font grief à l'arrêt d'accueillir les demandes dirigées contre eux, alors, selon le moyen :

1 / qu'il était soutenu, dans les conclusions récapitulatives de l'architecte et de son assureur, sur l'appel incident qu'ils formaient contre le jugement, qu'"à juste titre, I'expert a estimé devoir retenir trois causes aux fissurations et aux désordres constatés, celle de la sécheresse, cause principale des désordres, celle relative à la présence d'arbres et de plantations abondantes, mais seulement aggravante et imputable au maître de l'ouvrage. M. Prod'homme a pris note du fait que les textes, DTU, avis techniques du CSTB avaient été parfaitement respectés par l'architecte d'un point de vue conceptuel ; que le parti constructif avait fait l'objet d'un avis favorable du contrôleur technique, Socotec. En conséquence, il était permis de plaider le caractère irrésistible de cette sécheresse dont le caractère est indéniablement exceptionnel et qui, selon un arrêt de la Cour de Cassation, dans sa Première chambre civile, rendu le 7 juillet 1988, constitue un cas de force majeure exonératoire de la responsabilité décennale" ; qu'ainsi, en énonçant qu'"il n'est plus contesté en cause d'appel qu'une telle sécheresse ne constituait pas un cas de force majeure, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie, en violation des articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile" ;

2 / que, dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 mars 1999, la société Norpac faisait valoir que "la présomption édictée par l'article 1792 n'est pas irréfragable et les circonstances particulièrement exceptionnelles, tant par la durée que par l'importance de la période de sécheresse ayant sévi en 1989 et de janvier à décembre 1990, doivent conduire le Tribunal à constater le cas de force majeure corroborant en cela l'état de catastrophe naturelle arrêté le 28 mars 1991 ; (que) I'expert judiciaire rappelle les circonstances climatiques exceptionnelles ayant dominé une région peu habituée à ce type de pénurie ; (que) nul n'est en mesure de contester que la longévité exceptionnelle de cette période de forte sécheresse ait entraîné la dessiccation du sol principalement à l'origine des désordres ; qu'un tel phénomène, de par son caractère exceptionnel, et de par l'intensité, était imprévisible en sa survenance pour les constructeurs ... (que) c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'un cas de force majeure constitué par cette période de sécheresse d'une durée et d'une ampleur particulièrement exceptionnelle pour la région au regard de ses conditions climatiques ; (que) I'ensemble des conséquences des sinistres affectant les ouvrages devra donc être pris en compte et en charge par les assureurs "catastrophe naturelle", à l'exclusion de toute responsabilité des intervenants à l'acte de construire" ; qu'en affirmant pourtant qu'il n'était "pas contesté en appel qu'une telle sécheresse ne constituait pas un cas de force majeure", la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'il était soutenu par les conclusions de M. XS... et de la MAF que l'ensemble des pavillons du lotissement Le Hameau du Châtelet ne sont pas touchés par le phénomène ; que les logements les plus gravement atteints sont ceux qui sont au voisinage immédiat des plantations d'arbres ; que l'implantation de ces arbres et arbustes, en même temps que la sécheresse, sont directement à l'origine des désordres pour lesquels les consorts M... et autres ont été indemnisés ; qu'à ce stade de la discussion, il est intéressant de noter que M. XW..., propriétaire de l'un des pavillons, a pris l'initiative de couper les arbres à proximité de son habitation, qu'aussitôt après le phénomène dommageable a cessé et la stabilisation de son immeuble est désormais acquise ; qu'ainsi, en décidant que le phénomène de dessiccation du sol, consécutif à la plantation trop importante d'arbres et arbustes à proximité immédiate des constructions et considéré par l'expert comme l'une des deux causes principales des fissurations des bâtiments, n'était pas de nature à constituer une exonération au moins partielle de la responsabilité des constructeurs dont les ouvrages avaient été réalisés selon les textes DTU, avis techniques, CSTB parfaitement respectés et qui, sans la sécheresse exceptionnelle, n'auraient subi aucun désordre ; qu'ainsi, en ne s'expliquant pas sur ces conclusions, la cour d'appel 1/ n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2/ n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 1147 et 1792 du Code civil ;

4 / que la société Norpac faisait encore valoir, par ses conclusions d'appel signifiées le 15 mars 1999, que "les plantations auxquelles il a été procédé à l'initiative de la Sedaf et des propriétaires... ont joué incontestablement un rôle causal dans la survenance des désordres puis dans leur aggravation ; (que) I'expert indique très clairement en page 41 de son rapport que de toute façon la présence de la végétation existante suffit -à son avis- à elle seule à expliquer l'aggravation des problèmes posés par la sécheresse ; ... qu'il était constaté, et ce de manière indiscutable, - que les logements les plus gravement atteints sont ceux au voisinage desquels la végétation et les plantations étaient les plus nombreuses, - que les initiatives de certains propriétaires ayant coupé les arbres à proximité de leur habitation ont immédiatement entraîné une stabilisation des désordres ; (que) c'est donc à tort que les premiers juges ont fait abstraction du rôle causal joué par cette profusion de végétation et de plantation faites sans le moindre plan ou étude d'ensemble, ni la moindre précaution ou réserve, alors que le rôle joué par les arbres et arbustes en matière de dessiccation est connu" ; qu'en décidant pourtant que la réalisation de plantations par le maître de l'ouvrage n'était pas de nature à exonérer, fut-ce partiellement, les constructeurs, faute pour ces plantations d'avoir été la cause initiale des désordres, sans s'expliquer sur les conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que la sécheresse ne pouvait être considérée ni comme imprévisible puisqu'une sécheresse exceptionnelle s'était déjà produite quelques années avant la construction des immeubles litigieux, ni irrésistible en ses conséquences car des mesures pouvaient être prises pour éviter les tassements du sol et assurer une résistance aux variations, d'autre part, qu'aucune faute, aucune immixtion du maître de l'ouvrage ne résultait de la présence de plantations, qui n'avaient pas été la cause initiale mais seulement un facteur aggravant des désordres, et que le maître de l'ouvrage et les propriétaires n'avaient aucune compétence pour en apprécier les risques éventuels, la cour d'appel, qui a retenu, abstraction faite d'un motif surabondant et sans dénaturation, qu'aucune cause exonératoire de la présomption pesant sur les constructeurs n'étant établie, la responsabilité de M. XS... et de la société Norpac était engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le premier moyen du pourvoi provoqué de la société Norpac :

Attendu que la société Norpac fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes dirigées contre elle, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des termes clairs et précis des conclusions de désistement d'appel signifiées par la société Norpac le 7 janvier 2000 que celle-ci s'était désistée du seul appel principal qu'elle avait dirigé à l'encontre des acquéreurs ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que la société Norpac se serait désistée de l'appel incident dirigé à l'encontre des constructeurs, assureurs et maître de l'ouvrage, elle aurait dénaturé les conclusions susvisées, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, dans une telle hypothèse, la cour d'appel, qui a expressément énoncé qu'il y avait eu désistement d'appel à l'encontre des acquéreurs, se serait contredite, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que, dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 mars 1999, la société Norpac demandait que le jugement entrepris soit réformé et qu'elle soit mise "purement et simplement hors de cause" ;

qu'en affirmant néanmoins que la société Norpac, antérieurement au désistement, avait demandé "la confirmation du jugement", la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que la société Norpac n'avait interjeté appel qu'à l'encontre des acquéreurs des maisons et qu'elle s'était désistée de son appel à leur égard, d'autre part, qu'ayant invoqué le fait du maître de l'ouvrage, cette société ne réussissait pas à se dégager de la présomption de responsabilité pesant sur elle, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, a statué sans dénaturation et sans contradiction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi provoqué de la société Norpac :

Attendu que la société Norpac fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité à hauteur de 35 % dans les rapports entre constructeurs, alors, selon le moyen, que le jugement dont il avait été interjeté appel par la société Sedaf avait limité à 20 % la responsabilité pouvant être retenue à l'encontre de la société Norpac, après avoir observé que les travaux avaient été réalisés conformément aux règles de l'art et qu'il appartenait seulement à la société Norpac d'attirer l'attention de l'architecte et du maître de l'ouvrage en émettant des réserves sur la particularité du sol et sur les risques de tassements en cas de sécheresse ; qu'en ne s'expliquant pas sur les motifs qui la conduisaient à aggraver la part de responsabilité retenue par le Tribunal et en élevant à 35 % le taux de responsabilité incombant à la société Norpac, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Norpac devait, en sa qualité d'entrepreneur général tous corps d'état, attirer l'attention du maître de l'ouvrage et des autres intervenants sur la particularité du sol, les risques de tassements en cas de sécheresse et émettre les réserves nécessaires, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle devait supporter une part de responsabilité qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.