Cass. 2e civ., 28 février 2006, n° 04-16.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
M. Benmakhlouf
Avocats :
Me Haas, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2004) et les productions, qu'un litige opposant la SCI Chemin de la Colline (la SCI) à M. et Mme X..., M. et Mme Y... et Mme Z... à qui elle avait vendu différents lots d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, un juge des référés a condamné M. et Mme X... à payer à la SCI une certaine somme ; que Mme Z..., se prévalant d'une créance contre la SCI, a fait pratiquer entre les mains de M. et Mme X... une saisie conservatoire ;
que le 28 mars 1994 M. et Mme X... ont versé à la SCI une certaine somme correspondant à la différence entre la somme à laquelle ils avaient été condamnés par l'ordonnance de référé et la somme saisie par Mme Z... ; que M. et Mme Y... ont fait pratiquer une saisie conservatoire au préjudice de M. et Mme X... pour le règlement d'une créance à l'égard de la SCI ; que M. et Mme X... ont contesté cette mesure devant un juge de l'exécution qui a ordonné la consignation d'une certaine somme sur un compte séquestre jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la contestation élevée par la SCI à l'encontre de cette mesure ; que M. et Mme X... ont spontanément consigné une somme supplémentaire, correspondant au solde du prix de vente afin de pouvoir rentrer en possession de l'immeuble ; qu'après que Mme Z... eut, le 15 décembre 1995, fait procéder à la mainlevée de sa saisie conservatoire, M. et Mme Y... ont fait signifier le 11 juin 1999 un procès-verbal de conversion de la saisie conservatoire en se prévalant d'un jugement d'un tribunal qui avait condamné la SCI à leur payer une somme de 302 993,61 francs, et ont appréhendé les sommes séquestrées ; que M. et Mme X... ont saisi un juge de l'exécution afin d'obtenir la condamnation de M. et Mme Y... à leur restituer cette somme ; que M. et Mme Y... ont formé une demande reconventionnelle pour obtenir, sur le fondement de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992, leur condamnation à leur payer le solde des causes de la saisie ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande de restitution et d'avoir accueilli la demande reconventionnelle de M. et Mme Y..., alors, selon le moyen :
1 / qu'une créance ayant pour objet une somme d'argent, rendue indisponible par l'effet d'une première saisie conservatoire, ne peut pas faire l'objet d'une seconde saisie conservatoire ; que la validité de cette seconde saisie s'apprécie à la date à laquelle elle est effectuée ;
qu'en l'espèce, à supposer que l'arrêt soit entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il constate que le règlement de la somme de 178 210,02 francs à la SCI Chemin des Collines est intervenu le 28 mars 2003, -et non le 28 mars 1994- il résulte alors de ses constatations qu'à la date à laquelle la saisie conservatoire de M. et Mme Y... a été pratiquée, soit le 1er avril 1994, la créance de la SCI Chemin des Collines envers M. et Mme X... avait pour partie été rendue indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire antérieure pratiquée par Mme Z... et était éteinte pour le surplus du fait du paiement du solde effectué le 28 mars 1994 ; qu'en conférant un effet rétroactif à la mainlevée de la première saisie conservatoire, pour permette la conversion en saisie-attribution de la seconde saisie conservatoire, réalisée à une date où cette créance était pour partie éteinte et pour partie indisponible, la cour d'appel à violé l'article 75 de la loi du 9 juillet 1991 ;
2 / que M. et Mme X... justifiaient, par la production du relevé de leur compte bancaire, qu'ils avaient réglé le 28 mars 1994 à la SCI Chemin des Collines une somme de 178 210,02 francs, ou 27 167,94 euros, correspondant à la partie non encore saisie de la condamnation prononcée à leur encontre ; qu'il en résultait qu'à la date de la saisie conservatoire pratiquée par M. et Mme Y... le 1er avril 1994, la SCI Chemin des Collines ne disposait plus d'aucune créance susceptible d'être saisie ; qu'en retenant que la somme de 178 210,02 francs n'avait été réglée que le 28 mars 2003, pour en déduire que M. et Mme Y... restaient débiteurs du promoteur, la cour d'appel a dénaturé le relevé de compte bancaire du 1er avril 1994 et, partant, violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que le tiers saisi, poursuivi en paiement par le créancier, peut, même après la conversion de la saisie, exciper de ce que la créance saisie a été éteinte par compensation pour dette connexes avec sa propre créance contre le débiteur saisi ; qu'en considérant que M. et Mme X... ne pouvaient opposer aucune compensation judiciaire entre leur propre dette de solde du prix et celle de réparation pour malfaçons et retards pesant sur le promoteur immobilier, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que, dérivant d'un même contrat, les obligations réciproques des parties étaient unies par un lien de connexité, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1298 du Code civil, ensemble l'article 240 du décret du 31 juillet 1992 ;
4 / que le tiers saisi entre les mains duquel est pratiquée une saisie conservatoire qui ne satisfait pas à l'obligation légale de renseignement, n'encourt s'il n'est tenu, au jour de la saisie, à aucune obligation envers le débiteur, que de la condamnation au paiement des dommages-intérêts, et non aux causes de la saisie ; qu'en condamnant M. et Mme X... aux causes de la saisie, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'à la date de la saisie conservatoire, ceux-ci n'étaient tenus d'aucune obligation à l'égard du débiteur, la créance de ce dernier ayant été pour partie rendue indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire antérieure et, pour le surplus, éteinte par le paiement du solde, la cour d'appel a violé les articles 24 et 44 de la loi du 9 juillet 1991 ;
5 / que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et, sauf son recours contre ce dernier ; qu'en considérant que M. et Mme X... ne justifiaient d'aucun motif légitimant leur abstention et qu'ils ne pouvaient pas, à cet effet, se borner à renvoyer aux termes de leur assignation aux fins de mainlevée de cette mesure conservatoire, sans rechercher, comme elle y était invitée si la multiplicité et la complexité des procédures en cours à la date de la saisie n'avaient pas rendu impossible une réponse immédiate à l'huissier instrumentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 238 du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu qu'une saisie-attribution peut être pratiquée sur une créance rendue indisponible par l'effet d'une saisie conservatoire antérieure sous réserve du droit de préférence conféré au premier saisissant ; qu'ayant constaté que la saisie conservatoire pratiquée par Mme Z... avait été levée le 15 décembre 1995, la cour d'appel a pu, par ce seul motif, retenir que M. et Mme X... étaient, à compter de cette date, restés débiteurs de la SCI et que M. et Mme Y... étaient dès lors fondés à faire convertir en saisie-attribution leur propre saisie ;
Attendu que M. et Mme X... n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que leur créance était connexe avec celle de la SCI ;
Attendu, enfin qu'ayant relevé que M. et Mme X... n'avaient pas répondu à l'interpellation de l'huissier de justice, ni sur le champ, ni même dans un délai raisonnable, la cour d'appel a pu retenir qu'ils ne justifiaient pas d'un motif légitimant leur abstention ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et quatrième branches, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit dans sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.