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Décisions

Cass. crim., 18 juillet 2017, n° 16-86.866

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocat :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Pau, du 22 sept. 2016

22 septembre 2016

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs conseillers municipaux de la commune de Grenade-sur-l'Adour, dont le maire est M. X..., ont, le 21 avril 2009, dénoncé les conditions de passation, par celui-ci, d'une délégation de service public relative à l'assainissement ; que, chargés d'une enquête préliminaire sur ces faits, les gendarmes ont entendu, courant novembre 2009, trois des personnes à l'origine de la procédure qui, au cours de leur audition, ont révélé d'autres agissements commis par le demandeur dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme (PLU), de la construction d'un lotissement sur la commune et de la conclusion de contrats, entre 2007 et 2010, de fournitures de prestations informatiques avec une société dirigée par l'un de ses fils, et susceptibles de caractériser plusieurs infractions de prise illégale d'intérêt ; que M. X... a été entendu sur l'ensemble de ces faits le 17 septembre 2010 ; que les investigations ont permis d'établir que le 23 avril 2002, le conseil municipal de la commune de Grenade-sur-l'Adour, sur la proposition de M. X..., a décidé d'engager la procédure de révision du PLU ; qu'avant l'aboutissement de celle-ci, M. X... et son fils ont, courant 2004, acquis chacun et à bas prix, des parcelles de terrain, celles achetées par M. Richard X... étant situées, pour leur plus grande partie, en zone inconstructible ; que la commune de Grenade-sur-l'Adour s'est ensuite, courant 2005, portée acquéreur du reste de la parcelle acquise à titre personnel par M. X... et a entrepris d'y faire édifier un lotissement comportant d'importants travaux de voirie, l'ensemble de l'opération ayant été placé sous la surveillance du demandeur qui, en sa qualité de maire, a signé, notamment, l'arrêté municipal du 13 octobre 2006 portant autorisation du lotissement et celui du 12 novembre 2007autorisant la vente des lots ; que, par délibération du 4 décembre 2007, le conseil municipal de la commune de Grenade sur l'Adour, présidé par le prévenu, a arrêté le projet de révision du PLU, faisant ainsi passer en zone constructible les parcelles acquises par son fils, parcelles qui ont, tout comme celles lui appartenant, bénéficié des travaux de voirie et d'accession aux réseaux effectués pour le lotissement ; que le procureur de la République a, le 18 octobre 2010, sollicité l'avis du service central de prévention de la corruption (SCPC) qui lui est parvenu le 2 décembre suivant ; que suite à ce rapport, ce magistrat a, le 20 janvier 2011, saisi les enquêteurs aux fins d'investigations complémentaires ; qu'à l'issue de celles-ci, M. X... a, le 22 juillet 2013, été cité pour avoir à Grenade-sur-l'Adour, courant 2007, étant investi d'un mandat électif, en sa qualité de maire de la commune de Grenade-sur-l'Adour pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration, en l'espèce, d'une part, en participant à la révision du PLU et en approuvant, en décembre 2007, le nouveau PLU de la commune, sachant que cette procédure permettait de rendre entièrement constructible un terrain qu'il avait personnellement négocié avec le vendeur pour son fils, d'autre part, en conduisant la procédure de construction d'un lotissement alors qu'il avait utilisé ce projet pour acquérir un terrain limitrophe à un prix très bas qui a bénéficié des aménagements du lotissement notamment de la voirie et des accès, enfin, en conduisant ladite procédure de telle manière que les aménagements de voirie et les réseaux desservent un terrain acquis hors lotissement par son fils ; qu'il lui est également reproché d'avoir, courant 2007, 2008, 2009 et 2010, dans les mêmes conditions, participé aux décisions relatives à la conclusion de contrats de fournitures informatiques avec une société dirigée par l'un de ses fils ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que la prescription des infractions poursuivies n'était pas acquise, rejeté l'exception de prescription soulevée, déclaré M. X... coupable de l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan a constaté la prescription pour les faits suivants :
- prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance commis courant 2007, relative à la participation à la révision du PLU et en approuvant en décembre 2007 le nouveau PLU de la commune ;
- prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance commis courant 2007 et jusqu'en 2010 relative à la conduite de la procédure du lotissement Bellevue alors qu'il avait utilisé ce projet pour acquérir un terrain limitrophe à un prix très bas qui a bénéficié des aménagements du lotissement notamment de la voirie et des accès ;
- prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance commis courant 2007 et jusqu'en 2010 relative à la conduite de la procédure du lotissement Bellevue de telle manière que les aménagements de voirie et les réseaux desservent un terrain acquis hors lotissement par son fils ;
- prise illégale d'intérêts par un élu public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance commis courant 2007 afférente aux contrats de fourniture informatique ; que vu les articles 7 et 8 du code de procédure pénale, il est constant que pour le délit de prise illégale d'intérêts la prescription ne court qu'à compter du dernier acte administratif accompli par la personne mise en cause ; qu'en l'espèce concernant le lotissement, le dernier acte administratif accompli par M. X... est constitué par l'arrêté pris le 12 novembre 2007 par le maire autorisant la vente des lots avant l'exécution des travaux de finition du lotissement communal ; que concernant le PLU, le dernier acte administratif est constitué par l'approbation du projet de révision du PLU le 4 décembre 2007 par le conseil municipal sous la présidence de M. X... ; qu'enfin, concernant les contrats signés avec la société informatique gérée par le fils de Pierre X..., le premier contrat a été signé en 2007 ; qu'il est constant que constituent des actes interruptifs de prescription les procès-verbaux par lesquels les officiers de police judiciaire, saisis d'une enquête préliminaire, recueillent des déclarations spontanées relatifs à d'autres faits constitutifs d'une infraction pénale ; qu'en l'espèce, les enquêteurs de la section de recherches de la gendarmerie de Pau ont été saisis le 23 juillet 2009 par le parquet de Mont-de-Marsan d'une enquête afférente au marché public de l'assainissement de la commune de Grenade-sur-l'Adour, suite à la saisine du procureur de la République par le préfet des Landes avisé des faits par le courrier de quatre conseillers municipaux ; que lors de l'audition effectuée en novembre 2009 des signataires de ce courrier, étaient révélés de nouveaux faits pouvant constituer le délit de prise illégale d'intérêt ; que M. Y... était entendu en novembre 2009 ; que lors de l'audition de M. X... le 17 septembre 2010, les enquêteurs l'entendaient également sur l'ensemble de ces faits ; que d'ailleurs le SCPC, interrogé par le parquet de Mont-de-Marsan, rendait son avis le 2 décembre 2010, tant sur le marché de l'assainissement que sur l'ensemble des faits dénoncés : achat du terrain de M. Y... et participation de M. X... aux décisions relatives au lotissement Bellevue, participation à la révision du PLU rendant constructible un terrain acquis par un de ses fils, contrats signés avec l'entreprise d'informatique de son autre fils ; qu'il en résulte que ces faits faisaient bien l'objet de l'enquête dont étaient saisis les gendarmes de la section de recherches de Pau dès novembre 2009, date de la révélation des faits ; que d'ailleurs, le soit-transmis du 20 janvier 2011 rédigé suite au dépôt du rapport du SCPC n'avait que pour but de voir préciser les points soulevés par les conclusions de la SCPC et non d'ouvrir une enquête sur de nouveaux faits ; que l'enquête s'est poursuivie à la suite de ce soit-transmis, par plusieurs vérifications et auditions dont celle de M. X... le 20 juin 2012 ; que les gendarmes déposaient la procédure le 17 août 2012 et M. X... était cité devant le tribunal correctionnel par acte du 22 juillet 2013 ; qu'il en résulte que la prescription des délits de prise illégale d'intérêts afférente au lotissement Bellevue, au PLU et aux commandes adressées à la société Informatique 40, a été interrompue à compter de novembre 2009, date à laquelle ces délits, datant de 2007, n'étaient pas couverts par la prescription ; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a constaté la prescription des délits de prise illégale d'intérêt et la Cour rejette l'exception de prescription soulevée ;

"1°) alors que le délit de prise illégale d'intérêts se prescrit à compter du dernier acte administratif accompli par l'agent public par lequel il prend ou reçoit directement ou indirectement un intérêt dans une opération dont il a l'administration ou la surveillance ; qu'en l'espèce, pour écarter l'exception de prescription de l'action publique soulevée par le prévenu, la cour d'appel a jugé que concernant la procédure du lotissement Bellevue, le dernier acte administratif accompli par M. X... était constitué par l'arrêté qu'il avait pris le 12 novembre 2007 pour autoriser la vente des lots avant l'exécution des travaux de finition du lotissement communal ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cet arrêté n'avait pas été signé postérieurement à la réalisation des aménagements de voirie et de réseaux du lotissement dont il était prétendu que le maire avait, en conduisant la procédure du lotissement, voulu faire bénéficier le terrain acquis hors lotissement par son fils et le terrain limitrophe acquis par lui-même, de sorte que M. X... n'avait pas pu prendre ou recevoir un intérêt en signant cet arrêté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que lorsque des procès-verbaux établis dans le cadre d'une enquête préliminaire font état de déclarations spontanées relatives à d'autres faits constitutifs d'une infraction pénale, ils ne peuvent constituer des actes interruptifs de prescription à l'égard de ces derniers que si ces faits sont connexes à ceux visés par l'enquête préliminaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le procès-verbal de l'audition des conseillers municipaux de l'opposition effectuée en novembre 2009 dans le cadre de l'enquête menée à propos du marché public de délégation du service public de l'assainissement collectif attribué à la société Saur et au cours de laquelle avaient été évoqués pour la première fois l'achat de terrains par M. X... et son fils, ainsi que la conclusion de contrats informatiques entre la commune et la société appartenant à un autre fils du maire, avait interrompu le délai de prescription à l'égard de ces nouveaux faits ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ces faits étaient connexes à ceux visés par l'enquête initiale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés. ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique des délits de prise illégale d'intérêt en lien avec les procédures de révision du PLU et de construction d'un lotissement, l'arrêt énonce que le délit de prise illégale d'intérêt ne se prescrit qu'à compter du dernier acte administratif accompli par le prévenu qui peut être fixé, concernant, d'une part, la construction du lotissement, au 12 novembre 2007, date de signature par le prévenu de l'arrêté autorisant la vente des lots avant l'exécution des travaux de finition dudit lotissement, d'autre part, la révision du PLU, au 4 décembre 2007, date de l'approbation de ce plan par le conseil municipal présidé par M. X... ; que l'arrêt ajoute que le délai de prescription a été interrompu par l'établissement, courant novembre 2009, des procès-verbaux d'audition des conseillers municipaux qui ont révélé les faits de prise illégale d'intérêt ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la procédure de construction du lotissement, placée sous la surveillance permanente du prévenu pris en sa qualité de maire, constituait une opération indivisible, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 432-12 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de l'intégralité des faits qui lui sont reprochés et, en répression, l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que l'article 432-12 du code pénal définit la prise illégale d'intérêt comme « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement » ; que la prise d'intérêt vise trois situations : la prise d'intérêt stricto sensu, la réception d'un intérêt et la conservation d'un intérêt ; qu'il est constant que le caractère indirect de la prise illégale d'intérêt peut résulter de la seule participation de l'auteur à une délibération sans même qu'il ait pris part au vote ; qu'il est régulièrement admis que l'expression intérêt quelconque vise tout intérêt matériel ou moral, direct ou indirect ; que l'intérêt moral peut par exemple être constitué quand l'avantage est accordé à une personne ayant des liens familiaux ou amicaux avec l'auteur de la prise illégale d'intérêt ; qu'il est également régulièrement admis qu'il n'est pas nécessaire que l'intérêt pris par l'auteur soit en contradiction avec celui de sa collectivité ; que le délit est constitué même sans que l'auteur en ait tiré un bénéfice et même sans qu'il ait causé un préjudice ; que l'élément moral du délit est caractérisé par le seul fait d'avoir agi sciemment ; qu'enfin, si les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire des petites communes, soit les communes comptant au maximum 3500 habitants, bénéficient d'un régime dérogatoire, il est constant que le bénéficiaire du régime dérogatoire doit s'abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l'approbation du contrat ; que dans ce cas-là si le bénéficiaire est le maire, le conseil municipal doit désigner l'un de ses membres pour représenter la commune dans l'acte ; qu'en l'espèce, M. X... est maire de Grenade-sur-l'Adour ; qu'il est donc bien une personne investie d'une fonction publique telle que visée par l'article 432-12 ; que s'agissant d'une commune de moins de 3 500 habitants, il peut bénéficier du régime dérogatoire visé par l'article 432-12 du code pénal ;
1°) que concernant la prise illégale d'intérêts par M. X..., relative à la participation à la révision du PLU et en approuvant en décembre 2007 le nouveau PLU de la commune : qu'il ressort des pièces de la procédure qu'en 2002, a été lancée une procédure de révision du Plan local d'Urbanisme, plan approuvé définitivement en décembre 2007 ; que Pierre X... a participé à toutes les décisions du conseil municipal prises dans ce cadre ; qu'en 2004, il a participé aux discussions relatives à l'acquisition par son fils d'un terrain à M. Z..., terrain situé dans la zone visée par la procédure de révision du PLU ; que ce terrain au moment de l'achat était en grande partie inconstructible et a été acquis au prix du terrain inconstructible ; qu'en 2003, le certificat d'urbanisme avait été refusé à M. Z... alors qu'en 2004, pour ce même terrain, Pierre X... va signer un certificat d'urbanisme adressé au notaire chargé de la vente entre M. Lazaret et son fils Richard ; que le PLU a fait passer ce terrain en zone constructible ; que Richard X..., entendu, a déclaré qu'il n'était pas informé de la procédure de révision du PLU mais qu'il se doutait que son terrain serait constructible car autour les autres terrains étaient constructibles ; que M. X... aurait dû dès 2004 cesser de prendre part aux délibérations concernant la révision du PLU du fait de l'acquisition par son fils d'un terrain dans cette zone ; qu'il est constant que son fils avait un intérêt à ce que la révision du PLU soit adoptée, peu importe si cette révision a été faite dans l'intérêt communal, il y a ici un intérêt moral pour Pierre X... ;
2°) sur le lotissement Bellevue : que concernant la prise illégale d'intérêts relative à la conduite de la procédure du lotissement Bellevue alors qu'il avait utilisé ce projet pour acquérir un terrain limitrophe à un prix très bas qui a bénéficié des aménagements du lotissement notamment de la voirie et des accès ; qu'il est constant que M. Y... propriétaire d'un terrain a vendu une partie de son terrain à M. X... à titre personnel en 2004 et a vendu à la commune le reste de la parcelle, emplacement où a été édifié le lotissement Bellevue ; que selon M. Y... c'est M. X... qui l'a contacté dans un premier temps pour acheter un terrain au nom de son fils ; que M. Y... produit un courrier établi par M. X... au début du mois de février 2004 dans lequel il lui propose l'acquisition d'une parcelle de 2 271 m2 pour une somme de 9 900 euros ; que ce courrier en date du 5 février 2004 porte l'entête de la mairie et la signature de M. X... est précédée de « Le Maire, Conseiller Général » ; que dans ce courrier M. X..., après avoir évoqué la proposition d'achat de la parcelle 189 pour une somme de 9 900 euros TTC, indique : « je vous confirme également informer le Conseil Municipal des pourparlers que nous avons conduits », alors que le début du courrier commençait ainsi : « Au cours de nos échanges, je notais que vous n'étiez pas hostile à une vente totale ou partielle du patrimoine possédé sur notre commune » ; que quand il est entendu, M. Y... a indiqué avoir vu là l'opportunité de vendre la totalité de son terrain ; que d'ailleurs dans sa réponse faite le 15 février 2004 et adressé à M. X..., maire de Grenade-sur-l'Adour, M. Y... mentionne : « nous comptons sur vous pour concrétiser l'offre d'achat de la commune pour le reste des terrains » ; que la vente du terrain à M. X... a été actée par acte authentique du 7 mai 2004 ; que Pierre X... a signé pour la commune l'achat du reste du terrain le 26 janvier 2005 ; que M. X... ne peut pas sérieusement soutenir qu'il n'existe aucun lien entre ces deux ventes ; qu'il a utilisé ses fonctions de maire pour acquérir une partie du terrain de M. X... [sic] qui pouvait ainsi vendre la totalité de son terrain, la commune achetant le reste suite à l'intervention du maire ; que le contenu du courrier du 5 février 2005 mais aussi la réponse de M. Y... sont très explicites sur la transaction passée entre les deux hommes et le lien entre les deux opérations ; qu'il est constant que le terrain acquis par M. X... n'a pu qu'être valorisé de par la présence du lotissement Bellevue, peu importe que M. X... ne souhaite pas le vendre ; qu'il est également constant que la construction du lotissement a permis à M. X... de voir la viabilisation de son terrain facilitée ; qu'il ressort du projet choisi pour la viabilisation du lotissement que ce projet favorise son terrain ; qu'il a fait réaliser les réseaux sur son terrain, profitant de la réalisation de la voirie pour le lotissement ; qu'il rétorque avoir payé les travaux d'installation des réseaux sur sa propriété, mais il ne lui est pas reproché de ne pas avoir payé l'installation des réseaux sur son terrain ; que sur la prise illégale d'intérêt relative à la conduite de la procédure du lotissement Bellevue de telle manière que les aménagements de voirie et les réseaux desservent un terrain acquis hors lotissement par son fils ; qu'il est également constant que le terrain de son fils acquis également en 2004 se trouve à proximité du lotissement et le plan de lotissement choisi permet de faire une voie d'accès sur le terrain de M. Richard X..., ce qui permet d'amener les réseaux sur ce terrain ; que d'ailleurs M. Richard X... a confirmé que le lotissement Bellevue a un accès vers son terrain ; qu'il pense que cet accès va lui permettre de se brancher au tout-à-l'égout ; que le géomètre, M. A..., a indiqué que le décideur était le maire ; que M. X... malgré l'intérêt qu'il pouvait avoir dans le lotissement Bellevue que ce soit pour son terrain ou celui de son fils a participé à toute la procédure concernant ce lotissement et a signé le 12 novembre 2007 l'arrêté autorisant la vente des lots avant l'exécution des travaux de finition du lotissement communal ; qu'il en résulte que le délit de prise illégale d'intérêt est également constitué ;
3°) Sur la prise illégale d'intérêt afférente aux contrats de fourniture informatique : que M. X... ne conteste pas l'existence de contrats liant la commune à la société informatique 40, société unipersonnelle, gérée par son fils François ; qu'il n'aurait jamais dû ni participer à une quelconque délibération concernant ces contrats ni les signer ; qu'il est cependant le signataire des contrats en 2007, 2008 et même en 2009, alors que c'est le premier adjoint qui a proposé la souscription du contrat de maintenance au vote du conseil municipal en 2009 ; qu'en 2010, M. X... ne participe ni au vote ni à la signature du contrat d'assistance informatique, démontrant par là même qu'il avait conscience qu'il était dans l'illégalité auparavant ; que cependant, dans le cadre du marché public afférent à l'acquisition du matériel informatique pour l'école G. Phoebus, M. X... est désigné comme pouvoir adjudicateur et correspondant ; qu'il ne peut pas sérieusement soutenir avoir signé ces documents sans lire au milieu de l'ensemble des papiers qu'il devait signer ; que là aussi le délit de prise illégale d'intérêt est constitué ; que M. X... sera donc déclaré coupable de l'ensemble des infractions qui lui sont reprochées ; que le comportement de M. X..., maire et conseiller départemental, doit être sanctionné ; qu'il ne s'agit pas d'un simple mélange des genres ; qu'il a su acheter les terrains de M. Y... et M. Z... avant que la valeur ne soit trop élevée, lui-même sachant pertinemment qu'il existait une procédure de révision du PLU, ce qui ne manquerait pas d'accroître la valeur du terrain acquis par son fils, et achetant le terrain de M. Y... avant que le lotissement ne le valorise ; que certes la commune n'a pas subi de préjudice et a certainement bénéficié tant du PLU que du lotissement, mais cet élément ne retire rien à la gravité des faits ; que du fait du nombre de faits retenus et de la période étalée dans le temps, il convient de condamner M. X... à une peine d'emprisonnement de trois mois assorti du sursis simple outre une peine d'amende de 20 000 euros ;

"1°) alors que dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires peuvent traiter avec la commune dont ils sont élus pour la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros à la condition que le maire s'abstienne de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l'approbation du contrat ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. X... s'était abstenu de participer à la délibération du conseil municipal autorisant la conclusion en 2009 d'un contrat de prestations informatiques avec une société gérée par son fils pour une somme totale de 5 768,89 euros, la cour d'appel a jugé que dès lors que le maire avait signé le contrat, le délit de prise illégale d'intérêts était néanmoins constitué parce que le conseil municipal aurait dû désigner l'un de ses membres pour représenter la commune dans l'acte ; qu'en statuant ainsi, quand l'article 432-12, alinéa 5, du code pénal interdit seulement au maire de participer à la délibération et non de signer matériellement le contrat autorisé par le vote du conseil municipal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires peuvent traiter avec la commune dont ils sont élus pour la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 16 000 euros à la condition que le maire s'abstienne de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l'approbation du contrat ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. X... n'avait participé ni au vote, ni à la signature du contrat d'assistance informatique conclu en 2010 avec la société gérée par son fils pour un montant de 12 000 euros, la cour d'appel a jugé que le délit de prise illégale d'intérêt était néanmoins constitué parce que le maire aurait été désigné comme pouvoir adjudicateur et correspondant ; qu'en statuant ainsi quand l'article 432-12, alinéa 5, du code pénal impose seulement que le maire s'abstienne de participer au vote, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que le prévenu, qui n'a pas traité directement avec la commune, ne peut invoquer les dispositions de l'article 432-12, alinéa 5, du code pénal ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-20, 132-1 et 132-24 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X... au paiement d'une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que le comportement de M. X..., maire et conseiller départemental, doit être sanctionné ; qu'il ne s'agit pas d'un simple mélange des genres ; qu'il a su acheter les terrains de M. Y... et M. Z... avant que la valeur ne soit trop élevée, lui-même sachant pertinemment qu'il existait une procédure de révision du PLU, ce qui ne manquerait pas d'accroître la valeur du terrain acquis par son fils, et achetant le terrain de M. Y... avant que le lotissement ne le valorise ; que certes la commune n'a pas subi de préjudice et a certainement bénéficié tant du PLU que du lotissement, mais cet élément ne retire rien à la gravité des faits ; que du fait du nombre de faits retenus et de la période étalée dans le temps, il convient de condamner M. X... à une peine d'emprisonnement de trois mois assorti du sursis simple outre une peine d'amende de 20 000 euros ;

"alors que, selon l'article 132-20 du code pénal, le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; que, dès lors, la cour d'appel qui a décidé de condamner M. X... à la peine d'amende de 20 000 euros sans la justifier au regard des ressources et des charges du prévenu, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Vu l'article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l'article 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et porter le montant de l'amende prononcée à l'encontre du prévenu de 7 500 euros à la somme de 20 000 euros, l'arrêt, qui a également condamné l'intéressé à trois mois d'emprisonnement avec sursis, après avoir rappelé que M. X... a pu acquérir les terrains avant que leur valeur ne soit accrue par la révision du PLU et la construction du lotissement, énonce que le fait que la commune n'a pas subi de préjudice ne retire rien à la gravité des faits ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges du prévenu qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas justifiée ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 22 septembre 2016, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Pau, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit juillet deux mille dix-sept ;