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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 24 février 2022, n° 21/01821

DOUAI

Arrêt

CA Douai n° 21/01821

23 février 2022

Par acte du 10 mars 2020, Madame Monique P. épouse L. et Monsieur Jean-Marie L. ont assigné Madame Françoise B. épouse H. et Monsieur Philippe H. devant le tribunal judiciaire de Cambrai aux fins de résolution de la vente d'un véhicule automobile acquis le 2 novembre 2019 moyennant la somme de 1 150 euros, sur le fondement de la garantie des vices cachés, outre des dommages et intérêts complémentaires.

Par ordonnance du 27 janvier 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Cambrai a notamment :

Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme H. concernant les demandes présentées par M. et Mme L.,

Débouté les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Réservé les dépens de l'incident pour être joints à ceux du fond,

Renvoyé l'affaire à la conférence de la mise en état du 03 mars 2021.

Les époux H. ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 juillet 2021, les époux H. demandent à la cour de :

Les dire recevables en leur appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Cambrai du 27 janvier 2021,

Les déclarer bien fondés, infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Déclarer les époux L.-P. irrecevables et mal fondés en leurs demandes dirigées contre les époux H., non propriétaires du véhicule vendu et les en débouter,

Dire inapplicables au litige les dispositions de l'article 750-1 § 2-3ème du code de procédure civile,

Les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sous le visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir essentiellement que pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le juge de la mise en l'état a admis que l'assignation n'avait pas été précédée de l'une des tentatives prévues à l'article 750-1 du code de procédure civile mais a considéré d'office, sans soumettre ces moyens au contradictoire, d'une part que des démarches épistolaires destinées à trouver une solution au litige avaient précédé l'assignation et ce, alors que l'article 750-1 ne visant pas la nécessité de démarches préalables épistolaires, leur existence ou non était indifférente sur la recevabilité, d'autre part que la dégradation brutale et d'ampleur de la situation sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 avait rendu les conciliateurs de justice indisponibles, alors que la situation sanitaire étant postérieure à la délivrance de l'assignation, rien n'excluait que l'une des tentatives, dont la procédure participative, ait été antérieurement engagée

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 mai 2021, les époux L. demandent à la cour de :

 

Confirmer l'ordonnance rendue le 27 janvier 2021 par le juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

Déclarer les époux L. recevables et bien fondés en leurs demandes,

Dire applicables au litige les dispositions de l'article 751-1 du code de procédure civile,

Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des époux H.,

Condamner les époux H. aux entiers frais et dépens.

Ils soutiennent que leur demande est tout à fait recevable et que leur acte introductif d'instance que constitue l'assignation délivrée le 10 mars 2020 est tout à fait régulier au regard de l'article 750-1 du code de procédure civile dans la mesure où d'une part, ils ont accompli des démarches préalables de résolution amiable du litige, lesquelles sont détaillées dans l'assignation et où d'autre part, la situation sanitaire commençait déjà à se dégrader en février 2020, circonstance justifiant qu'il ne soit pas recouru à la tentative préalable de conciliation, de médiation ou de procédure participative prévue par les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile. Ils concluent donc au rejet de la fin de non-recevoir soulevée par les époux H..

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 124 du même code ajoute que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

En vertu de l'article 789 de ce code, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

 

Enfin, l'article 750-1 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire.

 

Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;

2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;

3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

 

C'est à juste titre que le juge de la mise en l'état, après avoir relevé que l'action introduite par les époux L. portait sur des demandes indemnitaires dont le montant total n'excédait initialement pas la somme de 5 000 euros, a indiqué qu'il devait être fait application des dispositions de l'article 750-1 précité.

C'est également de manière exacte qu'il a constaté qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que les demandes en question aient été précédées d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

Cependant, c'est de manière erronée que, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les époux H. tirée de l'absence de recours à l'une des tentatives visées à l'article 750-1 susvisé, ce juge a tout d'abord relevé qu'il résultait des pièces communiquées par les époux L. qu'ils avaient, à partir du 16 janvier 2020, accompli des démarches épistolaires en vue de trouver une solution amiable au litige, alors qu'une telle circonstance n'est pas visée par l'article 750-1 comme pouvant justifier une dispense de l'obligation mentionnée au premier alinéa de ce texte.

C'est encore de manière erronée que le juge, pour justifier qu'il soit dérogé à l'obligation susvisée en raison de l'indisponibilité des conciliateurs en application de l'article 750-1, §2, 3°, a relevé que l'instance avait été introduite le 10 mars 2020, soit à une période de dégradation brutale et d'ampleur de la situation sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 qui a rendu les conciliateurs de justice indisponibles alors que ce n'est que par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 qu'a été édicté l'état d'urgence sanitaire, tandis que le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 a prescrit les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et notamment le premier confinement de la population, lequel a pu justifier que soient suspendues les tentatives de conciliation dispensées par les conciliateurs de justice.

Dans ces conditions, il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle rejeté la fin denon-recevoir soulevée par les époux H. concernant les demandes présentées par les époux L., et statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les époux L. en leurs demandes en l'absence de recours préalable à l'une des tentatives visées à l'article 750-1 du code de procédure civile.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, les époux L., parties perdantes, seront tenus aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Il n'apparaît par ailleurs pas inéquitable de les condamner à payer aux époux H. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare M. Jean-Marie L. et Mme Monique P. épouse L. irrecevables en leurs demandes formées à l'encontre de M. Philippe H. et Mme Françoise B. épouse H.,

Condamne M. Jean-Marie L. et Mme Monique P. épouse L. solidairement aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum M. Jean-Marie L. et Mme Monique P. épouse L. à payer à M. Philippe H. et Mme Françoise B. épouse H. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.