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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 8 janvier 2009, n° 07/15276

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association le Printemps du Livre de Cassis

Défendeur :

M. Box

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

M. Fohlen, M. Jacquot

Avoués :

SCP Cohen - Guedj, SCP Bottai-Gereux-Boulan

Avocat :

Me Tarlet

TGI de Marseille, du 23 oct. 2006, n° 05…

23 octobre 2006

E X P O S E D U L I T I G E :

De 1991 ou 1995 jusqu'en 2003 Monsieur Philippe BOX, photographe profes-sionnel, a pris de nombreux clichés des écrivains invités au Printemps du Livre de CASSIS organisé par l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS. Ses deux dernières factures des 13 mai 2002 et 6 mai 2003 intitulées 'Réalisation de photographies - Portraits d'écrivains en situation' mentionnent notamment :

' - Cession de droit de reproduction (droits d'auteur / réalisation de photographies) : 500,00 euros;

' - Cession de droit de représentation culturelle (droits d'auteur / expositions) :

500,00 euros'.

Monsieur BOX, reprochant à l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS d'avoir depuis 2002 reproduit sans son autorisation 53 de ses photographies sur son site internet <[...]>, l'a assignée devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, qui par jugement du 23 octobre 2006, a :

* condamné l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS à verser à Monsieur BOX les sommes de :

- 8 678,00 euros en réparation du préjudice financier et moral lié à la diffusion de ses photographies sans son autorisation et sans mention de leur auteur ;

- 500,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

* condamné l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS aux dépens.

L'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS a interjeté appel le. L'instance a été radiée le 26 avril 2007, puis réenrôlée le 18 septembre suivant. Concluant le 21 janvier 2008 l'appelante soutient que :

- les contrats de cessions de droits des photographies de Monsieur BOX, faute de précision, comportaient l'autorisation d'utiliser celles-ci dans le cadre d'une publication sur son site internet ouvert en 2002 et à l'usage exclusif de la communication du Printemps du Livre de CASSIS; certaines prises de vues étaient antérieures à l'avènement d'internet; Monsieur BOX a continué à collaborer avec elle tout en connaissant l'existence des photographies sur le site internet, et sans jamais formuler aucune remarque à ce sujet, ce qui prouve son accord implicite; le barème (126,00 euros par photographie) produit par Monsieur BOX et retenu par le jugement est purement indicatif;

- elle est composée uniquement de bénévoles; en 2004 elle a souhaité changer de photo-graphe, et Monsieur BOX qui n'a pas accepté sa mise à l'écart n'a engagé la présente procédure qu'à titre de représailles; l'intéressé, professionnel, établissait ses factures sans attirer l'attention sur l'éventuel usage de ses photographies sur le site internet d'elle-même; les mentions de ces factures sont sibyllines et ne mentionnent aucunement les supports sur lesquels les photographies peuvent être utilisées.

L'appelante demande à la Cour de :

- à titre principal réformer le jugement et débouter Monsieur BOX de ses demandes ;

- à titre infiniment subsidiaire ramener l'évaluation du préjudice financier de Monsieur BOX à de plus justes proportions, compte tenu notamment que la réputation de l'intéressé concernant les portraits d'auteurs s'est faite uniquement grâce à elle-même ;

- vu l'article 1147 du Code Civil :

. constater que Monsieur BOX a manqué à son obligation de conseil, pour avoir notamment passé sous silence l'éventualité d'une utilisation de ses photos sur le site internet d'elle-même, et pour la rédaction évasive de l'intitulé de ses factures;

. condamner à ce titre Monsieur BOX à payer le préjudice engendré par cette faute et qui équivaut au montant même des demandes de l'intéressé;

. Prononcer la compensation;

- condamner en tout état de cause Monsieur BOX à la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 21 novembre 2007 Monsieur Philippe BOX répond que :

le droit de représentation culturelle qu'il a cédé concerne l'exposition de ses photographies lors de l'année suivant chaque Printemps du Livre de CASSIS; les droits d'auteur qui lui sont dus constituent l'essentiel de ses ressources; selon la jurisprudence les dispositions de l'article L. 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle impliquent que des mentions imprécises équivalent à une absence de mentions obligatoires; lui seul pouvait autoriser l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS à utiliser ses photographies sur un site internet, lequel devait de surcroît faire figurer sa qualité d'auteur; et celles-ci ne pouvaient être utilisées que dans le cadre du Printemps du Livre de CASSIS (lieux d'accueil, expositions).

L'intimé demande à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS au paiement de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2008.

M O T I F S D E L ' A R R E T :

L'article L. 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle impose pour toute transmission des droits de l'auteur une mention distincte par droit cédé, avec délimitation des étendue, destination, lieu et durée de ceux-ci. Chaque mention doit donc être interprétée strictement, ce qui signifie qu'un droit non mentionné n'est pas cédé.

Les deux dernières factures émises par Monsieur BOX pour les années 2002 et 2003 mentionnent qu'il cède à l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS ses 'droit de reproduction (droits d'auteur / réalisation de photographies) [et] droit de représentation culturelle (droits d'auteur / expositions)'; mais elles ne citent nullement l'utilisation de ces photographies sur un site internet de la cessionnaire, lequel existait pourtant depuis 2002. Par suite c'est à juste titre que le Tribunal de Grande Instance a retenu que ce type d'utilisation était exclue au bénéfice de l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS et constituait une violation des droits d'auteur de Monsieur BOX.

Le préjudice matériel de ce dernier (126,00 euros par photographie soit pour les 53 litigieuses la somme de 6 678,00 euros) est justifié par les barèmes indicatifs pour 2004 de l'UNION des PHOTOGRAPHES CREATEURS. Le préjudice moral (2 000,00 euros) existe du fait que le nom de l'intéressé n'a pas été reproduit sur les photographies du site internet de l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS, laquelle ne peut ignorer que cette absence de reproduction est illicite. Le jugement sera donc également confirmé pour avoir alloué 8 678,00 euros à Monsieur BOX.

L'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS n'exerce aucune activité commerciale et ne fait fonctionner le Printemps du Livre de CASSIS que grâce à ses membres tous bénévoles, tandis que Monsieur BOX est un professionnel de la photographie; cependant il appartenait à la première, dans la mesure où les factures de 2002 et 2003 respectivement contemporaine de l'ouverture de son site internet et postérieure à elle sont muettes sur ce type de diffusion, de s'abstenir de procéder à ce dernier sans avoir obtenu l'autorisation ou même l'avis du second. C'est par suite à tort que l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS invoque un manquement de Monsieur BOX à son obligation de conseil.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique de l'appelante, ne permettent de rejeter en totalité la demande de l'intimé au titre des frais irrépétibles d'appel.

D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire et prononcé par mise à disposition au Greffe.

Confirme le jugement du 23 octobre 2006.

Condamne en outre l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS à payer à Monsieur Philippe BOX une indemnité de 1 000,00 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne l'association LE PRINTEMPS DU LIVRE DE CASSIS aux dépens d'appel, avec droit pour la S.C.P. d'Avoués BOTTAI, GEREUX et BOULAN de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.