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Décisions

Cass. com., 23 juin 1971, n° 68-14.190

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Aydalot

Rapporteur :

M. Lancien

Avocat général :

M. Toubas

Avocat :

Me Gauthier

Nancy, du 5 juill. 1968

5 juillet 1968

SUR LE MOYEN UNIQUE : VU LES ARTICLES 115 ET 119 DU CODE DE COMMERCE ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE ALLEMANDE FINK, APRES RECEPTION DES MARCHANDISES QUI LUI ETAIENT FOURNIES PAR LA SOCIETE TISSAGE DE ROVILLE, REGLAIT HABITUELLEMENT CETTE SOCIETE FRANCAISE EN LUI ADRESSANT UN CHEQUE, DU MONTANT DU PRIX, TIRE SUR LA BANQUE NEUVIANS REUSCHEL, DONT LE SIEGE EST A MUNICH, ET EN JOIGNANT A CET ENVOI UNE LETTRE DE CHANGE, DE MEME MONTANT, ACCEPTEE PAR ELLE, ACHETEUSE, AU PROFIT DE LA VENDERESSE, QU'ELLE PRIAIT CELLE-CI DE LUI RENVOYER APRES Y AVOIR APPOSE SA SIGNATURE AU RECTO COMME TIREUR ET AU VERSO PAR ENDOS EN BLANC ;

QUE LADITE LETTRE DE CHANGE, A SON RETOUR EN ALLEMAGNE, COMPLETEE PAR LA SOCIETE VENDERESSE CONFORMEMENT A LA DEMANDE DE LA SOCIETE ACHETEUSE, ETAIT REMISE PAR CETTE DERNIERE A LA BANQUE NEUVIANS REUSCHEL, LAQUELLE APPLIQUAIT SON CACHET AU-DESSUS DE L'ENDOS EN BLANC ET VERSAIT A SA CLIENTE, TIRE ACCEPTEUR, LE MONTANT DE L'ESCOMPTE ;

QUE PLUSIEURS MARCHES FURENT DE CETTE FACON EXECUTES SANS INCIDENT JUSQU'AU JOUR OU LA FAILLITE DE LA SOCIETE FINK AMENA LA BANQUE A INTENTER UNE ACION EN PAYEMENT DES CINQ DERNIERES LETTRES DE CHANGE, DONT ELLE ETAIT AINSI DEVENUE PORTEUR, CONTRE LA SOCIETE ROVILLE ;

ATTENDU QUE POUR REJETER CETTE ACTION L'ARRET RETIENT QUE LA SOCIETE TISSAGE DE ROVILLE, QUI AVAIT LIVRE LA MARCHANDISE, N'AVAIT AUCUN INTERET A EMETTRE LES LETTRES DE CHANGE ET SURTOUT A LES ENDOSSER, CAR LES CONTRATS DE VENTE STIPULAIENT "CONDITIONS DE PAYEMENT = NET COMPTANT" ;

QU'EN SIGNANT LES LETTRES LADITE SOCIETE N'ENTENDAIT PRENDRE AUCUN ENGAGEMENT, QU'ELLE A CONSENTI A LES SIGNER UNIQUEMENT PARCE QUE LA SOCIETE FINK LUI AVAIT EXPOSE QUE CES EFFETS DE COMMERCE ETAIENT NECESSAIRES, EU EGARD A LA REGLEMENTATION ALLEMANDE DU CREDIT, POUR PERMETTRE A LA BANQUE DE LUI CONSENTIR UNE OUVERTURE DE CREDIT, QUE LA SIGNATURE DE LA LETTE NE CONDITIONNAIT PAS LA REMISE DU CHEQUE, CAR LES DEUX TITRES ETAIENT ENVOYES EN MEME TEMPS A LA SOCIETE TISSAGE DE ROVILLE QUI AURAIT PU ENCAISSER LE CHEQUE SANS RENVOYER LA LETTRE DE CHANGE, QU'EN RAISON DE LA LIVRAISON ET DU PAYEMENT DE LA MARCHANDISE LES LETTRES LITIGIEUSES SONT SANS CAUSE ET NE CONSTITUENT MEME PAS "DE SERIEUX EFFETS DE COMPLAISANCE" CAR LA PERSONNE QUI ACCORDERAIT LE CAUTIONNEMENT N'EST PAS LE TIRE, QUE, CONNAISSANT CE DEFAUT DE CAUSE ET SACHANT QUE LE TIREUR N'AVAIT PAS EU L'INTENTION DE DONNER SON "AVAL", CAR IL AVAIT ENDOSSE LES LETTRES EN Y APPOSANT SA SIGNATURE AU VERSO AU LIEU DE LES SIGNER AU RECTO, LA BANQUE ETAIT DE MAUVAISE FOI ;

ATTENDU QU'EN REFUSANT AINSI D'ADMETTRE L'EXISTENCE D'UN ENGAGEMENT CAMBIAIRE DE LA PART DE LA SOCIETE TISSAGE DE ROVILLE, TIREUR ENDOSSEUR, ALORS QUE L'ENDOSSEUR, COMME LE TIREUR, EST GARANT DU PAIEMENT, QUE L'OBLIGATION CAMBIAIRE, QUI NAIT DU TITRE, EST INDEPENDANTE DE LA PROVISION ET QU'AUCUNE DISPOSITION DE LA LOI NE S'OPPOSE A CE QU'UN CAUTIONNEMENT SOIT FOURNI PAR LA CREATION OU L'ENDOSSEMENT D'UNE LETTRE DE CHANGE, LA COUR D'APPEL, QUI A ECARTE, A TORT, L'HYPOTHESE D'UN EFFET DE CAUTIONNEMENT EN SE REFERANT AUX REGLES RELATIVES A L'AVAL, SANS APPLICATION EN L'ESPECE, N'A PAS JUSTIFIE LE DEFAUT DE CAUSE DE L'OBLIGATION ;

QUE, DES LORS, LA MAUVAISE FOI DE LA BANQUE, QUI, SELON L'ARRET, EST FONDEE SUR LA CONNAISSANCE PAR CELLE-CI DE L'ABSENCE D'UN AVAL DU TIREUR ET DU DEFAUT DE CAUSE, SE TROUVE DEPOURVUE DE MOTIFS ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL DE NANCY LE 5 JUILLET 1968 ;

REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE REIMS.