CA Paris, Pôle 6 ch. 6, 6 février 2013, n° 11/02922
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Gregoire
Défendeur :
Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias (SCP), Unedic Délégation AGS CGEA IDF OUEST (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Ruymbeke
Conseillers :
Mme Royer, Mme Guibert
Avocats :
Me Varet, Me de Fremont, Me Cooper, Me Castets
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 28 janvier 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :
- interdit à Madame GREGOIRE Elodie d'utiliser le cliché « Tour Eiffel » sauf accord des nouveaux propriétaires sous astreinte de 2500 € par infraction constatée,
- débouté la SCP BTSG, mandataire liquidateur de la SA EYEDEA PRESSE du surplus de ses demandes,
- débouté Madame GREGOIRE Elodie de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Madame GREGOIRE Elodie aux dépens.
Madame Elodie GREGOIRE a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 28 mars 2011.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er mai 2002, constituant avenant à un contrat initial du 1er septembre 2000 auquel il se substituait sans remettre en cause l'ancienneté acquise, la SARL MPA (agence de presse appartenant au Groupe HACHETTE FILIPACCHI MEDIAS dit HAFIMAGE) a engagé Madame Elodie GREGOIRE à temps plein en qualité de reporter photographe (statut journaliste), ses fonctions consistant à effectuer des reportages photographiques sur des sites, lieux de manifestations et thèmes déterminés par les soins de l'Agence.
Ce contrat de travail a été transféré en juin 2003 à l'agence GAMMA appartenant au même groupe, puis à la société EYEDEA PRESSE, filiale à 100% du Fonds GREEN RECOVERY ayant racheté l'agence GAMMA.
Travaillant dans le domaine de l'actualité politique, Madame GREGOIRE, à l'occasion d'un déplacement en décembre 2006 dans l'avion de Nicolas SARKOZY, alors Ministre de l'intérieur et en campagne présidentielle, a pris une photographie de la Tour Eiffel émergeant des nuages.
Cette photographie a été ultérieurement publiée dans le Figaro Magazine du 24 avril 2007 avec la mention du nom de Madame Elodie GREGOIRE en qualité d'auteur. Elle a été ensuite publiée parmi 80 photos, dans le numéro spécial du Figaro Magazine à l'occasion de ses trente ans, et exposée avec d'autres photographies sur les grilles du Jardin du Luxembourg du 15 avril au 15 juillet 2008.
Par lettre du 6 décembre 2007, Madame GREGOIRE a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 décembre 2007 en vue d'un éventuel licenciement.
Puis par lettre du 20 décembre 2007, la salariée a été licenciée pour avoir opposé un refus persistant à une demande de confirmation de cession de droits au profit de l'Agence fondée sur les dispositions de l'article 4-1 du contrat de travail, attitude estimée contraire à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, et empêchant la poursuite de la collaboration.
Par lettre du 2 avril 2008, Madame GREGOIRE a contesté son licenciement rappelant notamment à son employeur, mis en demeure de cesser toute exploitation et de retirer toutes ses photos du site, qu'en l'absence de cession valable de ses droits d'auteur et de rémunération proportionnelle de ses clichés, l'exploitation qu'il pourrait en faire constituerait des actes de contrefaçon.
Le 21 mai 2008, la Société EYEDEA PRESSE a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de PARIS afin de voir interdire à Madame GREGOIRE la reproduction, la représentation, l'adaptation en tout ou partie du cliché «la Tour Eiffel » , demande à laquelle la salariée a opposé l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal de Grande instance de Paris , seul compétent en matière de droits d'auteur en application de l'article L. 331-3 du code de la Propriété intellectuelle.
Par ordonnance de référé du 20 août 2008, la formation de référés du conseil de prud'hommes de Paris s'est déclarée compétente et a fait interdiction à Madame Elodie GREGOIRE de reproduire, de représenter et d'adapter en tout ou partie le cliché « la Tour Eiffel » dans l'attente de la décision du juge du fond.
Sur appel de Madame GREGOIRE, la cour d'appel de Paris a par arrêt du 14 mai 2009, confirmé l'ordonnance entreprise en ce que le conseil de prud'hommes s'était déclaré compétent, mais l'a réformée pour le surplus, disant n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite.
Le 30 juillet 2009, la société EYEDEA PRESSE a été mise en redressement judiciaire.
Représentée par son mandataire judiciaire Maître GORRIAS, EYEDEA PRESSE a saisi le 23 février 2010 le conseil de prud'hommes de PARIS afin notamment de :
- faire juger qu'elle était seule titulaire des droits d'exploitation des clichés pris par Madame GREGOIRE dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, et notamment du cliché « la Tour Eiffel » ;
- constater que Madame GREGOIRE avait personnellement exploité ce cliché en fraude de ses droits, et la voir condamner à lui payer la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de cette exploitation interdite et constitutive de contrefaçon ;
- voir interdire sous astreinte à son ex-salariée la reproduction, la représentation, l'adaptation et plus généralement l'exploitation, en tout ou partie, sous quelque forme que ce soit, du cliché « la Tour Eiffel » et plus généralement de tous clichés pris par elle dans le cadre de son contrat de travail avec la société EYEDEA PRESSE.
Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 avril 2010, la société EYEDEA PRESSE a été mise en liquidation judiciaire, la SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL-GORRIAS (BTSG) étant désignée en qualité de mandataire liquidateur. Cette décision a entraîné la mise en cause du mandataire liquidateur dans le cadre de l'instance prud'homale ainsi que de l'AGS CGEA IDF OUEST.
Au cours de cette instance, Madame GREGOIRE, a notamment soulevé la nullité de la clause de cession des droits stipulée à l'article 4 du contrat, demandé l'octroi de dommages et intérêts pour l'exploitation des clichés dont elle était l'auteur, et contesté son licenciement en sollicitant une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C'est dans ces circonstances que le conseil de prud'hommes a rendu la décision déférée.
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MOTIFS
Sur la validité de la cession de droits
Madame GREGOIRE demande à titre principal l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle prétend que ni la société EYEDEA PRESSE, ni son liquidateur ne disposaient d'une cession licite des droits afférents aux photographies réalisées par elle, dont celle de « la Tour Eiffel » à défaut de cession valable des droits entre les parties. Elle soutient qu'en l'absence de signature entre les parties, des documents de confirmation de cession stipulés à l'article 4 du contrat conformes à cet article, la société EYEDEA PRESSE ne disposait d'aucun droit sur ses photographies dont celle relative à la Tour Eiffel. Elle demande que soit prononcée la nullité de la clause de cession de droits stipulée à l'article 4 du contrat de travail, comme contraire à la prohibition de la cession globale d'oeuvres futures.
La SCP BTSG, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société EYEDEA PRESSE, s'oppose à ces demandes en soutenant que par application des dispositions du contrat de travail, l'employeur était seul titulaire des droits d'exploitation des clichés pris par Madame Elodie GREGOIRE dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et notamment du cliché « la Tour Eiffel », pris en décembre 2006 dans l'avion de Nicolas SARKOZY ; que Madame GREGOIRE a personnellement exploité ce cliché en fraude des droits de la société EYEDEA PRESSE, laquelle, représentée par son mandataire liquidateur, demande à la Cour :
- la condamnation de l'ex-salariée au paiement de la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de cette exploitation interdite constitutive de contrefaçon,
- d'interdire à Madame GREGOIRE, la reproduction, la représentation, l'adaptation, et plus généralement l'exploitation, en tout ou partie et sous quelque forme que ce soit, du cliché « la Tour Eiffel » et plus généralement de tous les clichés pris par elle dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, sous astreinte de 2500 euros par infraction constatée,
de condamner Madame GREGOIRE au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'AGS CGEA IDF OUEST demande sa mise hors de cause, estimant que ces demandes ne la concernent pas et n'ont aucun lien avec l'exécution d'un contrat de travail. Elle s'associe aux explications de la société EYEDEA PRESSE concernant les conditions de la rupture du contrat de travail de Madame GREGOIRE en indiquant que s'il y avait lieu à fixation, elle ne pourrait intervenir que dans les limites de sa garantie légale, laquelle exclut les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur et l'article 700.
Il résulte des articles L. 111-1, L. 131-1 et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle que les droits d'auteur appartiennent à l'auteur, quand bien même celui-ci serait salarié, jusqu'à ce que celui-ci cède valablement ses droits à une autre personne suivant une convention devant répondre à des conditions spécifiques.
En l'espèce, le contrat de travail en cause prévoyait en son article 4.1 une clause de cession, qualifiée d'essentielle et déterminante sans laquelle le contrat n'aurait pas été conclu. Cette clause précisait notamment que la position de salariée emportait obligatoirement cession à titre exclusif au profit de l'Agence, au fur et à mesure de leur création, des droits de propriété intellectuelle afférents aux photographies réalisées par la salariée elle-même ou en pool, sous réserve du respect de son droit moral, les droits cédés comprenant la reproduction de l'oeuvre en tout ou partie, sa représentation en tout ou partie et leur adaptation. Cet article 4.1 précisait en outre que la cession devrait être confirmée tous les ans dans un document particulier, identifiant les oeuvres en cause en précisant notamment : le sujet, le support, la destination, la date de la réalisation, le lieu de prise de vue, l'indexation.
Madame GREGOIRE soutient que cette clause de cession de droits stipulée à l'article 4 de son contrat de travail était nulle car portant sur un ensemble indéterminé (les photographies à venir) , ce qui constituerait une cession globale d'oeuvres futures, prohibées par l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle.
La SCP BTSG fait valoir à juste titre que la nullité soulevée, qui relève de l'ordre public de protection est une nullité relative soumise à la prescription de cinq ans instaurée par l'article 1304 du code civil, cette prescription courant à compter de la date de conclusion du contrat, soit le 1er mai 2002 ; qu'en l'espèce, la demande de nullité est bien prescrite, contrairement à ce soutient Madame GREGOIRE qui fait courir cette prescription à compter de la cessation du vice, sans d'ailleurs en préciser clairement la date.
Cependant, bien que la validité de la clause contractuelle de cession de droits ne puisse plus être discutée en raison de la prescription, il faut examiner si en l'espèce la cession de droits est bien intervenue conformément aux dispositions contractuelles. Or, le contrat de travail précisait que la cession devait être confirmée tous les ans dans un document particulier qui devait identifier notamment le sujet, le support, la destination, la date de la réalisation, le lieu de prise de vue, l'indexation.
En l'espèce, aucun document de cette nature n'a été établi entre les parties, de telle sorte que la clause de cession de droit s'est retrouvée privée d'effet, faute de la confirmation annuelle impérativement prévue au contrat, identifiant notamment les oeuvres cédées.
Dans ce contexte, la SCP BTSG ne peut se prévaloir des droits d'exploitation des clichés pris par Madame Elodie GREGOIRE dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et notamment du cliché « la Tour Eiffel », pris en décembre 2006 dans l'avion de Nicolas SARKOZY, dont le caractère professionnel n'est de surcroît pas manifeste ainsi que l'avait relevé la cour d'appel de Paris statuant en référé, dans son arrêt du 14 mai 2009.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a interdit sous astreinte à Madame GREGOIRE d'utiliser le cliché « la Tour Eiffel » sauf accord des nouveaux propriétaires.
Sur la demande de Madame GREGOIRE au titre de la contrefaçon
L'appelante prétend que la société EYEDEA PRESSE a commis des actes de contrefaçon du fait de l'exploitation, sans autorisation des clichés sont elle était l'auteur. Elle demande que le préjudice subi par elle, comprenant l'absence de rémunération proportionnelle depuis son licenciement en décembre 2007, soit évalué à la somme de 100000 euros.
Madame GREGOIRE demande par ailleurs à la cour d'interdire à la société BTSG, liquidateur de la société EYEDEA PRESSE, la reproduction, la représentation, l'adaptation, et plus généralement l'exploitation, en tout ou partie et sous quelque forme que ce soit, du cliché « la Tour Eiffel » et plus généralement de tous les clichés pris par elle dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, sous astreinte de 2500 euros par infraction constatée,
La salariée demande en outre la restitution, sur DVD ROM de l'ensemble des clichés en cause, et la destruction par la SCP BTSG, dans le mois de la restitution de ses photographies, de l'ensemble des fichiers des mêmes photographies présents sur ses serveurs, sous astreinte de 2500 euros par jour de retard.
Madame GREGOIRE n'établit par aucun élément les actes de contrefaçon commis du fait de l'exploitation sans autorisation des clichés pris par elle dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, ni le montant de la rémunération proportionnelle à laquelle elle était en droit de prétendre depuis son licenciement en décembre 2007. Elle ne donne aucun élément permettant d'évaluer son préjudice. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 100000 euros.
Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats, que la société EYEDEA a cessé toute exploitation depuis sa liquidation judiciaire et la cession de ses actifs corporels et incorporels à Monsieur François LOCHON avec substitution pour une société GAMMA RAPHO, société à constituer ; que l'appelante n'a engagé aucune démarche en revendication des photographies ou supports de ces photographies dans les formes et délais prévus par les dispositions des articles L624-9, L.624-16,R.624-13 et L.631-18 du code de commerce.
Madame GREGOIRE ne peut dans ces conditions exiger du mandataire liquidateur de la société EYEDEA PRESSE la restitution sous astreinte de fichiers et de clichés, ni faire interdire sous astreinte à ce même mandataire liquidateur la reproduction, la représentation, l'adaptation, et plus généralement l'exploitation, en tout ou partie et sous quelque forme que ce soit, du cliché « la Tour Eiffel » et de tous les clichés pris par elle dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, cette demande d'interdiction étant d'ailleurs devenue sans objet du fait de la liquidation judiciaire de la société EYEDEA.
Sur le bien-fondé du licenciement
Selon la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, Madame GREGOIRE a été licenciée en ces termes :
« (...) Le 9 novembre 2007, nous vous avons remis en mains propres un courrier aux termes duquel il vous était demandé de nous retourner sous huitaine le document joint confirmation de la cession de vos photographies identifiées dans un listing annexé.
Le 20 novembre 2007, un listing complémentaire vous a été adressé par courrier recommandé avec AR, celui remis le 9 étant incomplet.
Par e-mail du 22 novembre 2007, confirmé par courrier recommandé reçu le 23 novembre 2007, vous nous indiquiez que « selon des avis autorisés », les dispositions de l'article 4 de votre contrat de travail seraient prohibées en ce qu'elles constitueraient une « cession globale d'oeuvres futures » interdites par l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle.
Vous ajoutiez que le listing identifiant les photos cédées ne serait pas conforme aux stipulations de son contrat de travail, notamment parce que « la première destination des photographies constitue, parmi tous les critères cités, un élément essentiel qui fait défaut » d'une part, et que la confirmation de cession aurait dû être établie tous les ans, d'autre part.
Nous vous avons répondu sur l'ensemble de ces points par lettre recommandée du 29 novembre 2007 après avoir, comme vous-même, pris l'avis de nos Conseils au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle que vous invoquiez.
(...)
Je concluais en faisant valoir qu'aucun élément essentiel, au sens de votre e-mail du 22 novembre 2007, ne faisait donc défaut et que rien ne s'opposait à la confirmation de cession vous étant demandée, vous mettant en demeure de régulariser celle-ci sous huitaine.
Vous avez néanmoins persisté dans votre refus.
Dans ces circonstances, considérant l'essence même de l'activité d'agence de presse qui consiste à diffuser les oeuvres des photographes et l'alinéa 1 de l'article 4.1 de votre contrat de travail qui insiste sur le caractère essentiel de la clause de cession sans laquelle le contrat de travail n'aurait pas été conclu, j'estime que votre refus persistant de faire droit à notre demande de confirmation de cession constitue une violation des dispositions de l'article L. 120-4 du code du travail selon lesquelles le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et empêche la poursuite de notre collaboration. (....) »
Pour contester ce licenciement intervenu selon elle dans des conditions totalement abusives, Madame GREGOIRE soutient en substance que le motif réel de la rupture était un motif économique ; que son refus de signer le document de confirmation de cession ne pouvait constituer un motif valable de licenciement en raison notamment de la nullité de la clause de cession prévue à l'article 4 du contrat, et du fait que pendant cinq ans, la société EYEDEA PRESSE ne lui a jamais demandé de signer un quelconque document concernant la cession des droits de propriété intellectuelle ; que le listing identifiant les photographies cédées n'était pas conforme à l'article 4.1 du contrat de travail (il ne précisait pas le sujet, le support, la destination, la date de réalisation, le lieu de la prise de vue, l'indexation) ; qu'aucune sanction n'était prévue en cas de refus du salarié de signer le document transmis.
La nature économique du licenciement de Madame GREGOIRE ne peut être établie par les éléments qu'elle fournit, notamment les propos ou prises de position du Président de la société EYEDEA PRESSE sur le statut des photographes salariés, même s'il évoque un contexte économique difficile.
En revanche, il résulte des motifs qui précèdent que la Société EYEDEA PRESSE n'avait pas établi ses droits de propriété intellectuelle sur les clichés pris par Madame GREGOIRE au cours de la relation de travail, faute par elle de s'être conformée aux dispositions contractuelles de l'article 4.1 prévoyant que la cession des droits devait être confirmée tous les ans dans un document particulier identifiant notamment le sujet, le support, la destination, la date de la réalisation, le lieu de prise de vue, l'indexation.
Il ressort des éléments du dossier que de 2002 à 2007, la société EYEDEA PRESSE a poursuivi l'exécution du contrat de travail sans qu'elle n'ait eu besoin de ce document de confirmation ; qu'elle ne peut considérer le refus de la salariée de signer ce document comme une exécution déloyale du contrat de travail, alors que pendant cinq ans, elle s'est elle-même affranchie du respect de ses propres obligations et a continué à exercer son activité d'agence de presse, sans se préoccuper du caractère impératif des dispositions contractuelles .
Dans ces circonstances, le licenciement de Madame GREGOIRE se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté de Madame GREGOIRE (7 ans), de son âge, des circonstances de la rupture, mais aussi de l'absence d'éléments sur sa situation après son licenciement, il y a lieu de lui allouer une somme de 48000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame GREGOIRE les sommes exposées par elle en appel. Il convient de lui allouer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces sommes feront l'objet d'une fixation de créance au passif de la société EYEDEA PRESSE, représentée par son mandataire liquidateur.
Sur la garantie de l'AGS
Il n'y a pas lieu de prononcer la mise hors de cause de l'AGS, les sommes allouées à Madame GREGOIRE au titre de son licenciement, relevant bien de l'exécution du contrat de travail.
L'AGS sera tenue de garantir l'indemnité allouée à Madame GREGOIRE pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans les limites de sa garantie (plafond 6) , à l'exclusion cependant de la somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation.
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PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Déboute la SCP BTSG, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société EYEDEA PRESSE, de l'intégralité de ses demandes,
Fixe la créance de Madame Elodie GREGOIRE au passif de la liquidation judiciaire de la Société EYEDEA PRESSE aux sommes suivantes :
- 48000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que l'AGS CGEA IDF OUEST sera tenue à garantie dans la limite du plafond 6 de la garantie de l'AGS, sauf en ce qui concerne l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Madame GREGOIRE et l'AGS de leurs demandes plus amples et contraires,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation.