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Décisions

Cass. 2e civ., 2 février 2023, n° 21-17.459

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Vendryes

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Nîmes, du 31 mars 2021

31 mars 2021


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 31 mars 2021), sur autorisation du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance du 29 novembre 2018, la société Air tourisme instruction service (la société Atis) a fait pratiquer, le 3 décembre 2018, à l'aéroport d'[2], la saisie conservatoire d'un aéronef, immatriculé en Grande-Bretagne, et propriété de la société Green Go Aircraft (la société GGA), société de droit hongrois.

2. Le procès-verbal a été dénoncé à la société GGA le 7 décembre suivant.

3. Le 21 février 2020, la société GGA a assigné la société Atis devant le juge de l'exécution ayant ordonné la saisie, à fin de mainlevée de celle-ci.

4. Par jugement du 26 novembre 2020, celui-ci a prononcé la nullité de cette saisie conservatoire au motif de l'incompétence du juge de l'exécution pour autoriser une telle mesure.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société GGA fait grief à l'arrêt de dire que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon était compétent pour autoriser la saisie conservatoire litigieuse, en conséquence de déclarer cette saisie régulière et fondée et de rejeter en conséquence les demandes en nullité et mainlevée formulées à son encontre, alors « que lorsque le propriétaire de l'aéronef n'est pas domicilié en France ou que l'aéronef est de nationalité étrangère, tout créancier a le droit de pratiquer une saisie conservatoire avec l'autorisation du juge d'instance du lieu où l'appareil a atterri ; qu'en jugeant que bien que l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable à la cause, soit « par principe applicable », dès lors qu'il est « acquis que le propriétaire de l'aéronef, la société GGA, n'est pas domiciliée en France mais en Hongrie, l'aéronef étant de surcroît de nationalité étrangère » , le juge de l'exécution était compétent pour ordonner la saisie, aux motifs qu'en vertu de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution autorise de manière exclusive les mesures conservatoires, qu'« un texte réglementaire même spécial ne peut trouver application face à des articles législatifs plus récents et expressément déclarées d'ordre public » , et qu'« aucun argument utile ne peut être déduit de la modification intervenue par décret du 18 septembre 2019 quant à la rédaction de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, puisque si, à la désignation du « juge d'instance », succède désormais celle du « juge du tribunal judiciaire », le juge de l'exécution n'en demeure pas moins l'un des juges du tribunal judiciaire en vertu de l'article 213-5 du code de l'organisation judiciaire », la cour d'appel a violé les articles R. 123-9 du code de l'aviation civile et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

6. Par arrêt du 3 mars 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a saisi le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle relative à l'appréciation de la légalité de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile au regard des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, du 3° de l'article L. 721-7 du code de commerce et des articles L. 511-2 et L. 511-3 du code des procédures civiles d'exécution. Elle a sursis à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'Etat.

7. Par décision du 14 octobre 2022, le Conseil d'Etat a jugé qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées, ainsi que des travaux préparatoires des lois du 9 juillet 1991 et du 22 décembre 2010, que le législateur a conféré au juge de l'exécution une compétence exclusive en matière d'autorisation des saisies conservatoires, y compris en matière de saisie des aéronefs étrangers, sous réserve de la compétence concurrente du président du tribunal de commerce prévue par les dispositions de l'article L. 721-7 du code de commerce, dans les conditions qu'elles énoncent, que, par suite, les dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'aviation civile, dans leur version applicable au litige, doivent être déclarées illégales en tant qu'elles désignent le juge d'instance du lieu où l'appareil a atterri comme juge compétent pour autoriser la saisie conservatoire des aéronefs de nationalité étrangère ou dont le propriétaire n'est pas domicilié en France.

8. Il résulte de ce qui précède que le juge de l'exécution autorise, de manière exclusive, les saisies conservatoires portant sur les aéronefs de nationalité étrangère ou dont le propriétaire n'est pas domicilié en France, sous réserve de la compétence facultative, concurremment reconnue au président du tribunal de commerce.

9. Le moyen, dès lors, manque en droit.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.