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Décisions

Cass. 1re civ., 9 mars 1994, n° 91-17.459

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grégoire

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

M. Lupi

Avocats :

SCP Le Bret et Laugier, Me Odent, SCP Piwnica et Molinié

Aix-en-Provence, du 9 avr. 1991

9 avril 1991

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 27 juillet 1985, vers 5 heures du matin, quatre malfaiteurs ont réussi à s'introduire dans l'hôtel " Résidence des Lices " sis à Saint-Tropez et, sous la menace de leurs armes, se sont fait ouvrir le coffre, qu'ils ont dévalisé ; que, le 10 juin 1986, M. X..., client italien de cet hôtel, a assigné la société Résidence des Lices (la société) et le groupe Concorde, son assureur, en remboursement de la contre valeur des 32 850 000 lires et des 1 030 dollars US, qu'il soutenait avoir déposés dans ce coffre ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 9 avril 1991) a accueilli cette demande, estimant que ce vol à main armée ne constituait pas le cas de force majeure visé par l'article 1954, alinéa 1, du Code civil ;

Sur les deux premières branches du moyen unique du pourvoi de la société, et sur la première branche du premier moyen du pourvoi du groupe Concorde, réunies :

Attendu que la société et son assureur font grief à l'arrêt d'avoir écarté la force majeure, alors, selon les moyens, d'une part, que la cour d'appel, qui a retenu le caractère irrésistible du vol à main armée, aurait dû rechercher si cette irrésistibilité n'était pas constitutive, à elle seule, de la force majeure ; qu'en considérant que l'hôtelier aurait dû effectuer un contrôle strict des entrées et sorties et établir un inventaire contradictoire des objets confiés en dépôt, après avoir constaté l'existence de violences et de menaces d'armes à feu, la juridiction du second degré, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1954, alinéa 1er, du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'imprévisibilité est une notion relative, qui n'a pas de caractère absolu ; que l'arrêt attaqué, qui a estimé qu'un vol à main armée n'était pas imprévisible dans un hôtel de Saint-Tropez, compte tenu de sa clientèle fortunée, n'a pas suffisamment caractérisé l'aspect normalement imprévisible de l'agression armée effectuée par ruse dans l'établissement et a, de nouveau entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du même texte ;

Mais attendu que si l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets, encore faut-il que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de cet événement ; qu'ayant constaté en l'espèce que l'hôtelier ou ses préposés n'avaient pas effectué un contrôle strict des entrées, le veilleur de nuit ayant lui-même ouvert la porte d'entrée à l'un des malfaiteurs qui prétendait avoir rendez-vous avec une cliente de l'établissement, la cour d'appel a pu estimer que ce vol à main armée ne constituait pas un cas de force majeure, dès lors que n'avaient pas été prises toutes les précautions possibles que sa prévisibilité rendait nécessaires ;

Sur les troisième et quatrième branches du moyen unique du pourvoi de la société, et sur la seconde branche du premier moyen du pourvoi du groupe Concorde : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen du pourvoi du groupe Concorde : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.