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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 30 mai 2011, n° 09/01808

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cottron

Défendeur :

Nancy Lorraine (SASP), Pilote Communication (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dory

Conseillers :

Mme Roubertou, M. Bruneau

Avoués :

SCP Millot-Logier et Fontaine, SCP Leinster Wisniewski Mouton

Avocats :

Me Langlois, Me Louvel

TGI Nancy, du 9 juill. 2009, n° 08/0462

9 juillet 2009

FAITS ET PROCÉDURE :

La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Nancy Lorraine a confié en 2007 à la SAS Pilote Communication la conception, la réalisation et l'organisation complète du spectacle qu'elle souhaitait offrir à ses supporters pour le 40° anniversaire du club et qui devait être donné le 3 novembre 2007 avec diffusion télévisuelle en direct.

La SAS Pilote Communication a dans ce cadre sollicité la collaboration de la société Créative Spirit pour assurer la conception et la réalisation du spectacle ; cette société fait appel à monsieur Christian Cottron afin d'en réaliser le scénario et la mise en scène.

Aucun contrat écrit n'a été signé entre ces intervenants ;

Les devis proposés par la société Creative Spirit ayant dépassé le budget prévu par la SASP Nancy Lorraine, la SAS Pilote Communication et la société Creative Spirit ont rompu leurs relations en septembre 2007 ; cette société a adressé à la SAS Pilote Communication une facture correspondant aux frais exposés, qui a été réglée.

Par ailleurs, la SAS Pilote Communication a poursuivi la préparation du spectacle, qui a été donné le 3 novembre 2007.

Ayant découvert au mois d'octobre 2007 que le site internet de la SASP Nancy Lorraine faisait référence à sa participation en le citant en qualité de scénographe , monsieur Christian Cottron a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nancy aux fins de voir supprimer ces éléments du site ainsi que de toute communication ; par ordonnance du 31 octobre 2007 , ce magistrat a fait droit à la demande sur ce point , mais maintenu la représentation du spectacle dont monsieur Cottron , autorisé par une ordonnance , a fait réaliser une captation audiovisuelle.

Par acte d'huissier du 4 décembre 2007 , monsieur Christian Cottron a fait citer l'ASNL devant le tribunal de grande instance de Nancy , la SAS Pilote Communication étant intervenue volontairement à l'instance , aux fins de voir dire que ces deux sociétés avaient exploité ses créations intellectuelles en fraude de ses droits et volontairement commis des actes de contrefaçon , qu'elles avaient abusivement utilisé son nom comme metteur en scène du spectacle , et commis des actes de parasitisme en s'appropriant son travail ; il sollicitait de se voir allouer la somme totale de 101 000 euros à titre de dommages et intérêts .

Par jugement du 8 juin 2009 , la juridiction a dit la demande présentée par monsieur Christian Cottron recevable au regard des dispositions des articles L. 122- 4 et L. 335 - 3 alinéa 1° du code de la propriété intellectuelle au motif que l'oeuvre arguée de contrefaçon constitue en scénario , et débouté monsieur Christian Cottron de ses demandes aux motifs que , monsieur Cottron ayant été engagé en qualité de salarié , il ressortait des éléments de la cause qu'il avait nécessairement autorisé que le spectacle soit donné ; que , la société Créative Spirit ayant régulièrement facturé ses prestations , la SAS Pilote Communication était en droit d'utiliser le travail effectué par monsieur Cottron dans l'unique but de produire le spectacle et que celui-ci ne pouvait s'opposer à l'achèvement de la réalisation de celui-ci , et enfin qu'aucun acte de parasitisme ne pouvait être reprochés aux défenderesses .

Monsieur Christian Cottron a interjeté appel de cette décision .

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 mars 2011 , monsieur Christian Cottron conclut à la réformation du jugement .

En premier lieu , monsieur Christian Cottron fait valoir qu'il a été engagé par la société Créative Spirit en qualité d'une part de réalisateur technicien sous statut d'intermittent du spectacle et d'autre part en qualité d''auteur' pour l'écriture du spectacle , cet engagement devant donner lieu à un double contrat de cession de droits et à des rémunérations distinctes pour chaque mode d'exploitation ; que la fonction de réalisateur a, conformément aux usages de la profession , deux aspects , l'un technique et l'autre artistique , que la relation salariale dans laquelle se trouve le technicien n'absorbe pas la fonction ' artistique' et que l'appelant ne s'est jamais départi de ses droits patrimoniaux ; que le tribunal ne pouvait , comme il l'a fait , tirer de l'existence d'un rapport salarial le fait qu'il aurait tacitement accepté de céder ses droits ;

En second lieu , il soutient que le scénario dont il est l'auteur était destiné à être représenté , puis exploité notamment sous forme de l'édition de DVD , et qu'aucun contrat prévu par les dispositions des articles L. 131 - 1 et L. 312 - 18 du CPI n'a été conclu ; qu'il ne s'agit pas , comme le soutiennent les intimées , d'une oeuvre collective , ni davantage, comme l'a estimé le tribunal en faisant application des dispositions de l'article L. 121 - 6 du CPI , d'une oeuvre audiovisuelle , dans la mesure où d'une part il n'était pas lié à la SAS Pilote Communication , et d'autre part que celle-ci ne lui a jamais demandé de terminer cette oeuvre .

En troisième lieu, monsieur Christian Cottron soutient que , comme l'on estimé les premiers juges , sa demande est recevable puisque fondée non seulement sur les dispositions de l'article L. 122- 4 du CPI , mais également sur celles des articles L. 335 -2 à L. 335 - 4 du même code ; qu'il ressort de la comparaison du scénario écrit et du visionnage du spectacle donné que celui s'est très largement inspiré du scénario ; que les intimées en ont d'ailleurs passé aveu judiciaire dans leurs conclusions , et , qu'en soutenant que le travail effectué par l'appelant ne présente pas de caractère original , elles méconnaissent néanmoins les dispositions de l'article L. 112 - 1 du CPI ; qu'en modifiant toutefois le scénario et présentant ce travail comme ayant été en réalité réalisé par ses équipes , la SAS Pilote Communication a été porté au droit moral de l'appelant une atteinte grave.

En quatrième lieu , monsieur Cottron fait valoir que son préjudice est important qu'il convient d'indemniser .

Monsieur Christian Cottron demande donc de voir dire que la SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication ont utilisé ses créations intellectuelles en fraude de ses droits et ont volontairement commis à son préjudice des actes de contrefaçon ; que subsidiairement elles ont commis des actes de parasitisme en l'évinçant et en s'appropriant le résultat de ses concours techniques et artistiques ; il demande de les voir condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme totale de 101 000 euros au titre de ses préjudices , outre la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

La SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication soutiennent en premier lieu que d'une part la demande fondée sur la contrefaçon est irrecevable en ce que monsieur Cottron ne démontre pas l'existence d'actes de cette nature ,et d'autre part qu'elle est non fondée en ce que monsieur Cottron n'a pas en réalité effectué une prestation de réalisateur, mais de scénariste, prestation pour laquelle il a été régulièrement rémunéré par la société Créative Spirit .

En deuxième lieu, elles soutiennent que le spectacle objet du litige est une oeuvre collective et que , conformément aux dispositions de l'article L 113 - 5 du CPI , elle est la propriété de la personne morale sous le nom de laquelle elle est divulguée , et qu'ainsi la SASP Nancy Lorraine était libre d'exploiter le spectacle selon ses souhaits ; que les premiers juges ont parfaitement relevé qu'aucun droit d'auteur ne serait dû aux salariés ayant participé au projet ; que par ailleurs le scénario proposé par monsieur Cottron n'a pas été repris , et que les éléments y figurant et qui apparaissent dans le spectacle ne constituent pas une oeuvre de l'esprit mais la reprise d'éléments appartenant soit à l'histoire de l'ASNL soit au domaine public ; qu'aucune des personnes ayant participé à l'élaboration du scénario et de la scénographie n'a réclamé de droits , et que la société Creative Spirit a abandonné le projet , de telle façon que la prestation est restée inachevée ; qu'enfin , comme l'a affirmé le tribunal , les dispositions de l'article L 121 - 6 du CPI concernant les oeuvres audiovisuelles s'appliquent , que la prestation de la société Creative Spirit est restée inachevée , et que monsieur Cottron ne peuvent alors reprocher à la SASP Nancy Lorraine et à la SAS Pilote Communication d'avoir achevé la conception du spectacle .

En troisième lieu , la SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication font valoir que , dans le cas où la cour ne retiendrait pas la qualification d'oeuvre collective , il ressort des documents échangés entre la société Creative Spirit et les intimées que la rémunération de droits d'auteur n'a jamais été prévue et qu'aucune limitation n'a été prévue quant à la diffusion du spectacle ; qu'au demeurant , celui-ci a été donné de façon gratuite et n'a pas fait l'objet d'exploitation notamment audiovisuelle .

En quatrième lieu , la SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication soutiennent que monsieur Christian Cottron ne justifie pas des préjudices qu'il allègue ; qu'en effet , il n'a été tiré aucune recette commerciale du spectacle ; que si son nom a été cité dans la présentation du spectacle , il s'agit d'une maladresse qui a été corrigée dès que la SASP Nancy Lorraine en a été avisée par l'appelant .

La SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication demandent donc en conséquence de :

- dire et juger l'appel irrecevable et non fondé ;

- dire la saisie - contrefaçon nulle et de nul effet ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur Cottron de ses demandes , fins et conclusions ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SASP Nancy Lorraine et la SAS Pilote Communication de leurs demandes reconventionnelles et les dires recevables ;

- condamner monsieur Christian Cottron à payer à la SASP Nancy Lorraine la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et à la SAS Pilote Communication la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dénigrement ;

- le condamner à payer à chacune d'elles la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2011 .

MOTIFS DE LA DECISION .

- Sur la recevabilité de la demande :

Attendu que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine soutiennent que la demande présentée par monsieur Christian Cottron est irrecevable en ce qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article L 335 - 2 du code de la propriété intellectuelle ( CPI ) , et que cette disposition est inapplicable en l'espèce ;

Mais attendu d'une part que monsieur Christian Cottron , qui a fondé sa demande en première instance dans un premier temps sur ce texte , l'a par la suite complétée en soutenant l'application des dispositions des articles L. 335 - 3 et L. 335 - 4 du CPI , et que c'est sur cette base que le tribunal de grande instance a statué ; qu'en reprenant les mêmes demandes devant la cour d'appel , monsieur Cottron a nécessairement fondé sa demande sur les mêmes dispositions ; que par ailleurs ces demandes ont nécessairement validé la demande en saisie- contrefaçon ; que , dans le ' dispositif' de ses conclusions , monsieur Cottron vise expressément les articles L. 335 - 2 et suivants du CPI ;

Attendu d'autre part que l'article L. 122 - 4 du CPI , visé expressément dans le dispositif des conclusions déposées par monsieur Christian Cottron , dispose que ' toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ; il en est de même pour la traduction , l'adaptation ou la transformation , l'arrangement , ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque' ;

Attendu que monsieur Cottron reproche à la SAS Pilote Communication et à la SASP Nancy Lorraine d'avoir utilisé pour l'organisation du spectacle organisé pour la célébration des 40 ans de l'Association Sportive Nancy Lorraine un scénario élaboré par lui sans en avoir acquis les droits d'auteur ;

Attendu qu'il produit au débat un document intitulé 'note d'intention de conception' ' les 40 ans de l'AS Nancy - Lorraine' , daté du 24 septembre 2007 et adressé à monsieur Ruiz , de la société Créative Spirit ;

Que ce document se présente comme un scénario fondé sur un dialogue entre un petit garçon et un ballon , celui- ci racontant à l'enfant les grandes étapes de l'histoire du club ; que ce dialogue est entrecoupé de séquences musicales , et par l'apparition sur le terrain d'un groupe de danseurs ainsi que de compositions formées par des figurants ; que , durant le dialogue , des images sont projetées sur une toile blanche disposée au centre du terrain , avec un éclairage utilisant des couleurs différentes selon le thème de ces images ; qu'en accompagnement , l'éclairage compose également diverses formes ;

Qu'il ressort de ces éléments que le scénario ne se limite pas à un rappel chronologique des événements marquants de la vie du club , mais que l'auteur a recherché , selon ses termes ' la dimension de la légende , de l'épopée qui traverse ... 40 ans de passion ...Et ce sont des personnages exubérants , oniriques ou décalés qui vont illustrer les chapitres de cette histoire' ;

Que le contenu de ce scénario, qui présente un caractère d'originalité certain , relève de l'imaginaire et de la capacité créatrice de son auteur ; qu'à ce titre , il constitue une oeuvre de l'esprit susceptible de bénéficier de la protection des dispositions de l'article L. 112 - 1 du CPI ;

Que la demande est donc recevable ;

- Sur la titularité des droits :

Attendu que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine soutiennent que monsieur Christian Cottron a été embauché par la société Créative Spirit non comme il le soutient pour la réalisation technique du spectacle , mais comme concepteur de celui -ci ; que sa rémunération comprend le montant de la cession de ses droits d'auteur ; que par ailleurs il a participé à une oeuvre collective et qu'en conséquence les droits de l'oeuvre sont détenus par la SASP Nancy Lorraine ; qu'enfin , le spectacle étant une oeuvre audiovisuelle , le fait que la société Créative Spirit ait renoncé au projet a pour effet de permettre à la SAS Pilote communication et à la SASP Nancy Lorraine de reprendre le scénario inachevé ;

Attendu que monsieur Cottron soutient qu'il a été engagé en qualité de réalisateur salarié et n'a perçu une rémunération qu'à ce titre ; que ses droits ne pouvaient être cédés que conformément aux dispositions des articles L. 122 - 7 et L. 131 - 3 du CPI ; que de plus le contrat conclu par la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine avec la société Creative Spirit est un contrat de représentation , qui doit être passé par écrit est un contrat écrit ; que sa participation à la conception du spectacle est individualisée et qu'il peut faire valoir ses droits en tant qu'auteur du scénario ;

Attendu en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que la SASP Nancy Lorraine a confié à la SAS Pilote communication la conception , la réalisation et l'organisation du spectacle qu'elle souhaitait offrir à ses supporters pour célébrer les 40 ans du club , ce spectacle devant être donné dans le cadre d'un match le 3 novembre 2007 ; que ce spectacle devait être diffusé en direct par voie télévisuelle ;

Que la SAS Pilote Communication s'est adjoint la collaboration de la société Creative Spirit pour la conception et la réalisation de ce spectacle ; que cette société s'est adjoint la collaboration de monsieur Christian Cottron , en qualité de ' scénographe' ;

Que ces relations n'ont donné lieu à aucun document contractuel formalisé , mais ressortent seulement d'échanges de courriels ainsi que d'un devis établi par la société Creative Spirit , d'ailleurs non daté et non signé ; que ce devis fait apparaître la mention ' Concepteur / metteur en scène ' pour un budget de 28 800 euros ;

Que, quelques semaines avant le spectacle , la SAS Pilote Communication et la société Creative Spirit ont rompu leurs relations ;

Que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine produisent deux documents émanant de la société Créative Spirit faisant état , pour la rémunération de monsieur Cottron , d'une part d' 'honoraires', puis de ' salaire' ;

Que monsieur Cottron produit au dossier un bulletin de salaire d'un montant de 5 612 , 44 euros , sur la base d' un ' cachet ' journalier , avec la mention ' Interm', que les mentions de ce bulletin concernent un emploi de ' réalisateur ' , avec statut de ' cadre' ;

Attendu cependant qu'il ressort des pièces du dossier que monsieur Cottron a exercé sa mission dans un cadre dans lequel il avait une grande liberté quant à sa participation à la conception du spectacle ; que s'il ressort que des indications ont pu être données à la société Creative Spirit par la SAS Pilote Communication sur la nature et ' l'esprit ' du spectacle , ces indications étaient très générales et que monsieur Cottron a pu proposer un projet de façon autonome ; que cette autonomie exclut un rapport de subordination ; que monsieur Cottron indique d'ailleurs dans ses conclusions avoir ' répondu à un appel d'offre ' de la société Creative Spirit'; que , dans ses conditions , il convient de constater que monsieur Cottron est en réalité intervenu dans le cadre d'un contrat de commande et qu'en conséquence les dispositions de l'article L. 131 - 3 du CPI ne peuvent trouver application en l'espèce .

Attendu en second lieu que l'article L. 112 - 2 - 6 du CPI dispose que l'oeuvre audiovisuelle consiste en une succession de séquences animées d'images , sonorisées ou non ;

Qu'il n'est pas contesté que le spectacle à la conception duquel monsieur Cottron a participé était dès l'origine destiné à être diffusé par voie télévisuelle ; qu'en conséquence , les dispositions concernant le contrat de représentation , qui exigent une cession écrite des droits de l'auteur , ne s'appliquent pas en l'espèce .

Attendu en troisième lieu que l'article L. 113 - 2 du CPI dispose que :

'Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ;

Est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière ;

Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé' ;

Qu'il ressort des éléments du dossier que , si monsieur Cottron a travaillé ' en équipe' avec les différents intervenants dans le cadre de la conception du spectacle , son intervention , en l'espèce la réalisation d'un scénario sur une identité originale , est parfaitement individualisable et permet de lui attribuer à ce titre des droits indivis sur l'ensemble crée .

Attendu que le contrat de production audiovisuelle emporte présomption de cession des droits d'auteur s'il a été passé par écrit ; qu'en l'espèce , il n'a été apporté au dossier aucun élément établissant l'existence d'un tel contrat ;

Qu'il ressort des éléments évoqués plus haut que monsieur Christian Cottron est fondé à revendiquer sur le scénario conçu par lui les droits reconnus par les dispositions de l'article L. 111 - 1 du code de la propriété intellectuelle .

Attendu que l'article L. 121 - 6 du CPI dispose que :

' Si l'un des auteurs refuse d'achever sa contribution à l'oeuvre audiovisuelle ou se trouve dans l'impossibilité d'achever cette contribution par suite de force majeure , il ne pourra s'opposer à l'utilisation , en vue de l'achèvement de l'oeuvre , de la partie de cette contribution déjà réalisée . Il aura , pour cette contribution , la qualité d'auteur et jouira des droits qui en découlent' ;

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que , du fait de la rupture des relations avec la SAS Pilote Communication , la société Creative Spirit n'a pas réalisé sa mission ;

Que cette rupture a placé monsieur Cottron , qui n'avait de relation contractuelle qu'avec la société Creative Spirit , dans l'impossibilité de poursuivre son oeuvre ; que cette circonstance revêt ne ce qui le concerne les caracteristiques de la force majeure ;

Que , conformément aux dispositions rappelées plus haut , il a cependant conservé la qualité d'auteur et des droits qui en découlent ;

Attendu que si la cession de droits dont dispose l'auteur , droits de représentation et de reproduction , peuvent faire l'objet d'une cession tacite notamment lorsque l'auteur n'a pas le statut de salarié , cette cession doit cependant résulter d'une rémunération distincte à ce titre ;

Attendu qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que la rémunération versée à monsieur Christian Cottron , quelle que soit sa nature , comprenait la cession de ses droits d'auteur ; qu'il ressort d'un document établi par monsieur Christophe Minutolo , dirigeant de la société Creative Spirit , que celle-ci n'a pas acquis les droits de monsieur Christian Cottron ;

Attendu qu'il ressort de la copie d'un texte publié le 22 octobre 2007 , soit postérieurement à la rupture des relations entre la SAS Pilote Communication et la société Creative Spirit , sur le site de l'association sportive Nancy Lorraine que le spectacle donné le 3 novembre 2007 était conçu sur la base d'' un scénario original de Christian Cottron , metteur en scène ' , monsieur Cottron étant qualifié de ' scénographe' ; que la description de ce spectacle correspond au contenu du scénario proposé par monsieur Cottron le 24 septembre 2007 ;

Qu'aucun élément du dossier ne démontre l'autorisation donnée à la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine par monsieur Cottron d'utiliser ce scénario ;

Qu'il y a donc lieu de constater que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine ont porté atteinte aux droits de monsieur Cottron sur son oeuvre .

Attendu en revanche qu'aucun élément du dossier ne vient étayer la demande fondée sur ' le parasitisme ' qui serait constitué du fait de la reprise par la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine de son travail .

- Sur le préjudice :

Attendu que , pour réparer le préjudice subi par l'auteur , il convient de considérer l'étendue de l'atteinte aux droits de celui - ci , notamment au regard de l'utilisation de l'oeuvre ;

Qu'il ressort de ce qui précède que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine ont utilisé une oeuvre de l'esprit conçu par monsieur Christian Cottron sans en avoir acquis les droits ;

Attendu néanmoins qu' il convient de rappeler que le spectacle du 3 novembre 2007 intervenait dans le cadre d'une circonstance particulière, l'anniversaire du club AS Nancy Lorraine ; qu'il était donné après un match de football , et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a donné lieu à aucune perception de droits et à aucune recette du fait de sa seule représentation ; qu'il n'est pas démontré que ce spectacle ait fait l'objet de diffusion ou d'exploitation par support durable ; que le préjudice matériel et pécuniaire allégué n'est pas établi ;

Que par ailleurs la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine ont , comme il a été rappelé plus haut , indiqué de façon publique la qualité d'auteur du spectacle de monsieur Cottron , et que dès lors elles n'ont pas fait preuve de mauvaise foi à son encontre ;

Attendu que , compte tenu de ces éléments , il y a lieu de fixer le montant du préjudice subi par monsieur Cottron du fait de l'utilisation par la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine du scénario conçu par lui en fraude de ses droits à la somme de 7500 euros ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à monsieur Christian Cottron l'intégralité des frais par lui exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande selon les modalités indiquées au dispositif ;

Attendu enfin que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine , qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d'appel , qui seront directement recouvrés par la SCP Millot Logier Fontaine , Avouées associées , selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Dit l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 8 juin 2009 par le tribunal de grande instance de Nancy en ce qu'il a dit recevables les demandes formées par monsieur Christian Cottron ;

L'infirme pour le surplus ;

Dit la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine ont utilisé et exploité les créations intellectuelles de monsieur Christian Cottron en fraude de ses droits de propriété intellectuelle ;

Condamne solidairement la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine à payer à monsieur Christian Cottron la somme de SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS (7.500 €) au titre du préjudice subi par lui ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne solidairement la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine à payer à monsieur Christian Cottron la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3.500 €) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la SAS Pilote Communication et la SASP Nancy Lorraine supporteront les dépens de première instance et d'appel , qui seront directement recouvrés par la SCP MILLOT - LOGIER & FONTAINE, avoués associés à la Cour, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.