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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2023, n° 21-20.021

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocats :

SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Piwnica et Molinié

Colmar, du 26 mai 2021

26 mai 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 26 mai 2021) et les productions, par acte du 17 novembre 2010, M. [Z], Mme [U] [Z] et Mme [K] [Z] ont cédé à la société FTI Touristik GmbH 30 % du capital de la société anonyme Voyages Lesage, dont M. [Z] était président du conseil d'administration et Mme [K] [Z], directrice générale. Par acte du 26 septembre 2012, M. et Mmes [Z], la société Foch finances investissements, la société Hello Asso, Mme [D] et M. [E] ont cédé à la société FTI Touristik AG les 70 % restant du capital de la société Voyages Lesage, devenue FTI Voyages.

2. Soutenant que des manoeuvres dolosives avaient été mises en oeuvre par les cédants pour fausser la teneur de l'actif de la société Voyages Lesage, et que des fautes de gestion avaient été commises par M. [Z] et Mme [K] [Z] (les consorts [Z]), les sociétés FTI Touristik GmbH, FTI Touristik AG et FTI Voyages (les sociétés FTI) ont assigné les consorts [Z] et la société Foch finances investissements en responsabilité civile.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à voir condamner la société Foch finances investissements à verser la somme de 1 760 693,45 euros à titre de dommages et intérêts, et le même moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'elle fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à voir condamner les consorts [Z] à verser la somme de 1 760 693,45 euros à titre de dommages et intérêts, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à voir condamner les consorts [Z] à verser la somme de 1 760 693,45 euros à titre de dommages et intérêts

Enoncé du moyen

4. Les sociétés FTI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner les consorts [Z] à verser la somme de 1 760 693,45 euros à la société FTI Voyages à titre de dommages et intérêts, alors « que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, des fautes commises dans leur gestion ; que, dès lors, en adoptant les motifs du jugement écartant toute faute de gestion en ce que les mêmes arguments que ceux relatifs à l'existence d'un dol auraient été invoqués par les sociétés FTI à l'appui de leur demande indemnitaire, ce qui impliquerait l'absence de preuve de faute de gestion dans la mesure où l'existence de manoeuvres dolosives n'aurait pas été retenues, quand l'absence de faute intentionnelle en vue de tromper le cocontractant n'exclut aucunement l'existence d'une faute de gestion, la cour d'appel a violé l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-251 du code de commerce :

5. Il résulte de ce texte que les administrateurs et le directeur général d'une société anonyme sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société des fautes commises dans leur gestion.

6. Pour rejeter la demande tendant à voir condamner les consorts [Z] à verser une certaine somme à la société FTI Voyages à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que cette dernière avance à ce titre les mêmes arguments que ceux invoqués au titre du dol.

7. En statuant ainsi, alors que l'absence de faute intentionnelle commise par le cédant pour tromper le cessionnaire n'exclut pas nécessairement l'existence d'une faute de gestion commise au préjudice de la société cédée par son dirigeant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur ce moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait le même grief à l'arrêt

Enoncé du moyen

8. Les sociétés FTI font le même grief à l'arrêt, alors « que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, des fautes commises dans leur gestion ; qu'en écartant toute faute des consorts [Z] et de la société Foch finances investissements dans la gestion de la société Voyages Lesage, au motif inopérant que les sociétés FTI pouvaient connaître la situation des sociétés du groupe, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le fait d'avoir laissé péricliter la créance "Jet System" au détriment de la société Voyages Lesage ne constituait pas une faute de gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-251 du code de commerce :

9. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que la faute reprochée tenant au système mis en place avec la société Jet System n'est pas démontrée, dès lors que la société FTI Touristik avait connaissance de la situation des filiales de la société Voyages Lesage et avait exigé, la veille de la signature du protocole du 26 septembre 2012, que la société Jet system soit retirée du périmètre de l'acquisition, en raison de sa gestion opaque.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'une faute de gestion commise au préjudice de la société Voyages Lesage, devenue FTI Voyages, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette société n'avait pas financé en pure perte l'activité de la société Jet System pendant plusieurs années, tandis que les consorts [Z] savaient que la société Jet System ne pourrait jamais rembourser les montants qu'elle avait encaissés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur ce moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'il fait le même grief à l'arrêt

Enoncé du moyen

11. Les sociétés FTI font le même grief à l'arrêt, alors « que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, des fautes commises dans leur gestion ; qu'en écartant toute faute de gestion des consorts [Z] et de la société Foch finances investissements dans la gestion des difficultés survenues avec M. [I], aux motif inopérants que le courriel de M. [I] du 9 novembre 2011 ne constitue pas un risque non déclaré et que les parties appelantes ne peuvent pas reprocher aux parties intimées de ne pas les avoir informées des difficultés rencontrées avec M. [I], sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le fait d'avoir purement et simplement ignoré les revendications sociales de M. [I], notamment quant aux primes de Noël, ayant de fait donné lieu à des condamnations comprenant des arriérés portant sur la gestion des années antérieures au protocole d'accord du 26 septembre 2012, ne constituait pas une faute de gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-251 du code de commerce :

12. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les sociétés FTI ne peuvent reprocher aux consorts [Z] de ne pas les avoir informées des difficultés rencontrées avec M. [I].

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les consorts [Z] n'avaient pas commis une faute de gestion au préjudice de la société Voyages Lesage, devenue FTI Voyages, en ignorant les revendications sociales et salariales de M. [I], qui étaient connues au moins depuis 2004, et en exposant cette société au risque d'une procédure prud'homale et d'un aléa judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur ce moyen, pris en sa cinquième branche, en ce qu'il fait le même grief à l'arrêt

Enoncé du moyen

14. Les sociétés FTI font le même grief à l'arrêt, alors « que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, des fautes commises dans leur gestion ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la société Foch finances investissements employait des salariés réalisant des services de gestions pour la société Voyages Lesage et refacturait le coût des salariés à Voyages Lesage ; qu'en écartant toute faute de gestion au motif inopérant que la créance ainsi constituée au profit de la société Foch finances investissements était connu des acquéreurs, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si le coût important des "management fees" ainsi créé ne constituait pas une faute de gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-251 du code de commerce :

15. Pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir constaté que la société Foch finances investissements employait plusieurs salariés qui réalisaient des services de gestion pour la société Voyages Lesage et facturait le coût des salariés qui avaient travaillé pour cette dernière, retient que la créance de la société Foch finances investissements était parfaitement connue des sociétés FTI.

16. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure une faute de gestion commise au préjudice de la société Voyages Lesage, devenue FTI Voyages, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si le coût important de la rémunération des salariés de la société Foch finances investissements ne constituait pas une faute de gestion, compte tenu notamment des prestations de gestion assurées gratuitement par la société Voyages Lesage au bénéfice d'autres sociétés du groupe [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de la sociétés FTI Voyages tendant à la condamnation de M. [Z] et Mme [K] [Z] au paiement de la somme de 1 760 693,45 euros à titre de dommages et intérêts, à raison de leurs fautes de gestion, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée.