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Décisions

Cass. 1re civ., 12 juin 2012, n° 11-18.450

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Defrenois et Levis

Aix-en-Provence, du 27 janv. 2011

27 janvier 2011

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2011), que M. et Mme X..., en séjour à l'hôtel La Bastide Saint-Antoine à Grasse, ont été victimes du vol des biens de valeur qu'ils avaient placés dans le coffre individuel mis à leur disposition, lequel a été arraché par des cambrioleurs qui se sont introduits dans la chambre sans effraction ; que les époux X... ont engagé une action en responsabilité contre la société Jacques Chibois exploitant l'établissement ;

Attendu que M. et Mme X... reprochent à l'arrêt de limiter leur indemnisation, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité de l'hôtelier est illimitée lorsqu'il a commis une faute de négligence en ne proposant pas à ses clients des conditions de sécurité que ces derniers sont en droit d'attendre d'un hôtel de catégorie de luxe ; qu'en écartant toute faute de l'hôtelier, en se contentant de relever, par des motifs inopérants, qu'il ne pouvait être exigé la mise en place d'une surveillance policière ni l'installation dans les chambres de coffres individuels scellés dans la maçonnerie, sans même vérifier si le système de surveillance offert par la société Jacques Chibois à ses clients était suffisant compte tenu de la catégorie de luxe de l'établissement qu'elle gérait et des besoins de la clientèle qui le fréquentait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1953 du code civil ;

2°/ que dans leurs dernières conclusions d'appel, les époux X... faisaient également valoir, comme l'avaient d'ailleurs souligné les premiers juges, que le personnel d'entretien de la société Jacques Chibois avait commis une faute en ne verrouillant pas la porte-fenêtre par laquelle s'étaient manifestement introduits les cambrioleurs ; qu'en ne répondant pas à ce chef opérant de conclusions, de nature à démontrer la responsabilité de l'hôtelier du fait de ses préposés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'hôtelier ne peut être déchargé de sa responsabilité que lorsque la faute du client présente une particulière gravité ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient déposé leurs bijoux dans le coffre de la chambre de l'hôtel, ce dont il ressortait qu'ils avaient pris les précautions nécessaires ; qu'en considérant qu'ils avaient ainsi commis une faute et participé à leur propre dommage en déposant leurs bijoux dans le coffre mis à leur disposition dans leur chambre d'hôtel, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

4°/ qu'une clause limitative de responsabilité n'est valable qu'à la condition d'apporter la preuve que les clients en ont pris connaissance et qu'ils l'ont acceptée ; qu'en se contentant de relever que « des avertissements avaient été affichés dans les chambres, invitant les clients à ne conserver dans les coffres des chambres que des valeurs inférieures à 22 400 euros », la cour d'appel n'a constaté ni que cet avertissement figurait dans la chambre occupée par les époux X..., ni que ceux-ci avaient, à titre personnel, pris connaissance de cet avertissement lors de leur séjour dans l'établissement La Bastide Saint-Antoine ni qu'ils l'avaient accepté ; qu'en décidant néanmoins que les époux X... avaient commis une faute en déposant les bijoux dans le coffre de leur chambre et participé à leur propre dommage, la cour d'appel a violé l'article 1953 du code civil ;

5°/ que les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de la location du logement par journée ; qu'en fixant néanmoins le montant de la réparation due par la société Jacques Chibois à la somme de 22 400 euros, cependant que celui-ci ne pouvait être inférieur au montant légal forfaitaire, évalué en l'espèce à la somme de 61 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 1953, alinéa 3, du code civil ;

6°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans faire l'analyse, même sommaire, de tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que les époux X... ne fournissaient aucune facture nominative relative aux objets qu'ils prétendaient avoir perdus, cependant que ceux-ci produisaient les certificats d'authenticité et attestations de valeur des bijoux ainsi que la facture de l'appareil photo, la cour d'appel, qui n'a pas examiné les documents produits par les époux X..., de nature à justifier le montant du préjudice qu'ils avaient subi, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant, d'une part, énoncé à bon droit que la faute du client, lorsqu'elle revêt une certaine gravité, exonère, totalement ou partiellement en fonction de son influence causale, l'hôtelier de sa propre responsabilité et, d'autre part, relevé qu'à défaut de justificatifs permettant de déterminer la valeur exacte des biens dérobés, il était impossible de vérifier l'ampleur réelle du préjudice subi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve écartés, a constaté que les époux X... ne s'étaient pas conformés aux consignes de sécurité affichées dans les chambres invitant les clients à déposer dans le coffre-fort de l'hôtel leurs biens d'une valeur supérieure ou égale à 22 400 euros ; qu'elle a pu en déduire qu'ils avaient ainsi commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur préjudice pour la fraction excédant cette somme ; que par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.