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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 28 juin 2010, n° 09/00413

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Simonian, Garrigos

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lafon

Conseillers :

M. Roux, M. Sabron

Avoués :

SCP Touton-Pineau & Figerou, SCP Boyreau et Monroux, SCP Fournier

Avocats :

Me Ferrand, Me Despujol

TGI Bordeaux, 1re ch., du 7 oct. 2008, n…

7 octobre 2008

FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE

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Par acte sous seing privé en date du 8 juin 2004 Monsieur Didier Garrigos 'designer' indépendant a cédé à monsieur Jean-Michel Simonian les droits patrimoniaux d'exploitation portant sur trois modèles d'appareils d'esthétique désignés sous les appellations NPU PRUS, TC et Colonne DB et le 9 juin 2004 monsieur Somonian a déposé à l'INPI de Bordeaux les dessins et modèles de ces trois appareils sous le numéro 04/04 2843. Cette cession de droits a été annulée par jugement définitif du 15 septembre 2009.

Par courriers en date des 10 juin et 7 juillet 2004, monsieur Simonian leur reprochant des actes de contrefaçon a mis en demeure la société Care Systems NV, société établie en Belgique et divers sous-traitants de celle-ci de cesser l'exploitation des appareils PRUS et TC 3000 et le 23 juillet 2004 il a fait pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Data Line Internationale (DLI) filiale française de la société F Care Systems NV.

Par actes d'huissier en date du 26 et 27 juillet 2004, monsieur Garrigos a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la société DLI et ses sous-traitants ainsi que la société F Care Systems NV afin de voir constater les actes de contrefaçon qu'il leur reprochait au titre de la reproduction du modèle PRIUS et les entendre condamner à réparer le préjudice en résultant en leur faisant :

- interdire sous astreinte, la fabrication, la commercialisation et l'exploitation des appareils intégrant le modèle PRIUS ainsi que tout autre modèle objet du protocole du 8 juin 2004.

- verser à son profit

. une somme de 70 000 € à la charge solidaire des sous-traitants ayant fabriqué des éléments de l'appareil contrefait.

. une somme de 115 000 € à la charge de la société F Care Systems NVqui a fabriqué depuis mai 2004, 23 appareils en réparation du préjudice calculé sur la marge réalisée sur le prix de vente.

. une somme de 10 000 € à la charge de l'ensemble des défendeurs à titre de dommages et intérêts complémentaires destinés à compenser le préjudice résultant de leur comportement de mauvaise foi ainsi que 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. une somme de 50 000 € à la charge solidaire de l'ensemble des défendeurs au titre de la réparation de l'atteinte à son droit d'auteur.

Par jugement en date du 7 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- dit que monsieur Garrigos est l'auteur exclusif du modèle de l'appareil NPU PRUS.

- dit qu'il a valablement cédé à monsieur Simonian le 8 juin 2004 son droit patrimonial d'exploiter le modèle MPU PRUS qu'il a créé

- déclaré nulle la saisie-contrefaçon réalisée le 13 juillet 2004 pour le compte de monsieur Simonian dans les locaux de la société DLI

- constaté que la société F Care Systems NV a commis, à compter du 1er mai 2004 des faits de contrefaçon du modèle NPU PRUS créé par monsieur Garrigos.

- interdit à la société F CARE SYSTEMS NV de fabriquer ou faire fabriquer, commercialiser ou exploiter sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, les appareils intégrant le modèle NPU PRUS créé par monsieur Garrigos, faisant l'objet du protocole du 8 juin 2004

- mis hors de cause la société DLI, filiale de F Care Systems NV, les sociétés ADMI, AXIS, Baroux Consultant, SCASO en leur qualité de sous-traitants

- rejeté toute demande de garantie présentée par la société SCASO à l'encontre de la société F Care Systems NV,

- condamné la société F Care Systems NV à payer à monsieur Garrigos la somme de 10 000 € en réparation de l'atteinte à son droit moral d'auteur, la somme de 2 500 € en réparation de son préjudice d'exploitation lié à la contrefaçon commise avant le 8 juin 2004

- condamné la société F Care Systems NV à payer à monsieur Simonian la somme de 50 000 € au titre de son préjudice d'exploitation résultant de la contrefaçon commise à partir du 9 juin 2004

- condamné la société F Care Systems NV à payer à monsieur Simonian et à monsieur Garrigos la somme de 2 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné monsieur Simonian à payer la somme de 2 000 € à chacune des sociétés sous-traitantes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PROCÉDURE D'APPEL

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Par déclaration en date du 23 janvier 2009, la société F Care Systems NV a relevé appel de ce jugement dans des conditions de recevabilité qui ne font l'objet d'aucune contestation.

A l'appui de son appel, la société Care Systems NV soutient que :

- aux termes des dispositions des articles 960 et 961 du code procédure civile, la constitution d'avoué doit porter mention d'une adresse exacte et actuelle à peine d'irrecevabilité des conclusions et dès lors les écritures de monsieur Simonian s'il ne consent pas à communiquer sa véritable adresse doivent être déclarées irrecevables.

- elle a appris en cours de procédure que la convention du 8 juin 2004 a été résiliée par jugement définitif de telle sorte que monsieur Simonian ne peut se prévaloir d'aucun droit sur l'appareil PRUS.

- monsieur Garrigos agit tardivement en garantie de ses droits.

- en tout état de cause le travail effectué sur le PRUS pour parvenir au résultat final est une oeuvre collective créée à l'initiative de la société Formes et performances qui l'a élaborée et divulguée sous sa direction et son nom PRUS n'est pas le fruit de la seule contribution personnelle de monsieur Garrigos qui a simplement participé à son élaboration et dont la contribution se fond dans un ensemble de telle sorte qu'il ne peut revendiquer la qualité d'auteur de PRUS en application de l'article L 113 2 du code de la propriété intellectuelle.

- le caractère d'oeuvre collective du PRUS est établi par le document relatif à l'étude 'design' et un document intitulé 'compte rendu succinct sur la conception du matériel le PRUS' rédigé par monsieur Daniel de la société Formes et Performances démontrant que monsieur Garrigos n'est intervenu qu'au stade ultime d'élaboration du produit après définition par le bureau d'études, validation par le service Marketing et évaluation par le service Design interne/communication visuelle.

- ces faits sont corroborés par la circonstance qu'il n'a jamais déposé d'enveloppe Soleau des modèles qu'il prétend avoir créés.

- la chronologie du contentieux est emblématique du caractère parasitaire du scénario imaginé par monsieur Simonian.

- en tout état de cause elle peut se prévaloir d'une cession tacite du droit d'auteur à son profit.

- il a bénéficié d'une rémunération forfaitaire et globale, prévue en paiement

de la contribution de monsieur Garrigos sur le PRUS.

- le tribunal ne se fonde sur aucun élément probant pour affirmer que la commercialisation de l'appareil PRUS ne pouvait résulter que d'une simple tolérance limitée précisément pour la durée de ces relations et que cette tolérance avait cessé au jour où la société a été placée en liquidation judiciaire.

- elle avait obtenu la cession des plans des machines contre paiement auprès de monsieur Guilmard dessinateur industriel au mois d'avril 2004 et a donc débuté l'exploitation en toute bonne foi, en avril 2004, avant que soit imaginée la convention du 8 juin 2004.

- monsieur Simonian a attendu la commercialisation de l'appareil PRUS pour réagir et a dû renoncer à sa demande d'enregistrement à l'INPI.

- la résiliation de la cession du 8 juin 2004 intervenue contre monsieur Garrigos et monsieur Simonian ne détruit pas les relations contractuelles antérieures au jugement, et en conséquence monsieur Garrigos qui avait cédé ses droits ne peut valablement agir en revendication de ses droits jusqu'au 15 septembre 2009.

- il veut a posteriori monnayer des droits de manière opportuniste.

- les demandes déraisonnables d'indemnisation de monsieur Garrigos qui traduisent sa volonté lucrative ne pourront être accueillies.

- il ne pourra être fait application des dispositions de la loi du 29 octobre 2007 pour les faits antérieurs à son entrée en vigueur.

- le jugement sera donc infirmé et il lui sera alloué la somme de 5 000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Garrigos réplique que :

- même s'il n'a pas déposé de dessins et modèles auprès de l'INPI lui permettant de revendiquer la protection du livre IV du code de la propriété intellectuelle, il peut en revanche en application de la théorie de l'unité de l'art, revendiquer la protection issue du livre 1er du même code.

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu à monsieur Garrigos la pleine et entière qualité d'auteur sur le modèle PRUS, dès l'origine de ce dernier et non au stade de la finition.

- il produit aux débats diverses pièces établissant son rôle primordial dans la création (devis - demande de subvention - attestation de monsieur Boivent responsable du bureau d'études de la société Formes et Performances.

- aucun droit n'a été cédé avant la convention conclue avec monsieur Simonian.

- l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle exigeant la description des droits cédés s'applique bien aux contrats de louage d'ouvrages, et il est donc exclu d'envisager une cession tacite.

- la société Formes et Performances ne détenait au sein de son personnel aucune des compétences permettant de réaliser ces tâches.

- le modèle PRUS ne peut être qualifié d'oeuvre collective, dès lors qu'il n'a pas été élaboré sous la direction de la société Formes et Performances, et, que le travail accompli par le désigner indépendant ne correspond pas à un travail d'équipe.

- la confirmation du jugement sera prononcée en ce qu'il a reconnu à monsieur Didier Garrigos la qualité d'auteur.

- si la cour reconnaissait la cession tacite des droits au profit de la société Formes et Performances, elle jugerait que la cession doit être considérée comme résolue, en raison de la liquidation judiciaire de cette société en application de l'article L. 132-15 du code de la propriété intellectuelle.

- il lui sera alloué la somme de 50 000 € en réparation du préjudice relatif à on droit moral, ainsi que celle de 1 825 000 € en réparation du préjudice subi par lui au titre des contrefaçons de son modèle, ainsi que 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- la publication de l'arrêt sera ordonnée sur le site internet de la société F Care Systems NV et dans trois journaux à tirage national.

Monsieur Simonian régulièrement assigné a constitué avoué mais n'a pas conclu.

- MOTIFS

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I - Sur la procédure :

A l'audience de plaidoiries les trois avoués ont demandé que l'ordonnance de clôture soit révoquée afin que toutes les pièces et conclusions échangées soient dans le débat.

Cette ordonnance a été révoquée, plumitif renseigné.

Ils ont alors constaté que le dossier était suffisamment instruit de façon contradictoire et ont demandé qu'une nouvelle clôture soit prononcée sur le champ afin que l'audience puisse débuter. Il leur a été donné satisfaction, une nouvelle ordonnance de clôture étant ainsi rendue le jour des plaidoiries, avant les débats, plumitif renseigné.

Ainsi toutes les pièces et conclusions signifiées sont dans le débat.

Par ailleurs M. Simonian n'ayant pas conclu il ne peut y avoir lieu de déclarer ses écritures irrecevables pour défaut de mention de son adresse dans l'acte de constitution de son avoué.

II - Sur le fond du litige :

Il sera constaté en préambule que les dispositions du jugement relatives au prononcé de la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon en dépit du caractère général de l'appel interjeté ne font l'objet d'aucune critique spécifique et doivent donc être confirmées.

- Sur la propriété des droits d'auteur relatifs au modèle NPU PRUS :

Monsieur Garrigos qui revendique la propriété des droits d'auteur à l'égard de l'appareil NPU PRUS, en application des dispositions conjuguées des articles L. 111-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, doit démonter que la forme qu'il a donnée à ce dernier n'est pas entièrement dictée par la fonction, qu'elle présente un caractère d'originalité reflétant la personnalité de son auteur, et s'agissant à l'évidence d'un objet relevant du domaine des arts appliqués que l'oeuvre traduit un effort personnel individuel de création et de recherche esthétique dans la combinaison des éléments.

Dans ce cadre il y a lieu de constater que monsieur Garrigos qui travaillait régulièrement comme 'designer' indépendant pour la société 'Formes et Performances' et notamment pour la forme donnée à des appareils de soins et d'esthétiques, est manifestement intervenu dans l'élaboration du modèle NPU PRUS.

Aux termes du devis qu'il produit aux débats, établi le 25 juin 2001, il apparaît qu'il était chargé de réaliser une étude Design relative à cet appareil.

Ce devis descriptif suffisamment détaillé décrit les éléments techniques qui doivent être intégrés dans l'étude (écran tactile, unité centrale, lecteur CD, stylet, caméra, appareil photo, ventilateur, radiateurs, clavier, émetteur, carte électronique etc.).

Il arrête également trois phases d'études très détaillées :

- pré-étude (image du produit, étude des fonctions d'estime et d'usage, ergonomie, perception, forme et contenu, définition des matériaux, développement graphique des orientations, esquisses, images 3D, planches et présentation d'ensemble)

- mise en forme du projet (procédés de mise en oeuvre, planches de mise en couleur ou images 3D sur papier photo, présentation du produit définitif, collaboration à la recherche de sous-traitant, ainsi que deux séances de travail sur la mise au point du produit.

- étude mécanique et réalisation des dossiers de plans (étude de la structure avec mise en place des éléments sur l'appareil et des éléments électroniques fournis et système de rangement pour les accessoires, plan d'ensemble, plans de fabrication, jeux de disquette au format et suivi de projet.

Ce devis n'a certes pas été signé par les parties mais ainsi que l'a retenu le tribunal il doit nécessairement être considéré comme une pièce contractuelle dès lors qu'il a été joint à la demande de subvention adressée le 29 juin 2001 à l'APMID (Aide aux PMI-PME en développement) qui atteste avoir accordé ladite subvention le 15 mars 2002 sur la base du projet présenté dans le devis détaillé précité.

La preuve de l'empreinte personnelle marquante de monsieur Garrigos dans l'élaboration de l'appareil est également apportée par le fait qu'il est le seul en mesure de produire des dessins manuscrits de l'appareil, même s'ils sont non datés ainsi que des plans comportant son logo datés de 2001 dont l'impression a certes été réalisée par STUDICAD, mais dont le réalisateur projeteur Philippe Guilmard atteste que monsieur Garrigos était le créateur exclusif du modèle PRUS et lui avait remis tous les dessins en vue de leur tirage.

Par ailleurs monsieur Boivent atteste de manière très circonstanciée, ainsi que l'a souligné à bon escient le tribunal du fait qu'en sa qualité de chef de bureau d'études de la société Formes et Performances, son rôle consistait uniquement à contrôler l'aspect technique de l'appareil et de ses composants, la forme générale n'ayant fait l'objet d'aucun cahier des charges, ce qui permettait à monsieur Garrigos de rester totalement libre de sa recherche ce qui l'a d'ailleurs conduit à proposer trois versions du modèle PRUS.

Il souligne par ailleurs que c'est le projet dans lequel monsieur Garrigos avait apporté l'approche la plus créative qui a été retenu par le directeur de Formes et Performances.

Il indique également de manière catégorique que 'personne de Formes et Perfomances n'a participé aux travaux de conception des pièces de la coque externe', et cette assertion n'est remise en cause par aucune pièce adverse.

Le contenu du document 'compte rendu sur la conception du matériel PRUS' est en outre mis en doute quant à sa fiabilité de manière pertinente par monsieur Boivent spécialement quant à sa date du 12 novembre 2004 et la signature de monsieur Jacques Daniel qui se situent à une époque où la société Formes et Performances était déjà en liquidation judiciaire et où le litige était déjà né entre monsieur Simonian et la société F Care Systems NV. Il conteste également l'assertion contenue dans le compte rendu aux termes duquel il est mentionné qu'il existait un service 'design' interne dans l'entreprise.

Le fait que la société Formes et Performances ait conservé la conception des éléments techniques et l'étude des éléments graphiques ne peut permettre de remettre en cause l'originalité de l'oeuvre de monsieur Garrigos dès lors que manifestement, elles étaient exclues dès l'origine de son champ d'intervention (cf devis ) et qu'en outre les éléments graphiques ne concernaient que le logo ou les indications sur l'écran (affichage) éléments de détail selon monsieur Boivent, qui n'est pas davantage utilement contredit sur ce point.

Sur la base de ces éléments, c'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la forme donnée au modèle PRUS et l'agencement conféré à tous ses éléments réalisés exclusivement par monsieur Garrigos, avec une totale liberté de création interdisaient de considérer qu'il avait participé à une oeuvre collective au sens du code de la propriété intellectuelle.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que monsieur Garrigos était l'auteur du modèle NPU PRUS pour lequel il avait d'ailleurs présenté des factures en février 2002.

- Sur l'existence d'une cession des droits d'auteur patrimoniaux de monsieur Garrigos :

La réalité d'une convention de cession de droit d'auteur ne peut être admise que si elle résulte d'éléments précis ne pouvant laisser subsister aucun doute sur son existence. Cette exigence très stricte est imposée par les nécessités de la protection des droits d'auteur, qui imposent que ce dernier ne puisse être dépossédé desdits droits que s'il y a consenti et seulement dans les limites de son acceptation.

En l'espèce, il apparaît qu'il n'est justifié d'aucun acte de cession de droits d'auteur alors même que monsieur Garrigos et la société formes et Perfomances étaient en relations de travail régulières.

La commercialisation de l'appareil PRUS dont la société Formes et Performances détenait le brevet et la marque et dont le 'design' avait été créé par monsieur Garrigos, est intervenue manifestement sur la base, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, d'une simple tolérance liée au flux régulier de leurs relations professionnelles manifestement poursuivies 'intuitu personae'.

En conséquence c'est également à bon droit que le tribunal a pu considérer que la mise en liquidation judiciaire de la société Formes et Performances a nécessairement mis un terme à cette tolérance et rétabli monsieur Garrigos dans la libre disposition de son droit patrimonial sur son oeuvre.

Par ailleurs, la société F Care Systems NV ne peut soutenir qu'elle dispose d'une licence d'exploitation obtenue d'une société intermédiaire dès lors que celle qu'elle invoque porte sur un appareil différent TC 3000 et qu'en tout état de cause elle ne saurait inclure l'agencement des éléments et la forme seulement de l'activité créatrice de monsieur Garrigos protégée par ses droits d'auteur.

La vente du tirage du dossier du plan du PRUS et du TC 3000, dès lors qu'elle a manifestement été consentie à la société F Care Systems NV par la seule société STUCAD suivant facture du 21 juin 2004, alors qu'elle n'en avait que réalisé le tirage sans pouvoir prétendre à un quelconque droit d'auteur, n'a pu davantage, ainsi que l'a retenu le tribunal, constituer 'une cession légitime du droit d'exploiter dans la forme que lui a donnée monsieur Garrigos'.

Il conserve dès lors la libre disposition de son droit d'auteur, étant souligné par ailleurs qu'aux termes d'un jugement définitif du tribunal de grande instance de Bordeaux du 15 septembre 2009, la résiliation de la cession consentie par monsieur Garrigos à monsieur Simonian portant sur le droit d'exploitation exclusif notamment du modèle NPU PRUS a été prononcée

- Sur l'existence d'une contrefaçon et la réparation des préjudices en découlant :

La société F Care Systems NV n'a pas contesté avoir fait fabriquer et avoir commercialisé des appareils PRUS ainsi que l'a relevé le tribunal.

Dès lors c'est à bon droit que le tribunal en a déduit que la nullité du procès verbal de saisie contrefaçon était sans incidence sur la preuve de l'existence de la contrefaçon commise par la société F Care Systems NV qui était suffisamment établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé de ce fait une interdiction à l'égard de la société F Care systems NV de fabriquer ou de commercialiser des appareils intégrant les caractéristiques du modèle PRUS créé par monsieur Garrigos sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée.

- Sur la réparation du préjudice moral :

En application de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de la qualité de son oeuvre, droit inaliénable. Ce droit ayant manifestement été bafoué en ayant fait l'objet de détournement, notamment sur le site internet de la société F Care Systems NV pour assurer la publicité des appareils, il en a résulté un préjudice moral au détriment de monsieur Garrigos justifiant l'allocation à son profit d'une somme de 10 000 € telle qu'arrêtée par le tribunal qui sera confirmée à titre de dommages et intérêts.

- Sur la réparation du préjudice patrimonial de monsieur Garrigos :

Monsieur Garrigos, dès lors qu'il est établi que la société Care Systems aux termes de son assignation revendique l'exploitation et la commercialisation du modèle litigieux depuis le 1er mai 2004, est fondé à solliciter réparation du préjudice qu'il a subi du^fait de la perte de la redevance à laquelle il pouvait prétendre.

Même si le contrat de cession de ses droits d'exploitation qu'il avait consenti le 8 juin 2004 à monsieur Jean Michel Simonian a fait l'objet d'une résiliation suivant jugement définitif du tribunal de grande instance de bordeaux du 15 septembre 2009, postérieur au jugement entrepris qui n'a donc pu en prendre en compte son incidence sur le présent litige, il n'en demeure pas moins que cette résiliation n'a pas emporté anéantissement du contrat à compter du jour de sa signature mais exclusivement à compter du jugement l'ayant prononcée.

Dès lors monsieur Garrigos ne peut solliciter réparation de son préjudice que pour la période antérieure au 8 juin 2004 soit du 1er mai au 8 juin 2004 puis ensuite pour la période ayant couru du 15 septembre 2009 jusqu'à la date du présent arrêt soit neuf mois.

La redevance fixée dans le cadre de la cession de son droit patrimonial consentie suivant contrat du 8 juin 2004, même s'il a été résilié, n'en constitue pas moins une donnée utilisable puisqu'elle constituait le montant de la rémunération attendue par monsieur Garrigos au titre de la cession de son droit patrimonial et acceptée par un professionnel contractant.

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu le prix majoré de la redevance au sein du tarif dégressif tel que fixé par le contrat précité pour les dix premiers appareils vendus, à hauteur de 500 € par appareil vendu, comme base d'indemnisation sans nécessité de recourir à une majoration supplémentaire du fait du caractère aléatoire des ventes de tels produits dans la conjoncture actuelle.

Le jugement sera également confirmé en ce que se fondant sur les termes même de l'assignation délivrée par la société Care Systems NV devant le tribunal de grande instance de Nanterre, elle revendiquait la fabrication de modèles NPU PRUS depuis le 1er mai 2004 à raison de cinq appareils par mois sur la base d'une période globale d'indemnisation de dix mois. Il sera donc alloué à monsieur Garrigos la somme de

25 000€.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef du fait de l'évolution du litige.

- Sur la réparation du préjudice patrimonial de monsieur Simonian :

La résiliation du contrat de cession des droits consentis par monsieur Garrigos à monsieur Simonian telle qu'elle a été prononcée par jugement définitif du 15 septembre 2009 n'a pas entraîné l'anéantissement du contrat à sa date de signature mais uniquement à la date du jugement précité.

Dès lors l'indemnisation accordée par le tribunal à monsieur Simonian au titre de la réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon du fait de la perte de chance de réaliser les ventes de ces modèles d'appareils, demeure applicable pendant la période où le contrat s'est appliqué du 8 juin 2004 au 15 septembre 2009.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à monsieur Simonian la somme de 50 000 € de ce chef.

- Sur la demande de publication de l'arrêt :

Cette demande manifestement nouvelle présentée en cause d'appel n'apparaît pas appropriée au regard du contexte du dossier dès lors au surplus qu'il est accordé des réparations pécuniaires suffisantes pour des interdictions de fabriquer et de diffuser des appareils similaires à ceux qui ont été contrefaits. Elle sera donc rejetée.

- Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

En sus de l'indemnité accordée par le tribunal, il sera alloué à monsieur Garrigos la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société F Care Systems NV qui succombe en son appel sera tenue aux dépens d'appel.

P A R C E S M O T I F S

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la réparation du préjudice patrimonial subi par monsieur Didier Garrigos au titre des acres de contrefaçon commis par la société F Care Systems NV à la somme de 2 500 €.

Statuant à nouveau,

Condamne la société F Care Systems NV à payer à monsieur Didier Garrigos la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris en ses dispositions non contraires au présent arrêt.

Y ajoutant,

Condamne la société F Care Systems NV à payer à monsieur Didier Garrigos la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires tant principales que reconventionnelles.

Condamne la société F Care systems NV aux dépens d'appel et en accorde distraction à la SCP Fournier avoués en application de l'article 699 du code de procédure civile.