Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 15 novembre 1988, n° 86-18.970

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsard

Rapporteur :

M. Jouhaud

Avocat général :

M. Dontenwille

Avocats :

Me Coutard, SCP Defrénois et Levis, Me Copper-Royer

Paris, du 9 oct. 1986

9 octobre 1986

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par précaution et à la suite d'une tentative de cambriolage du coffre placé dans son cabinet d'agent de change, M. Gilbert X... a transporté dans le coffre-fort dont il disposait à la banque " société Marseillaise de crédit " une importante quantité de lingots et de pièces d'or ; que, quelques jours après, l'un des commis de la charge qui n'avait pas qualité pour accéder à ce coffre s'en est fait remettre la clef par une collaboratrice de M. X... en la persuadant qu'il agissait sur instruction des fondés de pouvoir, seuls mandatés pour accéder au coffre et qu'il avait plusieurs fois accompagnés ; que, muni de cette clef, il s'est présenté à la société Marseillaise de crédit qui n'a fait aucune difficulté pour lui ouvrir la salle des coffres ; qu'il a alors, au cours d'un seul après-midi, en plusieurs fois et aidé de deux complices, vidé le coffre-fort de l'or qu'il contenait ; puis qu'il a disparu sans qu'il ait été, depuis, possible de le retrouver ;

Attendu qu'à la suite de ce vol, et pour réparer le préjudice subi par la clientèle de M. X..., la compagnie GAN Incendie-accidents, son assureur, a dû verser la somme de 10 millions de francs, la compagnie des agents de change de Paris celle de 2 768 494,10 francs et les héritiers de l'agent de change, décédé entre temps, celle de 1 696 316,97 francs ; qu'ils ont assigné la société Marseillaise de crédit et sa compagnie d'assurances, la Préservatrice foncière, en remboursement de ces diverses sommes ; que la cour d'appel a condamné la société Marseillaise de crédit à ces remboursements et dit que la Préservatrice foncière lui devait garantie dans la limite de son contrat ;

Sur les deux branches du premier moyen du pourvoi n° 87-10.263 qui sont aussi les deux premières branches du moyen unique du pourvoi 86-18.970 ;

Attendu que la société Marseillaise de crédit et la compagnie la Préservatrice foncière, font, dans leurs pourvois respectifs, grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le non-respect par M. X... de la clause du contrat le liant à la banque et aux termes de laquelle le titulaire du coffre s'était interdit de déposer dans son compartiment des objets dont la valeur excèderait 500 000 francs n'entraînait pas, s'agissant d'une simple clause limitative de responsabilité, la résiliation du contrat et la disparition de l'obligation de surveillance et que l'esprit dans lequel avait été établie cette clause était révélé par le projet de refonte de ce contrat qui était en cours alors, en premier lieu, que seule s'imposerait entre les parties le contrat tel qu'il avait été signé quelle que soient les refontes envisagées et qu'en considérant cette clause comme limitative de responsabilité pour la banque et non comme interdisant formellement à M. X... d'utiliser le coffre pour un dépôt supérieur à ce qui avait été prévu, la cour d'appel en aurait méconnu la portée et l'aurait dénaturée ; et alors, en second lieu, que l'obligation de la banque d'assurer la sécurité du coffre-fort trouvant sa cause dans l'obligation de limiter le dépôt à 500 000 francs, ce que soulignaient au demeurant les dispositions de

l'article 10 du contrat aux termes desquelles tout dépassement de la valeur prévue aurait entraîné la résiliation dudit contrat, la cour d'appel aurait retenu à la charge de la société Marseillaise de crédit une obligation, devenue du fait du manquement de M. X... à ses propres obligations, sans fondement juridique ;

Mais attendu qu'en présence d'un contrat dont certaines dispositions étaient ambiguës, parce qu'en partie contradictoires, la cour d'appel, qui a relevé, au surplus, que l'un des sous-directeurs de la banque, mis par M. X... au courant de l'excédent des dépôts faits au coffre, n'avait pas considéré pour autant que le contrat eût été résilié, a souverainement estimé, après recherche de la commune intention des parties, et sans se limiter, à cet égard, aux indications qui pouvaient résulter des projets de refonte, en vue de leur clarification, des contrats en cours, que l'ensemble des dispositions du contrat concernant le plafonnement du dépôt et les sanctions de son éventuel dépassement s'analysaient en une clause limitative de responsabilité ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas dénaturé ce contrat et n'a pas mis à la charge de la société Marseillaise de crédit une obligation qui aurait perdu sa cause juridique ; que ni le premier moyen du pourvoi n° 87-10.263, ni les deux premières branches du moyen unique du pourvoi n° 86-18.970 ne peuvent être accueillis ;

Sur les deux branches du second moyen du pourvoi n° 87-10.263, dont la seconde recouvre la critique présentée par la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° 86-18.970 ;

Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir dit que la banque, en laissant accéder au coffre sans aucune vérification de ses pouvoirs un commis de l'agence qui n'était pas habilité à y avoir accès, avait commis une faute lourde excluant pour elle la possibilité de bénéficier de la clause limitative de responsabilité alors d'abord, que le fait de laisser accéder au coffre un commis connu de la banque pour avoir à plusieurs reprises accompagné les fondés de pouvoir habilités ne constituait pas une faute lourde, laquelle faute serait au surplus demeurée sans conséquence si ledit commis n'avait pas eu entre les mains la clef du coffre ni connu sa combinaison, et alors, ensuite, qu'à la supposer établie, cette faute ne se serait qu'ajoutée à celle de M. X... et de sa secrétaire, qui aurait été, du reste, constatée par la cour d'appel, de telle sorte qu'en ne procédant pas, au minimum à un partage de responsabilité la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil et méconnu les conséquences légales de ses propres constatations ;

Mais attendu que la cour d'appel a justement énoncé que le contrat de coffre-fort faisait naître à la charge du banquier une obligation particulièrement stricte de surveillance qui lui fait un devoir de vérifier si celui qui se présente, fût-il muni de la clef du coffre, est habilité à y avoir accès ; qu'elle a pu en déduire qu'il y avait eu faute lourde de sa part à laisser entrer le commis de M. X... sur le seul souvenir de ce qu'il avait parfois accompagné les fondés de pouvoir de celui-ci, seuls titulaires de l'habilitation appropriée, et que le comportement de sa secrétaire qui, avait remis la clef à son collègue aurait été sans incidence s'il n'avait été suivi du manquement de la banque à cette obligation, fondamentale eu égard à la nature du contrat ; d'où il suit que ni le second moyen pris en ses deux branches du pourvoi n° 87-10.263, ni la troisième branche du moyen unique du pourvoi n° 86-18.970 ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.