CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 6 octobre 2022, n° 22/01365
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Axa France Iard (Sté)
Défendeur :
Syndicat des Copropriétaires de l'Inside (Sté), Inside (SCCV)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cesaro-Pautrot
Conseillers :
Mme Mars, Mme Tanguy
Avocats :
Me Magaud, Me Pilliard, Me Vigneron, Me Szepetowski
La Sccv l'Inside a fait édifier un ensemble immobilier dénommé Inside au [Adresse 4] (06), soumis au régime de la copropriété et vendu par lots en l'état futur d'achèvement.
Elle a souscrit une assurance dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur auprès de la Sa Axa France Iard.
La livraison des parties communes a eu lieu le 28 novembre 2017.
Une déclaration de sinistre concernant notamment des infiltrations dans les sous-sols, les voies de circulation et les garages, a été effectuée le 15 novembre 2018 auprès de la Sa Axa France Iard, qui a refusé sa garantie.
Le syndicat des copropriétaires de l'Inside a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse qui, par ordonnance du 1er septembre 2020, a ordonné une expertise, confiée à M. [R].
Faisant valoir qu'il a été contraint de faire l'avance des travaux conservatoires préconisés par l'expert, le syndicat des copropriétaires de l'Inside a, par actes en date du 28 juin 2021, assigné la Sa Axa France Iard, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage et Cnr, de la Sccv l'Inside devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir condamner in solidum la Sccv l'Inside, la Sa Axa France Iard à payer lui payer une provision d'un montant de 3 099,80 euros au titre des travaux de réparation conservatoires prescrits par l'expert judiciaire, ainsi qu'une provision de 40 000 euros au titre des frais d'instance.
Par ordonnance en date du 4 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a :
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Inside de ses demandes formées à l'encontre de la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur dommages ouvrage,
- condamné la Sccv Inside et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur Cnr de ladite société, solidairement, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Inside la somme provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et sur les frais d'instance,
- condamné la société Axa France Iard à garantir la Sccv Inside de cette condamnation, avec application de la franchise contractuelle,
- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Inside du surplus de ses demandes
- condamné la Sccv Inside et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur Cnr de ladite société, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Inside la somme provisionnelle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sccv Inside et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur Cnr de ladite société, in solidum, aux dépens.
La Sa Axa France Iard a relevé appel de cette décision le 28 janvier 2022.
Vu les dernières conclusions de la Sa Axa France Iard, notifiées par voie électronique le 15 avril 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 835 du code de procédure civile
Vu les articles L. 242-1 du code des assurances et A 243-1 Annexe II du code des assurances,
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
- réformer l'ordonnance de référé rendue le 4 janvier 2022 en ce qu'elle a condamné Axa, ès qualités d'assureur décennal de la Sccv Inside solidairement à la somme provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et sur les frais d'instance, à garantir la Sccv Inside de cette condamnation, et la somme provisionnelle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
Et statuant à nouveau :
- juger que l'absence de détermination de la cause et de la nature du désordre, ainsi que le caractère apparent du désordre allégué et l'absence de vice caché lors de la réception, constituent inévitablement des contestations sérieuses à l'obligation de garantie d'Axa, recherchée en sa qualité d'assureur décennal de la Sccv Inside ;
Et donc :
- mettre Axa purement et simplement hors de cause,
- débouter le syndicat des copropriétaires l'Inside de ses demandes de provisions dirigées contre Axa recherchée en sa qualité d'assureur décennal de la société l'Inside et la Sccv Inside de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Axa, recherchée en qualité d'assureur décennale de la Sccv Inside,
- juger la franchise contractuelle opposable à la société l'Inside,
- confirmer l'ordonnance du 4 janvier 2022 pour le surplus et donc :
- juger que la déclaration de sinistre du 15 novembre 2018 n'a pas été valablement constituée par le syndicat des copropriétaires auprès de l'assureur dommages-ouvrage puisque cette dernière émane de la Sagec qui n'est pas habilité à représenter le syndicat des copropriétaires et que la Sagec est le représentant de la Sccv Inside,
- déclarer irrecevable toute demande de provision au stade des référés à l'encontre d'Axa, ès qualités d'assureur dommages-ouvrage en l'état de l'existence de contestations sérieuses,
- débouter le syndicat des copropriétaires l'Inside de ses demandes de provisions dirigées contre Axa recherchée en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage formulées à hauteur de 40 000 euros au titre des frais d'instance et à hauteur de 3 099,80 majorés du doublement des intérêts au taux légal en ce qui concerne les mesures conservatoires préconisées par l'expert judiciaire,
- débouter la société l'Inside et le syndicat des copropriétaires l'Inside de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Axa recherchée en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage,
- mettre Axa purement et simplement hors de cause ;
En tout état de cause :
- condamner le syndicat des copropriétaires ou tout succombant à la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de 1ère instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions du syndicat des copropriétaires de l'Inside, notifiées par voie électronique le 4 mars 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de :
- condamner solidairement la société l'Inside et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur Cnr de la société l'Inside, à payer au syndicat des copropriétaires de l'Inside une provision d'un montant de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et sur les frais d'instance et confirmer, en ce sens, l'ordonnance rendue, le 4 janvier 2022, par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse,
- confirmer l'ordonnance rendue le 4 janvier 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse,
- débouter la société l'Inside, la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société l'Inside, la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de dommages à l'ouvrage de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- rejeter toutes demandes de condamnations présentées à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'Inside,
- condamner in solidum la société l'Inside et son assureur, la société Axa France Iard, à payer au syndicat des copropriétaires de l'Inside la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens exposés en cause d'appel et de confirmer en ce sens l'ordonnance attaquée ainsi qu'aux entiers dépens, par application des dispositions de l'article 699 du même code, exposés en première instance et de confirmer en ce sens le jugement attaqué,
- condamner in solidum la société l'Inside, la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société l'Inside, la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de dommages à l'ouvrage, à payer au syndicat des copropriétaires de l'Inside, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, par application des dispositions de l'article 699 du même code, exposés en cause d'appel ;
Vu les dernières conclusions de la Sccv l'Inside, notifiées par voie électronique le 31 mars 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 835 du code de procédure civile,
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
A titre principal :
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du Tj de Grasse en date du 4 janvier 2022 en ce qu'elle a retenu la responsabilité décennale de la Sccv concluante et de son assureur et l'a condamnée solidairement au paiement de la somme provisionnelle de 30 000 euros ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou votre cour devrait confirmer la condamnation provisionnelle mise à la charge de la Sccv et de son assureur :
- confirmer l'ordonnance du 4 janvier 2022 en ce qu'elle a condamné la cie Axa à relever et garantir son assurée,
- condamner la partie succombante au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Me J.M. Szepetowski, avocat, sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance ;
L'ordonnance de clôture est en date du 22 juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
La Sa Axa France Iard, en sa qualité d'assureur Cnr de la Sccv l'Inside, s'oppose à l'allocation d'une provision au profit du syndicat des copropriétaires de l'Inside. Elle fait valoir l'existence de contestations sérieuses en ce que la nature décennale des désordres invoqués n'est pas établie et qu'il n'est pas certain qu'ils résultent de l'ouvrage réalisé et constituent un vice caché lors de la réception.
Dans son compte rendu d'accedit n°1 du 20 janvier 2021, l'expert indique : la quasi totalité du dallage du niveau ' 2 est inondé (de 1mm/2mm à 2cm/3cm)( ... ) ces désordres ne permettent pas un usage normal des places de stationnement. A ce stade, il ne se prononce pas sur la cause du désordre et indique avoir l'intention de s'entourer des compétences d'un sapiteur dans les domaines de l'hydrologie, la géotechnique et la structure avec pour missions : diagnostic des circulations et venues d'eau, détermination des causes des infiltrations, préconisations sommaires pour la reprise des désordres. Le sapiteur retenu étant le Bet Sefab.
Ainsi, les désordres, s'agissant d'importantes venues d'eau stagnantes, empêchent une utilisation des places de parking et des box au niveau -2.
En application de l'article 1646-1 du code civil, le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.
L'article 1792 du code civil énonce qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. La cause étrangère résultant de la force majeure, le fait d'un tiers ou le fait du maître de l'ouvrage.
La Sccv l'Inside fait valoir que le désordre a pour origine le fait d'un tiers s'agissant du défaut d'étanchéité du canal aérien de colature des eaux pluviales formant le vallon de colature de la ville d'[Localité 5], passant à proximité de la construction.
Au soutien de son argumentation, la Sccv l'Inside produit le rapport de la société Eurisk, mandatée par la Sa Axa France Iard (volet dommages-ouvrage) en date du 4 décembre 2019, qui mentionne, concernant les venues d'eau constatées au niveau du 2ème sous-sol de la copropriété l'Inside : la conclusion des investigations géotechniques nous permettent de confirmer que le dommage provient d'une cause extérieure. Cette cause extérieure relève d'un défaut d'étanchéité du canal aérien de colature des eaux pluviales, formant le vallon de colature de la ville d'[Localité 5], passant à proximité de la construction ( ' ) ce défaut d'étanchéité du vallon vient ainsi créer un apport d'eau de très grande ampleur ( ' ) les sous-sols du bâtiment Inside réalisés sur un dallage béton armé ne peuvent donc bloquer la remontée générale de la nappe phréatique alimentée par les défaillances de l'étanchéité du vallon de colature des eaux pluviales.
Toutefois, la Sa Axa France Iard produit le rapport de la société Geotechnique ( saisie par le maître d'ouvrage d'une mission G1, G2, G4 ) établi suite à une visite en cours de chantier effectuée le 19 août 2016 qui indique : d'après les informations qui nous avaient été fournies en juillet la venue d'eau est toujours présente dans la partie Ouest du site ( ' ) les venues d'eau doivent être détournées de la plate-forme et pourront être évacuée par pompage ( ' ) la mise en œuvre d'une étanchéité adéquate en parement extérieur des murs enterrés permettra de les protéger des infiltrations et d'humidité. Un dispositif drainant périphérique avec cunette en pied et exécutoire gravitaire assurera l'évacuation des eaux résiduelles ( ' ) le dispositif de drainage périphérique devra assurer partout la bonne évacuation des eaux souterraines afin d'éviter toute infiltration d'eau.
Il apparaît en lecture de ces rapports, qu'il existe une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher, sur les causes des venues d'eau constatées ou l'existence d'une cause étrangère caractérisée par le fait d'un tiers et exonératoire de la responsabilité encourue sur le fondement de l'article 1792 du code civil, en ce que la présence de venues d'eau sur le chantier a été identifiée en cours de travaux, des solutions pérennes afin d'y remédier ayant été proposées au maître d'ouvrage qui n'ont manifestement pas été mise en œuvre, s'il s'avère que les venues d'eau observées en 2016 ont la même cause que celles constatées par l'expert.
En conséquence, le juge des référés est incompétent pour connaître des demandes formées de provisions aux fins de réparations des désordres et ad litem, l'allocation d'une telle provision supposant que soit démontré qu'il existe à la charge de la partie défenderesse une obligation non sérieusement contestable de devoir supporter les frais du procès à l'issue de celui-ci.
Dès lors, la décision du premier juge sera infirmée.
Aucune considération d'équité ne justifie en la cause l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et appel. Les parties seront déboutées de leur demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire ;
Confirme l'ordonnance de référé en date du 4 janvier 2022, sauf dans sa disposition ayant condamné la Sccv Inside et la Sa Axa France Iard, son assureur Cnr, solidairement, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Inside la somme provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et sur les frais d'instance, condamné la Sa Axa France Iard à garantir la Sccv l'Inside de cette condamnation, avec application de la franchise contractuelle, condamné la Sccv l'Inside et la Sa Axa France Iard, son assureur Cnr, in solidum, à payer au syndicat des copropriétaires de l'Inside la somme provisionnelle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens;
Statuant à nouveau de ces chefs :
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions formées par le syndicat des copropriétaires de l'Inside à l'encontre de la Sccv l'Inside et son assureur Cnr la Sa Axa France Iard ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et appel ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'Inside aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.