Cass. crim., 15 novembre 2000, n° 00-82.973
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme de la Lance
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocat :
SCP Tiffreau
Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 8 du Code de procédure pénale et 175 ancien du Code pénal, insuffisance et contradiction de motifs ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 8, 681, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique dirigée contre Henri X... ;
"aux motifs que "entre juin 1987 et le 18 février 1993, la prescription a été interrompue d'abord par l'enquête préliminaire confiée au SRPJ Antilles Guyane par le procureur de la République, le 24 mai 1989, suite aux dénonciations du commissaire aux comptes de la SEMH Batterie Baie du Moule de faits constitutifs du délit d'ingérence ; que cette enquête a relevé des charges constitutives du délit d'ingérence (D24) concernant le marché de travaux en date du 8 juin 1987 ; qu'ensuite, la prescription a été suspendue le 29 octobre 1991 tant que la juridiction pour instruire n'a pas été désignée par la chambre criminelle ; que cette désignation intervient le 4 décembre 1991, suivie des réquisitions du 20 octobre 1992 ; qu'au 18 février 1993, date de la mise en examen d'Henri X... du chef d'ingérence, la prescription n'était donc pas acquise ; que l'exception ainsi soulevée est écartée" (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
"alors que, en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois ans ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le marché de travaux dénoncé par le commissaire aux comptes comme une ingérence, avait été passé le 8 juin 1987 ; que le procureur de la République avait interrompu le délai de prescription le 24 mai 1989, en confiant à la police judiciaire une enquête préliminaire ; que le délai de prescription avait été suspendu du 29 octobre au 4 décembre 1991 ; que, dès lors, en s'abstenant de préciser quel autre acte interruptif ou suspensif de prescription aurait empêché l'action publique de s'éteindre le 29 juin 1992, et en affirmant que la prescription n'aurait pas été acquise le 18 février 1993, au prétexte que des réquisitions avaient été prises le 20 octobre 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour écarter l'exception de prescription soulevée par le prévenu concernant les faits d'ingérence reprochés, remontant à juin 1987, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen et relèvent, en outre, que le juge d'instruction a communiqué la procédure pour ce nouveau chef d'ingérence au ministère public le 10 octobre 1991 aux fins de réquisitions ;
Qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que la prescription a été interrompue le 24 mai 1989, le 10 octobre 1991 et le 20 octobre 1992 avant la mise en examen du 18 février 1993, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, la communication de la procédure par le juge d'instruction au procureur de la République aux fins de réquisitions sur l'action publique constitue un acte d'instruction interruptif de prescription ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 105 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs ;
Attendu qu'en application de l'article 385, alinéa 1, du Code de procédure pénale, les juridictions correctionnelles n'ont pas qualité pour constater les nullités de procédure qui lui sont soumises lorsqu'elles sont saisies par le renvoi ordonné par la chambre d'accusation ;
Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir répondre à l'exception de nullité tirée de l'inculpation tardive du prévenu du chef d'ingérence, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable par application du texte précité ;
Sur le troisième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 175 ancien du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et manque de base légale ;
Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 175 de l'ancien Code pénal, 432-12, 432-17 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri X... coupable d'avoir, dans le courant de l'année 1987, étant maire de la commune du Moule, pris directement ou indirectement un intérêt dans une opération dont il avait au moment de l'acte en tout ou partie la charge d'assurer l'administration ou la surveillance ;
"aux motifs que "même si M. Z..., fondé de pouvoir, a signé le contrat du 8 juin 1987 au bénéfice de la STPBM, ce contrat a profité à une société dont Henri X... était le véritable maître à une époque où il était maire de la commune du Moule ;
qu'Henri X... a pris, sous couvert de son fondé de pouvoir, un intérêt dans l'opération Copatel dont il avait la responsabilité et la surveillance en sa qualité de président du conseil de la SEM et maire de la commune du Moule ; qu'il importe peu, par conséquent, qu'il n'a pas signé personnellement le contrat en sa qualité de président de la SEM-maire de la commune du Moule et que celui-ci ait été signé par M. A..., adjoint au maire, agissant par délégation ; que, par conséquent, Henri X... s'est rendu coupable d'une confusion répréhensible entre ses obligations de dépositaire de la puissance publique, d'une part, et ses intérêts directs et indirects au sein de la société qu'il avait créée et dirigeait, d'autre part ; que le fait que pour tenter de sauvegarder l'apparence de la régularité, le contrat a été signé par un fondé de pouvoir, d'une part, et par l'adjoint au maire, d'autre part, révèle que le délit de prise illégale a été commis sciemment (...)" arrêt attaqué, p. 8) ;
"alors que, la prise illégale d'intérêt est une infraction intentionnelle ; qu'en l'espèce, en affirmant que ce délit aurait été commis sciemment, au regard du fait que le marché de travaux litigieux avait été conclu entre un fondé de pouvoir (pour le compte de la STPBM) et un adjoint au maire (pour le compte de la SEMH), sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier avait agi "par substitution d'office" du président du conseil d'administration de la société d'économie mixte, et si les deux signataires étaient intervenus de leur propre chef, sans en référer préalablement à Henri X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement que la commune du Moule, dont le maire, de mars 1977 à mars 1989, était Henri X..., a créé en décembre 1985, la société d'économie mixte hôtelière de la baie du Moule (SEMH), sous forme de société anonyme, dont le capital était détenu pour 62 % par la commune et pour le surplus par des actionnaires privés, dont le président du conseil d'administration était le maire et dont la raison sociale était l'acquisition et la rénovation d'un ensemble immobilier, et qu'Henri X... a créé en janvier 1987 une SARL, la société de travaux publics et de bâtiment du Montal (STPBM), dont la gérante de droit était son épouse qui lui a laissé les pleins pouvoirs dès l'origine ;
Que la STPBM a été agréée par la société d'économie mixte pour le marché de direction et de pilotage des travaux de réhabilitation de l'ensemble immobilier dont elle avait acquis la propriété, moyennant une rémunération de 10 % du montant des travaux, selon un contrat signé le 8 juin 1987 par Jean-Baptiste A..., administrateur, adjoint au maire, représentant la SEMH, et par Charles Z..., fondé de pouvoirs, représentant la STPBM ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'ingérence, les juges du second degré retiennent que la SEMH avait été créée par la commune du Moule en raison de l'intérêt général que présentait le développement touristique sur son territoire, qu'en sa double qualité de président de cette société et de maire, il avait la responsabilité et la surveillance de l'opération immobilière en cause, que, même si le contrat litigieux a été signé par le fondé de pouvoirs de la STPBM, Henri X..., sous couvert de celui-ci, a pris un intérêt dans l'opération dont il avait la surveillance et qu'il importe peu que, pour tenter de sauvegarder l'apparence de la régularité, il n'ait pas signé personnellement le contrat, celui-ci ayant été signé par l'adjoint au maire agissant par délégation ;
Qu'ils ajoutent qu'il s'est rendu coupable d'une confusion entre ses obligations de dépositaire de la puissance publique d'une part et ses intérêts direct et indirects au sein de la société qu'il avait créée, d'autre part, et qu'il a ainsi sciemment commis le délit reproché ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni de conclusions régulièrement déposées que le prévenu ait demandé l'application de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 ; qu'il ne saurait donc faire grief à la cour d'appel de ne pas avoir répondu à cette demande ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article 131-27 du Code pénal ;
Attendu qu'après avoir déclaré Henri X... coupable d'ingérence, les juges l'ont condamné, notamment, à titre de peine complémentaire, à 5 ans d'interdiction "d'exercer une fonction publique ", sanction "prévue par les articles 131-26 et 432-17, 1 , du nouveau Code pénal" alors que cette interdiction est prévue par les articles 131-27 et 432-17, 2 , du Code pénal ;
Que le prévenu fait valoir qu'il doit être fait application de l'article 131-27 du Code pénal pour l'exécution de cette peine ;
Attendu que, dès lors qu'il se fonde sur une éventuelle difficulté d'exécution de l'arrêt attaqué, qui relèverait de la procédure prévue aux articles 710 et 711 du Code de procédure pénale, le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.